Chapitre 27 Compressions Vasculaires
Syndromes du Défilé Cervico-Thoraco-Brachial
Le syndrome du défilé cervico-thoraco-brachial regroupe l’ensemble des manifestations neurologiques, artérielles, et veineuses dues à la compression intermittente ou permanente des éléments du hile du membre thoracique dans 3 défilés anatomiques : le défilé interscalénique, la pince costoclaviculaire et le canal sous pectoral (fig. 27-1).
Bien que connu depuis l’antiquité il faut attendre 1957 pour que Pett [1] rassemble ces syndromes sous le terme anglosaxon de thoracic outlet syndrome. Cette entité clinique continue actuellement de soulever des controverses tant dans le diagnostic que dans la thérapeutique. Sur le plan clinique la compression artérielle représente environ 3 % de la symptomatologie des défilés tout comme les compressions veineuses. Quatre-vingt à 90 % se manifestent par des compressions neurologiques dont la symptomatologie peut être elle-même classique ou non spécifique.
Historique
Les compressions vasculaires ou nerveuses siégeant au niveau de cette zone de transition entre la région thoracique, la région cervicale et la racine du membre thoracique sont connues depuis l’Antiquité où Gallien et Vésale considèrent la présence de côtes cervicales comme une simple curiosité en lui attribuant l’entière responsabilité des symptômes. Pour Mercier [2], c’est William Harvey en 1627 puis Sir Astley Cooper 1821 et Rob Adams en 1839 qui rapportent les premières descriptions cliniques de complications vasculaires liées à la présence d’une côte cervicale. Verneuil en 1857 et Coote en 1861 effectuent les premières résections de côtes surnuméraires
L’avènement à l’époque de la radiographie confirmera la banalité de cette affection retrouvée chez 1 % des sujets; seulement 10 % des sujets porteurs d’une côte cervicale en ont une traduction clinique. Il faudra attendre près d’un siècle pour que soient découvertes d’autres causes anatomiques de compression. Adson et Coffey [3] en 1927, Oshsner, Gage et De Bakey en 1935 puis Naffziger et Grant en 1938 définissent « le syndrome sans côte cervicale » ou « syndrome des scalènes »; ils proposent de le traiter par section du tendon scalénique. Adson recherche d’autres zones de compression. Falconer et Weddel [4] en 1943 montrent le rôle de la pince costoclaviculaire, Law décrit les anomalies ligamentaires du dôme pleural, Sicard [5] souligne l’importance des anomalies fibreuses associées aux malformations osseuses.
Loewenstein en 1924 puis Gould et Mac Cleery en 1948 mettent en évidence le rôle du muscle sous-clavier. Wright [6] en 1945 montre la responsabilité du muscle petit pectoral lors du mouvement d’abduction du bras, ce même auteur en 1948 a le mérite de découvrir que la possibilité de compression vasculonerveuse est liée plus à l’aspect dynamique des structures qu’aux structures elles-mêmes. À la suite des travaux de Leray, Walshe, Stone et Lord font de la compression neurovasculaire une maladie acquise ou congénitale de la ceinture scapulaire. Peet [1] insiste sur le rôle joué par la 1re côte dont la résection est indispensable pour traiter définitivement l’ensemble de la compression. Il introduit la notion de thoracic outlet syndrome en 1956 qui sera traduite en français par Mercier en 1973 sous le terme de « syndrome de la traversée thoracobrachiale ».
Anatomie
La traversée cervico-thoraco-brachiale est définie comme la succession de 5 espaces parcourus par les éléments vasculonerveux depuis la berge médiale du défilé des scalènes jusqu’à la racine du membre thoracique, au-delà de la tête humérale. Il s’agit du défilé intercostoscalénique, du défilé préscalénique, du canal costoclaviculaire, du tunnel sous pectoral et du billot de la tête humérale. Le passage dans ces régions anatomiques, physiologiquement étroites chez l’homme, peut être réduit par des anomalies osseuses ou musculoligamentaires. La fréquence de ces anomalies est importante sans qu’elles soient toujours symptomatiques.
L’étude anatomique de ces différents espaces doit être envisagée en position statique du membre thoracique et dans les conditions dynamiques qu’imposent les mouvements combinés du moignon de l’épaule et du membre thoracique.
Parmi les nombreuses études anatomiques consacrées à ce sujet, les travaux de Mercier [2], Patra, Brunet, Di Marino [7], font référence.
ANATOMIE MODALE
Défilé intercostoscalénique (fig. 27-2)
Étude statique
Limites
Le défilé intercostoscalénique est un espace triangulaire prismatique limité en avant par la face dorsale du muscle scalène antérieur sur lequel chemine le nerf phrénique, en arrière la face ventrale du muscle scalène moyen accompagnée du nerf thoracique long et en bas par la face supérieure de la première côte. Sa forme dépend du niveau d’insertion des scalènes et de l’obliquité de la première côte.
Contenu
L’artère subclavière chemine à la base de cette espace triangulaire, dans l’angle antéro-inférieur, juste derrière le tendon ou la jonction musculotendineuse du muscle scalène antérieur. Le plexus brachial, dont la direction est oblique en bas et latéralement, se distribue en arrière et au-dessus de l’artère contre la face ventrale du muscle scalène moyen. Les branches antérieures des 5e et 6e nerfs cervicaux, parfois réunies en tronc primaire supérieur, émergent près du sommet du défilé des scalènes. Le 7e nerf cervical, prolongé en tronc primaire moyen, est situé au dessus et en arrière de l’artère; le tronc primaire inférieur est lui situé contre la paroi postéro-inférieure de l’artère subclavière.
Anatomie descriptive
L’épaisseur du muscle scalène antérieur est plus importante en général médialement que latéralement. Il existe une torsion entre le tendon d’insertion costal du muscle scalène antérieur qui regarde en avant et en dehors, et le corps musculaire orienté plutôt vers l’avant. Ces dispositions anatomiques expliquent que l’orifice médial du défilé des scalènes est plus étroit que l’orifice latéral; l’artère et les nerfs y paraissent plus au large.
À l’intérieur de cet espace, il existe un certain nombre d’éléments fibreux relativement denses, disposés entre les scalènes antérieur et moyen près de leurs insertions inférieures, qui immobilisent l’artère. Ce feutrage est complété par des fibres tendues entre l’aponévrose cervicale, l’aponévrose préscalénique et l’adventice artérielle. La résection de ces éléments fibreux est bien sûr indispensable lors de la chirurgie du défilé interscalénique.
Mercier définit un « appareil de sustentation » de l’arc subclavier permettant de conserver à l’artère sa concavité inférieure. Cet appareil est constitué par le feutrage interscalénique, des connexions cellulofibreuses constantes entre l’adventice artérielle et les troncs du plexus brachial, et à un moindre degré par les collatérales supérieures de l’artère subclavière.
Variations anatomiques du défilé interscalénique
Insertion osseuse du muscle scalène antérieur
Un tendon complet n’est retrouvé que dans 20 % des dissections par Brunet [8] et présente dans ces cas un contingent musculaire dans sa partie moyenne. Ce tendon du scalène s’insère dans 70 % classiquement sur le tubercule de Lisfranc et dans 30 % des cas sur le segment antérieur de la première côte. L’angle costoscalénique définit par Billet est en moyenne de 60° mais variable. La portion distale du muscle scalène antérieur présente en dehors de cette insertion osseuse une expansion vers le fascia sus-pleural.
Les travaux de Sebileau, Rouvière et Testut ont depuis longtemps établi que la masse scalénique est « une et divisée »; les 3 muscles scalènes antérieur, moyen et postérieur forment une seule masse musculaire en haut et se divisent en bas pour laisser le passage aux éléments vasculonerveux. L’artère et le plexus brachial séparent en bas cette masse musculaire en 2 portions, 1 portion prévasculaire correspondant au muscle scalène antérieur et une portion rétroplexique correspondant à l’ensemble du muscle scalène moyen et postérieur. Les épaisseurs de ces 2 portions sont inversement proportionnelles, preuve de l’unité de l’appareil scalénique. Des anomalies de division musculaire expliquent la présence de muscles transplexiques pouvant agir comme agents compressifs du défilé intercostoscalénique; il est ainsi distingué les muscles interpédiculaires supérieurs entre le muscle scalène moyen et antérieur chez environ 2 % des sujets, des muscles interpédiculaires inférieurs correspondant aux muscles petits scalènes de Winslow (3 % des sujets) traversant les racines inférieures du plexus brachial ou s’interposant entre les racines et l’artère sous-clavière. Ces anomalies anatomiques musculaires expliquent la possibilité de bride ou de fronde interscalénique pouvant passer dans le plexus brachial au dessus ou en dessus de l’artère (type IV de Roos [9]).
Étude dynamique
Dans la manœuvre d’Adson [3] lors des mouvements combinés associant l’extension du cou, la respiration forcée et la rotation de la tête du côté examiné, l’artère est physiologiquement comprimée au bord médial du défilé interscalénique. Les mouvements combinant l’abduction du bras et la rétropulsion de l’épaule peuvent étirer les troncs primaires du plexus brachial qui se tendent sur la face ventrale du muscle scalène moyen. Cette tension est surtout importante sur le tronc primaire inférieur contre le tendon d’insertion de ce muscle scalène moyen. Ceci fait dire à Di Marino que la scalénotomie moyenne est au nerf ce que la scalénotomie antérieure est à l’artère.
Défilé préscalénique
Ce défilé est situé entre le 1er cartilage costal en bas, l’extrémité médiale de la clavicule doublée du muscle sous-clavier en bas et en avant, le tendon d’insertion du muscle scalène antérieur en arrière. Ce défilé correspond au passage de la terminaison de la veine subclavière. La paroi de cette veine est en relation anatomique étroite avec l’aponévrose cervicale moyenne et fait évoquer par Gillout l’existence d’un appareil sustentateur de la veine axillaire permettant le maintien de sa perméabilité.
Canal costoclaviculaire (fig. 27-3)
Étude statique
Ce canal est situé entre la face inférieure de la moitié médiane de la clavicule et de la face supérieure des segments moyens et antérieurs de la 1re côte. Il est fermé par 2 orifices, 1 orifice postérieur interosseux, costoclaviculaire et 1 orifice antérieur interostéomusculaire, limité par le muscle sous-clavier en haut et la 1 côte en bas. Ce muscle se présente le plus souvent comme une véritable lame musculaire débordant vers l’avant la face antérieure de la clavicule transformant l’orifice du canal costoclaviculaire en orifice ostéotendineux pratiquement indéformable et vulnérant pour les éléments vasculonerveux. Dans ce canal costoclaviculaire le compartiment antéromédial est lymphoveineux et le compartiment postéro- latéral est neuro-artériel. Ces 2 compartiments ont un diamètre réduit avec des grandes variations liées aux mouvements de la clavicule. La veine est comprimée essentiellement dans le compartiment antéromédial entre le muscle sous-clavier et la 1er côte, d’autant qu’il existe des adhérences entre la gaine du muscle sous-clavier et cette veine subclavière. L’aponévrose clavipectorale peut être renforcée par un ligament costocoracoïdien observé dans 5 % de dissections cadavériques de Mercier. Le ligament coracoclaviculaire de Henlé et Bourgery, plus constant, est une lame fibreuse qui naît du bord interne de l’apophyse coracoïde, et se termine, en dedans, sur la gaine fibreuse du muscle sous-clavier.
Étude dynamique
Jusqu’à 100e d’abduction la veine est libre dans le défilé costosous-clavier; au-delà elle vient buter contre le bord inférieur du muscle qui lui sert de poulie de réflexion. Lors de l’abaissement de l’épaule, l’espace costoclaviculaire se ferme; la veine subclavière et les troncs lymphatiques peuvent être comprimés. Cette compression est accentuée par la rétropulsion du moignon de l’épaule qui tend la corde du muscle sous-clavier. L’abaissement du moignon de l’épaule, associé à cette rétropulsion de l’épaule refoule la veine sur le billot costal lors de la manœuvre d’Eden [10]. L’hyper abduction du bras vient la plaquer au bord du muscle sous-clavier dans la manœuvre Wright [6].
Tunnel sous-pectoral
Étude statique
Le pédicule vasculonerveux passe ensuite en arrière du tendon du muscle petit pectoral, près de son insertion coracoïdienne. À ce niveau les troncs secondaires antéro-interne et antéroexterne donnent naissance au nerf médian. Dans 15 % des cas le bord latéral du muscle petit pectoral est fibreux, épais pouvant former un arceau rectiligne agressif pour les vaisseaux. Les vaisseaux axillaires et le plexus brachial, entourés de l’aponévrose clavi-pectoro-axillaire, cheminent dans un espace relativement large, comblé par du tissu celluloganglionnaire; ce tissu de glissement peut être insuffisant chez les sujets longilignes et maigres.
Étude dynamique
Lors de l’abduction, le pédicule cravate le tendon du petit pectoral et la tête de l’humérus comme une corde dans une poulie. L’apophyse coracoïde se déplace vers le bas dans les abductions forcées, augmentant cet effet de poulie. En abduction complète à 180° la rotation externe du membre thoracique accroît la tension du muscle petit pectoral. Le plexus brachial et les vaisseaux axillaires s’étirent sur le bord inférieur du tendon du muscle petit pectoral jusqu’à un angle de 100°.
Tête humérale
Elle peut exercer une pression importante sur ces éléments vasculonerveux dans des positions extrêmes mais ce type de compression est rare.
L’anatomie statique et dynamique nous explique que pour certains mouvements à la limite physiologique, la moindre variation structurale des différents espaces du défilé cervicothoraco-brachial peut induire des phénomènes compressifs sur les éléments vasculonerveux de passage.
VARIATIONS
Variations individuelles
L’âge joue un rôle évident comme le prouve la plus grande fréquence des troubles observés chez l’adulte jeune. L’évolution de la position fœtale, voisine du quadrupède, à celle de l’adulte en position érigée modifie les conditions de passage des pédicules vasculonerveux sur la première côte. La descente de la paroi antérieure du thorax entraîne un déplacement postérieur et inférieur de la clavicule, à ceci s’ajoute l’élargissement transversal de la cage thoracique jusqu’à l’âge adulte, au détriment du diamètre antéropostérieur plus grand chez l’embryon. Cette augmentation du diamètre transversal accentue la traction du plexus brachial et des vaisseaux sousclaviers. À partir de l’âge adulte le phénomène s’inverse, le diamètre transversal diminue alors que le diamètre sagittal tend de nouveau à augmenter. Cette descente progressive avec l’âge serait due à l’atrophie des attaches musculaires.
Le sexe : la plus grande fréquence des syndromes du défilé chez les femmes ne s’explique pas aisément, la distance bisacromiale étant pratiquement comparable dans les 2 sexes. Si l’on s’en tient à la physiologie musculaire, le rôle des facteurs hormonaux chez les femmes peut être évoqué. La laxité musculoligamentaire par imprégnation œstroprogestative peut entraîner chez la jeune femme la chute des épaules et par là, favoriser les phénomènes de compression.
Le morphotype : schématiquement le morphotype longiligne, à indice thoracique réduit, présente des clavicules tombantes. À l’inverse, chez les brévilignes, les clavicules sont horizontales ou relevées en dehors : dans ce type de morphotype les éléments du défilé sont au large et les syndromes de la traversée ne peuvent avoir une origine constitutionnelle contrairement au type longiligne.
Variations anatomiques
Au niveau du défilé des scalènes : les variations de l’appareil scalénique, connues depuis les travaux de Dubreuil, Chambardel et Radachi, ont été évoquées dans le chapitre concernant l’anatomie du défilé interscalénique. D’autres sont plus exceptionnelles : l’artère peut accompagner dans moins de 1 % des cas la veine subclavière et donc passer en avant du muscle scalène antérieur ou l’artère et la veine peuvent inverser leur trajet et le muscle peut également faire défaut.
Les variations de la 1re côte : elle peut avoir différentes obliquités, différentes formes plus ou moins incurvées, plus ou moins larges et plus ou moins courtes. Les côtes longues sont obliques donnant un orifice supérieur de thorax très incliné.
Les variations du muscle subclavier : l’existence de muscle subclavier accessoire a été décrite ainsi que l’existence de ligaments anormaux entre la coracoïde, la clavicule et la 1re côte représentant des variantes des ligaments costocoracoïdien ou coracoclaviculaire. Le passage de la veine axillaire à travers le muscle subclavier est rarissime.
MALFORMATIONS ACQUISES ET CONGÉNITALES
Elles différent des variations anatomiques que nous venons de voir et qui ne sont que des modulations de l’anatomie normale. On distingue les déformations acquises et les malformations constitutionnelles.
Déformations acquises
Au niveau de la clavicule, certaines fractures peuvent occasionner un rétrécissement du canal costoclaviculaire par les cals vicieux exubérants, le chevauchement important des fragments ou la perte de la courbure protectrice claviculaire (fig. 27-4).
Les pseudarthroses claviculaires sont rares mais peuvent entraîner des compressions du paquet vasculonerveux lors de la mobilisation du moignon de l’épaule.
Au niveau de la 1re côte, les cals vicieux consécutifs ou les exostoses sont exceptionnels.
Malformations constitutionnelles
On distingue les agénésies de la première côte, les côtes cervicales ou surnuméraires et les formations fibreuses surnuméraires. Ces malformations peuvent être associées.
Agénésies de la 1re côte
Leurs conséquences sont identiques à celles des côtes cervicales. L’agénésie antérieure est associée à un tractus intermédiaire fibreux contre l’arc moyen et la 2e côte, l’agénésie médiane a un pont fibreux, l’agénésie totale a un contexte malformatif plus global avec une agénésie controlatérale ou une malformation de la deuxième côte. On peut rapprocher de ces anomalies une première côte très large, porteuse de différents orifices, correspondant à la fusion d’une côte cervicale avec la 1re côte.
Côtes cervicales (fig. 27-5)
Elles sont dues à un développement plus ou moins important du bourgeon costal cervical qui existe normalement chez l’embryon humain et qui donne seulement la branche ventrale du trou transversaire de la 7e vertèbre cervicale. Leur fréquence est diversement appréciée 0,06 pour Adson, 0,5 % pour Lewis et Dale, 0,12 % pour Firsov et 1 % pour Simon. Elles sont bilatérales dans 50 % des cas. Le 1er stade de côtes surnuméraires est l’apophysomégalie souvent prolongée par un ligament fibreux très solide, reliant le sommet du processus transverse de la 7e vertèbre cervicale à la 1er côte, en arrière du tubercule des scalènes antérieurs (type II de Roos [9]). Cet élément fibreux est traumatisant pour le plexus brachial.
Les côtes cervicales se distinguent anatomiquement en côtes complètes et incomplètes. Les côtes cervicales complètes forment un véritable arc costal entre l’attache dorsale vertébrale et l’attache ventrale costale ou sternale, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’un ligament fibreux.
Les côtes cervicales incomplètes sont constituées par la portion dorsale de l’arc costal. Leurs extrémités ventrales peuvent être libres mais généralement prolongées par des formations fibreuses s’insérant sur la 1re côte. La direction de ce trousseau fibreux conditionne la déformation artérielle et la compression des dernières racines du plexus brachial. Ces rapports expliquent que les traumatismes réalisés des milliers de fois par jour, par les mouvements de l’épaule et du membre thoracique, peuvent entraîner des compressions anatomiques.
Trousseaux fibreux et muscles anormaux
Ils ont été classés par Roos [9] en 9 types : le type I est un trousseau fibreux reliant la côte surnuméraire et la 1re côte. Le type II représente les fibres tendues entre l’apophysomégalie de la 7e cervicale et la 1re côte; il constitue une hypertrophie du ligament transversopleural classique. Le type III unit le corps de la 7e vertèbre cervicale à la 1re côte. Le type IV le plus fréquent est représenté par une bandelette fibreuse tendue en pont entre le col de la 1re côte et le corps de celle-ci, immédiatement en arrière du tubercule de Lisfranc, et correspondant au faisceau latéral du ligament costopleural. Le type V correspond au muscle petit scalène tendu entre l’apophyse transverse des 6e et 7e vertèbres cervicales et s’insérant en bas sur le tubercule scalénique de la 1re côte. Le type VI est identique au précédent et s’insère sur le dôme pleural. Le type VII est une corde fibreuse musculaire entre le scalène antérieur et la 1re côte, passant sous la veine subclavière. Le type VIII proche du précédent naît sur le scalène moyen. Le type IX est très proche du type III, il s’agit d’un fascia plat comblant la courbure de la 1re côte et dépassant la racine thoracique du plexus brachial, responsable le plus souvent de symptomatologie dans le territoire du nerf cubital.
Conséquences physiopathologiques
CONSÉQUENCES NERVEUSES
Elles sont d’abord de type inflammatoire avec une atteinte sensitive première. Les signes moteurs sont plus tardifs, la récupération sera à ce stade plus aléatoire. Cette compression nerveuse peut être responsable de troubles vasomoteurs par action sympathique au niveau des fibres les plus exposés de C8 et D1, mais plus récemment la fréquence des lésions de la partie supérieure du plexus brachial est rapportée.
LÉSIONS ARTÉRIELLES
Les microtraumatismes peuvent entraîner une fibrose périartérielle et des altérations pariétales. Ces phénomènes peuvent aboutir à la formation d’un thrombus intraluminal à risque embolique. Les migrations distales dans les artères digitales se traduisent par des phénomènes ischémiques et par des ulcérations digitales. L’anévrisme poststénotique ne se voit le plus souvent qu’avec une anomalie osseuse qui détermine une compression artérielle permanente. Ces anévrismes fusiformes sont susceptibles de se thromboser et d’emboliser (fig. 27-6).
CONSÉQUENCES VEINEUSES
Dans un 1er temps il s’agit d’une augmentation de la pression d’amont avec une stase périphérique. Progressivement les microtraumatismes répétés sont responsables d’une fibrose veineuse avec un développement de la circulation collatérale. L’évolution peut se faire vers la thrombose veineuse (fig. 27-7) ou thrombose d’effort. Si la circulation collatérale a pu progressivement se développer, la thrombose n’aura que peu de conséquences hémodynamiques. Dans le cas contraire, elle peut entraîner une véritable maladie postthrombotique du membre thoracique. Ces signes permanents sont rares, et dans la grande majorité des cas, la compression veineuse réalise un tableau d’obstruction intermittente de la veine subclavière.
Symptomatologie clinique
Aucun signe n’est pathognomonique du syndrome de la traversée cervico-thoraco-brachiale. Les circonstances de découverte sont variées, expliquant l’errance fréquence du diagnostic.
CIRCONSTANCES DU DIAGNOSTIC
Le syndrome du défilé se rencontre avec une prédominance chez la femme et un maximum de fréquence entre 30 et 50 ans. Les traumatismes révèlent fréquemment cette pathologie, posant de difficiles problèmes médicolégaux. Les plus fréquents sont les antécédents de traumatismes cervicaux en extension forcée et les traumatismes de la clavicule.
SIGNES CLINIQUES
Signes neurologiques
Ils sont nettement prédominants et retrouvés dans 90 % des cas. Les douleurs à types de crampes ou de lourdeurs voire d’impatience. Dans le cas d’atteinte des racines C5, C6 et C7, la douleur se situe à la face latérale du cou et irradie vers l’oreille, la mâchoire, la face et la région occipitale. Elle peut également irradier dans la région postérieure, dans la région pectorale ou latéralement vers le trapèze et le deltoïde, voire redescendre vers la face latérale du bras. Dans le cas d’atteinte des racines C8 et D1, la douleur est volontiers sus-scapulaire, cervicale postérieure, et à la face médiale du bras suivant le territoire du nerf cubital. L’impotence fonctionnelle prédomine au bras et au poignet pour l’atteinte du plexus supérieur, au bras et à la main pour le plexus inférieur. Les paresthésies à type d’hypoesthésies et de fourmillements se retrouvent dans le territoire du nerf cubital pour l’atteinte du plexus inférieur; pour le plexus supérieur ces paresthésies sont situées au niveau du lobe de l’oreille, en arrière de l’épaule à la face latérale du bras. Le déclenchement de cette symptomatologie est différent suivant les types d’atteinte du plexus : pour les formes supérieures en rotation de la tête et flexion du cou; pour le type inférieur par le port de poids et par les exercices avec le bras surélevé.
Signes veineux
Ils se présentent sous 3 tableaux évolutifs. L’obstruction intermittente de la veine subclavière se traduit par un œdème global du membre supérieur prédominant à la face dorsale de la main et des doigts avec une turgescence anormale des veines superficielles du membre thoracique. Ces signes sont accompagnés d’une sensation d’engourdissement du membre thoracique et quelquefois de la région mammaire homolatérale. Ils nécessitent d’être recherchés en position de contrainte. Ces signes sont intermittents, le malade venant consulter avec un membre apparemment sain.
La thrombose aiguë ou thrombose d’effort est souvent déclenchée par un effort du bras en position de contrainte. Elle complique souvent un passé clinique d’obstruction intermittente sans qu’un facteur déclenchant soit toujours retrouvé. Dans la thrombose veineuse aiguë, l’œdème est global sur l’ensemble du membre thoracique et associé à une douleur du creux axillaire irradiant à la face médiale du bras. Il s’associe une impotence fonctionnelle. La circulation collatérale apparaît assez rapidement parallèlement à la régression de l’œdème. L’examen clinique cherchera dans le creux axillaire un cordon dur correspondant à la veine axillaire thrombosée.
Le troisième tableau est celui des séquelles postthrombotiques associant lourdeur et fatigabilité à l’effort. Ces séquelles sont plus ou moins invalidantes en fonction du développement de la circulation collatérale.
Signes artériels
Plus rares, ils dominent le tableau clinique dans environ 3 % des cas. Il peut s’agir d’ischémie intermittente à type de claudication du membre supérieur avec douleurs et crampes survenant lors d’un effort soutenu du membre et ne cédant qu’à l’arrêt progressif de celui-ci. Permanente elle doit faire évoquer une oblitération de l’artère subclavière. L’ischémie distale peut se traduire par des phénomènes vasomoteurs et des troubles trophiques de la pulpe des doigts. La physiopathologie de ces phénomènes vasomoteurs reste controversée et ils se différencient des phénomènes de Raynaud car se limitent souvent à un ou deux doigts. Ils peuvent être la traduction d’une thrombose digitale par pluie d’emboles provenant de l’artère subclavière.
L’ischémie aiguë est en rapport avec une migration embolique à partir d’un anévrisme, plus rarement avec son oblitération.
La très grande rareté d’une ischémie digitale sévère et permanente en rapport avec un syndrome du défilé cervicothoraco-brachial impose un bilan très complet spécialisé pour rechercher les autres causes plus fréquentes d’ischémies digitales.

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