27: Aspects médicolégaux

Chapitre 27 Aspects médicolégaux




27.1 Introduction



La psychiatrie est une discipline médicale à part entière. On pourrait donc considérer qu’il s’agit d’une discipline comme les autres. Toutefois, une de ses particularités réside dans le fait que depuis 1838, au moment où la loi a promu les aliénés en malades, en sujets, le cadre législatif a été défini dans une visée essentiellement soignante et non contraignante.


À titre d’exemple, la loi du 30 juin 1838 avait pour but de protéger les malades aussi bien pour eux-mêmes que pour leurs biens, et d’encadrer leurs soins. Celle du 15 avril 1954, inapplicable et inappliquée, cherchait à soigner les alcooliques réputés dangereux. La loi du 3 janvier 1968, tenant compte des avancées des thérapeutiques, s’est extraite de celle de 1838 pour permettre une protection des biens.


La loi du 27 juin 1990 est venue, même si elle en conserve la forme, se substituer à celle de 1838 sur l’hospitalisation sous contrainte. Elle introduit deux éléments particuliers : outre des changements de terminologie, la notion de service libre et de protection des personnes contre l’arbitraire, ce qui est différent de la notion de protection du malade comme auparavant.


À l’époque de son élaboration (1989–1990), peu de gens se plaignaient de la loi de 1838 (ni les usagers, ni les professionnels), d’autant qu’elle avait été amputée de la partie protection des biens et complétée par les lois de 1981 (dite sécurité et liberté) et surtout de décembre 1985 sur la sectorisation.


En fait, tous les pays européens avaient modifié leur loi et on ne pouvait fêter le bicentenaire des libertés (1789–1989) en maintenant un système critiqué par le Conseil de l’Europe et les recommandations de l’Onu.


Enfin, la loi du 4 mars 2002, tenant compte de l’évolution de la société, est venue définir les droits des patients avec une partie importante concernant la psychiatrie.


La réglementation qui entoure la pratique de la discipline psychiatrique représente donc un apport au soin, en tenant compte de la modernisation des traitements et de l’évolution sociologique.


Ces modifications conduisent ainsi à un certain paradoxe lié à la discipline elle-même : il est naturel que le malade, même s’il souffre de troubles psychiques, conserve ses droits les plus élémentaires, notamment celui de participer à ses soins, en entretenant avec les professionnels de santé un dialogue constructif.


Un des éléments clés de cette prise en compte du patient réside dans la présence, au sein des conseils d’administration des établissements psychiatriques, des représentants des familles et des patients qui deviennent donc administrateurs au même titre que les autres.


Par ailleurs, la souffrance psychique peut être telle que la personne qui en est atteinte nécessite pendant un temps d’être protégée, tant pour elle-même que pour les autres, et puisse donc être hospitalisée sans son consentement, voire traitée, voire contenue…


On se trouve donc devant deux forces contradictoires, l’une qui pousse à rendre le malade mental le plus libre possible, l’autre qui pousse en sens contraire pour l’exclure du système social. Or, si l’une est constante (la force libératrice) depuis 1838 jusqu’à 2002, l’autre est fluctuante en fonction des événements, qu’ils soient médiatiques, économiques, voire politiques.


De la même façon, on se trouve devant un système qui promeut le soin ambulatoire au détriment du soin hospitalier tout en réclamant le maximum de sécurité. Ces contradictions risquent de ne pas être sans effet sur certaines errances thérapeutiques.


On pourrait envisager un début de solution si le regard posé sur le malade mental évoluait. En effet, d’un côté on le considère de façon paternaliste comme un sujet à protéger en permanence, et de l’autre côté comme un criminel en puissance.


Pour toutes ces raisons, aujourd’hui comme auparavant, le malade mental et ses soignants se trouvent au croisement entre soin, social et juridique, avec une intrication de ces trois facteurs.


Cette situation rend difficile la réponse aux exigences actuelles liées à l’efficacité et à la responsabilité. Sans doute aujourd’hui le point culminant réside dans le sort qui est fait à la population carcérale : nul n’ignore le poids des troubles psychiques présentés par les détenus. Les modifications de la notion d’irresponsabilité (ancien article 64), en discernement aboli ou altéré, ont amené à la responsabilisation totale ou partielle de personnes présentant des troubles mentaux plus ou moins lourds mais qui ont du mal à supporter la détention.


Pour autant, ils ne pourraient être aisément soignés dans les services d’hôpitaux psychiatriques classiques eux-mêmes censés recevoir en intrahospitalier des malades présentant des caractéristiques franches de leur maladie.


De plus, lorsqu’ils parviennent au sein de ces hôpitaux, habituellement pour des troubles transitoires aigus (art. 398 du code pénal), il est difficile au service receveur de privilégier la détention dans le cadre avant tout soignant : ces patients devant être considérés comme des détenus (interdiction de communication avec l’extérieur, hospitalisation d’office même s’ils sont dangereux du point de vue social et non pas du point de vue psychiatrique) devant être traités à part, les excluant, dans un lieu qui se veut resocialisant, de la fréquentation des autres pensionnaires, de leur entourage…


Il était difficile lors des ouvertures des SMPR (services médicopsychologiques régionaux) d’envisager qu’ils seraient si vite débordés. La solution apportée par les UHSA (unités d’hospitalisation spécialement aménagées) risque de subir le même sort.


On se trouve donc devant des situations carrefours que la loi a bien de la peine à résoudre, avec des sujets difficiles à soigner, qui offensent la société.


Dans un registre identique, depuis bien longtemps, certains patients que l’on nomme psychopathes présentent la même difficulté. Ni psychotiques, ni névrotiques, ils se manifestent par leur trouble de comportement avec passage à l’acte. En fonction de paramètres fluctuants, ils se retrouvent soit du côté pénitentiaire, soit du côté hospitalier, sans que ces institutions ne parviennent à les aider de façon correcte. Eux aussi génèrent des difficultés auprès de leur entourage, mais les réponses qui leur sont fournies sont la plupart du temps inadéquates. Toutes ces personnes (détenus malades mentaux et psychopathes), jusqu’à ces derniers temps, étaient maintenues dans des zones frontières, avec les risques que cela implique. Ces risques étant tacitement assumés par la société.


Actuellement, la transformation progressive des mœurs s’oriente vers la prise en charge prioritaire des victimes et de leur entourage, lui-même considéré comme victime. Ceci implique l’apparition de notion de traitement psychologique, inventaire des troubles, et réparation. La réparation étant bien souvent liée à la recherche de responsabilités ; l’aléa thérapeutique étant rarement satisfaisant. Cependant, souvent l’auteur des délits, voire des crimes, est reconnu irresponsable, ce qui paraît insupportable aux victimes et à leur entourage, de sorte que de plus en plus souvent, établissements et psychiatres sont eux-mêmes recherchés comme responsables. Il est évident que de telles menaces ne peuvent que modifier le système de soins car la partie des risques au cours de la thérapeutique, nécessaire à l’évolution des malades mentaux (notamment lors des permissions et des sorties), se trouve réduite.


En revanche, un pas considérable a été franchi ces dernières années dans le traitement des victimes exposées à des événements traumatiques (attentats, accidents, etc.) par les cellules d’urgence médicopsychologique.


Leur succès et la satisfaction des patients sont liés dans ce cas à la déconnexion totale entre l’auteur, les responsables de l’accident bien repérables, et les thérapeutes mis à disposition.


Ainsi, et ceci est particulier à la psychiatrie, le système médicolégal en place n’est pas gravé dans le marbre du Journal Officiel mais en perpétuelle évolution, non seulement par la jurisprudence qui lui est appliquée, mais par la façon dont il est utilisé sur le plan thérapeutique lui-même soumis aux pressions extérieures.



27.2 Législation et psychiatrie


B. Lachaux


« Le malade mental se trouve au carrefour du trouble du comportement et du trouble de l’ordre public ; de sorte que les études de psychiatrie font la part belle au juridique, d’autant que la loi devient souvent moyen thérapeutique. » F. Caroli


L’articulation entre droit et psychiatrie est complexe. Si la logique juridique est collective et sociologique, la logique médicale est avant tout individuelle et, concernant la psychiatrie, psychologique.


Par ailleurs la société se modernise sans cesse et, en conséquence, le droit évolue. Une des principales mutations actuelles est par exemple, dans l’éventualité d’un préjudice quelconque, le passage d’un fondement de la réparation sur la faute à un fondement de la réparation sur la responsabilité. De plus, la société qui prend acte des progrès de la médecine tend de nos jours vers une obligation de résultats et de gestion des risques. Une autre perspective nouvelle de l’exercice médical illustrée par la loi du 4 mars 2002 est le droit des patients : droit aux soins, au savoir, au pouvoir de décider, etc. Une particularité française réside dans le caractère centralisé de l’administration. C’est le droit administratif qui régit les hospitalisations et les soins, éventuellement sans consentement. La loi du 30 juin 1838 appartenait à une logique très « hospitalocentrée ». Celle du 27 juin 1990 a vu certes la terminologie modifiée mais sans changement réel de la philosophie. L’exercice actuel de la psychiatrie implique que les soins soient le plus souvent assurés hors des murs de l’hôpital alors que la législation reste construite sur la base de soins intrahospitaliers. Seront successivement envisagés : la charte des patients hospitalisés (6 mai 1995), la loi du 4 mars 2002, le cas particulier des urgences, les modalités des hospitalisations psychiatriques, les différents régimes de protection, puis les expertises. Une réflexion générale sur le concept d’évolution du droit clôturera cette partie.



Charte des patients hospitalisés du 6 mai 1995


Ce texte, qui a maintenant plus de 15 ans, traite :



de l’accès au service public hospitalier ;


des conventions avec des associations de patients ;


des soins ;


dans son article 4 du cas de l’enfant hospitalisé, en précisant que les mineurs sont informés des actes et examens nécessaires à leur état de santé, en fonction de leur âge et de leurs facultés de compréhension, dans la mesure du possible et indépendamment de l’indispensable information de leurs représentants légaux ;


des majeurs protégés qui doivent bénéficier d’une information appropriée ;


de la famille et des proches qui doivent pouvoir disposer d’un temps suffisant pour pouvoir avoir un dialogue avec les médecins responsables ;


du fait de laisser le patient dans l’ignorance d’un pronostic grave ou d’un diagnostic grave, qui doit reposer sur des raisons légitimes et qui doit demeurer exceptionnel ;


du principe général du consentement préalable qui doit être éclairé, c’est-à-dire que le patient doit avoir été préalablement informé des actes qu’il va subir, des risques normalement prévisibles en l’état des connaissances scientifiques ;


du consentement spécifique pour certains actes (recherche biomédicale, traitement de données nominatives, don et utilisation des éléments et des produits du corps humain, assistance médicale à la procréation et du diagnostic prénatal, études des caractéristiques génétiques, dépistage notamment du VIH) ;


de la liberté individuelle, au sens où un patient hospitalisé peut, à tout moment, quitter l’établissement après avoir été informé des risques possibles pour son état, et après avoir signé une décharge ; hors les cas des personnes ayant nécessité une hospitalisation en raison de troubles mentaux (hospitalisation à la demande d’un tiers ou d’office) ;


du respect de la personne et de son intimité ;


du droit à la vie privée et à la confidentialité (article 9 du code civil et de la convention européenne des droits de l’homme).



Loi du 4 mars 2002


Cette loi comprend trois aspects : le droit à l’information ou le devoir d’informer avec les occurrences qui l’accompagnent sur les plans du secret professionnel ou du consentement aux soins. Il s’agit là d’une confirmation d’un principe souvent méconnu : l’accès au corps d’autrui, et plus largement à l’intimité d’autrui, dans une relation thérapeutique est dérogatoire au principe général qui normalement en assure l’interdiction absolue ; les principes fondamentaux en sont :



un rappel des droits de la personne en termes de protection de la santé, de respect de la dignité, de respect de la vie privée et au secret des informations, de droit de recevoir des soins les plus appropriés et traitements dont l’efficacité est reconnue, de droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur ;


la communication directe au patient du dossier médical, ou plus exactement des informations médicales le concernant ; directement ou par l’intermédiaire d’un médecin :







l’introduction d’un nouveau droit pour le patient : celui de désigner « une personne de confiance »pour l’accompagner dans son cheminement thérapeutique et qui a pour conséquence inédite une triangulation de la relation thérapeutique. Il s’agit d’un parent, d’un proche ou du médecin traitant ;





la modification du droit des assurances et de la responsabilité des médecins en cas de faute en créant un niveau supplémentaire de régulation et de règlement des préjudices avec un dispositif régional et un Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) ;


l’autorisation de la pratique de l’ostéopathie sous certaines conditions.1




L’hospitalisation


Au sujet de l’hospitalisation sans consentement, qui ne concerne rappelons-le que 20 % des patients hospitalisés en psychiatrie publique, la référence est maintenant la loi du 5 juillet 2011 et ses décrets d’application du 18 juillet 2011, applicables depuis le 1er août 2011 à la suite de la réponse du conseil constitutionnel à deux questions prioritaires de constitutionnalité (sur les hospitalisations sur demande d’un tiers en décembre 2010 et sur les hospitalisations d’office en juin 2011).


C’est par rapport à la loi du 27 juin 1990, qui n’était qu’une évolution sur la forme de la loi du 30 juin 1838 dont elle gardait, sur le fond, la logique hospitalo-centrée et les modalités , une véritable mutation avec :




Différents modes de soins sous contrainte en hospitalisation




Admissions prononcées sur décision du représentant de l’État (préfet)


Pour les admissions SDRE (sur décision du représentant de l’État), s’il y a désaccord entre le psychiatre et le préfet, il existe deux cas de figure :



En dehors de l’hospitalisation complète, les personnes justifiant de soins psychiatriques à la demande d’un tiers et sur décision du représentant de l’État peuvent être prises en charge dans le cadre d’une alternative à l’hospitalisation complète : le programme de soins. Ce programme précise les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité.


Une période initiale de soins et d’observation correspond aux 72 premières heures, la décision de soins sans consentement est déjà prise. Mais elle impose :



Le juge a le seul pouvoir de valider ou d’invalider la mesure en cours mais il ne peut pas la modifier. En cas de décision de lever d’une hospitalisation complète, le JLD peut acter que cette levée ne prendra effet qu’à l’issue d’un délai de 24 heures maximum, ce délai étant destiné à permettre à l’équipe médicale d’enclencher, si cela s’avère nécessaire, un programme de soins.


Des dispositions spécifiques sont prévues pour les patients en hospitalisation sur demande du représentant de l’État. Elles concernent les personnes hospitalisées sur demande du représentant de l’État dans le cadre d’une irresponsabilité pénale (art. 122-1 alinéa 1 du code pénal) ou en unité pour malades difficiles (UMD), ou ayant été hospitalisées dans ce type d’unité plus d’un an et depuis moins de 10 ans. Dans ce cas, la fin de l’hospitalisation complète ne peut se faire par le représentant de l’État qu’après avis d’un collège de soignants composé du psychiatre du patient, d’un autre psychiatre, d’un membre de l’équipe pluridisciplinaire qui prend en charge ce patient (infirmier, cadre de santé, psychologue, assistant social, etc.).





La protection des incapables majeurs


La loi du 5 mars 2007, applicable depuis le 1er janvier 2009, est venue modifier les enjeux de la loi précédente datant du 3 janvier 1968. L’objectif de cette nouvelle législation était :



Sont ainsi exclues les situations de précarité et d’exclusion sociales avec la suppression des motifs de protection pour cause de « prodigalité, intempérance ou oisiveté » et plus globalement de la tutelle aux prestations sociales (concernant les personnes sans altération de leurs facultés mentales ; mais incapables de gérer leurs ressources). Elles sont remplacées par un dispositif d’accompagnement social, et de prises en charge dans le cadre de nouvelles mesures d’aide et d’accompagnement social.


L’évaluation de la pertinence d’une mesure de protection impose toujours le constat d’une altération des facultés par un certificat médical circonstancié prévu à l’article 431 du code civil. Le certificat médical doit :



Les principales modifications concernent :



la création d’un « mandat de protection future », permettant :




la conservation de deux niveaux de protection avec la mise sous tutelle (représentation dans tous les actes de la vie civile) ou de la mise sous curatelle (conseil et contrôle dans les actes de la vie civile) ;


le renforcement des droits de la personne protégée :





le renforcement du contrôle des tuteurs et des curateurs :





L’expertise


Il existe différents types d’expertises :



Les particularités de la nomenclature Dinthilac sont précisées dans l’encadré 27.1.



Encadré 27.1 Nomenclature Dinthilac


Dans le cadre de l’évolution des missions d’expertise, il convient de considérer le dommage comme une atteinte à l’intégrité physique ou psychique, et établir que l’évaluation médicale est différente de l’évaluation indemnitaire. Dans une telle perspective la généralisation de la nomenclature Dinthilac pour les indemnisations est un point d’évolution important en matière de procédure. Car les missions ont évolué, conséquence du fait que l’évaluation de la fonction prend le pas sur celle de la lésion. Cette évolution a comme conséquences :



La nomenclature Dinthilac à la fois modifie la façon de concevoir l’indemnisation et clarifie la position de l’expert dont le rapport devient une base. Car l’évaluation du dommage relève du domaine médical et celui de la réparation du domaine judiciaire ; le juge ne peut réparer que ce qui est demandé. Mais cette étape est aussi à replacer dans le cadre plus général d’une réforme du droit de la réparation, et d’une réforme du droit de la responsabilité. En termes d’avenir, une part seulement du chemin est faite car une fois la nomenclature adoptée, il restera à évaluer le montant des indemnisations de façon spécifique au cas par cas, avec l’aide de référentiel(s).





Du suivi sociojudiciaire à la rétention post-pénale


Il y a un cheminement traduisant sous la forme de différents textes de loi une volonté sociale qui fait varier un droit humaniste vars un droit utilitariste. Dans ce contexte, les médecins psychiatres sont doublement interpellés comme cliniciens thérapeutes et comme médecins experts :



la loi du 17 juin 1998 concerne les infractions sexuelles : le suivi sociojudiciaire qui peut inclure, après avis d’un expert psychiatre, une obligation concernant les soins ;


la loi du 15 juin 2000 (dite « loi Guigou » ) établit la présomption d’innocence et réforme en conséquence la détention provisoire notamment en créant la fonction de juge des libertés et de la détention. La personne concernée par une hospitalisation sans consentement en HO (hospitalisation d’office) peut la contester devant le juge des libertés et de la détention ;


la loi du 9 septembre 2002 crée les UHSA dont la première s’est ouverte à Lyon début 2010. Les UHSA ont pour mission la prise en charge en charge des hospitalisations pour troubles mentaux des personnes détenues, avec ou sans consentement ;


la loi du 10 mars 2004 crée un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes ;


la loi du 12 décembre 2005 crée la surveillance judiciaire, non cumulable avec le suivi sociojudiciaire ou la libération conditionnelle, et concerne des personnes dangereuses après leur libération, pour des faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi. En cas de risque avéré de récidive, le juge d’application des peines peut demander une expertise de dangerosité ;


la loi du 10 août 2007 aborde deux éléments :




la loi du 25 février 2008 (dite « loi Dati ») prévoit la possibilité après l’exécution de la peine :





Conclusion


Une mutation est en marche : un système meurt, il était construit sur une logique médicale paternaliste guidée par le principe de protection avec comme références l’implicite et l’oral ; un autre système apparaît ; il reposera sur une logique différente, très consumériste, construite autour du principe d’autonomie, dont les nouveaux repères et les nouvelles règles sont l’explicite et l’écrit. Il y a ainsi un bouleversement profond des fondements du droit pénal :



On assiste à un changement de paradigme qui fait passer tant les références que l’organisation :



Mais ce changement de paradigme a comme conséquence un bouleversement fondamental des rôles. Il y a disparition comme tels des rôles joués classiquement par le juge et le médecin ; car ce ne sont plus eux qui procèdent à l’évaluation et qui prennent la décision. L’évaluation et la décision dépendent maintenant d’un transfert de compétence vers une commission : la Commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (CPMS). Cette commission est une représentation du corps social qui :



Le système pénal évolue vers l’automatisme des sanctions qui est une conséquence de :



Dans les centres de rétention médicojudiciaire (loi 2008 sur la rétention de sûreté) :



Dans un système équivalent au principe de précaution ainsi transposé du risque écologique au risque humain, dans une analogie déshumanisée de l’être humain considéré comme un produit dangereux, cela fait disparaître :



L’égalité déshumanisée est un leurre. L’équité nécessite que soient rétablies sans cesse des équivalences pour celui que la maladie affaiblit. Faute d’une telle reconnaissance, l’information — qui devrait être conçue pour permettre au patient une réappropriation — risque d’évoluer vers une information, conçue pour se protéger. Ces deux façons de concevoir l’information sont très différentes car l’une ouvre et l’autre ferme : c’est un véritable choix à faire car la répartition des risques n’y est pas la même et il faudra bien que les patients rebaptisés « usagers » prennent leur part de devoirs et de responsabilité. Là où certains croyaient promouvoir le principe d’autonomie, risque surtout de se développer le principe de précaution. Les médecins deviendraient alors des « Ponce-Pilate » détachés d’une décision, dont ils ne seraient que les conseillers et les gestionnaires, mais en aucun cas les responsables.



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27.3 Les expertises en psychiatrie



Les puissantes relations entre la maladie mentale, le comportement et la vie sociale conduisent à ce que la pratique expertale soit plus développée dans ce domaine que dans les autres spécialités médicales. Selon une définition simple, l’expert est un sachant auquel un organe de décision fait appel pour l’éclairer sur une question technique participant à cette décision. L’image habituelle rattache l’expert psychiatre à la justice pénale et à la notion d’irresponsabilité mais, depuis de nombreuses années l’évolution sociale conduit à son intervention dans beaucoup d’autres branches de la décision judiciaire ainsi qu’à des situations sans lien avec la justice. Au sens strict, l’expert est un psychiatre inscrit sur une liste établie par les cours d’appel ou la cour de cassation mais, au sens général, c’est celui qui accepte une mission d’évaluation. Il est alors dans une situation différente de celle du médecin traitant, ce qui explique que le code de déontologie lui ait consacré des articles spécifiques (art. 4127-105 à 108 du CSP). Ces règles de déontologie s’imposent dans toute activité expertale :



Quelques notions sont propres à la pratique de l’expertise. Sans les développer, il est nécessaire de rappeler que :



La pratique de l’expertise suppose de connaître parfaitement la procédure dans laquelle on intervient car les règles peuvent être très différentes d’une situation à une autre ou d’un cadre à un autre [5].


La pratique expertale suppose un savoir complémentaire en matière juridique mais également criminologique, sociologique et également psychologique [4].



Les expertises judiciaires



Expertise pénale


L’expertise pénale [13] est réalisée en référence aux articles 156 et suivants du code de procédure pénale (CPP) qui déterminent qu’elle peut être ordonnée par toute juridiction d’instruction ou de jugement. Elle peut aussi être ordonnée par le tribunal correctionnel ou le tribunal de police conformément aux articles 434 et 536 du CPP. En référence à l’ article 283 du CPP, une expertise pénale peut être ordonnée par le président d’une cour d’assises si l’instruction lui semble incomplète ou si des éléments nouveaux ont été révélés. Les réquisitions à des personnes qualifiées (psychiatre de garde ou urgentiste, etc.) ne sont pas au sens strict du terme des expertises pénales : elles ont avant tout pour objet de déterminer l’état mental actuel de l’intéressé, la nécessité de soins ou la compatibilité avec une garde à vue. La juridiction désigne le plus souvent un expert, mais une dualité d’experts est souhaitable dans des affaires criminelles complexes. La juridiction fixe les termes de la mission et donne un délai à l’expert. L’expertise pénale n’est en général pas contradictoire ; cependant les parties, que ce soit le ministère public et le mis en examen ou les parties civiles, ont un regard sur l’expertise. Les parties reçoivent les conclusions du rapport et les avocats peuvent recevoir une copie.


Quatre types d’expertises psychiatriques pénales peuvent être demandés par la juridiction : l’expertise psychiatrique ou l’ examen médicopsychologique avant jugement, l’expertise de prélibération conditionnelle et les expertises réalisées en application de la loi du 17 juin 1998 sur les auteurs d’infractions sexuelles. Le psychiatre peut être aussi sollicité pour l’expertise de la victime.


L’expertise psychiatrique avant jugement a pour objectif de repérer des troubles mentaux et de déterminer si ceux-ci sont en rapport avec le passage à l’acte criminel conformément au code pénal (CP). Il s’agit de déterminer si l’intéressé était atteint d’un trouble mental ayant soit aboli (article 122-1 alinéa 1 CP) soit altéré (article 122-1 alinéa 2 CP) son discernement. L’irresponsabilité pénale n’est acquise que quand il existait au moment des faits une abolition du discernement en rapport avec une pathologie psychiatrique reconnue. Il s’agit alors, pour la plupart des experts, de psychoses chroniques notamment schizophréniques en poussée évolutive, de bouffées délirantes, de troubles thymiques en phase aiguë (mélancolie ou manie), de confusion mentale ou encore d’une détérioration cognitive au décours d’une démence de type Alzheimer. Cette abolition du discernement concernait ces dernières années environ 0,45 % des dossiers criminels soit sensiblement 300 malades mentaux irresponsables par an. L’altération du discernement, prononcée en application de l’article 122-1 alinéa 2 du code pénal, est proposée par les experts habituellement pour des troubles psychotiques en dehors des poussées processuelles, pour des insuffisances intellectuelles légères, pour des troubles anxiodépressifs d’intensité modérée ou des états de détérioration intellectuelle préséniles. L’altération du discernement qui, il y a quelques années avait pour objectif de pondérer la sanction pénale tout en envisageant des soins appropriés, évolue actuellement vers une surpénalisation avec des peines plus longues au nom de la protection sociale. Des travaux sont en cours pour faire évoluer le code pénal et le code de procédure pénale dans ce domaine.


L’examen médicopsychologique a pour objectif d’apporter à la juridiction des éléments sur le profil de personnalité en analysant sur le plan psychodynamique le passage à l’acte du sujet. Il permet aussi de donner quelques indications sur les possibilités d’évolution et l’utilité d’une prise en charge médicopsychologique ou psychoéducative. Il met en évidence les traits de personnalité et les éléments de caractère en inscrivant le passage à l’acte dans l’étude précise de l’histoire du sujet et de ses relations aux autres. Très souvent sont employés des tests projectifs. Il s’agit de prendre en compte des troubles de la personnalité et leur incidence sur le passage à l’acte : états limites à expression psychopathique, états limites psychotiques, personnalités paranoïaques, aménagement pervers, etc. Psychiatres comme psychologues sont de plus en plus sollicités pour donner une évaluation psychocriminologique du passage à l’acte et surtout pour donner des indications sur le risque de récidive et la dangerosité du sujet. Il s’agit d’une approche différente de l’expertise psychiatrique classique comme de l’examen médicopsychologique. Dans ce cas, sont pris en compte les travaux de la criminologie clinique qui étudient les facteurs sociaux, relationnels, éducatifs, interactionnels comme de milieu et leur influence sur l’évolution possible du sujet. Il s’agit aussi d’étudier le rapport du sujet à la loi tout comme sa reconnaissance des faits et sa prise en compte de la souffrance des victimes.


Dans le cadre de la loi du 17 juin 1998, une expertise est sollicitée par le parquet de façon la plus précoce possible. Il s’agit aussi de déterminer si l’auteur d’une infraction sexuelle peut bénéficier d’un suivi sociojudiciaire avec injonction de soins. Il s’agit là aussi d’une incitation soutenue faite à l’auteur d’une agression sexuelle à s’engager dans un processus thérapeutique. La loi du 17 juin 1998 a prévu la mise en place d’un médecin coordonnateur qui établit le lien entre le médecin traitant et le juge de l’application des peines. Ces médecins coordonnateurs, qui sont mis en place dans chaque département avec actuellement beaucoup de difficultés du fait de la pénurie d’experts, assurent une évaluation longitudinale de l’investissement d’un auteur d’agressions sexuelles dans un processus de soin.


L’expertise des victimes occupe une place importante dans le domaine des expertises psychiatriques. Il s’agit de rechercher le retentissement clinique et psychologique de l’agression sur la victime mais aussi de décrire sa personnalité et de façon beaucoup plus complexe d’apprécier sa crédibilité. Les dérives de l’expertise de crédibilité notamment chez l’enfant sont bien apparues dans « l’affaire Outreau » en 2003-2004. Le groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de cette affaire dramatique rappelle que l’objet de l’expertise de crédibilité est « de déterminer la présence ou l’absence de pathologie à type de délire, mythomanie, affabulation, insuffisance intellectuelle, conviction passionnelle… En l’absence de ces facteurs pathologiques, la victime présumée est crédible au sens médicolégal ». Le groupe de travail rappelle que « la crédibilité médicolégale ne signifie pas que le sujet n’a pas menti, qu’il n’a pas été influencé par des enjeux de loyauté ou des distorsions relationnelles…, ce que l’expert ne peut apprécier à coup sûr dans le cadre nécessairement limité d’un examen d’expertise… Il ne saurait être prétendu qu’il existe une automaticité de l’adéquation entre crédibilité médicolégale et vérité judiciaire ». En prenant en compte tous les problèmes et les drames vécus par plusieurs auteurs et victimes, le groupe de travail proposait de supprimer le terme crédibilité de toute expertise.

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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 27: Aspects médicolégaux

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