25: Procréatique

Chapitre 25 Procréatique




Nous voudrions dans ce chapitre envisager les problèmes de procréation auxquels le généraliste est de plus en plus confronté : explorations à prescrire à des couples qui ne parviennent pas à avoir l’enfant qu’ils désirent, conseils dans le choix d’une méthode d’assistance médicale à la procréation IAC, FIV, ICSI, don de gamètes (sperme ou ovocytes) Diagnostic préimplantatoire, accueil d’embryon, orientation vers une démarche d’adoption.



Fertilité et infertilité




Quelques chiffres


Quatre cent mille couples se forment tous les ans en France, 5 % d’entre eux seront inféconds après plusieurs années d’essais infructueux. Beaucoup plus (10 à 15 % des couples) consulteront car ils n’ont pas conçu, alors qu’ils le désirent depuis plusieurs mois. L’examen d’un couple infertile ou hypofertile est un problème fréquent pour le généraliste.


En effet, la fécondabilité est très variable d’un couple à l’autre (figure 25.1) du fait de :




Pour les couples normaux et jeunes, la fécondabilité est de 25 % par cycle, le délai nécessaire à concevoir est en moyenne de 4 mois. On voit bien dans la figure 25.2 que presque tous les couples qui ont cette fécondabilité auront conçu au bout d’un an.



La fécondabilité, pour une cohorte de couples, diminue de cycle en cycle puisque les couples les plus féconds conçoivent les premiers. Les couples toujours inféconds après 2 ans d’essais infructueux ont encore une fécondabilité de 8 % par cycle.




Étiologie de l’infertilité (Thonneau, 1991)


L’infertilité est un problème de couple et de très nombreuses étapes peuvent être perturbées entre la gamétogenèse et la nidation chez les deux partenaires.


Dans les deux sexes, la gamétogenèse doit être normale, de même que le cheminement des gamètes dans le tractus génital, enfin les mécanismes de la fécondation et de la nidation doivent être normaux.


Si l’on ajoute à ces problèmes techniques les implications psychologiques, les perturbations émotionnelles profondes que créent les difficultés à concevoir, altérant la confiance en soi, les causes iatrogènes d’infertilité, on comprendra qu’il s’agit de consultations de longue durée qui demandent au médecin de la patience, la conscience des problèmes psychologiques posés, pour exposer clairement au couple le pourquoi des investigations, la nécessité d’un effort soutenu pour suivre le plan proposé, les espoirs possibles ou, au contraire, l’absence de possibilités thérapeutiques.







Rappel physiologique du fonctionnement du testicule (figure 25.4)




Spermatogenèse


On trouve dans le tube séminifère, deux types de cellules :



La spermiogenèse dure 21 jours : la cellule ronde spermatide se transforme en spermatide allongée puis en cellule flagellée encore inapte à la fécondation. Le spermatozoïde passe dans la lumière du tube séminifère (spermiation) puis dans l’épididyme où il acquiert sa mobilité et sa capacité à féconder.


La durée de la spermatogenèse est de 74 jours (53 + 21 j).


Il sera donc inutile de répéter les examens de sperme dans un délai inférieur à 3 mois en cas d’anomalie mineure si on veut éviter d’explorer plusieurs fois la même « vague » de spermatogenèse. En cas d’anomalie majeure (azoospermie), le délai est raccourci à 1 mois (OMS).




Comment explorer le testicule ?



Spermogramme


Le spermogramme est un examen indispensable mais difficile à interpréter (tableau 25.2).


Tableau 25.2 Spermogramme et spermocytogramme normaux.












Conditions Recueil par masturbation au laboratoire
Abstinence 2 à 8 jours
Résultats

pH : > 7,2



a > 32 % ; a + b > 40 % ; asthénozoospermie si a + b + c < 40 %


Biochimie séminale Les normes par éjaculat varient selon le laboratoire mais consensus pour :


(OMS, mai 2010; Cooper, 2010)


Il comporte en fait deux parties : le spermogramme (volume, PH, numération des spermatozoïdes, vitalité, mobilité) et le spermocytogramme (étude des formes normales).


Lesperme doit être recueilli dans un récipient stérile gradué spécifique à large ouverture, par masturbation et au laboratoire (si possible agréé pour l’AMP : liste sur le site Internet de l’Agence de biomédecine).


Un délai de 3 à 4 jours d’abstinence est indispensable. Le non-respect de ce délai rend l’examen ininterprétable. La numération augmente de 14 millions par jour d’abstinence entre 1 et 5 jours. La nécrozoospermie (cellules mortes) et l’asthénozoospermie (cellules à mobilité diminuée) augmentent avec un délai trop long, phénomène récent dans notre société et fréquemment retrouvé lors de l’interrogatoire préalable à l’examen.


Il est inutile de pratiquer l’examen en cas d’infection récente, de fièvre, de prise de médicaments car il peut être momentanément franchement pathologique.


Le spermocytogramme, est l’étude des spermatozoïdes, après étalement d’un frottis de l’éjaculat, fixation et coloration (Papanicolaou, Giemsa, Shorr ou Diff-Quik). C’est un travail long, minutieux, effectué sous microscope avec un grossissement de × 1000 (en général très mal fait par les laboratoires non spécialisés) et pourtant essentiel. Une classification des anomalies de la tête, pièce intermédiaire et flagelle, restes cytoplasmiques, est utilisée (classification de David ou de Kruger, ou David modifiée).


Les normes viennent d’être actualisées en 2010 par l’OMS.


Le volume normal du sperme doit être entre 1 et 6 cc. Un volume trop réduit fera craindre :



Un volume trop important fait penser à une prostatite. Un volume inférieur à 2 mL (hypospermie) associé à une azoospermie ou une cryptozoospermie doit faire évoquer une anomalie des voies excrétrices (mucoviscidose) ou une éjaculation rétrograde.


Le pH est compris entre 7 et 8,2. Une élévation du pH évoque une infection avec les lésions prostatiques qui diminuent les phosphatases acides. Un pH anormal doit faire rechercher une perte partielle de l’éjaculat, les sécrétions épididymaire et prostatique puis vésiculaire étant émises successivement avec pour chacune d’entre elles un pH différent.


La numération : on considère classiquement une numération supérieure à 15 millions/mL comme normale. En fait, il faut savoir que l’intervalle de confiance est compris entre 0,5 et 2,3. Si bien qu’un sujet dont le spermogramme est à 10 millions peut avoir en réalité, par simple fluctuation statistique, une numération comprise entre 5 et 23 millions. Selon l’OMS (2010), la numération doit être supérieure à 15 millions/mL. Une numération inférieure à 15 millions ne signifie pas que le sujet est infertile mais qu’il a simplement moins de chances de féconder qu’un autre.


La diminution de la concentration s’appelle oligozoospermie, l’absence totale l’azoospermie. Une numération inférieure à 100 000 correspond à une cryptozoospermie appréciée après centrifugation douce.


La mobilité progressive se mesure à deux reprises à 37°C (éjaculat conservé en étuve) 1 heure (mesure A) et 4 heures après l’émission (mesure B) permettant une fécondation si A est supérieure à 32 % et A + B supérieures à 40 %.


Quatre heures après l’émission, la mobilité ne doit pas avoir diminué de plus de 50 % comparativement à la 1re heure. Une mauvaise mobilité s’appelle asthénozoospermie. Elle peut être initiale, et souvent d’origine testiculaire liée à la qualité des spermatozoïdes. Elle peut être secondaire (asthénozoospermie à la 4e heure), alors qu’elle était normale à la 1re heure, ce qui évoque une infection des glandes annexes (vésicules séminales, prostate).


L’analyse du mouvement par microvidéographie assistée par ordinateur ou computer-aided sperm analysis (CASA) permet de mesurer de manière plus objective la vitesse progressive (VSL) ou curvilinéaire (VCL), l’amplitude latérale du battement de la tête (ALH), la fréquence des battements de la tête des spermatozoïdes. Mais ces mesures ne sont pas encore d’une aide suffisante pour être obligatoires, même si elles peuvent, lors du test de migration survie, prévoir un échec possible d’insémination ou de FIV (HAS, 2006a).



Étude après fixation et coloration


Lanécrozoospermie est définie par la présence d’un pourcentage élevé (> 42 %) de spermatozoïdes morts, donc colorables par le test négrosine éosine de Williams.


Les formes atypiques ou tératozoospermie. C’est le pourcentage de spermatozoïdes atypiques pour 100 spermatozoïdes. Elle est étudiée après fixation et coloration des spermatozoïdes. Les atypies sont disséminées, portant sur la tête, la pièce intermédiaire ou le flagelle.


Une grossesse est possible malgré un taux bas de formes typiques.


Si la tératozoospermie est monomorphe (tête ronde sans acrosome par exemple), il n’y a pas de solution thérapeutique en dehors d’une technique d’AMP (ICSI).


Une tératozoospermie peut avoir une étiologie précise et il faut rechercher :



L’étude des cellules rondes comporte le comptage et la détection des leucocytes par la peroxydase. La présence de plus de 1 million/mL de leucocytes évoque une pyospermie et commande une spermoculture. Les autres cellules rondes sont des cellules immatures de la spermatogenèse qui ne doivent pas dépasser 10 % du total. Une souffrance testiculaire favorise l’exfoliation prématurée des cellules qui tombent prématurément dans les lumières des tubes séminifères.


Le MAR-test est un test de dépistage d’une anomalie immunologique (anticorps antispermatozoïdes qui inhibent la mobilité) soupçonnée par la présence d’un grand nombre d’agglutinats. Il est contrôlé en cas de positivité par un test d’immuno-billes spécifiques (IGG, IGA ou IGM). Les anticorps antispermatozoïdes du sperme sont retrouvés chez 3 à 8 % des hommes inféconds. Présents, ils entraînent une asthénozoospermie, voire une nécrozoospermie, ou interfèrent avec le transport cervical, la migration des spermatozoïdes, ou compromettent l’interaction spermatozoïde–ovocyte (test postcoïtal négatif). La fluctuation des taux d’anticorps, si le taux de détection, est bas peut permettre des grossesses spontanées. En cas de taux élevés, c’est la FIV–ICSI qui donne les meilleurs résultats de grossesse.



Biochimie du sperme


Elle peut être utile en cas d’azoospermie excrétoire pour préciser le niveau de l’obstruction. Elle nécessite une abstinence de 4 à 5 jours. Le volume nécessaire pour effectuer ces dosages biochimiques étant supérieur à 3 mL, on dosera en général deux ou trois marqueurs :



L’interprétation du spermogramme doit donc être nuancée, en tenant compte de l’abstinence, des modalités de recueil, de la numération, de la mobilité et de la tératozoospermie. Le paramètre le plus important semble être la mobilité qui est le mieux corrélée avec la fécondabilité. Le spermogramme n’explore pas la survie et la mobilité du spermatozoïde dans son milieu physiologique qui est la glaire de la femme. Il n’explore pas non plus les possibilités de pénétration du spermatozoïde à travers la membrane pellucide de l’ovocyte. La distribution des anomalies du spermogramme chez les hommes consultants pour infécondité est rapportée dans la figure 25.5.





Dosages hormonaux plasmatiques


Ils permettent d’étudier l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire et la sécrétion endocrine du testicule. On demandera donc un dosage de FSH-LH, testostérone plasmatique et SHBG si le poids de l’homme est augmenté pour corriger le dosage et mieux apprécier la testostérone libre. Trois cas peuvent alors se présenter.


FSH etLH sont élevées : il y a des lésions testiculaires irréversibles. Il ne faut pas prescrire de traitements médicaux, même sous la pression des couples. Une étude génétique (caryotype) détecte souvent un syndrome de Klinefelter (XXY complet ou en mosaïque). En cas d’azoospermie ou de cryptozoospermie, une technique d’assistance médicale à la procréation comme l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI) avec au maximum une recherche intratesticulaire de spermatozoïdes, dans le même temps que l’ICSI ou en différé, peuvent être proposées ou une solution de remplacement comme l’IAD ou l’adoption. On n’omettra pas de substituer en testostérone ces patients en raison du risque d’ostéoporose.


FSH, LH ettestostérone sont basses : il s’agit ici d’un hypogonadisme hypogonadotrope par défaut de stimulation hypophysaire, a priori curable, une fois l’étiologie précisée et une lésion organique hypothalamo-hypophysaire éliminée par IRM. Il est alors possible de stimuler la spermatogénèse par un traitement par gonadotrophines FSH et LH avec la nécessité d’une autoconservation lors des spermogrammes de contrôle. Le traitement est long, coûteux et le patient doit être très motivé et encouragé.


FSH, LH et testostérone sont normales : aucun traitement hormonal ne sera utile. L’aide médicale à la procréation (AMP) est proposée et adaptée à chaque cas selon le bilan de fertilité de la partenaire et la profondeur des altérations spermatiques. Un dosage d’inhibine B effondré (< 15 ng/mL) est de mauvais pronostic.


La prolactinémie ne sera dosée qu’en cas de troubles sexuels associés (impuissance érectile, baisse de la libido, de gynécomastie ou de galactorrhée).






Examen clinique du couple infertile (figure 25.6)


L’examen du couple infertile se fait en trois étapes :





Premier examen (tableau 25.3)


Il est donc fait par le médecin de famille. Il est fondamental, tout d’abord pour situer les éventuels problèmes psycho-affectifs et les motivations du couple. On découvrira alors, au cours de l’entretien, des femmes et des hommes qui ne désirent pas vraiment un enfant, mais dont l’infertilité est vécue comme une anomalie (atteinte de l’estime de soi) dont elles/ils veulent guérir. D’autres voient dans la maternité la solution à leurs problèmes conjugaux ou cèdent à des pressions familiales et sociologiques.



Il est très important de se faire une idée sur les motivations, sur la qualité du couple, dès le départ, car seuls les couples qui ont des motivations solides auront la constance de se soumettre aux investigations et aux traitements.


Au cours de cet entretien, on fera préciser la durée de l’infécondité, c’est-à-dire la date de la vie commune ou du mariage et la date du début des rapports sans précautions, on demandera les techniques contraceptives utilisées, la date de leur arrêt, car si elles sont illusoires, on peut en déduire que l’infertilité est en fait plus ancienne que le couple ne le croit.


On précisera l’âge des partenaires, ce qui peut poser un relatif problème d’urgence (femme mariée après 35 ans) et diminuer sérieusement les chances de succès (femmes de plus de 40 ans).


Enfin, l’interrogatoire du couple précisera le mode de vie, le rythme de travail, le degré d’intoxication tabagique, l’utilisation plus ou moins régulière de drogues et la fréquence des rapports, en s’enquérant de ce que connaît le couple sur les périodes de fécondité ; bien des couples, en effet, ne savent pas quel est le moment du cycle le plus favorable à la fécondation. Le rappel de la période féconde sur la courbe thermique est toujours essentiel.


Après cet interrogatoire général, on interrogera l’homme et la femme séparément.



Interrogatoire de la femme


Il précisera son poids, sa taille, permettant le calcul de l’index de masse corporelle (IMC = P/T2), défavorable à partir de 30 (augmentation du risque de FCS et de diabète gestationnel). Un IMC supérieur à 40 nécessite un avis d’un médecin nutritionniste en évoquant d’emblée une possibilité de chirurgie bariatrique avant l’obtention de la grossesse. Il faut encourager au maximum entre l’âge de 30 à 35 ans une perte de poids (> 5 %) avec un suivi diététique et profiter de cette période d’attente pour tenter d’éradiquer le tabagisme ou lutter contre les autres addictions (Freour, 2008). La notion d’immunité contre la rubéole et la toxoplasmose sera précisée. Si la femme n’a pas eu la rubéole, une vaccination sera entreprise avant de se lancer dans les investigations que nécessite l’infertilité. De même on demandera une sérologie de l’hépatite B, C et du Sida. On conseillera de suivre au mieux les recommandations de la consultation préconceptionnelle (HAS).


L’interrogatoire sera orienté sur trois problèmes :



Dans les antécédents médicaux, on recherchera :



Dans les antécédents chirurgicaux, on recherchera :



Dans tous les cas, on notera le nom de l’opérateur, le lieu, la date de l’intervention de façon à demander les comptes rendus opératoires, à moins que la femme n’en possède déjà.


Dans les antécédents obstétricaux, on précisera :


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Apr 23, 2017 | Posted by in GYNÉCOLOGIE-OBSTÉTRIQUE | Comments Off on 25: Procréatique

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