25: Autres affections

Chapitre 25


Autres affections





Phacomatoses


Les phacomatoses, encore appelées syndromes neurocutanés, regroupent plusieurs maladies caractérisées par l’atteinte variable et parfois associée du neuroectoderme, du mésoderme et de l’endoderme. La peau, le système nerveux central et l’œil sont affectés à des degrés divers. Une origine génétique est démontrée dans la plupart des cas.



Neurofibromatoses


Il en existe plusieurs sous-types, les neurofibromatoses de type 1 et 2 en représentant 99 % des cas :




Neurofibromatose de type 1 (NF1)



Généralités

La NF1 est la phacomatose la plus commune (90 % des cas) et l’une des affections génétiques les plus fréquentes (incidence : 1/3 000 naissances). Il s’agit d’une maladie autosomique dominante à très forte pénétrance mais avec une grande variabilité phénotypique [163]. Il n’y a pas de prédominance de sexe.


Le gène de cette affection (NF1), localisé sur le chromosome 17, est responsable du codage d’une protéine, la neurofibromine. Celle-ci est présente dans la plupart des tissus mais elle est particulièrement abondante dans le système nerveux central et périphérique. Elle intervient dans la régulation de la différenciation et de la prolifération cellulaire et dans l’apoptose cellulaire en inactivant le proto-oncogène p21 ras. Toute altération fonctionnelle de cette protéine entraîne une activation inappropriée de la voie Ras/Raf/ERK et par conséquent le développement de tumeurs bénignes et malignes [10].


Il existe un antécédent familial dans environ 60 % des cas mais une néomutation spontanée est observée chez 30 à 50 % des patients. Plus de 500 mutations différentes du gène NF1 ont été identifiées, la plupart étant uniques et propres à une famille [104]. Certaines mutations semblent plus à risque que d’autres de complications tumorales [10, 124]. Cette hétérogénéité génétique explique la grande diversité des phénotypes observés chez ces patients. De plus, des facteurs non héréditaires supplémentaires modifient probablement également le phénotype, comme en témoignent les études sur jumeaux monozygotes [175].



Clinique

La NF1 est caractérisée par des anomalies neuroectodermiques (peau, système nerveux) et mésodermiques (os, cartilage). À l’examen clinique, on peut observer [224] :



image des taches « café au lait ». Elles sont présentes dans 99 % des cas et constituent une caractéristique essentielle de la maladie. Cependant, elles ne sont pas pathognomoniques de la NF1 puisqu’elles peuvent s’observer à l’état normal (rarement plus de deux) ou dans la sclérose tubéreuse de Bourneville (mais de topographie, d’aspect et de nombre différents). Dans la NF1, l’aspect de ces taches varie avec l’âge. Elles sont présentes à la naissance ou apparaissent rapidement après. Leur nombre, leur taille (de quelques millimètres à plus de 50 cm de diamètre) et leur pigmentation se majorent jusqu’à environ 25 ans. La taille de ces taches et leur nombre ne sont pas corrélés avec la sévérité de la maladie ;


image des lentigines de la région inguinale, axillaire ou périnéale (taches lenticulaires brunes). Elles sont habituellement découvertes entre 3 et 5 ans ;


image des neurofibromes cutanés, plus ou moins nombreux. Ils se développent dans l’épiderme et le derme et se traduisent par des lésions de petite taille, molles, sessiles ou pédiculées (molluscum pendulum) [28, 33]. Ils se développent souvent en début de puberté et affectent 95 % des patients ayant une NF1 ;


image des neurofibromes sous-cutanés, localisés sur le trajet des nerfs. Ils apparaissent dans l’enfance et sont présents chez 20 % des patients ayant une NF1 [216]. Ils se traduisent par de petites formations nodulaires bombant sous la peau, isolées ou en chapelets, fermes et volontiers sensibles à la pression ;


image des neurofibromes plexiformes, pathognomoniques de la NF1 où ils sont observés cliniquement chez 27 % des patients [31]. Lorsqu’ils sont superficiels, ils se reconnaissent à la palpation (tumeurs flasques avec une impression de « paquet de ficelles » liée à l’atteinte des nerfs superficiels). Ils peuvent s’associer à une hypertrophie des parties molles adjacentes et à des troubles trophiques cutanés en regard (hypertrichose, hyperpigmentation), qui peuvent aussi exister indépendamment ;


image un éléphantiasis neuromatosa. Il s’agit de l’élargissement parfois considérable d’un membre (cf. page 809) ;


image des douleurs et déficits sensitivomoteurs, en rapport avec une tumeur nerveuse ;


image des nodules de Lisch pathognomoniques de la NF1. Ils sont présents chez 95 % des patients et habituellement découverts entre 5 et 10 ans. Ce sont des hamartomes mélanocytiques de l’iris qui n’affectent pas la vision.


Certains de ces éléments cliniques interviennent dans les critères diagnostiques de la maladie (encadré 25.1) [156]. En cas d’antécédent familial, le diagnostic est habituellement posé avant l’âge d’un an car la majorité des patients avec une NF1 présentent des taches café au lait. En l’absence d’antécédent familial, seulement la moitié des patients sont diagnostiqués à l’âge d’un an mais ils le sont presque tous à 8 ans car la majorité des signes cliniques augmentent en fréquence avec l’âge [104].



La puberté et la grossesse aggravent les manifestations cliniques de la maladie en augmentant notamment le nombre et la taille des neurofibromes. L’espérance de vie est réduite chez ces patients : de 8 à 20 ans selon les études [64, 141, 172]. Les tumeurs malignes des gaines périphériques et les vasculopathies des gros ou petits vaisseaux (sténose, occlusion, anévrysme, pseudo-anévrysme, rupture, fistule artérioveineuse) représentent les principales causes de décès chez ces patients [60, 104, 185, 233].


On signalera une association particulière : NF1 – syndrome de Noonan. Ces deux maladies témoignent d’une anomalie de régulation de la voie de signalisation cellulaire ras/MAPK [104, 158].



Anomalies du crâne

On peut noter :



image une dysplasie du sphénoïde pouvant aller jusqu’à l’absence de petite ou de grande aile, parfois à l’origine d’une exophtalmie pulsatile, plus rarement d’une énophtalmie. Cette dysplasie est souvent associée à une ectasie durale et/ou à un neurofibrome plexiforme [14] ;


image une lacune dysplasique de la voûte du crâne en regard de la suture lambdoïde (notamment du côté gauche) ou sagittale. Elle est classique mais rare. Elle peut augmenter de taille avec la croissance. Une ectasie durale est habituellement associée [14, 147] ;


image une hypoplasie mastoïdienne, maxillaire, ethmoïdale ;


image une macrocrânie, essentiellement liée à une mégalencéphalie (croissance excessive du cerveau secondaire à une prolifération gliale). Elle est observée chez un quart des patients [86, 209].


Ces anomalies peuvent être détectées en radiographies mais elles seront mieux étudiées en scanner.



Anomalies osseuses axiales

On peut observer :



image des anomalies morphologiques vertébrales : scalloping postérieur (fig. 25.1), antérieur ou latéral des corps vertébraux (aspects en diabolo, amputations en coin), élargissement des foramens intervertébraux et du canal rachidien, amincissement des pédicules ou des processus transverses [164]. Des fractures pédiculaires sont possibles du fait de la fragilisation osseuse [179]. Les scallopings de la face postérieure des corps vertébraux sont souvent associés à une ectasie durale (75 % des cas) alors que ceux de la face antérieure et latérale des corps vertébraux résultent essentiellement d’une dysplasie mésodermique (neurofibromes en regard dans seulement 25 % des cas) [214]. On parle de scalloping postérieur lorsque la profondeur de l’encoche est supérieure à 3 mm au rachis thoracique et 4 mm au rachis lombaire [214] ;



image une ectasie durale (dilatation circonférentielle du sac dural et des racines nerveuses). Jusqu’à 70 à 80 % des ectasies durales sont observées au cours de la NF1 mais il en existe d’autres étiologies (encadré 25.2) [5, 6, 229]. Elles sont secondaires à la dysplasie osseuse, méningée ou aux deux (dysplasie mésodermique). Elles s’observent volontiers dans le cadre d’une scoliose et sont souvent associées au scalloping de la face postérieure des corps vertébraux et de la face médiale des pédicules ;



image des méningocèles. Elles sont typiquement associées aux ectasies durales et siègent essentiellement au rachis thoracique, plus rarement cervical et lombaire (fig. 25.2). Elles sont uniques ou multiples et peuvent être de taille très importante [103, 113, 119, 222]. Elles sont le plus souvent asymptomatiques ;



image une scoliose ou cyphoscoliose (10–26 % des patients) [44, 73]. Elle peut être banale (idiopathique) mais elle est surtout dysplasique, intéressant notamment le rachis thoracique inférieur ou le rachis cervical sur un court segment, avec une angulation et une cyphose très marquées et une évolution rapide (fig. 25.3). La cyphose prédomine souvent sur la scoliose [164]. Elle est très évocatrice de NF1 et peut être responsable de complications neurologiques. Elle est volontiers associée à des anomalies morphologiques costovertébrales et à des neurofibromes ;



image des anomalies costales, notamment en association aux anomalies morphologiques vertébrales. Il s’agit de côtes grêles, ondulées, érodées, voire détruites et de protrusions costales intracanalaires [120, 211]. Elles sont secondaires à la dysplasie osseuse et/ou à la présence de neurofibromes adjacents ;


image une déformation de la paroi thoracique et notamment un pectus excavatum ;


image une fréquence plus importante de malformations congénitales (anomalies de segmentation rachidienne, malformations costovertébrales) [183].



Anomalies ostéoarticulaires du squelette appendiculaire

On peut observer :



image une accentuation de la courbure des os, notamment du tibia (convexité antérolatérale) (fig. 25.4). Elle siège typiquement à la jonction du tiers moyen et du tiers distal de la diaphyse. L’os présente volontiers, au sommet de sa déformation, des remaniements focaux de sa texture : épaississement cortical, remaniements ostéolytiques pseudo-kystiques ou sclérotiques [37, 206]. Habituellement diagnostiquée durant les premières années de vie, elle peut s’accompagner d’une fibula hypoplasique. Elle peut se compliquer d’une fracture (souvent avant l’âge de 3 ans) et d’une pseudarthrose [61]. Rarement, on peut observer une fibula « serpentine » (fibula courbe et allongée) [15] ;



image des fractures et pseudarthroses (2–4 % des patients). Elles sont essentiellement observées au tibia (jonction du tiers moyen et du tiers distal, exceptionnellement plus proximale), rarement à la fibula, à l’ulna ou au radius [24, 112, 171, 193]. Elles surviennent dans la petite enfance et peuvent révéler la maladie. Les pseudarthroses peuvent être atrophiques (extrémités effilées) (fig. 25.4) ou hypertrophiques. La raison de ce défaut de cicatrisation fracturaire est inconnue mais le caractère dysplasique du périoste intervient probablement (dysplasie mésodermique), de même qu’une perturbation de la différenciation ostéoblastique et de la vascularisation locale [126, 160]. En anatomopathologie, la pseudarthrose est occupée par du tissu fibreux ou hamartomateux [139]. Il peut s’y associer une inhibition de la croissance du cartilage de croissance adjacent, à l’origine d’une diminution marquée de la taille de l’os. À la jambe et à l’avant-bras, les défauts de croissance et déformations osseuses peuvent retentir sur la fonctionnalité des articulations adjacentes ;


image des hématomes sous-périostés de grande taille. Ils peuvent survenir à la suite d’un traumatisme minime et s’expliquent par le caractère dysplasique et par conséquent faiblement adhérent du périoste qui se laisse facilement décoller [204]. Ils se traduisent par une tuméfaction oblongue douloureuse. Le décollement périosté peut être détecté en radiographie après 10 à 14 jours sous la forme d’une fine lamelle calcifiée délimitant un espace radiotransparent en croissant. Les autres techniques d’imagerie, notamment l’échographie, peuvent les détecter dès qu’ils sont constitués [138]. Ces hématomes se résorbent par la suite mais il peut persister un épaississement cortical séquellaire (fig. 25.5) [204] ;



image des lésions osseuses focales. Il s’agit le plus souvent d’érosions osseuses par des tumeurs nerveuses adjacentes (fig. 25.5), plus rarement de fibromes non ossifiants. La relation entre ces dernières lésions et la neurofibromatose a longtemps été débattue : association fortuite pour certains auteurs, forme fruste de neurofibromatose pour d’autres (syndrome de Jaffe-Campanacci) ;


image des troubles de la croissance osseuse, souvent associés à des lésions des tissus mous adjacents (neurofibrome plexiforme, hémangiomatose, lymphangiomatose) (fig. 25.6). Le segment osseux est allongé et présente une corticale irrégulière, ondulée et parfois épaissie [184]. L’atteinte est le plus souvent unilatérale. L’« éléphantiasis neuromatosa » correspond au gigantisme d’une extrémité (un ou plusieurs doigts) ou de l’ensemble du membre avec hypertrophie considérable de la peau, des tissus mous et du squelette sous-jacent ;



image une atteinte articulaire avec pincement de l’interligne et/ou érosions osseuses marginales par les neurofibromes habituellement plexiformes de la région (fig. 25.6) [210]. Une ostéoarthropathie nerveuse secondaire aux neurofibromes rachidiens a rarement été rapportée [121]. Des ostéonécroses pouvant être asymptomatiques ont également rarement été signalées [101] ;


image une fréquence plus importante de polydactylie pré-axiale (8,8 % des cas) [183, 195].



Autres manifestations ostéoarticulaires

Les patients ont tendance à être plus petits que la moyenne [221]. La raison principale en est inconnue, même si une scoliose ou d’autres complications liées à la NF1 peuvent y contribuer [61].


Les patients présentent volontiers une ostéopathie raréfiante : une ostéomalacie, rarement [1, 190] ou une ostéoporose [29, 230]. Des fractures par insuffisance osseuse ont parfois été rapportées [29, 101, 215].



Tumeurs nerveuses

La NF1 se caractérise par la prolifération de différents types de neurofibromes, dont certains peuvent dégénérer en tumeur maligne de la gaine d’un nerf périphérique. La topographie et le nombre de neurofibromes sont très variables selon les individus, même au sein d’une même famille [187, 224]. La place de l’IRM corps entier pour évaluer ces différents types de lésions (distribution, nombre, morphologie) chez les patients atteints de NF1 reste à préciser mais elle apparaît particulièrement intéressante (fig. 25.7). Ces patients peuvent présenter :




image des neurofibromes localisés (nodulaires). Il s’agit du type le plus fréquent de neurofibromes dans cette maladie [164]. Ils apparaissent habituellement durant l’enfance et l’adolescence. Les neurofibromes cutanés et sous-cutanés sont volontiers plus nombreux et de plus grande taille que ceux qui peuvent être observés de façon sporadique dans la population générale (fig. 25.8). Ils ne sont habituellement pas explorés en imagerie. Les neurofibromes cutanés ne dégénèrent pas. Le risque de dégénérescence maligne des neurofibromes sous-cutanés est très faible. Les neurofibromes intraneuraux (profonds) sont habituellement multiples (notamment bilatéraux), souvent de grande taille et affectent volontiers les gros troncs nerveux (nerf sciatique et plexus brachial) dans la NF1, à la différence des cas sporadiques (fig. 25.7, 25.9 et 25.10) [164]. Leur sémiologie en imagerie reste superposable à celle des neurofibromes sporadiques avec notamment le signe de la cible (cf. page 548). Les neurofibromes rachidiens étant volontiers bilatéraux et relativement symétriques, les coupes frontales et les grands champs de vues sont indispensables pour les explorer au mieux [162]. Ces neurofibromes peuvent dégénérer ;





image des neurofibromes diffus (fig. 25.11). Ils s’observent chez 10 % des patients avec une NF1 [152]. Ils se traduisent par un aspect en plaque ou une infiltration de la peau, plus rarement par une masse ou une infiltration en hypersignal T2 se rehaussant fortement après injection de gadolinium. Ils s’étendent rarement au-delà du fascia profond [164]. Leur transformation maligne est exceptionnelle ;



image des neurofibromes plexiformes, pathognomoniques de la NF1 où ils sont observés cliniquement chez 27 % des patients [31] mais beaucoup plus souvent lors d’études IRM permettant l’évaluation des nerfs profonds [142, 155, 224]. Ils sont probablement congénitaux [28, 154, 155] et peuvent croître à tout âge mais surtout dans les 10 premières années [154, 216]. Leur croissance est habituellement lente mais il peut y avoir des périodes de croissance rapide suivies de périodes d’inactivité ; certains peuvent même diminuer de taille avec le temps [71, 154]. Leur volume peut être mesuré en IRM, ce qui peut être utile dans le cadre d’études thérapeutiques visant à stopper la croissance des lésions invasives ou inopérables [56, 224].



La prolifération tumorale s’étend le long de nerfs ou de fascicules nerveux menant à un élargissement multinodulaire d’un nerf ou d’un plexus nerveux qui peut prendre un aspect tortueux et vermiculaire (bag of worms) ou réaliser un élargissement massif en corde, comme au nerf sciatique (fig. 25.7) [164]. Leur aspect est caractéristique en IRM, surtout aux nerfs profonds. Ils présentent un hypersignal marqué homogène ou hétérogène en T2, parfois avec de multiples cibles individualisable. En T1, leur signal intermédiaire se rehausse de façon variable après injection de gadolinium [142]. Au scanner, ils sont nettement hypodenses par rapport aux muscles. Plus rarement, une forme infiltrative, mal délimitée, plurinodulaire et destructrice peut s’observer [142].


Ces neurofibromes plexiformes peuvent s’étendre dans les structures adjacentes (peau, fascia, muscle, os, viscère) (fig. 25.12) et ainsi être responsables d’un certain nombre de complications (douleurs, érosions osseuses, problèmes esthétiques majeurs, complications neurologiques, compression des voies respiratoires) [164, 168, 224]. Ils peuvent être à l’origine d’une hypertrophie massive de la peau, des tissus mous et du squelette, dénommée éléphantiasis neuromatosa. Il existe une prolifération neurofibromateuse du derme et de l’hypoderme infiltrant et remplaçant tous les tissus mous du membre, disséquant les fascias musculaires et les capsules articulaires et pouvant déformer ou pénétrer l’os [140, 164]. En IRM, on observe des masses des tissus mous extensives, infiltrantes ou en conglomérats, infiltrant la graisse sous-cutanée et les compartiments musculaires, entraînant une atrophie de ceux-ci [17]. Elles se rehaussent volontiers après injection de gadolinium. Qu’ils soient profonds ou superficiels, les neurofibromes plexiformes peuvent dégénérer [142, 216] ;



image des tumeurs malignes de la gaine d’un nerf périphérique (TMGNP). Vingt-cinq à 70 % de ces tumeurs s’observent au cours d’une NF1, essentiellement en raison de la dégénérescence de neurofibromes plexiformes [65] et des neurofibromes localisés intraneuraux (profonds). Elles en constituent parfois le mode de découverte [68]. En cas de NF1, le risque de développer une TMGNP serait de 5,9 à 13 % des cas [65]. Le mécanisme génétique responsable de cette dégénérescence implique, en plus de l’inactivation des deux allèles du gène NF1 (à l’origine du neurofibrome), la perte d’autres gènes suppresseurs de tumeur de la voie p53 et Rb [33]. Les éléments sémiologiques devant faire craindre la transformation maligne sont :



image la survenue rapide de certains signes cliniques (douleurs, signes neurologiques) [69, 92],


image la croissance rapide et soudaine d’un neurofibrome,


image la présence de lobulations intratumorales (nodules tumoraux internes séparés par des septums fibreux),


image la présence d’hypersignaux T1 spontanés (zones hémorragiques) et/ou un aspect hétérogène en T1 [225],


image la présence d’autres remaniements intralésionnels : rehaussement périphérique, remaniements kystiques/nécrotiques intralésionnels (fig. 25.13), absence de signe de la cible (ou alors de façon très focale),



image des contours flous et un œdème périlésionnel.


Une atteinte osseuse de contiguïté est possible, de même qu’une amyotrophie avec dégénérescence graisseuse des muscles situés en aval.


L’intérêt de la TEP au FDG a été bien démontré pour la différenciation entre neurofibrome et TMGNP, avec des sensibilités de 89–100 % et des spécificités de 72–100 % [71, 213]. Certains auteurs recommandent un seuil de SUVmax de 3,5 ou 4 [71, 224] même si les neurofibromes présentent parfois un SUVmax jusqu’à 5,9. Des radiotraceurs dérivés des acides aminés comme la 11C-méthionine ou la 18 F-méthyltyrosine peuvent être utilisés dans les cas équivoques au FDG, avec semble-t-il une meilleure spécificité. L’hétérogénéité de la captation du FDG peut se voir dans les neurofibromes mais elle est plus fréquente en cas de TMGNP. La captation du FDG a également une valeur pronostique en cas de TMGNP connue, un SUV moyen supérieur à 3 étant corrélé à une baisse de la survie. Elle est aussi utile pour guider une biopsie sur la zone la plus suspecte.


Une étude récente a comparé l’IRM corps entier (avec injection de gadolinium) à la TEP couplée au scanner injecté chez des patients symptomatiques atteints de NF1 avec des résultats comparables pour la détection de lésions malignes (sensibilité plus élevée de la TEP au détriment de sa spécificité). Ces deux techniques semblent donc performantes pour la recherche et le diagnostic de transformation maligne chez ces patients. Un complément par une IRM ciblée améliorera la caractérisation des lésions. On signalera par ailleurs que la captation scintigraphique du 67Ga est en faveur d’une transformation maligne en cas de NF1 car elle est très rarement observée en cas de tumeur bénigne.




Traitement

La NF1 nécessite un suivi à vie des patients, adapté à leur âge, dans des structures multidisciplinaires. Il n’existe actuellement aucun traitement spécifique de cette maladie.


La prise en charge des scolioses est difficile en raison de l’importance des déformations, du risque hémorragique ou de fistule durale, et de la fréquence des pseudarthroses (17–64 % des cas selon les séries). La résection des ectasies durales et des méningocèles peut également se compliquer de fistule durale. Les résultats de la prise en charge chirurgicale des pseudarthroses restent peu satisfaisants. En revanche, les premiers résultats de traitement par biphosphonates et BMP en association à une stabilisation chirurgicale paraissent prometteurs [27]. Une supplémentation en vitamine D améliore la densité minérale osseuse de ces patients [188].


Concernant les tumeurs nerveuses, la multiplicité des lésions et le risque élevé de récurrence limitent les propositions thérapeutiques :



image les neurofibromes cutanés et sous-cutanés responsables d’une gêne clinique ou fortement disgracieux peuvent être enlevés par un chirurgien expérimenté [71]. Le patient doit être prévenu du risque de récidive et de cicatrice hypertrophique [224]. Le traitement par laser peut être utilisé pour les petites lésions. On retiendra également l’apport potentiel du traitement par radiofréquence [114] ;


image l’exérèse des neurofibromes intraneuraux peut s’accompagner de déficits neurologiques et doit être réalisée par un chirurgien expérimenté. Elle consiste en une épineurotomie de décompression qui peut permettre la stabilisation ou l’atténuation des symptômes, notamment de type paresthésies ;


image les neurofibromes plexiformes symptomatiques peuvent être traités par exérèse mais leur nature infiltrative empêche leur résection complète [224]. Il semble que leur exérèse, lorsqu’ils sont de petite taille durant l’enfance, puisse empêcher le développement ultérieur des complications [142]. Cependant, étant donné le risque de déficit neurologique lié à ce type d’intervention, les recommandations actuelles sont de suivre ces tumeurs dans le temps (recherche d’une dégénérescence). On signalera également des résultats préliminaires de réduction de taille de ces lésions grâce à certains traitements de type chimiothérapie (mésylate d’imatinib) [177] ;


image les TMGNP sont traitées chirurgicalement, parfois en association à une radio ou chimiothérapie. La récidive locale est fréquente, de même que les métastases (fréquence décroissante : poumon, tissus mous, os et foie) [58, 228]. L’espérance de vie a été estimée entre 8 et 13 %. Seulement un tiers des patients sont encore vivants 5 ans après le diagnostic [63].



Neurofibromatose de type 2 (NF2)


C’est une maladie autosomique dominante rare (1 sur 25 000 à 40 000 naissances) dont la caractéristique principale est la présence de schwannomes vestibulaires bilatéraux (anciennement dénommés neurinomes de l’acoustique). Le terme de neurofibromatose est en fait inapproprié car ce sont essentiellement des schwannomes que l’on observe dans la NF2.


La NF2 est causée par des mutations inactivatrices hétérogènes des deux allèles du gène suppresseur de tumeur NF2, localisé sur le chromosome 22 (délétions, forme en anneau, translocations) [63, 65]. Ce gène code pour une protéine (merlin) qui possède un rôle suppresseur de tumeurs et contrôle la prolifération des cellules de Schwann et des cellules leptoméningées.


Il semble exister un certain lien entre le génotype et le phénotype, certains types de mutation pouvant être prédictifs de formes plus sévères de la maladie [191]. Des mosaïcismes existent, ce qui pourrait notamment expliquer des schwannomes vestibulaires unilatéraux associés aux autres signes de NF2 [178].


La NF2 est habituellement découverte chez un adulte jeune (18–24 ans) mais elle peut être révélée à tout âge. L’âge auquel surviennent les premiers symptômes possède une forte valeur prédictive de la sévérité de la maladie ; le mode de présentation habituel est une hypoacousie en général unilatérale. Dans la petite enfance, les signes révélateurs sont souvent en rapport avec d’autres tumeurs qu’un schwannome vestibulaire (mononeuropathies notamment du nerf facial, baisse d’acuité visuelle liée à un méningiome de la gaine des nerfs optiques ou à des hamartomes rétiniens extensifs).


La NF2 est une maladie potentiellement sévère, sa morbidité étant beaucoup plus importante que celle de la NF1, avec une diminution notable de l’autonomie et de l’espérance de vie des patients [178]. Elle se caractérise par :



image des schwannomes vestibulaires bilatéraux, caractéristiques de la maladie, révélés par une surdité progressive, des acouphènes et/ou des troubles de l’équilibre ;


image des tumeurs intracrâniennes : méningiomes, schwannomes et épendymomes, rarement une méningioangiomatose ou des astrocytomes ;


image des tumeurs rachidiennes, souvent multiples et volontiers associées : schwannomes notamment de la queue-de-cheval (évocateurs de la NF2 quand ils sont multiples), méningiomes, épendymomes, rarement des astrocytomes ou des neurofibromes parfois plexiformes [94, 107] (75 % des cas) ;


image des schwannomes des nerfs périphériques, révélés par des douleurs ou des problèmes esthétiques. Des schwannomes cutanés, parfois plexiformes, sont rarement observés [155]. Une macrodactylie secondaire à un schwannome plexiforme d’un nerf digital a été rapportée [23] ;


image des anomalies oculaires (cataracte notamment).


Un certain nombre de critères diagnostiques ont été publiés ; les plus souvent utilisés sont les critères de Manchester (encadré 25.3). Le diagnostic précoce de cette maladie est souvent difficile en raison de mutations de novo chez la moitié des patients. Des schwannomes vestibulaires s’observent quasiment chez tous les adultes mais 41 % des patients n’en ont pas lors de l’évaluation initiale [19].




Neurofibromatose de type 3 (NF3) : schwannomatose


Comme la NF2, la NF3 est caractérisée par la présence de multiples schwannomes pouvant affecter les nerfs crâniens, rachidiens et périphériques mais il n’y a pas de schwannome vestibulaire [122, 178]. De plus, il ne semble pas y avoir d’autres tumeurs associées [133], si ce n’est une petite augmentation de la fréquence des méningiomes [144]. Enfin, un antécédent familial est peu fréquent, cette neurofibromatose étant sporadique dans 80–90 % des cas [133].


Sa fréquence varie selon les séries mais son incidence semble être d’une naissance sur 40 000 [13]. Les cas familiaux sont associés, dans un tiers des cas, à une mutation du gène suppresseur de tumeur SMARCB1/INI1 [155]. Il n’existe pas de consensus quant aux critères diagnostiques mais on considère qu’il faut :



Lorsque les patients ont moins de 30 ans, il importe de rester prudent car les schwannomes vestibulaires peuvent ne pas s’être encore développés [98]. La maladie se révèle habituellement vers 20–30 ans par des douleurs dans un territoire, moins souvent une masse. Pour des raisons encore incomprises, les patients ont des problèmes de douleur chronique qui dépassent souvent leurs problèmes neurologiques [133, 178]. Environ un tiers des patients ont des schwannomes dans seulement une partie du corps, comme un bras, une jambe ou un segment rachidien.


En anatomopathologie, les schwannomes présentent plus souvent un œdème péritumoral, une dégénérescence myxoïde et une croissance intraneurale mais sans critère formel permettant de les distinguer du schwannome sporadique [133]. Leur imagerie semble comparable à celle de schwannomes isolés [133]. Il n’existe pas de consensus sur le suivi en imagerie, certains patients restant stables sur 20 ans [192], d’autres présentant de nouveaux schwannomes. Une légère augmentation de la fréquence de survenue de TMGNP a été rapportée par certains auteurs [65]. Certaines équipes préconisent un suivi annuel par IRM du rachis pour détecter un risque de compression médullaire [102]. Le traitement repose sur l’exérèse des schwannomes.




Neurofibromatose de type 5 (NF5) : neurofibromatose segmentaire


Il s’agit d’une variante rare de NF1, limitée à un dermatome. Sa prévalence est estimée entre 0,0014 et 0,002 % [182] mais elle est probablement sous-estimée [3]. La plupart des cas se traduisent par de petits neurofibromes cutanés. Les formes avec de gros neurofibromes profonds sont rares.


La NF5 est subdivisée en quatre catégories [181] : neurofibromes et taches « café au lait » ne traversant pas la ligne médiane, distribution segmentaire comportant une atteinte profonde [159], atteinte segmentaire familiale, et atteinte segmentaire bilatérale [83].



Neurofibromatose de type 6 (NF6)


C’est une NF1 qui n’est constituée que de taches café au lait [174], ce qui permet de la différencier de la NF1 et d’autres affections (syndrome de McCune-Albright, syndrome de Noonan, sclérose tubéreuse de Bourneville, etc.) [135].



Sclérose tubéreuse de Bourneville


Cette phacomatose rare (1 sur 6 000 à 30 000 naissances) est transmise sur un mode autosomique dominant dont la pénétrance est voisine de 80 % mais dont l’expressivité est très variable, en particulier pour les signes neurologiques [176]. Plus d’un cas sur deux correspond à une mutation de novo [176]. Deux gènes suppresseurs de tumeurs localisés sur les chromosomes 9 et 16 (TSC1 et TSC2) ont été impliqués dans cette affection.


La sclérose tubéreuse de Bourneville se traduit notamment par le développement d’hamartomes que l’on peut observer à différents endroits de l’organisme. Les patients peuvent présenter :



image des signes neurologiques qui prédominent dans le tableau clinique : épilepsie (80 % des cas), troubles du comportement associés à un retard mental (75 % des cas). Des calcifications intracrâniennes sont détectées dans 40–70 % des cas ;


image des signes cutanés (50–70 % des cas) : macules achromiques de 1 à 10 cm à rechercher en lumière de Wood, adénomes sébacés (pathognomoniques) apparaissant vers 5–7 ans de part et d’autre du nez, fibromes périunguéaux, angiofibromes faciaux, peau de chagrin lombaire, taches café au lait, etc. ;


image des signes oculaires : phacomes rétiniens (30–50 % des cas) ;


image des anomalies viscérales : rénales (angiomyolipome), cardiovasculaires, pulmonaires (lymphangiomyomatose), etc. ;


image des anomalies osseuses d’expression uniquement radiologique (60 % des cas). Aux phalanges, métacarpiens et métatarsiens, plus rarement aux os longs, on peut observer de petites lésions ostéolytiques pseudo-kystiques (fibreuses) corticales et spongieuses, plus ou moins associées à des épaississements corticaux irréguliers (fig. 25.14 et 25.15). Au rachis, crâne, bassin et côtes, les lésions sont ostéocondensantes, ovalaires ou en plages (fig. 25.16) [16, 105]. Elles ne fixent pas en scintigraphie, à la différence des métastases [105, 170]. Des troubles de la croissance osseuse ont également été rapportés (macrodactylie, gigantisme monomélique).


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May 5, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 25: Autres affections

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