24: Algies pelviennes

Chapitre 24 Algies pelviennes




Une enquête faite en Angleterre a montré que 20 à 30 % des femmes se plaignaient de douleurs pelviennes ; 45 à 97 % de dysménorrhée et 8 % seulement de dyspareunie (Zondervan, 1998).


Le médecin de famille est donc souvent confronté au problème des algies pelviennes :



C’est grâce à un examen complet (gynécologique mais aussi portant sur les organes de voisinage) aidé de quelques examens bien choisis que l’on pourra dégager des arguments étiologiques : infection, endométriose, trouble de la statique pelvienne. La part du psychisme doit toujours être déterminée, car elle existe toujours, minime ou prépondérante.



Examen clinique d’une femme algique



Interrogatoire


Il est essentiel, il doit permettre l’installation d’un climat de confiance. On doit laisser parler la femme mais aussi diriger l’interrogatoire pour lui éviter de s’égarer dans des considérations étiologiques ou thérapeutiques proposées par la malade ou son entourage ! De la masse des renseignements (dont la femme est souvent prodigue), il faut s’efforcer de tirer des éléments objectifs permettant de se faire une idée de la gravité ou non du problème et de son étiologie. Il est fondamental de différencier au moins les algies pelviennes aiguës des algies pelviennes chroniques, c’est-à-dire qui évoluent depuis plus de 6 mois.


Pour caractériser la douleur les éléments suivants seront précisés.


La topographie pelvienne, périnéale, lombaire. Il sera utile de préciser la position de la douleur en demandant à la femme de mettre en évidence les zones douloureuses sur un schéma du corps humain. Cette schématisation permet de révéler plusieurs sites douloureux, et de comparer à deux consultations successives les éventuelles modifications de la plainte. Plus de 60 % des femmes présentant des douleurs pelviennes chroniques ont aussi des céphalées et 90 % des lombalgies (Howard, 2003a).


La date d’apparition : elle sera définie dans le temps et par rapport aux règles. Une douleur depuis les premières règles, voire « depuis toujours », n’a pas la même signification que si la douleur vient d’apparaître pour la première fois chez une femme jusque-là en parfaite santé, ou à la suite d’un événement gynécologique (examen, pose d’un stérilet, IVG…) après un rapport ou un choc affectif.


Le moment d’apparition dans le cycle doit être précisé :



La douleur périodique peut être intermenstruelle, prémenstruelle, liée aux règles et appelée dysménorrhée primaire si elle est apparue avec l’installation des règles, secondaire si elle est apparue après plusieurs cycles indolores. La rythmicité de la douleur par rapport au cycle oriente vers une origine gynécologique mais l’absence d’intrication de la douleur avec le cycle n’élimine pas pour autant une éventuelle origine gynécologique.


Le type de la douleur sera recherché :



Les variations de la douleur. Calmée ou non par le repos, les vacances, permanente ou disparaissant pendant le sommeil, provoquée par un effort, les rapports sexuels. Le caractère invalidant ou non de la douleur doit être recherché et évalué en fonction du nombre de jours d’arrêt de travail, des médicaments pris, du nombre de rapports sexuels dans la semaine.


Les antécédents seront étudiés :



Le contexte psychologique doit être étudié en fonction de l’âge, du mode d’éducation (éducation sexuelle, tabous), du mode de vie (familial, parental, conjugal) de l’environnement socio-professionnel (intérêt du travail, chômage…), de l’état de satisfaction ou au contraire de frustration de la malade et ou de sa famille.


L’interrogatoire n’est jamais trop long, trop précis, il doit permettre de mettre la femme en confiance. Souvent il sera nécessaire de le reprendre en cours d’examen ou après ce dernier. La notion de violences sexuelles subies dans l’enfance ou à l’âge adulte est difficile à exprimer pour la femme. Il faudra savoir, avec tact et délicatesse, au fil des entretiens, la mettre sur cette piste de « l’indicible » (Fritel, 2006).



Examen physique méthodique


Il se fera :






Examen gynécologique


Il sera détaillé. L’inspection recherche :



L’examen au spéculum de taille adaptée, sans lubrifiant, recherche :



Les frottis cytologiques cervicaux sont systématiques à tout âge si la femme n’en a pas eu dans les 3 ans.


Dans le cul-de-sac postérieur du vagin, on recherchera en mettant la valve antérieure des nodules d’endométriose de la cloison rectovaginale (cf. planche 15.3.a).


Le toucher vaginal à un ou deux doigts, combiné au palper abdominal apprécie :



Le toucher rectal, particulièrement utile chez la jeune fille vierge, explore en plus les paramètres et les annexes, recherche leur infiltration.


Pendant les touchers, on détournera l’attention de la malade en lui parlant, en lui faisant serrer ses deux mains sur le thorax de façon à bien objectiver la douleur.


On terminera l’entretien en s’intéressant à la vie sexuelle du couple.


L’absence de rapports depuis plusieurs mois n’a pas la même signification que, si malgré les douleurs invoquées, les rapports ont lieu 3 ou 4 fois par semaine. On tâchera de savoir si le couple s’entend bien ou si, au contraire, il traverse une crise importante.


En matière d’algies pelviennes, encore plus qu’ailleurs, l’importance de l’interrogatoire est fondamentale.


En fin d’examen, on doit pouvoir trancher entre une algie pelvienne chronique qui dure depuis des années et une urgence, on doit avoir une idée sur le caractère plutôt organique ou au contraire fonctionnel, voire psychosomatique du trouble.



Examens complémentaires


En l’absence d’éléments d’orientation, les examens complémentaires à prescrire peuvent être très nombreux. Ils seront modulés en fonction de la symptomatologie et des données de l’examen clinique. On pourra demander :



image une échographie par voie abdominale et vaginale ; c’est l’examen le plus utile qui permettra d’étudier :





image un examen cytobactériologique des urines ;


image une numération formule sanguine avec dosage de la C-réactive protéine ;


image un prélèvement bactériologique endocervical ;


image le scanner a peu d’indications en gynécologie en dehors des cancers, l’échographie vaginale étudiant beaucoup mieux les organes génitaux ;


image l’IRM peut être indiquée si on soupçonne une endométriose profonde, une malformation utérine ou vaginale ;


image l’échographie endorectale est supérieure à l’IRM en cas d’endométriose profonde de la cloison rectovaginale ;


image la cœlioscopie peut être très utile mais c’est un geste chirurgical dont on devra peser soigneusement l’indication. Elle permet de confirmer la présence d’une endométriose ou d’adhérences. Elle est souvent normale. La présence d’adhérences ou d’endométriose ne prouve pas qu’il s’agit de la cause des douleurs car si on compare la fréquence, l’importance des adhérences ou de l’endométriose chez les femmes stériles ou chez les femmes algiques ces deux pathologies sont plus fréquentes chez les femmes stériles, alors qu’elles se plaignent beaucoup moins de douleurs que les femmes qui consultent pour douleurs chroniques (Howard, 2003b).


Certains malades ont déjà eu beaucoup d’examens et il faudra résister à leur désir d’une nouvelle prescription.



Recherche d’une étiologie


Les causes des algies pelviennes étant très vastes, il faut garder à l’esprit quelques schémas simples et distinguer :




Algies pelviennes aiguës


Trois étiologies doivent être évoquées : les torsions d’annexes, les infections génitales, la grossesse extra-utérine (Chapron, 2000).


Torsion d’annexe. C’est une complication des kystes de l’ovaire. Il s’agit d’un syndrome abdominal aigu. La douleur pelvienne est brutale accompagnée de troubles digestifs (nausées, vomissements). À l’examen guidé par la douleur pelvienne, on retrouve une défense, un météorisme. Au toucher vaginal, on retrouve parfois une masse latéro-utérine douloureuse. L’échographie pelvienne ou vaginale retrouve la masse annexielle. L’intervention par cœlioscopie le plus souvent s’impose devant le tableau clinique.


Infection pelvienne. Les endométrites aiguës apparaissent au décours d’une fausse couche, d’une IVG, d’un accouchement. Elles sont marquées par des douleurs pelviennes basses associées à une fièvre à 38 ou 39°. À l’examen, on observe des leucorrhées nauséabondes, ou des métrorragies, avec au toucher vaginal un gros utérus mou et douloureux à la mobilisation. Un traitement antibiotique s’impose.


Les salpingites ont un tableau clinique voisin mais dans un contexte de maladie sexuellement transmissible. Étant donné les aspects cliniques trompeurs, la cœlioscopie est souvent nécessaire pour affirmer le diagnostic, faire les prélèvements bactériologiques et mettre en route les antibiotiques (cf. chap. 13, p. 181).


Grossesse extra-utérine. Elle associe un retard de règle, des métrorragies à des douleurs pelviennes à type de coliques salpingiennes. Il faut toujours y penser chez une femme en période d’activité génitale. Le dosage de l’HCG positif associé à un utérus vide à l’échographie permet de faire le diagnostic et de poser l’indication de cœlioscopie ou de traitement médical.



Algies pelviennes chroniques


Algies pelviennes chroniques. Elles sont un problème fréquent. La prévalence dans les soins de santé primaire est de 38/1000 pour les femmes âgées de 15 à 75 ans soit des taux comparables à l’asthme ou aux lombalgies (Zondervan, 2000). L’étiologie des douleurs pelviennes chroniques est le plus souvent non gynécologique. Dans une large étude anglaise en population les causes gynécologiques des douleurs n’arrivent qu’en troisième position (20,2 % des cas) derrière les causes gastro-intestinales (37,7 %) et urinaires (30,8 %) (Zondervan, 2000).


Ces douleurs pelviennes chroniques peuvent être rythmées par le cycle ou non.


Algies pelviennes chroniques non rythmées par le cycle (figure 24.1). Il s’agit de douleurs évoluant depuis plus de 6 mois et souvent accompagnées d’un retentissement comportemental ou social. Elles peuvent être d’origine extragénitale (urinaire, digestive, rhumatologique), génitale (infection, endométriose, trouble de la statique) ou n’apparaître qu’aux rapports, il s’agit de dyspareunie.




Douleurs extragénitales


Elles sont de quatre ordres.







Dyspareunies


Les dyspareunies sont des douleurs déclenchées ou très augmentées par les rapports avec secondairement un retentissement sur la vie sexuelle. Elles doivent être distinguées de la frigidité, qui est une insatisfaction sexuelle, ou du vaginisme, qui est une contracture réflexe des muscles releveurs qui empêche toute pénétration vaginale. Les facteurs psychiques ici sont très importants. L’interrogatoire doit bien faire préciser le motif réel de la consultation. Il doit être « ouvert », précis de manière à reconstituer le scénario de la douleur. La patiente doit sentir que sa plainte a été entendue.


Il faut rechercher une dysfonction sexuelle plus profonde en explorant les différents registres :



Les dyspareunies superficielles ou d’intromission font rechercher :



Les dyspareunies de présence font rechercher :



Les dyspareunies profondes, balistiques ou de choc font rechercher :



Le traitement dépendra de la cause. Les œstrogènes amélioreront la trophicité locale après la ménopause. Il faut se garder des gestes chirurgicaux hâtifs. Ne croyez pas guérir une dyspareunie hypocondriaque qui a déjà usé dix médecins avant vous. La douleur est pour cette patiente sa seule raison d’être. Toute prise en charge psychologique est longue et ne peut se faire qu’après avoir établi un climat de confiance et y être « autorisé » par la patiente (cf. chap. 31 p. 489).


Apr 23, 2017 | Posted by in GYNÉCOLOGIE-OBSTÉTRIQUE | Comments Off on 24: Algies pelviennes

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