Chapitre 23 Les traitements psychotropes
Rappelons une évidence : la psychopharmacologie moderne a bouleversé nos compétences et nos réponses face aux affections psychiatriques. Nul médecin ne peut aujourd’hui prétendre assumer sa mission soignante sans chercher le meilleur usage du médicament : en mesurant au mieux les indications, en définissant les critères de choix de la molécule, en précisant la posologie et la durée les mieux adaptées.
J. Delay et P. Deniker ont proposé en 1957 une définition et une classification des psychotropes toujours en vigueur. De nombreuses substances ont des effets psychotropes mais on regroupe sous le terme « psychotropes » celles qui exercent leur effet principal sur le psychisme et les comportements. Delay et Deniker ont distingué trois types de psychotropes :
• psychosédatifs qui freinent l’activité normale ou pathologique parmi lesquels les hypnotiques, les anxiolytiques et les neuroleptiques ;
• psychostimulants qui stimulent l’activité : nooanaleptiques ou médicaments de l’éveil, thymoanaleptiques ou antidépresseurs ;
• psychodysleptiques ou perturbateurs de l’activité psychique et comportementale qui n’ont pas leur place en thérapeutique : il s’agit des hallucinogènes tels que cannabis, héroïne, cocaïne, etc.
À partir des années soixante-dix il a fallu ajouter une quatrième catégorie : les psycho-isoleptiques ou thymorégulateurs qui, tels les sels de lithiumLithium (Téralithe, Neurolithium), préviennent les récurrences dysthymiques.
Les hypnotiques
Au sens étymologique, les médicaments hypnotiques sont des inducteurs du sommeil. Les chefs de file furent les barbituriques aujourd’hui retirés du commerce du fait de leurs inconvénients (risque de dépendance) et de la plus grande commodité d’usage des facilitateurs du sommeil (les benzodiazépines ou apparentés). Les hypnotiques actuellement disponibles ont en commun l’inconvénient de perturber l’architecture physiologique du sommeil : réduction du temps de sommeil lent profond et de sommeil paradoxal au profit du sommeil lent superficiel. Il existe donc une légitimité à en recommander un usage limité. Ils peuvent en outre induire une dépendance.
D’autres sédatifs facilitent le sommeil : parmi les antidépresseurs (miansérine, mirtazapine, trimipramine), parmi les neuroleptiques (alimémazine, cyamémazine, voire olanzapine ou rispéridone). On devine l’avantage de ces molécules chez un déprimé pour les premières, chez un patient à symptômes psychotiques pour les deuxièmes. En outre elles perturberaient moins l’architecture du sommeil.
Les anxiolytiques
Ils sont aujourd’hui très largement représentés par les benzodiazépines dont il importe de distinguer molécules à demi-vie courte (alprazolam) et demi-vie longue (diazépam, chlordiazépoxyde) dont les modalités de prescription sont différentes.
On a beaucoup insisté sur certains effets indésirables des benzodiazépines : en réalité le phénomène de dépendance ne concerne que 25 % des sujets après une consommation au-delà de 3 mois et les troubles de mémoire soulèvent une question plus intéressante au plan théorique qu’en pratique. L’anxiété est bien davantage source de perturbations des performances attentionnelles ou mnésiques que les benzodiazépines. Il n’empêche : certains sujets sont capables d’abuser de benzodiazépines jusqu’à présenter des troubles du comportement secondaires à cet usage.
Le méprobamate est un anxiolytique qui a deux inconvénients majeurs : risque de dépendance et de létalité en cas d’ingestion massive. Son usage est devenu très limité.
L’hydroxyzine est un anxiolytique sédatif non benzodiazépinique qui a retrouvé une place plus évidente en raison de la forte attention portée aux inconvénients potentiels des benzodiazépines.
Enfin d’autres molécules sédatives parmi les antidépresseurs (Amitriptyline (Laroxyl, Élavil)amitriptyline, trimipramine) ou les neuroleptiques (cyamépromazine, lévomépromazine voire olanzapine) ont des effets anxiolytiques potentiellement utilisables.
Les antidépresseurs
Ils constituent une classe majeure parmi les psychotropes en raison de leur usage devenu très répandu : du fait de la morbidité élevée des troubles dépressifs et anxieux pour lesquels ils sont indiqués, de leur efficacité et de la facilité de maniement des molécules antidépressives récentes apparues à partir des années quatre-vingt.
Comme leur nom l’indique, les antidépresseurs ont en commun la capacité de redresser l’humeur dépressive. Ils sont moins efficaces en cas de faible intensité de la symptomatologie dépressive (voire inefficaces pour traiter les coups de blues) ou de très forte intensité dépressive (ce qui peut justifier un recours à d’autres thérapeutiques telles que l’électroconvulsivothérapie).
Certains patients tirent en outre avantage de l’antidépresseur lorsque celui-ci corrige des traits de personnalité à type d’inhibition (avantage des stimulants tels que les IMAO), ou d’anxiété (avantage des sédatifs à faibles doses).
On sait que les facteurs de résistance à un traitement antidépresseur peuvent être de trois ordres :
• psycho-organiques (maladie dégénérative, de système, vasculaire, etc.) ;
• socioenvironnementaux (persistance d’une situation stressante douloureuse) ;
• psychoaffectifs (traits pathologiques de la personnalité).
La comorbidité trouble anxieux – trouble dépressif est une autre source éventuelle de mauvaise réponse thérapeutique. Et pourtant certains antidépresseurs ont montré une efficacité sur les troubles anxieux : trouble panique mais aussi trouble phobique, anxiété généralisée, état de stress post-traumatique, trouble obsessionnel compulsif.
Les thymorégulateurs
Les sels de Lithium (Téralithe, Neurolithium)lithium restent la référence dans cette classe thérapeutique dont la caractéristique commune est de réduire la fréquence et/ou la durée et/ou l’intensité des épisodes dépressifs et maniaques.
L’action antimaniaque du lithium est bien établie contrairement à l’action antidépressive qui reste discutée en dehors de l’effet de potentialisation du traitement antidépresseur par l’adjonction des sels de lithium. Les nouvelles molécules thymorégulatrices partagent avec le lithium la capacité d’agir comme antimaniaques avant d’être thymorégulatrices. L’existence d’indications préférentielles pour telle ou telle molécule au sein du spectre bipolaire demeure très discutée. Peut-être l’avenir confirmera-t-il que la lamotrigine prévient mieux les récurrences dépressives. Pour l’heure les nouveaux antipsychotiques sont souvent réservés aux formes schizoaffectives de trouble bipolaire ou aux formes répondant mal aux thymorégulateurs plus classiques.
Il convient enfin de signaler le retour d’usage des électroconvulsivothérapies de maintenance consistant à administrer une séance d’ECT mensuelle chez des patients thymiquement trop instables et trop peu répondeurs aux chimiothérapies actuelles.
Les antipsychotiques
Il serait abusif de ne pas reconnaître le progrès apporté par les nouveaux antipsychotiques comparativement aux neuroleptiques classiques. Qui peut, en effet, contester que ces nouveaux médicaments sont beaucoup mieux tolérés sur le plan neurologique que ne l’étaient la chlopromazine ou l’halopéridol ? Qui peut refuser de prendre en compte les résultats d’études apportant la preuve de l’effet favorable de certains nouveaux antipsychotiques sur les symptômes thymiques alors que l’on évoquait le risque dépressogène des neuroleptiques classiques ?
L’histoire de la clozapine illustre bien la nécessité d’une attention suffisante à l’évolution du patient et d’une ambition vers le meilleur niveau possible de résultat thérapeutique : alors qu’un large nombre de psychiatres, notamment nord-américains, soutiennent l’équivalence d’action d’un neuroleptique par rapport à un autre, il a été montré que la clozapine peut apporter un résultat significatif chez des patients ayant jusque-là résisté aux diverses chimiothérapies.
Durant les premières années d’évolution du trouble psychotique, que l’on sait déterminantes pour le devenir à long terme, il convient donc d’utiliser tout le savoir-faire thérapeutique, tous les arguments pharmacologiques pour identifier la molécule la mieux adaptée et le niveau de rémission qui doit être visé : test thérapeutique par les électronarcoses pour identifier des symptômes réversibles et non réversibles, évaluation extensive des effets de la molécule sur des symptômes, émotions, cognitions… éventuel recours à la clozapine sont au moins aussi importants bien sûr que l’aménagement le mieux adapté des conditions de vie du patient, les aides sociales éventuelles nécessaires, le soutien psychologique voire la démarche psychothérapique utile.
Les risques de mort subite par accident cardiaque imputable à l’effet arythmogène des médicaments antipsychotiques justifient une vigilance de bon sens en particulier sur le fait de ne pas associer l’un de ces médicaments à un autre médicament éventuellement arythmogène en dehors d’une évidente nécessité.
L’attention portée à la prise de poids, à l’incidence d’un syndrome métabolique voire d’un diabète sucré de type II chez les patients psychotiques traités est une nécessité que l’on ne peut plus ignorer. On avait sans aucun doute trop aisément oublié la réalité épidémiologique d’une co-occurrence plus fréquente que ne le voudrait le hasard entre schizophrénies et diabètes : facteur génétique commun de vulnérabilité ? Hygiène de vie trop déficiente ? En tout cas, les nouveaux antipsychotiques ont réactualisé cette réalité et le prescripteur doit guider le malade dans la gestion de cette possible complication.
Perspective d’avenir
Concernant les antidépresseurs, les recherches actuelles sont de plus en plus tournées vers l’examen des modalités de fonctionnement des réseaux neuronaux supportant les fonctions émotionnelles, affectives, cognitives et les comportements sur lesquels agissent les molécules. Au-delà de l’aspect monoaminergique, on se tourne aujourd’hui vers les effets des antidépresseurs sur l’activité de certaines zones cérébrales profondes, la libération de facteurs neurotrophiques voire l’expression de certains gènes, la neurogenèse et la neuroplasticité. Il en est de même à propos des médicaments antipsychotiques qui ne sauraient désormais être envisagés comme des « camisoles chimiques » ; les effets neurobiologiques de ces médicaments sont probablement de nature à modifier les étapes précoces du développement des affections psychotiques. Ceci justifie le débat actuel sur l’éventuelle décision de prescription dès l’émergence de symptômes précurseurs même si ceux-ci ne sont pas spécifiquement psychotiques.
Les recherches sur les techniques de stimulation cérébrale, y compris par voie neurochirurgicale (stimulation cérébrale profonde), démontrent que nulle réaction psychologique, normale ou pathologique, nul comportement normal ou pathologique, ne sauraient bien se concevoir sans une connaissance des structures et circuits neuronaux qui les génèrent.
Historique
C’est en 1957 que l’activité thérapeutique des deux grandes familles d’antidépresseurs, tricycliques et inhibiteurs des monoamine-oxydases (IMAO), a été mise en évidence, dans les deux cas de façon tout à fait inattendue et grâce à la perspicacité de cliniciens expérimentés [20].
L’imipramine (Tofranil), synthétisée dans les laboratoires Geigy à Bâle, possédait un noyau tricyclique un peu différent de celui de la chlorpromazine (Largactil) mais avec la même chaîne latérale. Elle fut confiée au psychiatre suisse R. Kühn qui, avec ténacité, traita environ 300 cas de psychoses avec des résultats décevants. Avant d’établir un bilan final, il décida d’évaluer l’efficacité du produit dans les dépressions endogènes et après les 3 premiers patients fut persuadé de son action antidépressive. Les premiers résultats portant sur 40 déprimés furent présentés, en 1957, au 2e Congrès international de psychiatrie à Zurich et accueillis « avec quelque intérêt et une grande quantité de scepticisme ». Les études ultérieures ont cependant pleinement confirmé les propriétés antidépressives de l’imipramine. La famille des tricycliques était née et a donné lieu à la commercialisation de nombreux antidépresseurs (tableau 23.1). Ce n’est qu’en 1964 que leur mécanisme d’action commença à être élucidé avec la mise en évidence de leur action inhibitrice sur le recaptage présynaptique de la noradrénaline d’abord, de la sérotonine ensuite.
DCI | Nom déposé | Posologie usuelle (mg/j) |
---|---|---|
Antidépresseurs tricycliques et apparentés | ||
Amitriptyline | Élavil, Laroxyl | 75–150 |
Clomipramine | Anafranil | 50–250 |
Tianeptine | Stablon | 37,5 |
Dosulépine | Prothiaden | 75–150 |
Doxépine | Quitaxon, Sinéquan | 75–225 |
Imipramine | Tofranil | 75–150 |
Maprotiline | Ludiomil | 75–150 |
Amoxapine | Défanyl | 75–150 |
Trimipramine | Surmontil | 75–150 |
Antidépresseurs IMAO | ||
Marsilid | 50–150 | |
Moclamine | 450–600 | |
Inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine | ||
Citalopram | Séropram | 20–60 |
Escitalopram | Seroplex | 10–30 |
Fluoxétine | Prozac | 20–(80)* |
Fluvoxamine | Floxyfral | 100–200 |
Paroxétine | Deroxat | 20–(50)* |
Sertraline | Zoloft | 50–(200)* |
Inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline | ||
Duloxétine | Cymbalta | 60–120 |
Milnacipran | Ixel | 75–100 |
Venlafaxine | Effexor | 75–225 |
Divers | ||
Miansérine | Athymil | 30–90 |
Mirtazapine | Norset | 15–45 |
Agomélatine | Valdoxan | 25–50 |
DCI : dénomination commune internationale.
* Dose exceptionnelle entre parenthèses.
En 1951 avaient été synthétisés dans les laboratoires Hoffmann-La Roche deux antituberculeux, l’isoniazide (Rimifon) et l’iproniazide (Marsilid). Au cours des études cliniques, l’iproniazide se révéla apporter des modifications psychologiques importantes chez les tuberculeux traités, notamment une sensation de bien-être et un accroissement de l’appétit, sans relation avec l’amélioration de l’infection. C’est en 1957 au congrès de l’American Psychiatric Association à Syracuse (États-Unis) que N.S. Kline rapporta des guérisons spectaculaires de déprimés sévères traités par iproniazide. L’action inhibitrice de l’iproniazide sur les monoamine-oxydases avait été établie dès 1952. La famille des IMAO était née. Cependant, la toxicité hépatique de l’iproniazide et les interférences des IMAO avec les aliments contenant de la tyramine allaient en limiter le développement.
Beaucoup plus récemment, la troisième famille d’antidépresseurs, les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine ont été synthétisés à partir de l’hypothèse née à la fin des années soixante d’un déficit de la neurotransmission sérotoninergique impliqué dans la dépression. De nombreux composés ont bien démontré leurs propriétés antidépressives. Cependant, les deux premières molécules mises sur le marché, la zimélidine (Zimeldine) et l’indalpine (Upstène) ont rapidement dû être retirées du marché suite à l’apparition de phénomènes toxiques et la fluvoxamine (Floxyfral) et surtout la fluoxétine (Prozac) sont devenues les produits de référence de ce groupe.
Classification
Antidépresseurs tricycliques et substances apparentées (cf. tableau 23.1)
Représentée initialement par l’imipramine (Tofranil), cette catégorie d’antidépresseurs comprend actuellement une dizaine de substances qui possèdent toutes, à des degrés divers, des propriétés similaires sauf en ce qui concerne leur effet sédatif.
Mécanisme d’action
Les antidépresseurs trdes produits comme lesicycliques augmentent la concentration de neurotransmetteurs dans la fente synaptique en inhibant le recaptage présynaptique des monoamines, particulièrement la noradrénaline et la sérotonine et en diminuant la sensibilité des récepteurs postsynaptiques noradrénergiques (down regulation). Ces phénomènes biochimiques ne peuvent cependant pas expliquer la totalité des effets cliniques car certains antidépresseurs en sont dépourvus. Il existe des différences notables de spécificité pour l’un ou l’autre de ces neurotransmetteurs entre les différents antidépresseurs commercialisés. Les dérivés tricycliques amines tertiaires (Amitriptyline (Laroxyl, Élavil)amitriptyline, clomipramine, dosulépine, Doxépine (Quitaxon, Sinéquan)doxépine, imipramine) inhibent préférentiellement le recaptage de la sérotonine tandis que les amines secondaires (maprotiline) inhibent préférentiellement la recapture de la noradrénaline. L’intérêt clinique de cette classification biochimique reste cependant limité dans la mesure où il n’existe pas de corrélation évidente entre la symptomatologie clinique et une anomalie biochimique spécifique et qu’aucun examen biologique simple ne permet actuellement de différencier les divers types biochimiques de dépression. Cependant, en cas d’échec d’un produit, on aura intérêt à passer à un dérivé présentant un mécanisme d’action différent.
L’action des antidépresseurs sur l’expression et l’activation de divers facteurs de transcription comme le CREB (AMPc Response Element Binding Protein) et de facteurs neurotrophiques comme le Brain Derived Neurotrophic Factorassociés aux phénomènes de plasticité synaptique constitue une des pistes récentes les plus attractives dans la compréhension de leur mécanisme d’action [16]. L’efficacité clinique d’un traitement antidépresseur pourrait être liée à une suractivation entretenue des cascades de signalisation des systèmes monoaminergiques centraux, principalement via les protéines G couplées à l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) et à l’inositol-triphosphate (IT3).
Contre-indications
Avant de prescrire un dérivé tricyclique, il est nécessaire de vérifier l’absence de quelques contre-indications importantes, essentiellement dues aux propriétés anticholinergiques de ces substances (glaucome à angle fermé ; troubles vésico-prostatiques ; troubles cardiaques, particulièrement les troubles de conduction et les troubles du rythme et épilepsie).
De plus, la prudence s’impose en cas de troubles organiques cérébraux.
Intoxication
Lors d’un surdosage accidentel ou intentionnel par des antidépresseurs tricycliques, des problèmes graves peuvent survenir, par exemple convulsions, coma, hypotension sévère et troubles du rythme cardiaque. Les patients, même s’ils ne sont pas en état de coma, doivent être transférés dans une unité de soins intensifs.
Inhibiteurs des monoamine-oxydases (cf. tableau 23.1)
IMAO classiques
La prescription des IMAO classiques doit, en raison de la toxicité potentielle de ceux-ci, être réservée au spécialiste.
Contre-indications
Les IMAO sont contre-indiqués en cas d’hypotension et de perturbations hépatiques.
Interactions
Les IMAO modifient le métabolisme de nombreuses substances. Cet effet explique les crises hypertensives observées dans certains cas lors de l’utilisation conjointe d’amines sympathicomimétiques ou d’aliments riches en tyramine (fromages fermentés, certains vins rouges, etc.). Sauf dans des cas exceptionnels, l’association d’antidépresseurs tricycliques est interdite. L’association d’ISRS est strictement interdite et un délai minimum de 2 semaines entre la prise d’un IMAO et la prescription d’un ISRS doit être respecté.
Inhibiteur réversible de la monoamine-oxydase de type A (RIMA)
Un nouveau type d’IMAO, dont le maniement peut être élargi au médecin généraliste, a été récemment introduit : les inhibiteurs réversibles de la monoamine-oxydase de type A dont le seul représentant est le moclobémide (Moclamine).
Interactions
Le moclobémide ne nécessite généralement pas de précautions diététiques ; il est pris de préférence après les repas. Seuls les patients hypertendus doivent éviter de consommer de grandes quantités (plus de 100 g) de fromages vieux ou fermentés. Il existe une possibilité d’interactions entre le moclobémide et d’une part la clomipramine (Anafranil), d’autre part les ISRS.
Inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (cf. tableau 23.1)
Ces molécules possèdent des structures chimiques diverses mais un mécanisme d’action commun : l’inhibition sélective du recaptage présynaptique de la sérotonine. Ces antidépresseurs ont une efficacité comparable à celle des tricycliques.
Contre-indications
Les ISRS n’ont guère de contre-indications, mais plutôt quelques précautions d’emploi.
Effets indésirables
La tolérance des ISRS est généralement nettement meilleure que celle des antidépresseurs tricycliques, grâce notamment au petit nombre de plaintes d’effets anticholinergiques et adrénolytiques. En revanche, ces antidépresseurs donnent souvent plus de problèmes d’intolérance digestive, souvent proportionnels à la dose utilisée. En outre, les ISRS peuvent être responsables d’anxiété, de nervosité, d’irritabilité, surtout en début de traitement, d’insomnie surtout avec les produits les plus stimulants ou de somnolence avec les produits sédatifs. Enfin, les ISRS peuvent perturber les capacités sexuelles avec diminution de la libido et retard ou inhibition de l’éjaculation (chez l’homme) et de l’orgasme (chez la femme).
Intoxication
Les ISRS sont très peu toxiques en ingestion aiguë. Ils peuvent cependant être responsables d’un syndrome sérotoninergique caractérisé par un ensemble de symptômes comprenant des modifications de l’état mental, de l’agitation, des myoclonies, de l’hyperréflexie, de l’œdème, des frissons, des tremblements, de la diarrhée, de l’incoordination et de la fièvre.
Interactions
Il est particulièrement dangereux d’associer des IMAO à des ISRS, notamment en raison du risque de syndrome sérotoninergique ; un délai suffisant d’arrêt des ISRS doit être observé avant la prescription d’IMAO : 5 semaines pour la fluoxétine et une semaine pour les autres ISRS. Il existe également une possibilité d’interactions avec le moclobémide.
Inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline (cf. tableau 23.1)
Ce groupe comporte actuellement trois produits, la venlafaxine (Effexor), le milnacipran (Ixel) et la duloxétine (Cymbalta).
Divers (cf. tableau 23.1)
Ce groupe contient trois produits commercialisés dont la structure chimique et les mécanismes d’action sont variés : la miansérine (Athymil), la mirtazapine (Norset) et l’agomélatine (Valdoxan) .
Mécanisme d’action
La miansérine et la mirtazapine augmentent la concentration de la noradrénaline synaptique en bloquant des récepteurs présynaptiques inhibiteurs de type α2 tandis qu’elles bloquent les récepteurs sérotoninergiques de types 5-HT2 et 5-HT3 ; en outre, la miansérine bloque les récepteurs α1 adrénergiques et inhibe le recaptage présynaptique de la noradrénaline.
L’agomélatine est un agoniste des récepteurs de la mélatonine de types MT1 et MT2 et un antagoniste des récepteurs serotoninergiques de type 5HT2C.
Effets indésirables
La miansérine et la mirtazapine ont très peu d’effets anticholinergiques. Elles peuvent être responsables d’une somnolence. Elles sont associées à une prise de poids et de très rares cas de dyscrasies sanguines ont été rapportés avec la miansérine. La mirtazapine est parfois associée à une sécheresse de bouche.
L’agomélatine jouit d’une bonne tolérance, notamment en ce qui concerne le poids, la fonction sexuelle, les effets cardiovasculaires, gastro-intestinaux et les symptômes à l’arrêt du traitement. Cependant, un léger risque de perturbations hépatiques recommande une surveillance régulière des transaminases : à l’instauration du traitement puis toutes les 6 semaines.
Indications
Les antidépresseurs sont indiqués principalement dans les épisodes dépressifs majeurs d’intensité modérée ou sévère ou s’il existe des caractéristiques mélancoliques ainsi que dans la prévention des épisodes dépressifs récidivants. Cependant, ils peuvent être efficaces dans d’autres types de dépression comme la dysthymie ou la dépression atypique. La présence de caractéristiques psychotiques peut nécessiter l’adjonction d’antipsychotiques. Les antidépresseurs sont également utilisés dans le traitement des troubles anxieux et notamment le trouble panique, la phobie sociale, le trouble obsessionnel compulsif, l’état de stress post-traumatique et le trouble anxieux généralisé. D’autres indications des antidépresseurs telles que les troubles alimentaires, le syndrome prémenstruel ou la douleur ne seront pas envisagées dans le cadre de ce chapitre [15].
Choix d’un antidépresseur dans le traitement de la dépression
Chaque groupe d’antidépresseurs présente des avantages et des inconvénients [4]. Les antidépresseurs tricycliques sont peu coûteux et ont largement fait la preuve de leur efficacité. Ils présentent cependant un grand nombre de contre-indications et d’effets secondaires et sont rapidement toxiques lors de tentatives de suicide. Parmi les antidépresseurs plus récents, les ISRS et les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline possèdent une efficacité équivalente mais sont plus coûteux. Ils ont l’avantage de pouvoir être utilisés dans tous les cas où les tricycliques sont contre-indiqués. Surtout ils sont associés à un plus grand confort d’utilisation dû à leurs effets secondaires limités et à une toxicité réduite dans le cas d’une ingestion suicidaire. Ce plus grand confort d’utilisation est important dans la mesure où de nombreux patients déprimés arrêtent fréquemment prématurément leur traitement suite aux effets indésirables. De plus, cette meilleure tolérance permet de donner ces antidépresseurs à la dose active alors que les antidépresseurs tricycliques requièrent une ascension posologique progressive et ne sont souvent pas pris à la dose efficace. L’expérience avec ces nouveaux antidépresseurs est cependant plus réduite, notamment lors de l’utilisation à long terme.
Le choix de l’antidépresseur sera également guidé par la distinction entre dépression agitée (anxieuse) avec insomnie marquée et dépression ralentie [3]. Bien qu’aucun antidépresseur n’ait démontré d’effet psychostimulant, certains possèdent une activité sédative, utile dans les dépressions agitées alors que d’autres sont dépourvus d’effet sédatif et seront utilisés préférentiellement dans la dépression ralentie. De façon schématique, parmi les antidépresseurs tricycliques, Amitriptyline (Laroxyl, Élavil)l’amitriptyline (Élavil, Laroxyl), la Doxépine (Quitaxon, Sinéquan)doxépine (Quitaxon, Sinequan), la dosulépine (Prothiaden) et la trimipramine (Surmontil) possèdent une activité sédative. Les IMAO sont dépourvus d’effet sédatif. Parmi les ISRS, la fluvoxamine (Floxyfral) et la paroxétine (Deroxat) possèdent certaines propriétés sédatives alors que les autres produits n’en possèdent guère. Les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline n’ont guère d’effet sédatif. La miansérine (Athymil) et la mirtazapine (Norset) possèdent des propriétés sédatives. Il faut cependant noter qu’il existe d’importantes différences dans la réactivité individuelle.