23: Expressions Vasculaires des Maladies Infectieuses

Chapitre 23 Expressions Vasculaires des Maladies Infectieuses



La paroi vasculaire est une cible privilégiée des micro-organismes en général et des virus en particulier, mais selon des mécanismes divers. Ainsi, beaucoup d’infections peuvent atteindre les vaisseaux. Cette association a été renforcée par le développement des techniques de biologie moléculaire qui a permis de mieux caractériser certaines infections, virales pour la majorité, et de discuter avec plus de clarté la présence et le rôle de certaines infections dans la genèse de certaines manifestations vasculaires.


Les mécanismes en jeu dans ces manifestations vasculaires infectieuses ou post-infectieuses peuvent être directs, liés au caractère pathogène direct de l’agent pathogène ou indirects en rapport avec les réactions immunologiques ou inflammatoires induites par le micro-organisme. Le troisième mécanisme est la thrombose médiée par l’activation plaquettaire comme c’est le cas au cours des microangiopathies thrombotiques. Ces manifestations vasculaires directes ou indirectes peuvent également être analysées selon la taille du vaisseau concerné en atteinte des vaisseaux de petit calibre, des vaisseaux de petit et moyen calibre et des vaisseaux de gros calibre. Dans cet article, nous proposons une revue des manifestations vasculaires des infections bactériennes, virales, parasitaires et fongiques en les subdivisant en manifestations directes infectieuses et en manifestions indirectes postinfectieuses ou immunologiques. Nous n’aborderons pas les manifestations veineuses comprenant essentiellement des thrombophlébites suppurées ou des thromboses veineuses liées à une hypercoagulabilité avec ou sans présence d’anticorps antiphospholipides. Parmi les manifestations vasculaires artérielles, nous n’aborderons pas les microangiopathies thrombotiques et la périartérite noueuse qui sont traitées en détail dans d’autres chapitres.



PHYSIOPATHOLOGIE DES MANIFESTATIONS VASCULAIRES DES INFECTIONS


Plusieurs mécanismes peuvent être évoqués pour caractériser l’expression vasculaire des infections. Les deux mécanismes principaux sont l’effet pathogène direct du micro-organisme sur la paroi vasculaire et l’effet indirect d’origine immunologique [1]. Le troisième mécanisme est la thrombose médiée par l’activation plaquettaire et l’altération endothéliale.




Mécanismes immunologiques indirects


Ceux qui peuvent être mis en jeu dans l’expression vasculaire des infections sont multiples. Ils comprennent :









MANIFESTATIONS VASCULAIRES DIRECTES DES INFECTIONS : ARTÉRITES INFECTIEUSES ET ANÉVRISMES MYCOTIQUES


Certaines pathologies infectieuses peuvent être responsables de lésions vasculaires directes symptomatiques ou asymptomatiques. Ces lésions sont liées à la localisation du microorganisme au sein de la paroi vasculaire devenue un site d’infection. Cette situation est représentée par les artérites infectieuses et les anévrismes mycotiques.


L’extension d’une infection bactérienne à la paroi vasculaire est responsable d’un tableau d’endartérite infectieuse. En l’absence de prise en charge précoce, l’évolution naturelle est la formation d’anévrismes dits mycotiques ou infectieux du fait des altérations pariétales majeures. L’anévrisme mycotique est une dilatation localisée et irréversible de la paroi vasculaire liée à une infection. Il s’agit d’une complication sévère grevée d’une importante morbidité et mortalité. Il peut se développer de novo sur une paroi artérielle « saine » ou sur un anévrisme artériel préexistant. La majorité des anévrismes mycotiques sont dus à des infections bactériennes contrairement à ce que laisse supposer le nom qui a été donné par Osler en 1885 pour définir cet aspect ressemblant à des « champignons frais » [2].



Épidémiologie


Les aortites infectieuses et anévrismes mycotiques sont assez rares puisqu’ils représentent 0,7 à 2,6 % des anévrismes aortiques opérés et 0,7 à 4 % des anévrismes cérébraux [3, 4]. Ils ont une prédominance masculine (3 hommes pour 1 femme) probablement expliquée par l’association des aortites infectieuses aux facteurs de risque cardiovasculaires qui sont plus fréquents chez les sujets masculins. L’âge moyen de survenue est de 65 ans, sauf pour les aortites infectieuses et anévrismes mycotiques compliquant une endocardite infectieuse, l’âge moyen étant dans ce contexte de 40 ans du fait de la prévalence importante des complications de la toxicomanie intraveineuse.



Physiopathologie


Plusieurs mécanismes peuvent être impliqués dans l’infection bactérienne de la paroi artérielle. Il peut s’agir d’emboles septiques dans les vasa vasorum, comme au cours de la syphilis, d’une extension de l’infection aux artères adjacentes par contiguïté, d’une inoculation directe au moment du traumatisme artériel auto-infligé (toxicomanie intraveineuse), d’un phénomène iatrogène (cathétérisme artériel) ou accidentel. La présence de lésions artérielles pariétales athéromateuses, telles les anévrismes artériels, est un facteur favorisant majeur surtout dans le contexte des infections à Salmonella.


L’évolution naturelle d’un anévrisme mycotique est variable, pouvant croître, rester stable et même décroître et disparaître avec le traitement de l’infection causale. Au cours de cette évolution, des complications graves sont à craindre, en particulier les ruptures vasculaires avec hémorragie profonde potentiellement fatale.


L’exemple classique d’infection responsable d’anévrisme mycotique est l’endocardite bactérienne subaiguë d’Osler. Au cours de cette affection, les localisations anévrismales les plus fréquentes sont les suivantes par ordre de fréquence : artère fémorale 40 %, aorte abdominale 30 %, artère mésentérique supérieure 10 %, artère brachiale 7 %, artère iliaque 6 % et carotide 5 % [5]. Des localisations intracardiaques, en particulier sur le ventricule droit, sont décrites. Les anévrismes mycotiques cérébraux surviennent plus souvent dans les portions distales de l’artère cérébrale moyenne, proches de la surface corticale et incluant les branches secondaires et tertiaires. Ce profil caractéristique aide à les distinguer des anévrismes « dysplasiques » qui surviennent plus près de la base du crâne et du polygone de Willis.


Les facteurs de risque associés à la survenue d’aortites infectieuses et d’anévrismes mycotiques sont les suivants [5] :



l’endocardite bactérienne : la majorité des anévrismes mycotiques décrits sont survenus avant la découverte des antibiotiques, représentant jusqu’à 86 % des cas en 1923 [6], et étaient associés à une endocardite infectieuse. Elle ne représente plus actuellement que 17 à 30 % des causes d’anévrismes mycotiques [5, 7] ;







Procédures diagnostiques


Le diagnostic d’anévrisme mycotique se fait sur un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques et microbiologiques.




EXAMENS MORPHOLOGIQUES


L’imagerie est indispensable pour établir le diagnostic, localiser et caractériser (nombre, taille), identifier les complications associées et évaluer les possibilités thérapeutiques. Elle est aussi indispensable pour la surveillance de l’efficacité thérapeutique. On dispose de plusieurs examens morphologiques permettant le diagnostic des anévrismes mycotiques : l’échographie, le scanner, l’imagerie par résonance magnétique et l’artériographie [12]. La radiographie du thorax peut mettre en évidence une opacité médiastinale évocatrice d’anévrisme thoracique qui, dans un contexte infectieux, peut faire évoquer le diagnostic. L’échographie peut montrer une altération pariétale avec des modifications de flux au niveau des artères périphériques et de l’aorte abdominale sous-rénale. Toutefois, les deux examens de référence actuellement sont l’angioscanner et l’angio-IRM qui visualisent l’anévrisme et déterminent ses rapports avec les structures adjacentes et facilitent la décision des modalités de traitement chirurgical (fig. 23-2 et 23-3).




En plus des anomalies pariétales visualisées (anévrismes, calcifications athéromateuses), une prise de contraste inhomogène de la paroi est objectivée. L’artériographie fut pendant longtemps l’examen de référence permettant la localisation de l’anévrisme, la mise en évidence d’une fissure ou d’une extravasation et aidant à la décision thérapeutique chirurgicale. Elle présente comme inconvénients majeurs son caractère invasif dans un contexte septique avec le risque d’emboles septiques et de greffes bactériennes au site de ponction et le risque de rupture anévrismale. Elle doit être actuellement réservée aux cas où l’imagerie par scanner ou IRM serait insuffisante (fig. 23-4).



Plus récemment, des auteurs ont rapporté des cas d’anévrismes mycotiques évalués par tomographie par émission de position au 18-FDG (13). Cet examen n’est pas un examen de première intention et son utilité doit encore être validée.



Traitement


Le traitement des anévrismes mycotiques repose sur une prise en charge médicale avec une antibiothérapie systémique associée ou non à un traitement chirurgical ou endovasculaire.


L’antibiothérapie, initialement par voie intraveineuse, doit cibler les germes les plus fréquents et être adaptée secondairement en fonction du profil de sensibilité du germe identifié. La durée habituelle est de 4 à 6 semaines, avec des adaptations en fonction de l’évolution des paramètres inflammatoires [14].


La stratégie chirurgicale doit toujours être associée à une antibiothérapie préalable. Elle dépend du site d’infection, de la présence ou non d’une rupture et parfois de la disponibilité de greffons autologues ou prothétiques [15]. Elle peut consister en :







Pour les anévrismes mycotiques intracrâniens, le facteur pronostique majeur est la rupture fatale chez un quart des patients. En l’absence de rupture, une antibiothérapie isolée est recommandée, associée à la chirurgie dans le cas contraire [18].


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Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 23: Expressions Vasculaires des Maladies Infectieuses

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