22. De la naissance à l’âge adulte

Chapitre 22. De la naissance à l’âge adulte



Remarques préliminaires

De la naissance à l’âge adulte Une prise en charge interdisciplinaire, centrée sur la famille, commence dès la salle de naissance : outre les gestes médicaux essentiels à la survie de l’enfant, un ensemble de stratégies est mis en place dès les premières heures de vie afin de prévenir les complications et les effets potentiellement iatrogéniques d’un environnement extra-utérin mal adapté à l’état maturatif du nouveau-né prématuré. Puisque cette prise en charge précède le diagnostic neurologique, elle sera appliquée à un grand nombre d’enfants qui démontreront plus tard l’intégrité de leur fonction cérébrale.

Très souvent, cette intervention dépassera la période d’hospitalisation. L’arrivée de l’enfant à la maison est souvent une source importante de stress pour la mère, car elle ne se sent plus protégée par l’environnement médical (même lorsqu’elle avait ardemment souhaité se débarrasser de cette tutelle). Il faudra savoir être là, facilement joignable, avec des consultations fréquentes qui s’espaceront selon l’évolution; le but est d’éviter toute discontinuité dans la prise en charge.

La révision des objectifs d’intervention devra être faite régulièrement au cours des années suivantes pour tenir compte de l’évolution et des besoins nouveaux de l’enfant et de sa famille. Chaque étape devra être anticipée pour faciliter le passage à l’adolescence et à l’âge adulte dans une pathologie chronique qui pèsera sur toute la vie de l’individu atteint. C’est cette vision au long cours qui manque trop souvent et dont les grandes lignes seront résumées ici.


Axes d’intervention en soins de développement

soins de développementL’approche en USI s’est instituée au cours des années 1980 avec la proposition d’Als [1, 2] d’un programme de soins de développement individualisé basé sur l’observation comportementale du nouveau-né, le NIDCAP (Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program). Reposant sur une évaluation exhaustive, systématique et répétée des capacités d’autorégulation et des stratégies comportementales du nouveau-né dans différents contextes de soins, un tel programme cherche à diminuer l’écart entre les capacités observées et les exigences du milieu [3].

L’expression physiologique et comportementale du nouveau-né est considérée comme la meilleure référence pour déterminer les soins à lui donner. C’est donc sur la base d’une évaluation de ces comportements que des interventions adaptées seront définies afin d’optimaliser les conditions de vie du nouveau-né prématuré [4]. Ces interventions porteront tant sur l’environnement, qui devra être adapté au niveau de maturité de l’enfant, que sur les professionnels de la santé et les parents, qui auront à adapter leurs soins aux besoins de chaque nouveau-né. Ce qui peut être approprié pour un enfant peut ne pas l’être pour un autre.

Dans sa forme standardisée, le NIDCAP nécessite une stratégie structurée d’implantation suivant plusieurs étapes et requérant à différents degrés leadership et formation [3]. Les professionnels soignants de l’équipe NIDCAP doivent recevoir une formation assurée sous l’égide des NIDCAP Training Centers (www.nidcap.com). L’unité doit également être soumise à une évaluation menant à la certification NIDCAP. Pour plusieurs raisons tant structurelles qu’économiques, l’application complète du NIDCAP est souvent difficile; néanmoins, plusieurs des principes sous-jacents peuvent être utilisés à la faveur tant des nouveau-nés et de leur famille que des soignants.


Positionnement adapté

positionnement adaptéLe nouveau-né malade et plus encore le prématuré sont globalement hypotoniques, ils reposent complètement relâchés sur le matelas, comme une flaque… Quelle est alors la posture spontanée la plus habituelle chez le nouveau-né flaccide et immobile? C’est la position en «grenouille écrasée», décrite par Grenier [5] (voir la figure 10.2). C’est une posture antiphysiologique qui peut entraîner, comme on l’a vu plus haut, une antétorsion de l’extrémité supérieure du fémur.

Les conséquences de cette posture anormale des membres inférieurs sont de deux ordres : raccourcissements musculaires et déformations ostéocartilagineuses.

Est-ce que de tels raccourcissements sont réversibles? Oui, si la motricité spontanée normale rétablit les longueurs, permettant alors à l’enfant d’évoluer de la posture initiale en grenouille écrasée vers la posture du nouveau-né normal. Non, si la motricité et la tonicité restent pathologiques chez l’enfant ayant une lésion cérébrale; dans ce cas, les muscles adducteurs et psoas resteront raccourcis et entraîneront des déformations osseuses du fémur.

La posture des membres supérieurs doit également être prise en considération. En effet, les membres supérieurs aussi sont flaccides chez l’enfant malade, en rotation externe extrême au niveau de l’épaule; il en résulte un raccourcissement du trapèze, par rapprochement des insertions musculaires. Plus tard, cette position se fixera en «chandelier».

Sur un enfant qui bouge peu, ces raccourcissements persisteront, avec une attitude en opisthotonos qui sera prise à tort pour la conséquence d’une lésion centrale, alors que son origine dans ce cas est purement périphérique. Il faut donc favoriser dès que possible un positionnement adapté qui permet la relaxation de la ceinture scapulaire et du cou.

Une posture physiologique sera recherchée dès le premier jour de la vie, c’est-à-dire une posture qui reproduit l’attitude que prend normalement un nouveau-né à terme ayant une tonicité et une motricité normales (voir la figure 10.3). En décubitus dorsal, les cuisses sont légèrement en abduction, les genoux sont légèrement fléchis et situés au-dessus du plan du lit. Le décubitus latéral est particulièrement favorable dans le même temps pour les membres supérieurs, comme on le verra plus loin. Même chose si la position proclive est nécessaire, il faut éviter absolument le lange large qui relève excessivement les genoux et les écarte l’un de l’autre à l’extrême, et favoriser une sangle étroite qui laisse pendre les membres inférieurs en position physiologique. L’enfant malade sera ainsi installé dans une position de fonction, hanches en abduction et flexion légères, genoux légèrement fléchis et toujours plus bas que le bassin, c’est- à-dire longueurs musculaires respectées à tous les niveaux. Les quelques schémas montrent ce que l’on désire obtenir. Les installations sont variées et laissées aux préférences de chaque équipe de soin.

Tous les décubitus sont possibles en USI en raison du monitorage permanent des fonctions vitales. Dès le retour à la maison, les décubitus ventral et latéral seront proscrits durant les périodes de sommeil pour être en accord avec les consignes préventives du syndrome de mort subite du nourrisson. C’est pourquoi un sevrage dans ces décubitus sera fait dans les semaines précédant la sortie de l’hôpital.

En conclusion, assurer une posture physiologique à tout nouveau-né n’est pas difficile et doit être une véritable obsession en néonatalogie. On peut accepter l’inévitable, pas les complications iatrogènes, tolérées par manque d’imagination; il suffit d’anticiper et de considérer comme un individu qui marchera ce très petit enfant malade pour lequel respirer est l’essentiel immédiat.


Modulation des stimulations

stimulationmodulationSurstimulation, sous-stimulation ou encore désorganisation des stimulations? Beaucoup de choses ont été dites quant aux stimulations auxquelles sont exposés les nouveau-nés séjournant dans les USI. Reconnaissant les effets potentiellement délétères de ces stimulations, plusieurs tentatives d’intervention ont été effectuées au cours des 50 dernières années : programmes de stimulation sensorielle (tactile, vestibulaire, visuelle ou encore auditive), réduction des stimulations pour reproduire l’environnement utérin, programmes d’exercices moteurs ciblés. Bien que ces diverses propositions aient fait l’objet d’études cliniques, ni efficacité ni reproductibilité n’ont pu être démontrées.

soins de développementC’est avec les travaux d’Als [1] qu’une approche plus systématique des soins de développement a vu le jour. Elle propose une conception de l’enfant organisé selon cinq sous-systèmes distincts, hiérarchisés et interdépendants. Ces sous-systèmes sont constamment en interaction les uns avec les autres et avec l’environnement. Le développement de l’enfant et l’organisation de ses comportements sont sous la dépendance de la synchronie et de l’adéquation des stimulations. En réponse à des stimulations non adéquates, l’enfant émettra des signaux de stress alors que les stimulations adéquates entraîneront des comportements d’autorégulation (voir tableau 10.12). C’est l’observation et l’interprétation de ces comportements de stress et d’autorégulation qui seront la base de l’intervention individualisée visant à fournir un environnement et des soins adaptés.


Facilitation de la motricité physiologique

Faciliter une motricité de type physiologique est un des objectifs. La stimulation motricestimulationmotrice commence dès la convalescence, avec ses temps habituels, relaxation, travail passif puis facilitation du travail actif spontané. Autrement dit, surveillance des postures, maintien des longueurs, ouverture sur le plaisir de bouger. Parallèlement à cette facilitation du mouvement de l’ensemble du corps, une attention particulière sera accordée aux habiletés oromotrices précoces [6]. De fait, ces habiletés sont souvent déficitaires chez le nouveau-né prématuré ou celui né à terme et malade. Divers signes d’appel incluant difficulté à téter, perte de poids, fatigue, aspirations, reflux ainsi que signes de stress ou de douleur peuvent être identifiés par les intervenants et les parents. Positionnement adéquat, techniques de stimulation périorale et aménagement de l’environnement durant les boires seront autant de moyens utilisés pour faciliter le développement et l’organisation des habiletés oromotrices, prévenir les problèmes d’alimentation et favoriser une expérience positive autour de l’alimentation tant pour l’enfant que les parents.


Prise en compte de la douleur

douleurCraig et al. [7] rapportent des réponses identifiables aux sensations douloureuses chez les prématurés. En effet, des nouveau-nés très prématurés (25–27 SA) manifestent déjà des réactions physiologiques en réponse à des stimuli nociceptifs. Un peu plus tard, le développement des systèmes nerveux central et endocrinien est assez avancé pour qu’il y ait déclenchement d’une réponse à la douleur à la suite de stimuli aversifs/nociceptifs; le nouveau-né peut alors émettre une réponse hormonale et métabolique à la suite de l’activation du système sympathique par un stimulus algique [8]. Certaines études rapportent également un lien entre la charge nociceptive vécue en début de vie et des réponses affectives et comportementales exacerbées lors d’événements douloureux subséquents [9]. L’exposition à une douleur prolongée ou aiguë peut également accroître la morbidité néonatale. L’utilisation d’une approche basée sur les soins de développement constitue un complément essentiel à l’utilisation des traitements anesthésiques et analgésiques.

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May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 22. De la naissance à l’âge adulte

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