22: Comportements suicidaires

Chapitre 22 Comportements suicidaires




22.1 Introduction



La plupart des auteurs reprennent la définition de Emile Durkheim (1897) : « on appelle suicide tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d’un acte positif ou négatif, accompli par la victime elle-même et qu’elle savait devoir produire ce résultat ». Bien que la conscience et le discernement soient souvent altérés dans les troubles mentaux, cette définition reste la plus utilisée. On a élargi parfois ce modèle à tous les comportements qui entraînent la mort du sujet. Le problème de l’évaluation de l’intentionnalité autodestructrice et de l’état de conscience au moment de l’acte reste en suspens. Aaron Beck a proposé en 1978 une échelle d’intentionnalité suicidaire pour évaluer l’intensité du désir de mort, qui devrait être évaluée systématiquement [in 6]. On exclut habituellement le sacrifice et le suicide imposé. Quant au suicide philosophique et à la mort volontaire choisie, elle relève d’un débat idéologique interminable, le suicide étant alors considéré comme l’expression suprême de la liberté humaine. Il ne concerne guère le psychiatre qui ne s’occupe que du « suicide pathologique » [12].


Depuis deux siècles s’opposent les tenants de la théorie sociologique (E. Durkheim, 1897 [11], M. Halbwachs, 1930) et les tenants de la théorie psychiatrique : la maladie suicide (J.E. Esquirol, 1827 et A. Delmas, 1932). La recherche proprement sociologique continue opportunément [3]. Au plan psychopathologique, on considère maintenant que les suicides, dans leur immense majorité, correspondent à un trouble mental (tel qu’il est défini par la CIM 10 ou le DSM IV-TR). La grande méta-analyse de E.C. Clare-Harris et B. Barraclough en 1997 montre que le suicide accompli s’inscrit dans l’évolution d’un trouble mental [9]. Bien que ne figurant pas dans les classifications internationales des troubles mentaux (CIM-10, DSM-IV), suicides et tentatives de suicide représentent l’urgence et le risque majeurs du domaine de la psychiatrie. Il est souhaité que le comportement suicidaire représente un axe ou une catégorie autonome (mais hautement comorbide) dans la classification à venir des troubles mentaux, type DSM-5 [15].


Il est classique de distinguer le suicide proprement dit, fâcheusement appelé parfois « suicide réussi » (accompli), et les parasuicides et tentatives de suicides qui sont 10 à 30 fois plus fréquents que les suicides proprement dits. Cependant, 10 ans après une TS, 10 % des sujets seront morts par suicide. Dans les parasuicides on a voulu retrouver diverses fonctions rendant compte de ce comportement : fonctions autodestructrice, hétéroagressive, cathartique, d’appel, de chantage, de fuite, etc. [17]. Le viennois H. Ringel [16] a décrit quant à lui un syndrome présuicidaire caractérisé par :



L’Anaes a consacré, en 2001, une conférence de consensus à la « crise suicidaire » [1], conçue sur le modèle médical d’un changement subit de l’évolution d’une maladie avec rupture des moyens de défense et effondrement psychique [14]. Les recommandations recensent les facteurs de risque mais, pour la conduite à tenir proprement dite, elles n’ont pu s’appuyer que sur quelques preuves de niveau C. En effet, prédiction et prévention du suicide restent discutées [4, 7, 8, 10] : il existe des facteurs de risque mais pas d’indices prédictifs validés, le suicide étant un événement statistiquement rare (un décès sur 50 environ est lié au suicide in [1]). La grande étude de Pokorny en 1983 a montré cette incertitude dans la prédiction. Les faux positifs (personnes supposées à risque) sont en nombre très élevé. Sur 4 800 patients psychiatriques ayant été hospitalisés, 67 s’étaient suicidés au cours des cinq années suivantes, alors que 15 % avaient été considérés comme étant à risque suicidaire. Inversement moins de la moitié des patients morts par suicide avaient été repérés comme étant à risque (donc plus de la moitié de faux négatifs). Dans une autre étude, la seule différence significative entre suicidés et non suicidés, 8 ans après une hospitalisation psychiatrique, concernait les antécédents familiaux (parents de premier degré) de mort par suicide (21 % vs 6 %) [5]. Il est possible que le comportement suicidaire représente une pathologie psychiatrique en soi, différente des autres troubles mentaux avec cependant une comorbidité très élevée.


Toutes les anamnèses et les « autopsies psychologiques » ont montré que le suicide était associé dans 95 % des cas à un trouble mental caractérisé. Après les travaux pionniers de A. Robin et al. (1959), B. Dorpat et C. Ripley (1960), B. Barraclough et al. (1974), toute une série d’études ont permis d’évaluer la répartition des diagnostics psychiatriques [in 8, 10, 18]. Par ordre décroissant sont en cause : les troubles de l’humeur (dépression et troubles bipolaires), états psychotiques (schizophrénie, troubles délirants), alcoolisme et toxicomanie, troubles anxieux, troubles de l’axe II (personnalité). Inversement, laissées à elles-mêmes, les maladies mentales majeures font courir aux patients un risque très élevé de mort par suicide : 10 à 20 % (principalement schizophrénie, maladie bipolaire, alcoolisme et toxicomanie). Plusieurs catégories de médicaments psychotropes ont montré leur efficacité anti-suicide : clozapine, lithium«Lithium (Téralithe, Neurolithium et antidépresseurs, selon leur prescription appropriée à chaque diagnostic…


Ainsi, le suicide et sa prévention relèvent essentiellement de la psychiatrie et de la santé mentale. L’OMS, les pouvoirs publics, etc. ont donc entrepris de prévenir le comportement suicidaire. Cette prévention du suicide représente un problème majeur de santé publique. Les médicaments psychotropes, les mesures psychosociales et les psychothérapies occupent une place centrale dans ces entreprises. L’étude suédoise de l’île de Gotland a montré que l’information psychiatrique des médecins généralistes, en particulier pour le dépistage et le traitement des états dépressifs, permettait de diminuer de moitié le nombre des suicides accomplis. Cela concerne essentiellement les femmes et de façon transitoire, puisque formation et information épuisent leurs effets un à 2 ans après, ce qui impose une formation continue et répétitive. Par ailleurs, le nombre des suicides est inversement proportionnel à la consommation des médicaments antidépresseurs (principe d’Isacsson). La prise régulière des médicaments antipsychotiques dits atypiques réduit nettement le risque suicidaire chez les patients psychotiques.


On doit distinguer les comportements suicidaires violents (pendaison, arme à feu, précipitation, noyade, écrasement, etc.) et les TS non violentes essentiellement par ingestion médicamenteuse volontaire, en particulier avec des psychotropes. Le degré de létalité est lié à la violence agressive du moyen suicidaire.


P. Moron, J. Vedrine et J.P. Soubrier, en 1969, ont fondé le GEPS (Groupement pour l’étude et la prévention du suicide) qui organise une réunion chaque année. D’autre part, il existe en France au moins une quinzaine d’unités spécialisées dans l’accueil hospitalier de la crise suicidaire (cf. in fine). Leur efficacité préventive reste cependant à préciser, d’autant plus que leur inspiration et leur modalité de prise en charge sont très disparates.


J. Baechler, auteur d’un livre classique sur le suicide en 1975 [2], a proposé une « théorie stratégique » du suicide (1995) comme solution logique pour sortir d’une situation, qui rappelle la lecture cognitive de l’idéation suicidaire. À contre-courant, il proposait comme solution préventive cohérente de ne pas répondre aux appels que représentent les comportements suicidaires (TS) afin de ne pas renforcer positivement ce comportement. Solution inenvisageable dans le cas d’une société « maternante » (le Care est désormais le fondement philosophique du programme d’un grand parti politique), s’astreignant à assurer un complet contrôle des comportements et du bien-être de ses membres. On trouvera dans la monographie de P. Hardy [13] une revue exhaustive des études d’évaluation des pratiques et structures de soins pour la prévention du suicide.



Références



[1] Anaes. La crise suicidaire, reconnaître et prendre en charge. Paris: John Libbey, 2001.


[2] Baechler J. Les suicides. Paris: Calmann-Lévy, 1975.


[3] Baudelot C., Establet R. Suicide, L’envers de notre monde. Paris: Seuil, 2006.


[4] Bourgeois M.L. Les autopsies psychologiques. Peut-on prévenir le suicide ? Encéphale. 1996;IV:46-51.


[5] Bourgeois M.L., Bioulac S., Ekouevi D.K. Prédictivité du suicide et responsabilité médicale : à propos d’une étude prospective sur 8 ans de 200 patients hospitalisés en psychiatrie. Ann Med Psychol (Paris). 1999;157:552-556.


[6] Bourgeois M.L. Les instruments d’évaluation pour la prédiction et la prévention du suicide, Intérêt pour la pratique clinique et la recherche. In: La crise suicidaire, reconnaître et prendre en charge. Paris: John Libbey; 2001.


[7] Bourgeois M.L., La maladie suicidaire, À paraître, 2012.


[8] Caillard V., Chastang F. Le geste suicidaire. Issy-Les-Moulineaux: Masson-Elsevier, 2010.


[9] Clare-Harris E.C., Barraclough B. Suicide as an outcome for mental disorders. A meta-analysis. Br J Psychiatry. 1997;170:205-228.


[10] Courtet P. Suicides et tentatives de suicide. Paris: Flammarion Sciences, 2010.


[11] Durkheim E., (1897) , Le suicide, Paris:PUF; 1983. Quadrige


[12] Ey H. Le suicide pathologique, étude n° 14. Paris: Desclée de Brouwer, 1954.


[13] Hardy P. La prévention du suicide, rôle des praticiens et des différentes structures de soins. Paris: Doin, 1997. Coll. Références en psychiatrie


[14] Moron P., 2001 , La crise suicidaire. Conférence de consensus, Montrouge:John Libbey; 2000.


[15] Oquendo M.A., Baca-Garcia E., Mann J.J., Giner J. Issues for DSM-V : Suicidal Behavior as a separate diagnosis on a separate Axis. Am J Psychiatry. 2008;165:1383. 44


[16] Ringel H. La prévention du suicide, un problème mondial. Hyg Ment. 1966;55:84-105.


[17] Stengel E.L., Cook N.G. Attemped suicide. Its social significance and effects. London: Oxford University Press, 1958.


[18] Wasserman D., Wasserman C. Oxford textbook of suicidology and suicide prevention. A Global perspective. London: Oxford University Press, 2009.



22.2 Épidémiologie du suicide



La pathologie suicidaire est un problème grave de santé publique, puisque l’on recense annuellement en France plus de 10 000 décès par suicide et l’on estime que les tentatives de suicide sont de 10 à 15 fois plus nombreuses, de l’ordre de 160 000 chaque année [3].


Les statistiques résultent de l’exploitation des certificats de décès établis par les médecins constatant les décès. La fiabilité de ces statistiques est contestée en raison de deux sources d’erreurs possibles : l’une est la dissimulation du caractère suicidaire des lésions, l’autre tient à l’incertitude quant à l’intentionnalité de l’acte conduisant à considérer qu’il s’agit soit d’un accident, soit d’un décès indéterminé quant à l’intention, soit d’un suicide. Les analyses statistiques attestent de la cohérence interne des statistiques de décès [6] et montrent que la dissimulation du suicide est limitée. Il est probable que la sous-estimation du suicide est inférieure à 20 % des cas, soit environ 2 000 cas de suicide non enregistrés.



L’incidence du suicide en France


En 2007 le nombre de suicide était de 10 122 (7 418 hommes et 2 704 femmes). Rapporté à la population totale, le taux de suicide en 2007 était de 24,8 pour 100 000 hommes et 8,5 pour 100 000 femmes (16,4 pour 100 000 personnes).


La figure 22.1 montre que la surmortalité masculine par suicide se confirme à tous les âges (ratio de masculinité : 3 en moyenne). Pour les hommes, l’augmentation des taux est importante entre l’adolescence et l’âge adulte où l’on observe un premier maximum de l’incidence vers 50 ans, suivi d’une diminution modérée jusqu’à l’âge de la retraite d’activité, puis une augmentation très importante jusqu’aux âges les plus élevés. L’évolution des taux féminins selon l’âge est plus régulière et l’augmentation plus limitée.




Évolution du taux de suicide


Le taux de suicide a significativement augmenté en France depuis le milieu des années soixante-dix. Antérieurement, de 1950 à 1970, l’incidence du suicide était relativement stable mais cette stabilité globale résultait de deux évolutions contraires : d’une part une lente augmentation du suicide féminin (tous âges) et du suicide des hommes jeunes, et d’autre part une diminution du suicide chez les hommes de plus de 40 ans.


Après 1970 et surtout 1975, on a observé une augmentation générale du suicide, avec entre 1975 et 1985 une aggravation de 38 %. Depuis 1985, l’incidence a diminué et, en 2007, elle est inférieure de 19 % pour les hommes et de 21 % pour les femmes.


L’évolution du risque de suicide avec l’âge est actuellement un peu différente de ce que l’on observait il y a une vingtaine d’années. Globalement il y a une croissance significative du taux avec l’âge, qui est maintenant plus rapide chez les adultes jeunes. Ce profil s’observe dans les pays anglo-saxons, où relativement à la France le taux de suicide est plus important chez les jeunes adultes mais inférieur chez les personnes âgées.


En France, comme dans les autres pays développés, on a assisté à une augmentation du suicide dans les générations nées depuis la seconde guerre mondiale.


Cette évolution générationnelle a été initialement plus importante chez les femmes, puis a plus concerné les hommes des générations du baby-boom (figure 22.2). Dans ces générations, l’augmentation du taux de suicide avec l’avancée en âge semble plus limitée que dans les générations antérieures mais l’augmentation du risque de suicide vie entière est significative. À 45 ans, pour les femmes des générations 1941–1950, le risque cumulé de suicide est supérieur de 35 % à celui des générations 1931–1940. Chez les hommes l’évolution est plus importante dans les générations 1951–1960 (+43 % par rapport aux générations 1941–1950).





Caractéristiques sociales du suicide


Les personnes mariées ont le taux de suicide le plus faible (environ 25 % inférieur à la moyenne), alors que les veuf(ve)s et les personnes divorcées ont des taux significativement plus élevés (plus de 2 fois le taux moyen). Les données statistiques minimisent très vraisemblablement les différences entre statuts dans la mesure où il y a une proportion significative d’unions de fait. La situation est sensiblement différente selon le sexe [8]. Chez les femmes, le risque relatif de suicide a une valeur proche pour les non-mariées, de l’ordre de 2. Pour les hommes célibataires, le risque relatif est également proche de 2, mais pour les divorcés et surtout les veufs, le risque relatif est très majoré : risque de 3 pour les divorcés et supérieur à 5 pour les veufs.


La variation de l’incidence du suicide en fonction des catégories professionnelles chez les actifs est relativement limitée. Les catégories sociales les plus aisées ont les taux de suicide les plus faibles, environ deux fois moins que la moyenne. Le groupe inactif doit être considéré à part. Entre 25 et 55 ans, l’inactivité (hors chômage) chez les hommes est presque toujours associée à un handicap, alors que chez les femmes une part importante des inactives le sont pour raison sociale (femmes au foyer). Chez les hommes inactifs, le taux de suicide est près de huit fois le taux moyen, alors que chez les femmes c’est environ le double. Si l’on tient compte de l’inactivité de raison sociale chez les femmes, le risque relatif de suicide chez les inactives non volontaires est également très important, du même ordre que pour les hommes inactifs.


Des facteurs environnementaux et de style de vie, la disponibilité des drogues notamment, sont aussi liés à l’évolution du suicide. L’augmentation du suicide dans de nombreux pays développés s’est amplifiée parallèlement au développement du chômage. S’il existe bien un lien entre suicide et chômage, la nature de ce lien est complexe et les pays où le chômage a le plus augmenté ne sont pas ceux où le suicide s’est le plus accru. Plus que le chômage, c’est sans doute la diminution des liens familiaux et sociaux accentuée par les changements économiques qui peut rendre compte de l’augmentation du suicide.


La disponibilité plus ou moins grande de certains moyens a un impact sur l’importance et l’évolution du suicide. Aux États-Unis le taux de suicide par arme à feu est 6 fois plus important dans les États où la législation facilite la possession d’une arme à feu et cela a une incidence sur le taux global de suicide. La diminution des suicides par empoisonnements médicamenteux a été parallèle à la diminution des prescriptions de sédatifs, tranquillisants et hypnotiques, notamment les barbituriques.



Prévalence des pathologies psychiatriques, de la dépression en particulier


Selon les études et les instruments d’évaluation utilisés, l’importance des pathologies psychiatriques chez les suicidés varie dans des proportions importantes, d’une minorité de cas (25 à 30 %) à une prévalence proche de 100 %. Une méta-analyse de la littérature sur le risque de suicide dans les pathologies mentales [5] montre que pour presque tous les troubles mentaux, le risque de suicide est significativement accru. Ce risque est plus fortement majoré dans les troubles mentaux fonctionnels et plus limité pour les troubles mentaux organiques. La tentative de suicide est souvent considérée comme le facteur de risque de suicide le plus significatif. Environ 1 % des suicidants se suicident dans l’année et R.F. Diekstra fait état de 10 à 14 % de risque de suicide vie entière chez les suicidants [4]. M.L. Bourgeois, rapportant plusieurs études faites à partir d’autopsies psychologiques en Angleterre et aux États-Unis, estime que 50 à 80 % des suicides correspondent à des troubles de l’humeur [1]. Dans une étude des diagnostics en fonction de l’âge chez des suicidés, Y. Conwell trouve que chez les plus jeunes le diagnostic le plus fréquent est la toxicomanie et la psychose et plus l’âge augmente, plus la prévalence de la dépression s’accroît [2]. Il observe une vulnérabilité accrue des patients déprimés âgés au suicide et particulièrement chez les hommes. Cette liaison âge-dépression concerne la dépression unipolaire. Les études de suivi de patients déprimés montrent qu’au moins 15 % de ces personnes se suicident, ce qui représente un risque relatif de l’ordre de 30. Moins nombreux que les déprimés les patients schizophrènes sont aussi fortement exposés au risque suicidaire, leur risque de suicide vie entière est d’environ 5 % [7].




22.3 Psychopathologie et psychothérapie des patients suicidaires



Outre les « fonctions » attribuées par E.L. Stengel et N.G. Cook [10] aux parasuicides et le syndrome présuicidaire de H. Ringel [7], les comportements suicidaires ont suscité des interprétations variées. Par exemple, pour K.A. Menninger, trois composantes plus ou moins conscientes pouvaient être discernées :



Pour E. Schneidman, fondateur de la suicidologie et du centre de prévention du suicide à Los Angeles, le comportement suicidaire correspondait à une douleur psychique insupportable (Psychache).


Le modèle théorique actuellement prévalent est celui qui associe vulnérabilité et événements stressants, « paradigme diathèse-stress-désespoir ». On peut ainsi retrouver les éléments suivants :



Depuis A.T. Beck et al., on insiste sur le rôle crucial du désespoir constamment retrouvé et mesurable par l’échelle de désespoir de Beck [1, 3, 4]. B.A. Alford et AT Beck ont proposé 10 axiomes pour les thérapies cognitives [1] :



La voie finale commune du fonctionnement psychologique réside dans les cognitions. On a donc un modèle intégratif et un modèle interactionniste. A.T. Beck (1996) a proposé le concept de mode, organisation structurale contenant des schémas cognitifs. Il s’agit de « sous-organisations spécifiques » à l’intérieur de l’organisation de la personnalité et contenant les éléments des systèmes de base de la personnalité : cognition (traitement de l’information), affectivité, comportement, motivation. Il y a diverses structures de schémas : affective, comportementale, motivationnelle. Il convient d’y ajouter le système physiologique. Le mode est donc un « réseau intégré cognitif, affectif, comportemental » qui déclenche une réponse synchrone aux exigences extérieures du milieu et met en œuvre les prescriptions et exigences internes et les objectifs et ambitions. Dans le système cognitif s’intègrent l’interprétation et la signification avec intégration des données actuelles de la mémoire. L’essentiel des efforts thérapeutiques porte sur les niveaux les plus conscients du système cognitif, impliquant cependant le domaine préconscient et métacognitif. La figure 22.3 résume cette conception beckienne de la machinerie mentale, ce modèle cognitivo-comportemental suicidaire, suggérant différents niveaux d’intervention thérapeutique [510].



M.D. Rudd et al. proposent un inventaire préliminaire pour évaluer le « mode suicidaire » et mettre en route une prise en charge systématisée [8, p. 36–7]. Ils font donc l’inventaire des vulnérabilités prédisposantes, des motivations et comportements suicidaires, de l’activation du système physiologique, des événements déclencheurs extérieurs et internes, le système de croyance suicidaire et le système affectif avec les états dysphoriques (douleur psychique). Est proposé un protocole systématisé de prise en charge : 20 séances d’une heure chacune. Sont ciblées six compétences de base dans les domaines suivants : résolution de problèmes ; régulation émotionnelle ; self monitoring ; tolérance aux états de détresse ; habiletés interpersonnelles (assertivité) ; gestion de la colère. Outre le traitement de ces déficits, il s’agira d’améliorer l’aptitude à faire face (coping adaptatif) et la résilience, en modifiant le contenu structural du système de croyance suicidaire. Un autojournal quotidien précisera les failles adaptatives. Outre la motivation réelle pour le changement, cette prise en charge requiert temps, énergie et constance. Vingt-cinq à 50 % des séances reprendront l’inventaire et le repérage des déficits des compétences adaptatives en détaillant les différents contenus. On peut cibler 20 minutes pour la gestion de la colère, 20 minutes pour la tolérance à la détresse et 20 minutes pour l’affirmation de soi.


À la lecture des ouvrages de langue anglaise [6, 8, 10], on voit la place envahissante qu’occupent le souci d’éviter les procès et la constitution de dossiers cliniques attestant de la prise en charge du patient suicidaire, des mesures préventives et de l’information.



Références


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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 22: Comportements suicidaires

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