Chapitre 22 Aménorrhées primaires
• Conduire l’interrogatoire et l’examen clinique d’une femme présentant une aménorrhée primaire. (A)
• Décrire les principales causes des aménorrhées primaires et les hiérarchiser. (C)
• Interpréter les données de la courbe thermique chez une femme présentant une aménorrhée. (B)
• Prescrire et interpréter les dosages hormonaux chez une femme ayant une aménorrhée. (B)
• Mettre en œuvre les principales explorations nécessaires pour la recherche de l’étiologie d’une aménorrhée primaire. (B)
• Décrire les éléments cliniques et biologiques qui, devant une aménorrhée primaire, font suspecter une étiologie ovarienne ou centrale. (A)
Le fin mot de ces aménorrhées primaires est, en effet, le diagnostic étiologique ou encore le diagnostic de niveau. Les causes les plus fréquentes des aménorrhées primaires sont rapportées dans le tableau 22.1.
Causes | Pourcentage |
---|---|
Insuffisance ovarienne primitive Hypogonadisme hypogonadotrope Syndrome des ovaires micropolykystiques Insuffisance antéhypophysaire Anomalies congénitales Hyperprolactinémie Anorexie mentale | 36 % 34 % 17 % 4 % 4 % 4 % 2 % |
(d’après Kyei-Mensah, 1995)
Rappelons simplement que pour avoir normalement ses règles, la jeune fille doit avoir :
un utérus fonctionnel, non malformé, avec un endomètre réceptif ;
une hypophyse intacte sur le plan fonctionnel ;
un fonctionnement cortical non perturbé, et les multiples afférences qui l’influencent ne sont pas pour simplifier le difficile problème qui se pose.
Au total, quels vont être les points sur lesquels l’attention du généraliste devra être attirée ?
le développement staturo-pondéral ;
l’étude des caractères sexuels secondaires (seins, pilosité, organes génitaux) et la recherche de malformations utéro-vaginales ;
Examen clinique
Interrogatoire
poids de naissance, courbe de croissance en taille et en poids (on s’aidera du carnet de santé) ;
circonstances de la grossesse ayant abouti à la naissance du sujet (prise de médicaments particuliers ou d’hormones par la mère) et de l’accouchement (souffrance néonatale) ;
âge de la puberté maternelle, caractères des menstruations des sœurs éventuelles ;
recherche d’un trouble de l’olfaction à confirmer par l’olfactométrie, d’une anomalie de la vision ou de céphalées ;
anomalies neurologiques (syncinésies), malformations faciales de la ligne médiane ;
signes en faveur d’un dysfonctionnement thyroïdien ou surrénalien ;
notion de douleurs pelviennes cycliques ;
appréciation du profil psychologique, notion de traumatisme organique ou psycho-affectif ;
antécédents médicaux ou chirurgicaux de même que radiothérapiques ;
variations pondérales importantes (maigreur, alimentation sélective ou, à l’inverse, obésité) ;
Examen général
le morphotype, la taille, le poids actuel, la courbe de croissance et la vitesse de croissance ;
le développement de la pilosité sur les membres, le visage, le thorax ;
l’existence d’une acné accompagnée d’une séborrhée ;
le développement des glandes mammaires, pilosité et seins étant classés selon les stades pubertaires établis par Tanner (cf. chap. 26).
Examen gynécologique
l’inspection soigneuse de la vulve et de l’hymen, qui apprécie le développement des grandes lèvres, la trophicité des petites lèvres (estrogènes), la taille du clitoris (rôle des androgènes) et l’importance de la pilosité, l’abouchement de l’urètre, la distance urètre–clitoris (raccourcie en cas d’imprégnation androgénique in utero) ;
un toucher rectal qui apprécie l’existence d’un utérus ou celle d’une masse ovarienne latéro-utérine, encore mieux retrouvée par le toucher vaginal, à un ou deux doigts quand c’est possible ;
l’examen au spéculum de vierge ou avec un vaginoscope est parfois pratiqué et apprécie la profondeur du vagin, l’existence d’un col utérin.
Examens complémentaires
Ils seront orientés en fonction de la clinique :
la courbe thermique authentifie à peu de frais une activité ovarienne en cas de douleurs périodiques ;
la radiographie de la main avec recherche du sésamoïde du pouce permet d’affirmer que l’âge osseux est en rapport avec l’âge chronologique et qu’il n’existe pas de retard de maturation globale de l’organisme ;
le dosage de base de FSH-LH est essentiel, permettant de situer le niveau de l’atteinte endocrinienne ;
l’échographie en 3D permet de vérifier l’existence de l’utérus, de mesurer la longueur du corps et du col utérin. L’augmentation du rapport corps–col témoigne d’une sécrétion œstrogénique.
Diagnostic étiologique
Le diagnostic étiologique est orienté par l’examen clinique en fonction des caractères sexuels secondaires (figure 22.1).
Caractères sexuels secondaires normaux (planche 22.1)
Malformations de l’appareil génital
Aménorrhées douloureuses
une imperforation de l’hymen : l’hymen non perforé bombe, il est bleuté ; au toucher vaginal ou rectal, on sent une masse importante qui est formée par le vagin et l’utérus remplis de sang (hématocolpos + hématométrie) ;
les anomalies du col utérin sans malformation utérine : soit imperforation du col, soit aplasie du dôme vaginal, on ne voit pas de col mais on sent au toucher rectal l’utérus. Dans ces deux cas, il y a un isthme utérin et une rétention menstruelle ;
absence congénitale de vagin avec utérus fonctionnel : ici, il n’y a pas de vagin, mais on sent au toucher rectal l’utérus gros, rempli de sang.
Aménorrhées indolores
Elles doivent faire rechercher une aplasie congénitale du vagin ou syndrome de Mayer-Rokitansky-Kuster-Hauser (MRKH : OMIM 277000) qui atteint une femme sur 4500. Les caractères sexuels sont normaux, la vulve est normale. Il n’y a pas d’orifice vaginal. Au toucher rectal, on ne sent pas d’utérus, ce que confirme l’échographie abdomino-pelvienne qui permettra aussi de vérifier la présence de deux ovaires normaux et de deux reins. Le caryotype est normal. La cause génétique de ce syndrome reste mal précisée et l’implication du gène WNT4 n’a pas été confirmée (Clement-Zita). Plus récemment, d’autres gènes candidats ont été proposés (LHX1 et HNF1B) devant des cas familiaux.