Chapitre 21 Malformations Artérioveineuses
DÉFINITION
Les malformations artérioveineuses sont des malformations vasculaires congénitales à flux rapide selon la classification de Mulliken [1]. Ce sont les plus rares et les plus graves des malformations vasculaires.
Elles sont constituées de communications anormales directes entre le système artériel et le système veineux sans vascularisation du réseau capillaire normal. La conséquence hémodynamique est un retour veineux très rapide et précoce dont le flux est artérialisé (le shunt) et une ischémie par détournement sanguin au niveau des tissus normalement vascularisés par le réseau capillaire correspondant (fig. 21-1). Les communications directes sont multiples. Elles confluent et forment un peloton vasculaire prolifératif appelé nidus alimenté par une ou plusieurs branches artérielles et drainé par une ou plusieurs veines dilatées mal systématisées (fig. 21-2). La multiplicité des branches artérielles et veineuses du nidus explique la multiplicité des shunts artérioveineux d’une même malformation artérioveineuse constitutionnelle.
À l’opposé, les fistules artérioveineuses post traumatiques ou chirurgicales se distinguent des malformations artérioveineuses par l’existence d’un seul shunt.
FORMES CLINIQUES
Malformations artérioveineuses isolées (fig. 21-3 à 21-5)
Elles sont constitutionnelles, souvent présentes dès l’enfance mais elles peuvent rester longtemps quiescentes et ne se révéler qu’à la puberté. Elles ne régressent jamais. Leur développement est progressif ou très brutal et se compliquer alors d’hémorragies qui engagent le pronostic vital. La puberté et les traumatismes sont les deux principaux facteurs à l’origine de poussées évolutives [3].
Malformations artérioveineuses syndromiques
Elles sont congénitales et généralement sporadiques (sans autres cas dans la famille).
Le syndrome de Parkes-Weber (fig. 21-6 et 21-7) est un syndrome malformatif complexe, sporadique, avec cependant quelques cas familiaux observés. Il associe une hypertrophie du membre atteint (hypertrophie osseuse et des tissus mous) d’installation progressive au cours de l’enfance, une malformation capillaire cutanée associée à une malformation artérioveineuse à haut débit qu’il faut savoir rechercher au niveau macro et microvasculaire [4].
Le syndrome de Cobb est défini par l’association de lésions vasculaires localisées sur le territoire cutané (lésions veinulaires ou artérioveineuses), musculaire (artérioveineuses), osseux (artérioveineuses) et médullaire (artérioveineuses) d’un même métamère ou segment rachidien. Les symptômes liés à la MAV médullaire apparaissent tardivement dans l’enfance. Ils dépendent du niveau de la lésion et peuvent se traduire par une douleur, un déficit sensitif ou moteur et perte de contrôle des sphincters [5].
Le syndrome de Wyburn-Mason ou de Bonnet-Dechaume-Blanc comprend l’association de malformations artérioveineuses du maxillaire, de la rétine, du nerf optique, du thalamus, de l’hypothalamus et du cortex cérébral. Les symptômes les plus fréquents sont : épistaxis récidivantes, gingivorragies, cécité et hémorragies intracérébrales [6, 7].
Le syndrome malformation capillaire malformation artérioveineuse RASA1 correspond à des malformations capillaires et artérioveineuses familiales rares, transmises sur un mode autosomique dominant, liées à des mutations du gène RASA1, 5q14-21. Les malformations capillaires sont atypiques, petites, multiples, de forme ronde ou ovoïde, de couleur rosée-rougeâtre, avec parfois un halo blanc périlésionnel. Les lésions associées sont des MAV cutanées, sous-cutanées et intra-osseuses faciales et des fistules artérioveineuses. Des syndromes de Parkes-Weber (hypertrophie d’un membre et MAV) et des MAV cérébrales symptomatiques sont aussi rapportés [8].
COMPLICATIONS ET CLASSIFICATION
La classification est basée sur l’évolution clinique et l’existence des complications liées au shunt. On utilise la classification de Schobinger basée sur les 4 stades d’évolution clinique [9] :
Figure 21-8 Malformation artérioveineuse de la face avec détournement sanguin responsable d’une nécrose cutanée labiale.
Le passage d’un stade à l’autre dépend d’un facteur déclenchant dans 20 % des cas. Il peut s’agir principalement d’un facteur hormonal (puberté, grossesse, contraception œstroprogestative), d’un facteur traumatique local répété. Quelques gestes iatrogènes (embolisation, ligature ou chirurgie) peuvent constituer également des facteurs déclenchants [10].
DIAGNOSTIC
Examen clinique
Les lésions se majorent au cours de la puberté ou au décours d’un traumatisme [11]. La symptomatologie devient évidente dans la seconde ou troisième décennie [12]. Au cours de l’évolution, les veines de drainage deviennent apparentes, dilatées et tortueuses.
Une impression de lourdeur plus ou moins importante est décrite en fonction de la topographie. Les pulsations sont parfois ressenties dans la lésion ou au niveau des veines de drainage sous la forme d’un bruit incessant et invalidant. Une sensation de vibration est rapportée en cas de présence de thrill lors de la palpation de la malformation artérioveineuse. Des manifestations telles qu’une hyperhydrose ou une hypertrichose sont décrites en regard de la malformation artérioveineuse et sont secondaires à l’augmentation de débit local [13, 14].
Lorsqu’elles sont localisées aux membres inférieurs, les symptômes vont dépendre du retentissement hémodynamique. Les patients rapportent des marbrures, des paresthésies, des raideurs articulaires et des ulcérations distales. Un saignement intralésionnel peut être responsable parfois d’un syndrome des loges. Une hypertrophie squelettique et une élongation de membres sont observées très fréquemment [11]. Il est décrit des cas de décompensation cardiaque dans certaines localisations du membre supérieur.