21: Histiocytoses

Chapitre 21


Histiocytoses




Ce terme regroupe de très nombreuses pathologies dont la physiopathologie est mal connue. Leur présentation clinique comme radiologique est extrêmement polymorphe. Différentes classifications ont été proposées, notamment par l’Organisation mondiale de la santé et le groupe de travail de la Société histiocytaire [85] mais il n’existe pas de consensus précis, ces classifications étant différentes selon qu’elles reposent sur l’histologie ou les besoins d’essais thérapeutiques. Ce groupe de pathologies étant hétérogène et vaste, dans une optique de clarté, nous ne traiterons dans ce chapitre que certaines d’entre elles, soit en raison de leur fréquence (relative), soit de leur présentation radiologique. Nous proposons ainsi de distinguer les histiocytoses langerhansiennes et non langerhansiennes (maladies d’Erdheim-Chester, de Rosai-Dorfman et réticulohistiocytose multicentrique) ainsi que les histiocytoses « de surcharge » (maladies de Gaucher et de Niemann-Pick).



Histiocytose langerhansienne




Épidémiologie


L’histiocytose langerhansienne prédomine en fréquence chez l’enfant mais l’adulte peut également être affecté.



Enfant


Dans une cohorte française récente [64], considérée comme l’une des plus exhaustives existant à ce jour [188], l’incidence annuelle de l’histiocytose langerhansienne chez l’enfant de moins de 15 ans était estimée à 4,6 cas par million (environ 55 nouveaux cas par an). Il existait une légère prédominance masculine avec un sex ratio homme/femme de 1,2. L’âge moyen au diagnostic était de 3,5 ans (variant d’un jour à 14,6 ans). L’incidence, plus élevée chez les nourrissons (15,3 cas par million et par an), diminuait avec l’âge (2 par million dans le groupe 10–14 ans). La majorité des patients présentaient une forme localisée de la maladie (circonscrite à un organe), les formes sévères avec l’atteinte d’un organe vitale ne représentant que 14 % des cas au diagnostic. Aucun facteur de risque n’a été identifié jusqu’à ce jour [188, 223].



Adulte


L’incidence de l’histiocytose langerhansienne de l’adulte est estimée à 1 à 2 cas par million [15, 205]. Sur une série de 274 patients [8], l’âge moyen au moment du diagnostic était estimé à 35 ± 14 ans. Alors que l’atteinte squelettique est la plus fréquente chez l’enfant, c’est l’atteinte pulmonaire qui prédomine chez l’adulte [77, 83]. Celle-ci est exclusive dans 20 à 30 % des cas [8, 57].



Pathogénie


La cellule de Langerhans est l’un des éléments clés du système immunitaire. Cette cellule dendritique de la famille des phagocytes mononucléés naît dans la moelle osseuse et essaime vers la peau, les muqueuses malpighiennes, les poumons et les nœuds lymphatiques. Elle joue le rôle de présentation des antigènes solubles aux lymphocytes T, étape essentielle dans le déclenchement de la réponse immunitaire [105].


Les cellules de Langerhans de l’histiocytose langerhansienne possèdent des caractéristiques distinctes des cellules de Langerhans résidantes normales de la peau. Elles expriment notamment des marqueurs d’activation, par exemple le récepteur au GM-CSF [45] (Granulocyte-Macrophage Colony-Stimulating Factor, cytokine agissant comme facteur de croissance des cellules de la lignée blanche) et paraissent bloquées à un stade de maturation intermédiaire [52].


Le débat sur la nature inflammatoire ou cancéreuse de l’histiocytose langerhansienne n’est toujours pas tranché [2, 11, 178]. Le caractère monoclonal de la prolifération histiocytaire plaide en faveur d’une hypothèse tumorale tandis que le caractère très inflammatoire des lésions suggère une réponse immunitaire inadaptée à des stimuli encore non identifiés [194].



Hypothèse inflammatoire


Elle postule qu’une réponse immunitaire aberrante est à l’origine du recrutement des histiocytes. Une cascade inflammatoire est déclenchée via une production de cytokines et de chémokines, entretenant l’afflux d’histiocytes et de cellules de l’inflammation.


La cellule de Langerhans est une cellule immunitaire qui répond physiologiquement à des stimuli inflammatoires par son activation et sa prolifération [11]. Le grand nombre de cellules inflammatoires accompagnant les histiocytes est en faveur de cette hypothèse. De plus, les cellules de Langerhans retrouvées au sein des lésions ont des caractéristiques morphologiques bénignes et un caryotype normal. Enfin, aucune anomalie génétique n’a pu être formellement identifiée à ce jour [11, 33]. Les exemples de rémission spontanée de cette pathologie vont également dans ce sens [22, 140]. Par ailleurs, aucun lien avec un stimulus viral n’a pu être établi [54, 90, 114, 187].


Dans les lésions d’histiocytose langerhansienne, les histiocytes expriment des récepteurs aux chémokines inflammatoires qui permettent leur auto-recrutement sur les sites d’inflammation [7] ; ils produisent également en grande quantité des chémokines inflammatoires qui autorisent leur déplacement dans le tissu inflammatoire ainsi que le recrutement d’autres cellules de l’inflammation [7]. L’activation de ces cytokines protège les cellules de Langerhans de l’apoptose, ce qui expliquerait leur accumulation pathologique [44, 52, 211]. L’une de ces cytokines, la caténine β, pourrait jouer un rôle dans la dysrégulation histiocytaire en bloquant ces cellules à un stade immature [16]. Dans le cas spécifique des lésions osseuses, ces cytokines contribuent également à la résorption, la fibrose et la nécrose osseuse [2]. Ainsi, la cytokine IL-17A, spécifique des lymphocytes T et impliquée dans des maladies inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques), a été retrouvée en quantité importante dans le sérum de patients présentant des lésions d’histiocytose actives [31]. Cette cytokine induit la formation de granulomes et la résorption osseuse.


Si ces éléments ne constituent que certaines pièces du puzzle de la pathogenèse de l’histiocytose, ils permettent de dégager les hypothèses suivantes :




Hypothèse tumorale


Elle sous-tend que la prolifération cellulaire incontrôlée serait la conséquence d’altérations génétiques de régulateurs de la division cellulaire [11]. L’histiocytose répondrait dans ce cas au paradigme actuel du traitement du cancer, à savoir la destruction chimique des cellules issues de ces altérations génétiques. Deux conditions doivent être remplies pour valider cette hypothèse :



Or, même si le caractère clonal a été démontré dans les formes non pulmonaires [234, 240], la rareté de cette pathologie rend la caractérisation génétique difficile. Aucune anomalie cytogénétique récurrente n’a aujourd’hui été identifiée [33, 156]. Cependant, l’identification récente d’allèles capables d’activer un oncogène (tel BRAF V600E) [10], connu dans le mélanome [145], supporte cette hypothèse tumorale [11]. Ces découvertes ouvrent la perspective de thérapeutiques ciblées visant à inhiber l’expression de ces gènes sur le modèle d’avancées récentes dans le traitement de certaines néoplasies [25, 179].



Classification


Selon les manifestations cliniques, différentes appellations ont été utilisées dans la littérature :



Ces terminologies classiques sont cependant obsolètes dans la mesure où elles ne sont d’aucune aide pour la décision thérapeutique. La classification la plus répandue est celle de la Société histiocytaire. Cette dernière distingue trois groupes de patients [171] :



Cette classification (comme toutes celles proposées jusqu’ici) possède cependant deux inconvénients. Tout d’abord, une extension précoce de la maladie peut survenir, notamment pour les formes cutanées ou osseuses isolées (15 à 20 % des cas), entraînant donc un glissement de groupe (forme localisée vers atteinte multisystémique). Surtout, il n’y a pas d’attitude thérapeutique identique pour la prise en charge des patients de chaque groupe.



Manifestations cliniques


L’histiocytose langerhansienne possède un important polymorphisme clinique. Les manifestations cliniques dépendent du site affecté et de l’importance de l’extension lésionnelle. L’atteinte osseuse s’observe dans 80 % des cas. Les autres sites sont, par ordre de fréquence décroissante, la peau (33 %), l’hypophyse (25 %), le poumon, le foie, la rate, le système hématopoïétique (anémie, thrombopénie ou leucopénie) dans 15 % des cas, les nœuds lymphatiques dans 5 à 10 %, le système nerveux central en dehors de l’hypophyse dans 2 à 4 % des cas [171]. Les formes osseuses, cutanées et pulmonaires peuvent volontiers être rencontrées de manière isolée.


La présentation clinique est variable en fonction du ou des organe(s) atteint(s).



Atteinte squelettique


Elle se manifeste classiquement par une douleur souvent peu intense ou une tuméfaction. En cas de lésion d’un membre inférieur ou de l’acétabulum, une boiterie douloureuse peut être le symptôme inaugural [185]. Des signes inflammatoires locaux ou généraux, souvent modérés, peuvent être associés. Une fracture pathologique peut être révélatrice mais ce n’est pas un mode de révélation classique de la maladie [9].


L’atteinte rachidienne est révélée par des douleurs (82,5 % des cas) et/ou par une atteinte neurologique (17 à 33 % des cas) [19, 91, 236]. En cas de localisation cervicale, les douleurs peuvent s’accompagner de limitation de la mobilité cervicale, voire d’un torticolis [241]. En cas d’atteinte neurologique, les symptômes sont souvent modérés, limités à des paresthésies ou à une radiculalgie, même si des compressions médullaires ont pu être rapportées [216]. Une lésion du rachis ou du bassin peut ainsi être révélée par une sciatalgie. Celle-ci est le plus souvent mécanique et survient chez un patient jeune. On ne retrouve pas de signe de conflit discoradiculaire à l’examen clinique et la sciatalgie ne cède pas sous traitement symptomatique. Une lésion du promontoire sacré peut entraîner une sciatalgie tronquée tandis qu’une lésion acétabulaire antérieure peut s’accompagner d’une cruralgie tronquée [12]. Une lésion histiocytaire peut également être à l’origine d’une scoliose, qui sera cependant atypique car douloureuse, à faible rayon de courbure, peu mobile et d’évolution rapide [79].


Les lésions de la voûte du crâne se présentent généralement comme une tuméfaction douloureuse et sensible à la palpation. Cinq cas de lésions histiocytaires de la voûte révélées par un hématome extradural ont été rapportés [28, 116, 117, 135, 154].


De nombreuses lésions osseuses sont cependant asymptomatiques [105]. La découverte d’une lésion peut ainsi être faite sur un examen d’imagerie demandé pour un autre motif (traumatisme, etc.).



Atteinte orale


Elle est fréquente (incidence estimée à 77 %) [72] et peut être la seule manifestation de la maladie [197]. Les lésions osseuses sont asymptomatiques ou se traduisent par une douleur lancinante, une tuméfaction, voire une mobilité dentaire dans les cas les plus évolués où la perte dentaire est alors fréquente [148]. Une atteinte muqueuse ou parodontale est classique, généralement associée à une atteinte osseuse sous-jacente (l’atteinte muqueuse isolée est rare [157]). Des lésions cutanées évocatrices doivent alors être recherchées. Cette atteinte muqueuse s’accompagne dans 30 % des cas d’une polyadénopathie cervicale [72]. Les lésions muqueuses incluent des ulcérations rondes ou ovoïdes avec des bords érythémateux inflammatoires et sont douloureuses à la palpation. Les lésions gingivales correspondent à des zones inflammatoires, des ulcérations, des résorptions parodontales et sont responsables de saignements [131].



Atteinte cutanée


Elle est fréquente chez le petit enfant, survenant le plus souvent de manière isolée avant 1 an [105]. Elle se traduit par un rash érythémateux associé à des lésions papulosquameuses parfois pétéchiales prédominant au niveau du cuir chevelu, des plis inguinaux et axillaires, du cou, du thorax et de la région lombosacrée [27]. Le diagnostic différentiel avec une dermite séborrhéique peut être difficile cliniquement. Des lésions papulaires plus discrètes et une atteinte du cuir chevelu peuvent également se rencontrer. Dans les formes diffuses, il existe des lésions érythémateuses confluentes, parfois surinfectées [222].



Atteinte lymphonodale


Elle se traduit principalement par des polyadénopathies cervicales. Celles-ci peuvent être de volume très conséquent [105]. Une atteinte du thymus peut être rencontrée dans les formes multisystémiques et se traduire par un élargissement du médiastin [93].



Atteinte de la tige pituitaire


Il s’agit de la lésion intracrânienne la plus fréquente [59]. Elle engendre un diabète insipide. Un retard de croissance peut également être noté [105].



Atteinte cérébrale


Elle peut se présenter sur un mode tumoral (lésions intraparenchymateuses) et être révélée par des crises comitiales ou une hypertension intracrânienne [27]. Une présentation de type neurodégénératif peut également se rencontrer. L’atteinte est alors essentiellement cérébelleuse, moins souvent supratentorielle (noyaux gris et substance blanche) [184]. Des lésions de démyélinisation précèdent l’atrophie des structures concernées [166]. La détérioration neurologique est lentement progressive et de mauvais pronostic [27].



Atteinte pulmonaire


Elle rentre le plus souvent dans le cadre d’une histiocytose multisystémique chez l’enfant (40 % de celles-ci [65]). Elle est ainsi rarement isolée. Ses signes cliniques sont la toux, la dyspnée et la tachypnée. Ses complications sont le pneumothorax et l’épanchement pleural [105].





Chez l’adulte


Comme chez l’enfant, l’atteinte osseuse peut se traduire par une douleur ou une tuméfaction locale et être accompagnée, dans 10 % des cas, d’une fièvre ou d’un amaigrissement [8]. L’histiocytose peut également être multisystémique. L’atteinte pulmonaire constitue une entité à part chez l’adulte, survenant de manière isolée dans 20 % des cas [8]. Les patients sont jeunes (20 à 40 ans) et en très grande majorité fumeurs ou anciens fumeurs [110].




Anatomopathologie


Le diagnostic d’histiocytose langerhansienne repose sur l’examen anatomopathologique et immunohistochimique. Même si l’identification des granules de Birbeck en microscopie électronique reste le gold standard, cette technique n’est aujourd’hui que rarement réalisée. En effet, le marquage par l’anticorps anti-CD207, dirigé contre la glycoprotéine transmembranaire langérine, est corrélé à la présence des granules de Birbeck [50, 220]. Il semble au moins aussi sensible et spécifique que le CD1a [192]. Ainsi, selon les recommandations HL10 et de l’Histiocyte Society [113, 159, 171], le diagnostic :



La plupart des cellules de Langerhans sont également positives pour la protéine S-100 et d’autres marqueurs [52].


Un profil immunohistochimique différent a par ailleurs été rapporté dans les formes cutanées isolées et/ou à guérison spontanée et les formes osseuses et/ou d’évolution plus chronique [52]. Dans le premier cas, les histiocytes sont plus matures et expriment le CD86 mais pas le CD14 ; les macrophages et les cellules exprimant l’IL-10 sont rares. À l’inverse, dans les formes osseuses et/ou chroniques, les histiocytes ont un phénotype plus immature. Ils expriment les antigènes monocytaires CD68 et CD14, mais quasiment jamais les antigènes CD83 et CD86. Les macrophages et les cellules exprimant l’IL-10 sont nombreux.


Ces lésions comportent en outre de nombreux polynucléaires éosinophiles accompagnés de lymphocytes, quelques plasmocytes et de rares cellules géantes multinucléées [235]. Dans les lésions anciennes, les cellules de Langerhans se raréfient et laissent place à une fibrose accompagnée de plages d’histiocytes chargés de graisse. Même si certaines études ont suggéré que les constatations anatomopathologiques pouvaient avoir un rôle pronostique [5, 120], ce sujet reste actuellement débattu [86].


Récemment, la mutation activatrice du gène BRAF (G600E) a été mise en évidence dans 57 % des histiocytoses langerhansiennes, suggérant un caractère clonal à cette entité et ouvrant des perspectives thérapeutiques [10].



Bilan d’extension


Il permet :



Il doit comporter de façon systématique [171] : un examen clinique soigneux, un bilan biologique minimal et un bilan radiologique (thorax et squelette complet associés à une échographie abdominale). À ce jour, il n’existe pas de marqueurs sanguins d’activité de la maladie.



Bilan radiographique


Celui-ci comporte des radiographies du thorax (face), du crâne (face, profil), des trois segments rachidiens (face, profil), du bassin (face), des os longs de face (humérus, avant-bras, fémurs, tibias) et des mains et des pieds. L’EOS paraît être une technique particulièrement intéressante pour le bilan et le suivi de cette maladie étant donné sa faible irradiation (fig. 21.1). Ce bilan sera complété au besoin par une exploration ciblée par scanner ou IRM, notamment afin d’apprécier un retentissement fonctionnel (épidurite et risque de compression médullaire, risque fracturaire), ces éléments intervenant dans la décision thérapeutique [171].




Place de la scintigraphie osseuse


La place relative des radiographies et de la scintigraphie osseuse a été et est encore débattue, chaque technique identifiant des lésions que l’autre ne permet pas de mettre en évidence [9, 32, 42, 221]. Les lésions de petite taille sont de détection difficile en radiographie tandis que les lésions stables en taille (c’est-à-dire ne présentant pas de croissance active) et les lésions régressant spontanément ou sous chimiothérapie ne sont pas visibles en scintigraphie [9, 144]. Actuellement, la scintigraphie osseuse au technétium 99m n’est plus recommandée de façon systématique dans le bilan d’extension d’une histiocytose langerhansienne connue, c’est-à-dire diagnostiquée histologiquement [171].



Place de l’IRM corps entier et de la TEP-TDM


Même si l’IRM corps entier et la TEP-TDM apportent indiscutablement des informations sur l’extension de la maladie, leur intérêt pour la décision thérapeutique et le suivi n’est pas validé [100, 156, 171]. L’IRM apparaît plus sensible que les radiographies et la scintigraphie pour la détection des lésions osseuses [55, 202]. La TEP-TDM est plus sensible que les radiographies et la scintigraphie osseuse pour la détection des lésions actives, elle distingue les lésions actives des lésions inactives et diagnostique la guérison lésionnelle plus précocement que les radiographies [20, 99, 165]. Les modifications des Standard Uptake Values sont un reflet de l’activité métabolique et pourraient permettre un monitorage de la réponse thérapeutique [115, 168, 219]. L’IRM a une meilleure sensibilité que la TEP-TDM lors du bilan initial [152] et confirme son rôle essentiel, notamment pour la planification des biopsies et l’étude des structures encéphaliques. L’analyse combinée TEP et IRM pourrait avoir un rôle prochain dans le bilan d’extension dans la mesure où elle réduit le nombre de faux négatifs lors du bilan initial, comparée à l’IRM ou à la TEP-TDM seules [152].



Sémiologie des lésions osseuses



Données générales


Les lésions osseuses élémentaires sont les mêmes :



Cette unicité de l’aspect de la lésion de base s’explique par l’unicité histologique. En revanche, l’aspect de la lésion histiocytaire est très variable d’un patient à l’autre et chez le même sujet, d’une lésion à l’autre, allant d’une présentation plutôt bénigne, lentement évolutive à une lésion d’allure agressive [27]. Cet aspect dépend de plusieurs éléments [9, 201, 207] :



image de son ancienneté. La lésion histiocytaire peut évoluer spontanément vers une aggravation comme vers une cicatrisation osseuse avec restitution ad integrum. Lors de son développement initial, elle présente volontiers un aspect inquiétant (berges irrégulières, aspect inflammatoire prononcé, etc.) tandis qu’à un stade plus avancé, son aspect est plus rassurant (régression de l’hyperhémie, organisation des berges, appositions périostées en voie d’incorporation, etc.). L’aspect de la lésion dépend ainsi du moment où on la découvre (fig. 21.2) ;



image de sa vitesse de croissance. Une lésion présentant une croissance rapide possède un aspect plus inquiétant avec atteinte corticale, réaction périostée et masse des tissus mous ;


image de sa topographie. L’os dans lequel se développe la lésion réagit différemment selon sa morphologie. L’aspect de la lésion sera ainsi différent dans un os long, plat ou une vertèbre.


Il faut noter que l’aspect initial de la lésion histiocytaire ne possède pas de valeur pronostique. Une lésion volumineuse, d’allure inquiétante peut parfaitement bien régresser sous chimiothérapie tandis que de petites lésions asymptomatiques peuvent évoluer défavorablement sous traitement.


Les diagnostics différentiels évoqués seront donc différents selon l’ancienneté de la lésion, sa vitesse de croissance et sa topographie. Même si ceux-ci sont détaillés ci-dessous, il faut rappeler qu’en cas de doute, l’identification de lésions plus caractéristiques de l’histiocytose langerhansienne sur le bilan radiographique sera d’une aide précieuse pour orienter le diagnostic. La biopsie devra évidemment être réalisée devant toute lésion douteuse [171].


Les radiographies constituent la modalité essentielle pour le diagnostic de la lésion histiocytaire osseuse [9]. Le scanner permet de préciser les anomalies radiographiques et notamment de mieux caractériser l’aspect de l’ostéolyse et l’extension aux tissus mous [9, 75]. L’IRM est utile pour rechercher le caractère inflammatoire de la lésion et préciser une atteinte des tissus mous. La confrontation avec l’imagerie par rayons X est cependant fondamentale : l’IRM est très sensible mais peu spécifique pour le diagnostic d’histiocytose [75]. Les anomalies inflammatoires de l’os comme des tissus mous en IRM peuvent aisément conduire le radiologue à surestimer l’importance de la lésion ainsi que son caractère agressif [36, 105].



Distribution anatomique des lésions osseuses


L’atteinte des os plats est la plus fréquente, correspondant à plus de la moitié des lésions : crâne, mandibule, côtes et bassin [207]. Parmi ces atteintes, la voûte du crâne est la plus classique, concernant essentiellement l’os pariétal (fig. 21.2). Le segment pétreux de l’os temporal est l’atteinte la plus commune de la base du crâne. Au bassin, le toit acétabulaire est la localisation la plus caractéristique.


Les os longs sont atteints dans un tiers des cas [207]. Le fémur est l’os long le plus souvent touché, suivi de l’humérus et du tibia. L’atteinte fibulaire est exceptionnelle [9], de même que l’atteinte des extrémités [36].


Chez l’adulte, les localisations osseuses concernent essentiellement la voûte du crâne (50 %), la mâchoire (30 %), puis les os longs (17 %), les vertèbres (13 %), le bassin (13 %) et les côtes (6 %) [205].



Lésions histiocytaires classiques



Os longs



Aspects caractéristiques en imagerie

L’atteinte est le plus souvent diaphysaire, moins fréquemment métaphysaire ou métaphysodiaphysaire [75, 207]. Dans ce dernier cas, la lésion respecte habituellement le cartilage de croissance (fig. 21.3), même si un franchissement de celui-ci a été rapporté [118]. L’atteinte épiphysaire est exceptionnelle [36].



La lésion histiocytaire se présente souvent initialement comme une zone d’ostéolyse focale de l’os spongieux, de contours volontiers irréguliers (fig. 21.4). Elle peut ensuite évoluer vers une ostéolyse arrondie ou ovalaire de contours bien limités, présentant une ostéosclérose de ses berges [75]. Ainsi, c’est l’aspect des berges osseuses qui donne une idée de l’ancienneté de la lésion :




L’ostéolyse peut entraîner un scalloping de la face endostée de la corticale (fig. 21.4 et 241.5). La présence de multiples érosions endostées, donnant un aspect « bourgeonnant » à la lésion, est très évocatrice du diagnostic chez l’enfant (fig. 21.5), les autres lésions s’accompagnant de ce type de signe étant plus souvent observées chez l’adulte (plasmocytome, enchondrome ou chondrosarcome) [36, 75].



Rarement, l’ostéolyse corticale peut être plus agressive avec parfois une extension de la lésion au sein des tissus mous (fig. 21.6) [36, 207]. Cette masse des parties molles reste alors centrée sur l’ostéolyse et son volume est modéré comparativement à celui de la lésion [201]. Un aspect de séquestre intra-osseux, correspondant à un résidu d’os normal au sein de la lésion [9] est évocateur du diagnostic d’histiocytose mais il est plus fréquent au crâne et au bassin [7388, 138, 207, 213].



Les appositions périostées peuvent être absentes (fig. 21.4 et 21.6) ou présentes, de type actif (non incorporées à la corticale), témoignant du caractère inflammatoire de la lésion), subaiguës (en voie d’incorporation) ou plutôt chroniques (incorporées) (fig. 21.5) [9, 207]. Dans les deux derniers cas, elles sont plutôt rassurantes.


En IRM, la lésion histiocytaire est plutôt aspécifique : hyposignal T1, hypersignal T2 d’intensité variable, hétérogène et se rehaussant après injection de gadolinium [9, 87, 201]. L’aspect « bourgeonnant » de la lésion est bien objectivé (fig. 21.5) [201]. Des septums intralésionnels peuvent être retrouvés : ils se présentent en signal bas en pondération T2 et prennent le contraste [87]. Les appositions périostées sont d’autant mieux mises en évidences qu’elles sont actives (hypersignal T2, rehaussement après injection de gadolinium) [87, 201].


Cet examen permet également de bien mettre en évidence le caractère très inflammatoire de la lésion histiocytaire [87], élément fortement évocateur du diagnostic. L’œdème médullaire (et à un moindre degré des tissus mous adjacents) est important et volontiers disproportionné par rapport à la lésion (fig. 21.3). Il diminue au cours de la cicatrisation de la lésion [9, 75]. Une lésion juxta-articulaire peut également s’accompagner d’un épanchement intra-articulaire et d’une synovite (fig. 21.3). Ces éléments sont réactionnels et ne doivent pas faire parler d’extension ou de dissémination tumorale articulaire.



Diagnostic différentiel

L’aspect de scalloping endosté fera discuter une tumeur cartilagineuse bénigne ou maligne. L’absence de calcifications intralésionnelles en arcs et anneaux et l’absence de lobulations en IRM permettra d’écarter le diagnostic. Chez l’adulte, le myélome sera discuté.


Chez un enfant, les lésions inflammatoires à discuter figurent dans l’encadré 21.1. Une lésion inflammatoire épiphysaire fera évoquer en premier lieu un chondroblastome, l’atteinte épiphysaire étant rare dans l’histiocytose langerhansienne.



La présence de multiples lésions ostéolytiques fait discuter des métastases (et le myélome chez l’adulte). Une ostéosclérose périlésionnelle (rare dans le myélome [132]), une coalescence lésionnelle, des empreintes endostées, l’aspect bourgeonnant en IRM et la réaction périostée orientent vers le diagnostic d’histiocytose langerhansienne tandis que des contours irréguliers avec ostéolyse corticale perméative orientent vers des localisations tumorales secondaires [201]. La biopsie lésionnelle reste cependant nécessaire.


Les éléments en faveur d’une ostéomyélite sont la topographie (métaphysaire en cas d’infection), les contours lésionnels irréguliers [201], la présence d’abcès sous-périostés, des tissus mous ou intra-osseux susceptibles de franchir le cartilage de croissance [139].


Une lésion agressive fait discuter une tumeur ostéogénique maligne. L’ostéosarcome sera évoqué devant une lésion métaphysodiaphysaire associant ostéolyse et ostéosclérose, accompagnée d’une réaction périostée exubérante, typiquement anarchique ou spiculée, perpendiculaire à la corticale (aspect en feu d’herbe ou en rayons de soleil). L’éperon de Codman sera évocateur de ce diagnostic même s’il reste aspécifique (rencontré parfois dans les ostéomyélites) [139]. Le sarcome d’Ewing sera évoqué devant une lésion ostéolytique diaphysaire entraînant une ostéolyse corticale perméative accompagnée d’appositions périostées plurilamellaires (en bulbe d’oignon) ; l’extension lésionnelle est très importante au sein des tissus mous [139] et la réaction inflammatoire de l’os adjacent à la tumeur est très limitée ou absente [21]. Une leucémie ou une atteinte lymphomateuse peuvent également être discutées.


Sur des lésions plus anciennes se présentant sous forme d’une ostéolyse arrondie avec une ostéosclérose périphérique seront plutôt discutés la dysplasie fibreuse, la tumeur à cellules géante, le kyste osseux essentiel ou anévrysmal, l’hémangiome, l’enchondrome et le fibrome non ossifiant [105]. Un aspect en verre dépoli centrolésionnel orientera vers une dysplasie fibreuse [201].



Voûte du crâne


Les lésions caractéristiques sont celles de lacunes à l’emporte-pièce, correspondant à une lésion ostéolytique de contours réguliers. L’os sain adjacent présente une transparence normale [73]. Elles siègent dans la moitié des cas dans l’os pariétal (fig. 21.1) [35]. La lésion naît dans le diploé, puis les deux tables osseuses sont lysées (fig. 21.7). L’atteinte inégale des tables interne et externe donne à la lésion un aspect « biseauté » [9, 35, 207]. Au cours de l’évolution lésionnelle, une ostéosclérose périphérique apparaît ; elle aboutira à une guérison centripète, jusqu’à cicatrisation totale (fig. 21.1). Les lésions tendent à confluer, réalisant un aspect caractéristique en « carte de géographie » (fig. 21.8) [9]. La présence d’un séquestre osseux intralésionnel est classique à la voûte du crâne (fig. 21.7). L’aspect le plus caractéristique est celui de « séquestre en bouton », correspondant à une lacune arrondie ou ovalaire de la voûte crânienne au centre de laquelle se trouve une petite zone d’os intact arrondie (fig. 21.7) [231]. La réaction périostée est absente tandis que l’extension lésionnelle aux tissus mous peut se faire en région intracrânienne extradurale comme extracrânienne (fig. 21.7) [207].




Ces lésions sont généralement asymptomatiques, découvertes lors du bilan d’extension. Elles peuvent cependant être symptomatiques, se traduisant par une voussure douloureuse du cuir chevelu (fig. 21.7). L’échographie peut alors être l’examen de première intention demandé par le prescripteur. Celle-ci confirme le caractère inflammatoire (hyperhémie lésionnelle en mode Doppler « énergie ») d’une lésion tissulaire bien limitée rompant les tables interne et externe (fig. 21.9). La confrontation à des radiographies du crâne de face et de profil est essentielle afin d’évoquer le diagnostic, l’aspect échographique seul restant aspécifique.



En IRM, la lésion est bien définie, isointense au muscle en pondération T1, hyperintense en pondération T2 et prend fortement le contraste [13, 133]. Elle peut cependant parfois mimer un abcès (fig. 21.7).


Un certain nombre de diagnostics différentiels peuvent être évoqués devant une lacune de la voûte du crâne (encadré 21.2).




Bassin


Les ailes iliaques et plus particulièrement les toits acétabulaires constituent un siège de prédilection de l’histiocytose (fig. 21.6 et 21.10). Si les lésions présentent des contours irréguliers en début d’évolution, l’installation d’une ostéosclérose périphérique et la coalescence des lésions rappellent l’aspect des lésions de la voûte crânienne [207]. Un séquestre intra-osseux, très évocateur, est volontiers présent (mais moins souvent qu’à la voûte crânienne) [73]. Les appositions périostées sont plus rares qu’aux os longs [207]. L’IRM confirme le caractère « inflammatoire » de la lésion (fig. 21.10).




Côtes


La lésion histiocytaire ostéolytique siège plus fréquemment dans l’arc postérieur des côtes et peut être expansive [9]. L’ostéolyse peut être marquée, de contours irréguliers, associée à une réaction périostée et à une masse tissulaire extra-pleurale [207]. Le diagnostic différentiel avec une tumeur maligne (type sarcome d’Ewing) est alors généralement difficile [81].



Vertèbres


L’atteinte thoracique prédomine (47,8 à 54 %) sur les étages lombaire (24,2 à 35 %) et cervical (11 à 28 %) [91, 133]. La lésion siège le plus souvent au sein du corps vertébral (fig. 21.11). L’ostéolyse présente un aspect variable. L’IRM permet d’apprécier l’extension lésionnelle aux tissus mous, qui est souvent limitée, ce qui explique que la compression médullaire soit exceptionnelle. Les disques adjacents sont préservés, voire parfois augmentés de taille [241].



Lorsque l’ostéolyse du corps vertébral entraîne une fracture tassement volontiers subtotale, symétrique, épargnant les éléments postérieurs, on utilise chez l’enfant le terme de vertebra plana (fig. 21.12) [75]. Cet aspect s’observe dans la moitié des cas de lésions vertébrales [91]. L’évolution est souvent favorable avec une récupération partielle ou totale de la hauteur vertébrale [207]. Même si cette anomalie fait évoquer le diagnostic d’histiocytose langerhansienne, il ne faut pas perdre de vue qu’il existe de nombreux autres diagnostics différentiels (encadré 21.3).




Le diagnostic d’ostéochondrite vertébrale avait été proposé par Calvé en 1925 [23] et a pu être encore évoqué récemment comme étiologie de vertebra plana [198], étant donné la possibilité d’infiltration lymphocytaire de corps vertébraux sans histiocytes pathologiques [198]. De telles constatations étant possibles en cas de lésion histiocytaire d’évolution ancienne [18], cette entité ne devrait plus être retenue [198].


L’intégrité des disques sus- et sous-jacents et l’absence de collection liquidienne des tissus mous va à l’encontre d’un diagnostic d’infection (spondylodiscite et ostéomyélite, notamment tuberculeuse) [9, 212].


Chez l’adulte, l’atteinte vertébrale est de topographie essentiellement cervicale. Les signes neurologiques sont fréquents (70 %) associés à une douleur et une limitation de mobilité vertébrale. Un torticolis ou une scoliose peuvent être rencontrés [80]. A contrario de l’enfant, la vertebra plana est rare (10 %). L’histiocytose se manifeste souvent comme un tassement vertébral asymétrique [80]. La lésion ostéolytique concerne essentiellement le corps vertébral, mais l’extension aux arcs postérieurs est possible. Une masse des tissus mous paravertébraux est rapportée dans 47 % des cas [80]. Comme chez l’enfant, les localisations vertébrales peuvent être multiples et associées à d’autres localisations squelettiques.

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May 5, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 21: Histiocytoses

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