Chapitre 20
Néoplasies lymphoïdes et myéloïdes
Classification des néoplasies lymphoïdes et myéloïdes
Épidémiologie, facteurs favorisants
Scintigraphie et TEP au 18-FDG
Complications des leucémies aiguës
Cas particulier du sarcome myéloïde (granulocytaire)
Néoplasies myéloprolifératives
Classification des néoplasies lymphoïdes et myéloïdes
La classification OMS des néoplasies myéloïdes et lymphoïdes a été revue en 2008 [98, 233]. Nous ne ferons qu’en signaler les grandes lignes dans le tableau 20.1 (deux autres groupes ne figurent pas dans le tableau : néoplasies avec différenciation myéloïde et lymphoïde, néoplasies histiocytaires/dendritiques).
Leucémies aiguës
Définition
Les leucémies aiguës correspondent à une prolifération clonale, dans la moelle osseuse, d’une population cellulaire myéloïde ou lymphoïde immature, dont on distingue deux grands groupes (tableau 20.2). Dans la leucémie aiguë lymphoblastique, la cellule est un lymphoblaste B ou T ; dans la leucémie aiguë myéloïde, il s’agit d’un blaste myéloïde (monoblaste, érythroblaste ou mégacaryoblaste). Ces cellules sont bloquées à un stade précoce de leur différenciation et sont incapables de maturation terminale.
Tableau 20.2
Les leucémies aiguës (HAS) [81].
Leucémie aiguë myéloïde (LAM) | Leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) |
Blaste myéloïde (monoblaste, érythroblaste, mégacaryoblaste) | Lymphoblaste B ou T |
La plus fréquente des leucémies aiguës de l’adulte | La plus fréquente des leucémies aiguës de l’enfant |
Âge moyen de survenue : 62–65 ans | Âge de survenue : surtout entre 2 et 5 ans |
Rare chez l’enfant, elle survient alors en général avant 2 ans ou après 15 ans | Rare chez l’adulte de plus de 60 ans |
Les leucémies aiguës (LA) constituent une urgence diagnostique et thérapeutique.
Épidémiologie, facteurs favorisants
Tout âge confondu, les LAM sont plus fréquentes que les LAL (70 % versus 30 %) [177].
Leucémie aiguë lymphoblastique
Les LAL représentent 80 % des LA de l’enfant contre 20 % des LA de l’adulte. Il s’agit du cancer le plus fréquent chez l’enfant (30–35 % des cancers de l’enfant). Le pic d’incidence se situe entre 2 et 5 ans. La fréquence de la LAL diminue ensuite pour être au plus bas entre 25 et 50 ans ; elle remonte par la suite, avec un deuxième pic plus modéré vers 80 ans. Les LAL B représentent 75 % des cas de l’enfant, les LAL T 25 % des cas environ. Chez l’adulte, la fréquence des LAL T est plus faible, aux alentours de 15 % [177].
L’incidence globale des LAL de l’enfant varie considérablement selon les pays. Le pic d’incidence est surtout marqué dans les pays occidentaux, peu marqué en Afrique, en Asie et dans la population noire américaine (contrairement à la population hispanique) [57]. Le pic d’incidence entre 2 et 5 ans est apparu dans les années 1920 en Grande-Bretagne, dans les années quarante aux États-Unis et dans les années soixante au Japon. Son apparition correspond à des périodes d’industrialisation et d’élévation du niveau de vie et est liée aux LAL B. Des facteurs infectieux ont également été évoqués mais ils n’ont jamais pu être incriminés formellement.
Leucémie aiguë myéloïde
Les LAM représentent 80 % des leucémies aiguës de l’adulte et 20 % des LA de l’enfant. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 62 ans [137]. Il existe, en fait, une augmentation exponentielle de l’incidence des LAM après 40 ans, en rapport avec l’accroissement de l’instabilité génétique des cellules souches hématopoïétiques avec l’âge (accidents de réplication des chromosomes).
Certaines LAM se développent également après une hémopathie myéloïde chronique (leucémie myéloïde chronique, plus rarement myélofibrose primitive, polyglobulie ou thrombocytémie essentielle, syndrome myélomonocytaire chronique, syndrome myélodysplasique) ou après une chimiothérapie (agents alkylants et/ou inhibiteurs de la topo-isomérase II) et/ou radiothérapie (phosphore 32, radiothérapie externe). On signalera enfin le rôle prédisposant du tabagisme intensif [209].
Diagnostic de leucémie aiguë
Diagnostic positif
Le diagnostic de leucémie aiguë repose sur :
l’hémogramme (exceptionnellement normal) et le frottis sanguin, qui objectivent une blastose sanguine (blastes circulants) [35]. Il s’y associe habituellement des signes d’insuffisance médullaire (pancytopénie) ;
le myélogramme, examen clé du diagnostic et de la classification. Il est réalisé au niveau du sternum (adulte) ou d’une épine iliaque postérosupérieure (enfant), sous anesthésie locale (ou générale chez l’enfant). Il confirme le diagnostic montrant une infiltration médullaire par des lymphoblastes ou myéloblastes (≥ 20 % mais souvent massive > 80 %) [81]. Le terme de lymphome lymphoblastique B ou T est utilisé chez les patients qui se présentent avec une atteinte médullaire minime ou modérée (< 25 %) [177]. Les lignées normales sont hypoplasiques ou absentes. En cas de myélofibrose intense, le myélogramme peut ne pas être contributif et le diagnostic est porté sur une biopsie ostéomédullaire. Le myélogramme permet de réaliser :
une étude cytologique et un immunophénotypage utiles à la classification des leucémies,
un caryotype médullaire, utile à visée diagnostique et pronostique, primordial pour les décisions thérapeutiques. Le caryotype constitue le facteur prédictif le plus important de la réponse initiale au traitement et du risque de rechute, certaines anomalies génétiques pouvant être de bon pronostic, d’autres au contraire de mauvais pronostic, comme la présence du chromosome Philadelphie dans les LAL,
une biologie moléculaire pouvant servir, notamment, à l’analyse de maladie résiduelle.
Classification des leucémies aiguës
On distingue deux classifications :
la classification franco-américanobritannique (FAB) (tableau 20.3). L’identification, en particulier de la LAM 3 (leucémie aiguë promyélocytaire), est essentielle car c’est une urgence vitale en raison d’un risque élevé de complications hémorragiques mais elle est hautement curable par un traitement spécifique [81] ;
la classification OMS proposée en 2008 qui complète systématiquement la classification FAB (tableau 20.4) [177, 233].
Diagnostic de gravité
On distingue les signes de gravité immédiate et les facteurs de mauvais pronostic hématologique.
Facteurs de mauvais pronostic hématologique
pour les LAL, un âge inférieur à 1 an (et surtout 6 mois) ou supérieur à 10 ans (et surtout 15 ans) est péjoratif [178]. Le pronostic est particulièrement sombre après 60 ans,
pour la LAM, un âge supérieur à 60 ans est de mauvais pronostic ;
les leucémies secondaires (à un syndrome myélodysplasique ou une néoplasie myéloproliférative, à une chimio ou radiothérapie) ;
une atteinte neuroméningée au diagnostic (LAL) ;
les formes hyperleucocytaires ;
une cytogénétique défavorable, certaines anomalies moléculaires ;
une mauvaise réponse à la thérapeutique (corticorésistance et chimiorésistance initiales, absence de rémission complète après l’induction).
Clinique et biologie
Le tableau clinique révélateur est variable, souvent d’apparition brutale. Les patients présentent, de façon plus ou moins associée (tableau 20.5) :
une symptomatologie clinique non spécifique (fatigue, amaigrissement, etc.) ;
un syndrome d’insuffisance médullaire lié à l’envahissement de la moelle osseuse par les cellules blastiques. Le tableau clinique comporte, de façon plus ou moins complète, un syndrome anémique, un syndrome hémorragique d’origine plaquettaire et un syndrome infectieux lié à la neutropénie ;
un syndrome tumoral lié à une infiltration leucémique tissulaire. Il peut comporter :
des douleurs osseuses. Elles sont fréquentes chez l’enfant, souvent sévères, de rythme inflammatoire, bilatérales et symétriques, réveillant l’enfant la nuit. Elles peuvent affecter le squelette axial, notamment le rachis (possibilité de fractures vertébrales associées) [206], mais elles prédominent habituellement aux membres inférieurs,
des douleurs articulaires, soit en raison d’une atteinte osseuse de contiguïté, soit en raison d’une infiltration leucémique de la synoviale. Elles peuvent être révélatrices, ce qui pose le problème du diagnostic différentiel avec l’arthrite juvénile idiopathique [28, 75, 145, 157, 166, 212, 219]. Cependant, ces « arthrites » leucémiques sont le plus souvent pauciarticulaires, asymétriques, sans raideur ; elles irradient plus largement que l’articulation et l’épanchement est généralement absent ou peu abondant. L’importance de la douleur articulaire, dont la sévérité apparaît disproportionnée, est un trait évocateur des arthrites leucémiques,
une atteinte tissulaire différente selon l’origine myéloïde ou lymphoïde de la leucémie aiguë. Dans les LAL, l’atteinte du tissu lymphoïde est fréquente, notamment dans les LAL T où la présentation est volontiers « lymphomateuse ». L’atteinte tumorale non lymphoïde est essentiellement neuroméningée. Dans les LAM, il s’agit principalement du sarcome myéloïde (granulocytaire), tumeur composée de blastes myéloïdes située en dehors de la moelle osseuse (cf. infra page 657) ;
un syndrome de lyse cellulaire tumorale avec son cortège métabolique et rénal dans les formes de leucémies aiguës à prolifération rapide. Le risque principal en est l’insuffisance rénale aiguë avec hyperkaliémie ;
un syndrome de défibrination. La coagulation intravasculaire disséminée est liée à un catabolisme excessif du fibrinogène, dû à une libération massive de substances procoagulantes dans l’espace vasculaire ;
un syndrome d’hyperviscosité et de leucostase, lié à la présence massive de blastes sanguins. Il s’ensuit des troubles de la microcirculation et de la perfusion tissulaire.
Radiographies
Les signes radiographiques diffèrent chez l’enfant et l’adulte.
Leucémie aiguë de l’enfant
L’atteinte osseuse est fréquente (70 à 90 % des cas au cours de la maladie) et peut faire découvrir la maladie, notamment entre 2 et 5 ans [206]. Elle n’aggrave pas le pronostic de l’affection et n’en modifie pas le traitement [184]. La réalisation de clichés radiographiques systématiques n’est donc pas justifiée. Ceux-ci ne sont effectués qu’en cas de symptomatologie clinique afin de déterminer si celle-ci est en rapport avec la maladie et peut justifier d’un traitement local. La corrélation entre les signes cliniques et radiographiques est, cependant, mauvaise [206].
En radiographie, on peut observer (encadré 20.1) :
des bandes claires métaphysaires (fig. 20.1 et 20.2). Il s’agit du signe radiographique le plus précoce chez l’enfant. Ces bandes résultent d’une anomalie de l’ossification enchondrale du cartilage de croissance [206] et s’observent, par conséquent, essentiellement aux zones de croissance rapide (extrémité distale du fémur et du radius, extrémité proximale du tibia et de l’humérus). Elles sont bilatérales, symétriques, d’épaisseur variable et intéressent toute la largeur de la métaphyse. Elles peuvent également être visualisées sous les plateaux vertébraux et aux os plats tels que les côtes et crêtes iliaques. Ces bandes radiotransparentes sont parfois associées à une bande dense adjacente. Elles ne sont pas pathognomoniques puisqu’elles peuvent être observées dans d’autres affections (encadré 20.2) [184]. Elles sont cependant évocatrices d’une leucémie aiguë après l’âge de 2 ans ;
Fig. 20.1 Leucémie aiguë lymphoblastique : bandes claires métaphysaires fémorale et tibiale (flèches).
Fig. 20.2 Leucémie aiguë lymphoblastique : bande claire métaphysaire fémorale (flèche). Cliché N. Boutry.
une ostéopénie diffuse (15 à 80 % des cas), liée à une diminution du turnover (destruction de la moelle osseuse par les cellules leucémiques, altération du métabolisme osseux par des facteurs sécrétés par les cellules leucémiques, etc.) [49, 206] ;
des lésions ostéolytiques (fig. 20.3). Elles sont de taille variable, très petites au début et difficiles à différencier de l’ostéopénie, puis un peu plus grandes, affectant l’os spongieux et cortical de la métaphyse des os longs et les os plats (voûte du crâne, bassin, côtes, ceinture scapulaire) [206]. Elles témoignent de l’infiltration leucémique de la moelle osseuse (et d’hémorragies focales et de plages d’ostéonécrose dans les lésions de plus grande taille) [184]. L’atteinte de la corticale médiale de l’humérus proximal serait très évocatrice [184]. L’ostéolyse est plus rarement perméative (7–18 % des cas). Elle témoigne alors d’une prolifération rapide et est de mauvais pronostic [206] ;
Fig. 20.3 Leucémie aiguë myéloblastique de type 7 : lésion ostéolytique métaphysodiaphysaire rompant la corticale, associée à une réaction périostée. Cliché N. Boutry.
des appositions périostées (fig. 20.3 et 20.4), dont l’incidence a été très diversement rapportée dans la littérature (2 à 50 % des cas) [206]. La prolifération leucémique de la moelle osseuse traverse la corticale par les canaux de Havers et s’étend sous le périoste en le soulevant. Elle est parfois associée à une hémorragie sous-périostée. Rarement isolées, ces appositions périostées sont en général associées à des lésions ostéolytiques. Elles prédominent à la diaphyse des os longs (tibia et fibula notamment) mais peuvent affecter les côtes, les phalanges et le bassin. Elles sont uni ou plurilamellaires (encadré 20.3) ;
Fig. 20.4 Leucémie aiguë myéloblastique de type 7 : appositions périostées fémorales actives (non incorporées à la corticale). Aspect discrètement hétérogène de l’os sous-jacent. Cliché N. Boutry.
des fractures et déformations (5,7–12 %) (fig. 20.5) [49] : l’ostéopénie et les bandes claires métaphysaires favorisent les fractures et glissements épiphysaires [184]. Au rachis, on peut observer des tassements vertébraux [17, 51, 76] et des troubles de la croissance osseuse avec platyspondylie [197]. Un remodelage des corps vertébraux après traitement est possible [169] ;
Fig. 20.5 Leucémie aiguë myéloblastique de type 7 : fracture pathologique de la corticale postérieure du fémur (même patient que fig. 20.3). Cliché N. Boutry.
des lésions ostéocondensantes, beaucoup plus rares (5 à 10 % des cas) [183]. Elles intéressent la métaphyse des os longs et peuvent être focales ou diffuses. Elles sont isolées ou associées à des lésions ostéolytiques ou à une réaction périostée. Elles pourraient être réactionnelles à l’infiltration leucémique ou à des infarctus osseux. Elles surviennent plus souvent en cours de traitement.
En cas d’atteinte articulaire, les radiographies peuvent être normales et notamment ne pas objectiver de tuméfaction synoviale, ce qui va contre le diagnostic d’arthrite juvénile idiopathique, principal diagnostic différentiel clinique [212]. On peut parfois visualiser des anomalies osseuses juxta-articulaires de la leucémie (cf. supra).
Leucémie aiguë de l’adulte
Les lésions osseuses radiographiques sont moins fréquentes que chez l’enfant et consistent en une ostéopénie diffuse (fig. 20.6) et de discrètes lésions ostéolytiques au crâne, au bassin et à la partie proximale des os longs, posant le problème du diagnostic différentiel avec des métastases ou le myélome. La présence d’une ostéocondensation diffuse secondaire à l’épaississement des travées osseuses est tout à fait exceptionnelle [239].
Fig. 20.6 Leucémie aiguë myéloblastique chez une femme de 49 ans.
Notez la raréfaction osseuse très importante des corps vertébraux (transparence osseuse équivalente à celle des disques intervertébraux).
IRM
Il convient de différencier les deux types de leucémie.
Leucémie aiguë lymphoblastique
On objective habituellement une infiltration médullaire diffuse du squelette axial, plus facile à voir en T2 avec suppression du signal de la graisse (hypersignal) qu’en T1 en raison du caractère normalement cellulaire, et donc hypointense, de la moelle chez l’enfant. Au genou, trois types d’infiltration ont été rapportés : infiltration diffuse homogène, hétérogène, et en plages [23]. Étant donné la conversion graisseuse physiologique précoce du genou, certains auteurs ont souligné l’intérêt d’explorer cette zone pour une bonne détection de l’infiltration médullaire pathologique [23]. Cependant, l’IRM n’est habituellement pas réalisée à visée diagnostique chez les patients ayant une LAL. La mesure du T1 de la moelle osseuse en IRM pourrait être utile [153], notamment pour apprécier la réponse à la chimiothérapie des patients [231] mais elle est, en fait, peu employée.
En cas de rechute osseuse, on observe une infiltration nodulaire à limites nettes (à la différence des nécroses en voie de constitution ou des fractures de contrainte) en hyposignal T1, hypersignal T2, se rehaussant après injection de gadolinium (fig. 20.7). Cette infiltration peut être isolée ou multifocale, et affecter n’importe quelle partie de l’os (notamment l’épiphyse) [105, 175].
Leucémie aiguë myéloïde
Séquences classiques
L’infiltration de la moelle osseuse dans la LAM est typiquement diffuse, avec un hyposignal T1 de la moelle plus marqué que celui des disques et muscles adjacents, un hypersignal T2 et un rehaussement intense après injection de gadolinium (fig. 20.8). Cependant, lorsque l’infiltration médullaire est modérée, notamment au début de l’évolution de la maladie, les séquences classiques peuvent être prises en défaut [252].
Fig. 20.8 Leucémie aiguë myéloblastique : coupes sagittales pondérées en T1 (a), T2 (b), et T1 après injection de gadolinium (c).
Notez l’hyposignal marqué de la moelle osseuse en pondération T1. Il s’y associait un tassement vertébral en raison de l’ostéopénie.
Plusieurs études ont porté sur l’apport de la mesure du T1 de la moelle osseuse dans le suivi des patients sous traitement [99, 230]. Les patients présentaient une augmentation de leur T1 après une semaine de traitement (œdème/nécrose cellulaire), puis une diminution entre 2 et 6 semaines (régénération médullaire, diminution de la cellularité), aboutissant à un corps vertébral graisseux dans son ensemble ou seulement en son centre, avec bandes hypointenses sous les plateaux vertébraux correspondant à de la moelle rouge normale. Toutefois, certains auteurs [230] n’ont pas observé de différences significatives entre les patients répondeurs et non répondeurs. Une étude portant sur des patients en rémission complète a, en revanche, montré que la persistance d’anomalies de signal de la moelle osseuse au fémur s’accompagnait d’une rechute plus précoce que lorsqu’il n’y en avait pas [214].
Séquences dynamiques après injection de gadolinium
On sait que l’angiogenèse est augmentée chez les patients avec LAM active par rapport aux patients en rémission et aux volontaires [53, 113]. Les séquences IRM dynamiques après injection de gadolinium peuvent permettre une analyse de la perfusion de la moelle osseuse, avec notamment une quantification directe de la densité, du flux et de la perméabilité vasculaires [84]. Il a ainsi été démontré :
qu’une augmentation de l’angiogenèse objectivée sur ces séquences est corrélée à un plus mauvais pronostic [203] ;
qu’une diminution du pic de rehaussement à J7 de la chimiothérapie d’induction est associée à une plus grande chance d’obtenir une rémission complète et un meilleur pronostic [94, 204] ;
que certains paramètres de la perfusion médullaire chez des sujets en rémission complète sont des éléments prédictifs de l’évolution et de la survie [36].
On signalera enfin l’apport potentiel des produits de contraste à base d’oxyde de fer (SPIO) dans l’évaluation de cette angiogenèse [148].
Moelle rouge de distribution nodulaire
Cet aspect, notamment observé chez des sujets ayant reçu des facteurs de croissance hématopoïétiques, peut être particulièrement trompeur, mimant une rechute de la leucémie. Au squelette appendiculaire, les îlots de moelle rouge sont plutôt situés dans la diaphyse proximale des os longs (fémurs, humérus), de façon bilatérale et symétrique, respectant les épiphyses. Leur signal est typiquement moins hypointense en T1 et en T2 et le rehaussement est modéré après injection de gadolinium. Des atypies sont, cependant, possibles [235]. La scintigraphie, la TEP-TDM au FDG et les biopsies peuvent également aider à cette différenciation [235].
Complications des leucémies aiguës
l’infection ostéoarticulaire (1,3–2 % des patients) [223], rarement plurifocale [248] ;
l’ostéonécrose, de fréquence très diversement rapportée dans la littérature (10 à 71,8 %) selon que le patient est symptomatique ou non et qu’une IRM est réalisée de façon systématique ou non [110, 159, 245]. Cette ostéonécrose peut être secondaire à l’infiltration tumorale mais surtout à la corticothérapie et la chimiothérapie [110, 159]. Elle est particulièrement fréquente après transplantation de moelle allogénique en raison du jeune âge des patients, de la réaction chronique du greffon contre l’hôte et de la corticothérapie. L’atteinte est souvent multifocale et symétrique. Elle intéresse surtout la hanche et le genou [107] mais tout os peut être affecté (fig. 20.9). Elle est bien objectivée en IRM et ne présente pas de sémiologie propre. Son pronostic est péjoratif, la plupart des patients nécessitant la pose d’une arthroplastie totale avant l’âge de 30 ans. Des plages de signal graisseux délimitées par un liseré à peine perceptible en IRM pourraient en constituer le premier signe [196] ;
Fig. 20.9 Leucémie aiguë lymphoblastique traitée.
Notez les multiples foyers de nécrose médullaire fortement hyperintenses en T1.
un retard de croissance lié à l’irradiation de l’encéphale ;
un hématome sous-dural, notamment chez les sujets thrombopéniques ayant eu plusieurs ponctions lombaires pour chimiothérapie prophylactique intrathécale [172] ;
une infiltration leucémique des racines nerveuses, surtout en cas de rechute de la maladie (fig. 20.10).
Cas particulier du sarcome myéloïde (granulocytaire)
Anciennement appelé sarcome granulocytaire ou chlorome en raison de la couleur verdâtre de certaines lésions, le sarcome myéloïde correspond à une tumeur composée de blastes myéloïdes, située en dehors de la moelle osseuse. Ce sarcome s’observe :
essentiellement en cas de leucémie aiguë myéloïde, notamment chez l’enfant (60 % des sujets ont moins de 15 ans). Son incidence est de 30 % dans les LAM de l’enfant et de 3 à 5 % dans les LAM de l’adulte. Il est très rarement rapporté en cas de LAL alors que ces dernières représentent 80 % des leucémies de l’enfant [89, 141]. Ce sarcome peut être découvert quelques mois avant le diagnostic de la leucémie, ce qui peut poser des problèmes de diagnostics différentiels histologiques, notamment avec un lymphome ou une tumeur indifférenciée [140]. Il peut également s’observer après le traitement de la leucémie, et notamment après greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques [154]. Il est alors habituellement suivi d’une rechute médullaire de la leucémie dans l’année qui suit ;
lors de l’acutisation d’une leucémie myéloïde chronique ou lors de la transformation leucémique de syndromes myélodysplasiques [27].
Ce sarcome s’observe, par ordre de fréquence décroissante, dans la moelle osseuse (crâne, mandibule, sacrum, sternum, côte, rachis), les tissus mous, les nœuds lymphatiques et la peau [7, 101, 128, 136, 138, 146, 218, 240]. Il peut également intéresser d’autres tissus comme les structures épidurales ou périneurales rachidiennes [10, 54, 89, 123, 217, 234] ou non (fig. 20.11 et 20.12). L’imagerie n’est pas spécifique : masse tumorale volontiers de grande taille, notamment dans les tissus mous, similaire à un lymphome [63, 241]. La TEP au 18-FDG joue un rôle important dans la détection de ce type de sarcome, d’autant qu’il peut être plurifocal [9, 58, 63, 129, 140, 250].
Fig. 20.11 Sarcome myéloïde (granulocytaire) chez un patient présentant une leucémie aiguë myéloblastique : coupes frontale pondérée en T2 (a) et axiales pondérées en T1 sans (b) et après (c) injection de gadolinium.
Notez l’infiltration tumorale au sein (flèche) et autour de la racine L5 droite.
Fig. 20.12 Phase d’acutisation d’une leucémie lymphoïde chronique : coupe frontale pondérée en T1 après injection de gadolinium.
Notez l’infiltration tumorale des racines S1, notamment du côté gauche.
Le traitement du sarcome myéloïde repose avant tout sur une chimiothérapie de type LAM.
Traitement
Les objectifs du traitement des leucémies aiguës sont :
l’obtention d’une rémission complète : disparition du syndrome tumoral, hémogramme normal, moins de 5 % de blastes médullaires ;
la guérison. La survie à 5 ans est de près de 80 % dans les LAL de l’enfant et d’environ 40 % pour les LAL de l’adulte [178] ; elle est de 20 à 40 % toutes LAM confondues. Le pronostic est beaucoup plus défavorable en cas de leucémie aiguë secondaire.
Le principe du traitement des leucémies aiguës consiste en :
une chimiothérapie d’induction, dont le but est de réduire la masse tumorale à un niveau de maladie résiduelle imperceptible, et de restaurer une hématopoïèse normale ;
une chimiothérapie de consolidation, dont le but est de réduire la maladie résiduelle ;
la mise en place, en fonction de l’âge, du caryotype, de la biologie moléculaire et de l’existence ou non d’un donneur HLA identique familial ou donneur de fichier 10/10, soit d’un traitement intensif avec greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques, soit d’un 2e traitement de consolidation, soit d’un traitement d’entretien (LAM 3 et LAL).
Leucémie lymphoïde chronique
La leucémie lymphoïde chronique se caractérise par la prolifération clonale de lymphocytes B matures, d’apparence normale (mais immunologiquement anormaux) dans la moelle osseuse, le sang, et parfois les lymphonœuds. C’est la leucémie la plus fréquente chez l’adulte en France. Elle affecte essentiellement les sujets de plus de 50 ans (pic de fréquence vers 70 ans), avec une prédominance masculine (deux tiers des cas). Elle est le plus souvent découverte fortuitement, devant une hyperlymphocytose isolée persistant plus de 3 mois. Elle est parfois suspectée devant des adénopathies superficielles, une splénomégalie, beaucoup plus rarement une complication infectieuse ou auto-immune [80]. Son histoire naturelle est particulièrement déroutante puisque certains patients gardent une espérance de vie normale alors que d’autres meurent dans les mois ou années qui suivent le diagnostic.
La confirmation du diagnostic de LLC est biologique et ne nécessite qu’un prélèvement sanguin (hémogramme et immunophénotypage des lymphocytes). La présence d’une lymphocytose B > 5 000/mm3 et de marqueurs de surface caractéristiques permet de poser le diagnostic [80].
La majorité des patients relève d’une simple surveillance clinique et biologique afin de détecter une éventuelle progression de la maladie. Lorsqu’un traitement est indiqué, il repose sur une chimiothérapie et/ou des anticorps monoclonaux. L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques n’est indiquée que chez une minorité de patients [80].
Complications
Elles sont de trois types [80] :
infectieuses, notamment bactériennes favorisées par l’hypogammaglobulinémie et la neutropénie, ou plus rarement opportunistes ;
auto-immunes, en particulier anémie hémolytique et thrombocytopénie ;
transformation tumorale en lymphome de haut grade de malignité (syndrome de Richter) (3–10 % des cas) [80]. Une altération de l’état général et une fièvre doivent y faire penser. Le diagnostic est confirmé par l’analyse anatomopathologique d’un lymphonœud suspect. En cas d’acutisation de la LLC, la TEP au 18-FDG met en évidence des hyperfixations intenses des organes infiltrés et permet la stadification des adénopathies [26]. L’IRM en permet un bilan morphologique plus précis (fig. 20.12).
Imagerie
Les signes radiographiques d’atteinte osseuse sont rares (5–12 % des cas) alors que l’envahissement médullaire est constant : ostéopénie, petites lésions ostéolytiques, destructions osseuses métacarpiennes et phalangiennes, tassements vertébraux [132, 184]. La survenue d’une ostéolyse étendue doit faire évoquer un syndrome de Richter [43, 69].
En IRM, l’intérêt de la mesure du T1 de la moelle osseuse du rachis lombaire de patients débutant une LLC a été rapporté [126]. Dans cette étude, l’augmentation du T1 était corrélée à une importante lymphocytose sanguine et médullaire et à une évolution plus rapide de la maladie, suggérant ainsi l’individualisation de patients à risque d’évolution agressive. On rappellera cependant que cette technique peut ne pas objectiver d’infiltration significative de la moelle osseuse (41 % des cas dans une série) [127].
Par ailleurs, ont été rapportés :
des arthrites leucémiques, susceptibles de mimer cliniquement et en imagerie une arthrite septique [39, 56, 62, 189] ;
des infiltrations leucémiques de nerfs rachidiens ou périphériques [92, 124, 200]. La mesure de l’ADC et de la FA (fraction d’anisotropie) a été proposée par certains auteurs, notamment pour le suivi thérapeutique [92] ;
des syndromes paranéoplasiques : polymyosite, dermatopolymyosite et myosite focale [37, 192, 221].
Lymphomes
L’essor des techniques immunohistochimiques, le développement des anticorps monoclonaux et, plus récemment, de la biologie moléculaire ont abouti à de profonds remaniements de la classification de ces tumeurs, avec nouvelle classification de l’Organisation mondiale de la santé (2008) [190, 233]. Cette classification reconnaît deux grands types de tumeurs, les lymphomes B et les lymphomes T/NK (NK : Natural Killer). Ces lymphomes B et T sont divisés en tumeurs développées à partir de cellules immatures (lymphoblastiques) ou de cellules B ou T de phénotype périphérique. Nous traiterons séparément le lymphome de Hodgkin.
Lymphome non hodgkinien (LNH)
Classification
Les LNH se développent à partir de cellules lymphoïdes de lignées B (85 % des cas) ou plus rarement T et NK (15 % des cas) (tableau 20.6) [82]. Bien que possédant des caractéristiques communes, ils regroupent de nombreuses entités différentes, en particulier sur le plan clinique, histologique, évolutif, pronostique et thérapeutique. On différencie ainsi, au sein des LNH, les formes « agressives » des formes « indolentes » en raison de leur présentation clinique et de leur mode évolutif différents.
Épidémiologie et facteurs favorisants
Les LNH représentent 3 % de l’ensemble des cancers et se situent au 7e rang des cancers les plus fréquents chez l’homme et au 6e rang chez la femme [82]. Leur incidence augmente notablement après l’âge de 65 ans mais les LNH s’observent à tout âge, y compris chez l’enfant et l’adolescent. Chez l’adulte, il existe une légère prédominance masculine (54 % des cas) [82]. L’âge moyen lors du diagnostic est globalement de 64 ans chez l’homme et de 70 ans chez la femme. Il varie, en fait, selon les types histologiques, certains pouvant présenter des pics d’incidence chez l’adulte jeune ou l’enfant (lymphome de Burkitt par exemple) [82].
Clinique et biologie
Clinique
Le diagnostic de LNH doit être évoqué devant [82] :
des adénopathies superficielles persistantes, généralement non douloureuses et non inflammatoires, quelle que soit leur localisation ;
une hépatomégalie ou une splénomégalie sans contexte connu ;
la découverte d’adénopathie(s) profonde(s) ;
des signes généraux : amaigrissement, fièvre au long cours, sueurs nocturnes profuses, prurit inexpliqué ;
des manifestations cliniques extra-nodales en rapport avec la localisation du LNH au niveau d’un site spécifique (gastrique, cutané, cérébral, etc.) ;
certaines urgences : syndrome cave supérieure rapidement progressif, masse abdominale d’évolution rapide (notamment révélatrice d’un lymphome de Burkitt chez l’enfant ou l’adulte jeune), compression médullaire ;
un syndrome inflammatoire biologique inexpliqué, parfois une anomalie de l’hémogramme : cytopénie, hyperlymphocytose, etc.
L’interrogatoire recherche également des antécédents personnels ou familiaux d’hémopathie, une exposition à des substances particulières ou un risque d’infection chronique. En effet, on retrouve parfois des facteurs de risque dans l’histoire du patient [82] :
infections chroniques : virales (VIH, hépatite C, virus Epstein-Barr) et bactériennes (inflammation gastrique chronique due à Helicobacter pylori) ;
immunodépression chronique : médicaments immunosuppresseurs, notamment dans un contexte de greffe d’organe, maladie auto-immune ;
exposition à des substances particulières : dioxine, pesticides agricoles. Cependant, sauf exception, les LNH ne sont pas, à ce jour, reconnus comme maladie professionnelle ;
Biologie
La biologie recherche une hyperlymphocytose ou des cellules lymphoïdes atypiques circulantes. En cas d’hyperlymphocytose, un frottis sanguin permettra d’orienter le diagnostic, suivi le cas échéant d’un immunophénotypage qui permettra de poser le diagnostic de certains lymphomes avec dissémination sanguine [82].
Confirmation diagnostique
Le diagnostic de lymphome repose sur l’analyse anatomopathologique d’une adénopathie (ou autre organe atteint) (cf. tableau 20.6). Du fait de la corticosensibilité des LNH, toute corticothérapie doit être proscrite avant la biopsie, sauf urgence compressive [82].
Bilan d’extension
Il est nécessaire pour décider du traitement et déterminer le pronostic. Il repose sur :
une tomodensitométrie thoraco-abdominopelvienne avec mesure des lésions tumorales cibles qui servira de référence initiale pour l’évaluation ultérieure de la réponse au traitement. D’autres techniques d’imagerie pourront être discutées au cas par cas (IRM rachidienne par exemple) ;
une TEP-TDM au FDG, en particulier pour les LNH B diffus à grandes cellules (agressifs) ;
une biopsie ostéomédullaire, généralement complétée d’un myélogramme : recherche d’une atteinte médullaire ;
une ponction lombaire éventuelle (recherche d’une atteinte méningée).
L’étendue de la maladie est appréciée selon la classification d’Ann Arbor (tableau 20.7), sauf pour les lymphomes cutanés qui possèdent une classification spécifique.
Tableau 20.7
Classification de l’extension d’un lymphome (Ann Arbor).
Stade I | Atteinte d’une seule aire lymphonodale sus ou sous-diaphragmatique (I) ou d’un seul site extra-nodal (IE) |
Stade II | Atteinte d’au moins deux aires lymphonodales du même côté du diaphragme (II) ou d’un groupe lymphonodal et d’un site extra-nodal d’un même côté du diaphragme (IIE) |
Stade III | Atteinte lymphonodale de part et d’autre du diaphragme (III) avec éventuellement atteinte splénique (IIIS) ou atteinte d’un site extra-nodal (IIIE) |
Stade IV | Atteinte diffuse d’un ou plusieurs organes extra-nodaux avec ou sans atteinte lymphonodale non contiguë |