Chapitre 2 Régulation du liquide amniotique
Le liquide amniotique entoure le fœtus pendant toute la vie intra-utérine. Il joue un rôle de protection essentiel en protégeant le fœtus contre les traumatismes externes par un rôle tampon et permet, en offrant un espace à faible résistance et en maintenant l’expansion de la cavité utérine, la mobilité fœtale, indispensable au développement fœtal, en particulier des appareils locomoteur, cardiopulmonaire et digestif. De plus, il possède des propriétés antibactériennes et assure une lubrification, prévenant l’apparition des brides amniotiques [1].
Production et réabsorption
Avant 20 SA
La cavité amniotique apparaît au 7e jour après la fécondation. Au cours des premières semaines, le liquide amniotique est essentiellement un ultrafiltrat du plasma maternel [1, 2]. Entre 10 et 20 SA, sa composition est isotonique au sérum maternel et fœtal. Ceci est lié aux échanges se produisant à travers la peau fœtale, non kératinisée, qui est alors perméable à l’eau, aux électrolytes et aux éléments biochimiques. La kératinisation de la peau débutera vers 20 SA pour s’achever à 25 SA. Dès la fin du 1er trimestre, le rein fœtal est capable de réabsorber le sodium et de sécréter de petites quantités d’urine.
Après 20 SA (figure 2.1)
Plusieurs éléments collaborent à la formation et à l’élimination du liquide amniotique. Les deux principales sources sont la diurèse fœtale et les sécrétions pulmonaires, tandis que les deux principales voies de réabsorption sont la déglutition fœtale et l’absorption dans le sang fœtal à travers la surface fœtale du placenta (voie intramembranaire) [2].
Figure 2.1 Constitution du liquide amniotique : mouvements de fluides à mi-grossesse, modifié
Voie intramembranaire : peau + transfert à travers la plaque choriale + cordon.
d’après [2]
Diurèse fœtale
C’est la principale source de liquide amniotique dans la deuxième moitié de la gestation. La production uri- naire augmente de 110 mL/kg/j à 25 SA à 190 mL/kg/j à 39 SA. Ainsi la diurèse atteindrait 600 mL/24 h en fin de gestation. Les techniques ultrasonores en temps réel ont permis de mesurer de façon non invasive le volume vési- cal et de quantifier la diurèse [3, 4]. Par ces méthodes, la production quotidienne d’urines à terme a été estimée à 1 000-1 200 mL. Cette discordance est liée aux différentes techniques utilisées. L’estimation de la diurèse fœtale à terme semble se rapprocher de 700-900 mL/j [2, 5]. La régulation de la diurèse est dépendante de plusieurs hormones dont l’aldostérone, l’arginine vasopressine du système rénine-angiotensine et des prostaglandines. L’administration d’antiprostaglandines diminue la diurèse fœtale [6].
Sécrétions pulmonaires
Le poumon fœtal sécrète à partir de 18 SA un liquide pulmonaire. La quantité de liquide sécrété augmente progressivement pour atteindre environ 200 à 300 mL/24 h en fin de gestation [1, 2]. Cette sécrétion est influencée par des facteurs endocrines : l’adrénaline, l’arginine vasopressine et l’hypoxie en sont de potentiels inhibiteurs [7]. Le liquide pulmonaire s’accumule dans les alvéoles et est excrété au moment des mouvements respiratoires fœtaux. Deux options sont alors possibles : excrétion vers la cavité amniotique (50 %) ou réabsorption (50 %). Classiquement, la réabsorption du liquide amniotique se fait par la déglutition vers le tube digestif, le poumon fœtal ne semblant pas participer à ce phénomène. Cependant, l’existence d’une réabsorption de liquide amniotique au niveau du parenchyme pulmonaire est aujourd’hui discutée. En effet, de nombreux travaux ont montré un passage de liquide amniotique dans les voies aériennes [8, 9]. Les conditions de réabsorption du liquide amniotique par le poumon semblent donc réunies puisque le liquide amniotique, hypotonique, est alors en contact sur une grande surface au niveau des alvéoles pulmonaires avec l’important lit capillaire fœtal contenant un plasma hypertonique par rapport au liquide amniotique [5].
Déglutition fœtale
La déglutition est classiquement le mécanisme prépondérant de la réabsorption du liquide amniotique. Cette réabsorption est commandée par l’oropharynx dès 11 SA. Un obstacle (fonctionnel ou anatomique) de la voie digestive se traduit par l’apparition d’un hydram- nios. Le débit de déglutition est variable s’étendant de 7 mL/j à 16 SA à 200-500 mL/j à terme [7].
Voie intramembranaire
Elle était définie initialement par tous les échanges entre le liquide amniotique et le sang fœtal à travers la surface fœtale du placenta. Sa définition a ensuite été étendue à tous les échanges passifs entre le liquide amniotique et le sang fœtal qui ont lieu au travers d’une surface. Elle inclut donc maintenant les échanges s’effectuant au travers de la peau fœtale ou du cordon ombilical [2].
Placenta
C’est le principal flux de la voie intramembranaire. Les flux sont bidirectionnels mais le flux net d’eau à travers la plaque choriale est en faveur de la sortie de la cavité amniotique vers la mère de 200 à 250 mL/24 h [2]. Cette voie jouerait un rôle de régulation important dans certaines situations telles que l’atrésie ou l’obstruction œsophagienne [2].