Chapitre 2 Les grandes lignées pathologiques
La lignée névrotique
La clinique névrotique
• sa présentation tout d’abord : sa tenue vestimentaire féminine est très accentuée, voire provocante dans un contexte hospitalier ; le soin apporté au « paraître » l’est tout autant (maquillage très marqué…) et surtout, elle se fait remarquer par son attitude : jeu de regards équivoques, dramatisation à l’excès de ses propos, avec l’emploi de termes volontiers emphatiques, le tout aboutissant à un véritable histrionisme ;
• le rôle de la séduction : Mme V. cherche à capter en permanence l’attention de l’entourage sur elle, soit par la séduction (véritable érotisation des rapports sociaux), soit par la multiplication des plaintes ou doléances somatiques, vis-à-vis de l’équipe soignante. Ses propos témoignent d’un certain égocentrisme : tout est centré sur ses symptômes, ramenant tout à sa personne, unique sujet de préoccupation et de conversation ;
• la labilité émotionnelle importante : la patiente passe du rire aux larmes de façon inopinée faisant suggérer une véritable facticité des affects, avec une vraisemblable tendance à l’hyperémotivité ;
• les antécédents de tentatives de suicides multiples : imprévisibles mais sans gravité somatique franche, ces passages à l’acte surgissent en réponse à la faillite des mécanismes de défense habituels. Ils surviennent quand la frustration ou le malaise sont trop grands et ne sont plus compensés par l’expression symptomatique ;
• enfin, comme souvent dans la névrose hystérique, on observe la présence de troubles sexuels (insatisfaction au minimum, voire frigidité). Cette frustration peut prendre des aspects paradoxaux, allant même jusqu’à une impression d’hypersexualité en raison du caractère séducteur de la personne hystérique. En réalité, on a affaire à une multiplication d’aventures insatisfaisantes et d’échecs, qui masquent la recherche profonde de l’hystérique. En effet, les difficultés sexuelles dévoilent le fait que l’érotisation du lien hystérique est avant tout un moyen d’obtenir de l’amour (et de l’attention) sous couvert d’une proposition de sexualité.
En résumé
La structure névrotique se caractérise par :
• un conflit entre le Surmoi et le Çà au sein d’un Moi qui n’est jamais clivé, garant d’une certaine continuité et stabilité psychique d’un Moi aux capacités synthétiques bien installées ;
• une angoisse latente de castration, certes pénible, mais bien moins déstructurante et désorganisante que les angoisses de perte (du fonctionnement limite) ou de morcellement (du fonctionnement psychotique) ;
• une relation d’objet génitale dans laquelle l’objet (l’autre) est reconnu en tant que tel dans son existence et dans sa différenciation. Il est ainsi recherché pour ce qu’il est et pas seulement pour ce à quoi il peut servir au sujet (comme dans la dynamique limite) ;
• un fonctionnement préconscient prévalent, garant d’une bonne capacité « à penser les pensées » et d’une contenance propre à contenir, limiter et transformer ;
• une fonction interdictrice du Surmoi installée, « héritière du complexe d’Œdipe » dont les fonctions d’auto-observation et de censure participent grandement à l’équilibre dynamique et à la prise en compte des limites et de l’autre ;
• un principe de réalité prévalent résultant du travail synthétique d’un Moi solide qui peut dans cette structure plus facilement aménager les situations conflictuelles en organisant la satisfaction (principe de plaisir) tout en tenant compte de la réalité, de ses limites et de ses contraintes par le biais d’établissement de compromis (équilibrant principe de plaisir et principe de réalité) ;
• une économie basée sur des processus secondaires reposant sur la liaison psychique entre l’affect et les représentations permettant l’appui du sujet sur des capacités d’attente et de symbolisation structurantes ;
• servie par une défense principale qui est le refoulement, témoin et organisateur d’un fonctionnement équilibré entre conscient et inconscient.
La lignée psychotique
La violence des origines
Lacan (1966) préfère quant à lui parler de forclusion pour décrire ces mécanismes de destruction et de rejet, qui opèrent dans la psychose autour du signifiant particulier qu’est le Nom-du-Père. Cette instance est le support « de la fonction symbolique qui, depuis l’orée des temps historiques identifie sa personne à la figure de la Loi ». Le besoin pathologique d’exclusivité de la mère verrouille chez l’enfant toute possibilité d’ouverture vers l’extérieur, vers cet autre représentant de l’Autre qu’est le père dans un déni de la castration en tant qu’organisatrice de la symbolique du réel.
L’économie psychotique : entre agir et pensée concrète
De façon « condensée », nous pouvons dire que la psychose se caractérise par :
• une instance dominante : le Çà ;
• un conflit dominant : entre le Çà et la réalité ;
• une angoisse latente de morcellement ;
• des défenses principales à type de clivage du Moi, de déni et de forclusion ;
• une relation d’objet fusionnelle ;
• un déni net de la réalité gênante ;
• des processus primaires prévalents ;
• la projection et l’identification projective comme défenses banales ;
• une utilisation agie de la parole (support des pulsions agressives) ;
• une abolition (ou affaiblissement) de la fonction synthétique du Moi (ce qui libère des capacités abstraites hors des contraintes de la réalité).
La clinique psychotique : déni, clivage et identification projective
La symptomatologie du psychotique s’illustre :
• par le délire (véritable tentative de « guérison ») ;
• par la dissociation (psychique, physique, verbale) ;
• par l’utilisation de l’agir comme modalité expressive préférentielle.