2: La maladie infectieuse: Problématique

Chapitre 2 La maladie infectieuse Problématique



1 Un peu d’histoire




C’est à la fin du XIXe siècle que la notion d’infection a pris tout son sens avec la découverte des micro-organismes mais les notions d’hygiène et d’influence de l’environnement sur la santé sont des concepts beaucoup plus anciens, qui remontent aux périodes de l’Antiquité et qu’il est intéressant de rappeler. De même, les règles d’hygiène se sont construites au fur et à mesure de l’histoire, marquée notamment par les grandes épidémies mais aussi les grandes découvertes.



1.1 Les précurseurs


Plusieurs siècles avant l’ère chrétienne, dans la Grèce antique, Hygie, déesse de la santé, était particulièrement célébrée et souvent représentée aux côtés de son père Asclépios, dieu de la médecine. Selon la mythologie, Asclépios (Esculape pour les Romains), mit sa science au service des hommes, opérant de nombreuses guérisons ; du fait de ce pouvoir, il fut l’objet d’une dévotion fervente. La représentation du Dieu, ainsi que son emblème, un bâton autour duquel s’enroule un serpent (devenu le caducée du corps médical) indiquent nettement une divinité en rapport avec les puissances de la terre (figure 2.1).



Hygie, quant à elle, était chargée de veiller au bien-être des hommes ; à cette fin, elle suggéra déjà le choix des aliments et des remèdes comme moyen de prévenir les maladies.


Une médecine plus scientifique se dégagera progressivement de ces croyances avec Hippocrate, devenu le « patron » des médecins. Reconnu également comme étant un descendant du Dieu, Hippocrate est le premier médecin à avoir évoqué le rôle et l’influence de l’environnement sur les maladies ainsi que leur caractère épidémique.


L’hygiène du « milieu » se développe avec la civilisation romaine et les premières notions d’urbanisme qui se traduisent par la construction de thermes, d’aqueducs et d’égouts dont les vestiges ont été conservés sur différents sites archéologiques (figure 2.2).



En Europe, au Moyen Âge, l’hygiène est rejetée, alors que la civilisation du Moyen-Orient lui apporte d’importants fondements avec notamment les « Canons de la médecine », encyclopédies en cinq volumes rédigées par Avicenne, médecin et philosophe iranien. Cette œuvre synthétise l’ensemble du savoir médical, regroupant les anciens travaux grecs et ceux réalisés par les savants musulmans.


On y retrouve des notions d’hygiène avec l’influence des cures et des régimes sur la santé mais parmi sa contribution à la médecine il faut retenir la découverte du caractère contagieux de la tuberculose, de la propagation de nombreuses maladies par l’intermédiaire de l’eau et de la terre, ainsi que l’interaction entre la psychologie et la santé.




1.2 Les « grandes épidémies »



1.2.1 La peste


L’histoire des maladies infectieuses a été marquée par les épidémies comme la grande peste du XIVe siècle, dite peste noire ; celle-ci a décimé près de la moitié de la population en Europe, plongeant les populations dans un chaos macabre.


Par défaut de connaissances, ce fléau a été, à l’époque, assimilée à un châtiment de Dieu ; la population terrifiée ne pensait qu’à « fuir les pestiférés », favorisant ainsi, sans le savoir, la propagation de la maladie (figure 2.3).



Pourtant, sortis du cadre des croyances, il apparaît bien plus tard que tous les ingrédients étaient réunis pour déclencher ce type d’épidémie :





1.2.2 La variole


L’histoire des maladies infectieuses est marquée également par la variole qui fut jusqu’au XIIIe siècle, une des maladies les plus mortelles, tuant en France près de 50 000 personnes chaque année (figure 2.4).



Après un ensemble de signes généraux (forte fièvre, céphalées, vomissements), la variole se manifeste par le développement d’ulcérations buccales et de macules évolutives, réparties sur tout le corps.


Aujourd’hui éradiquée, la variole était un fléau redoutable, responsable, au fil des siècles, de millions de morts.




1.2.3 Le choléra


Par rapport aux mesures sanitaires qu’une maladie allait induire, il faut mentionner le choléra. Malgré son ancienneté (en Inde et en Chine), le choléra atteint l’Europe seulement au cours du XIXe siècle. Il se manifeste par des diarrhées et des vomissements qui entraînent une déshydratation brutale et massive. Une fois sur deux, le malade décède si des soins appropriés ne lui sont pas apportés.


L’épidémie arrive pour la première fois à Paris en mars 1832 ; elle provoque 100 000 morts, mais c’est à Londres que cet épisode eut un dénouement plus intéressant. En effet, alors que la maladie sévissait, un jeune médecin anglais, John Snow, a essayé de mettre en relation les facteurs environnementaux et le nombre de malades ; c’est ainsi qu’il a pu démontrer que l’agent pathogène se trouvait dans les eaux souillées (le nombre de malades était plus important dans la population qui consommait l’eau de la Tamise où les égouts étaient déversés). Snow eut la satisfaction d’être entendu et, grâce à la construction d’un réseau d’eau potable, le choléra a quitté progressivement l’Europe.


Snow est aujourd’hui considéré comme le fondateur de l’épidémiologie moderne.




1.2.4 La fièvre puerpérale


Alors que le Dr Snow a mis en relation la consommation de l’eau et la propagation du choléra, le Dr Semmelweis, jeune médecin hongrois, s’intéressa de près à la mortalité des jeunes accouchées. En 1846, il fut nommé maître en chirurgie, et professeur assistant dans le service du Pr Klin, dans l’un des deux pavillons de la maternité de l’hôpital général de la ville de Vienne (l’autre pavillon ayant pour patron le Pr Barcht). Rapidement, il se trouve confronté à la tragédie qui se déroule chaque jour dans son service, à savoir les décès causés par la fièvre puerpérale. Les ravages sont tels que les femmes redoutent à venir accoucher dans son service.


Préoccupé par ce fléau, le jeune chirurgien découvre rapidement que le taux de mortalité est très différent entre les deux services et surtout qu’il est en augmentation significative depuis que les étudiants en médecine dispensent les soins après leurs cours et notamment des cours d’anatomie comportant des séquences de dissection de cadavres. Il relève aussi que le taux de mortalité reste nettement inférieur chez les femmes suivies uniquement par les sages-femmes.


Il en conclut que les étudiants en médecine transportent « sur leurs mains » un agent invisible causant la mort des parturientes.


Suite à ces observations, il eut l’idée d’imposer :



Malheureusement, la mise en place de ces mesures et la publication de la « thèse du manuportage » ont eu pour conséquence sa révocation par son patron.




1.2.5 La grippe espagnole


La pandémie la plus mortelle de toute l’histoire reste celle de la grippe espagnole qui a tué entre 20 et 40 millions de personnes à travers le monde entre 1918 et 1919. Venue de Chine, l’épidémie s’est propagée rapidement aux États-Unis puis en Europe du fait de la situation de guerre et du déploiement des forces armées et coloniales (figure 2.5).



Le taux de mortalité de cette grippe fut particulièrement élevé (jusqu’à 50 fois plus important que celui des autres grippes), la plupart des victimes du virus succombèrent suite à une insuffisance respiratoire causée soit par la pneumonie virale, soit par une pneumonie due à des bactéries opportunistes.


De nombreux malades mouraient par étouffement 48 heures après l’apparition des premiers symptômes et on constatait à l’autopsie que leurs poumons étaient remplis soit de liquide (dans le cas de l’œdème aigu), soit de sang (suite à une hémorragie pulmonaire).


L’âge moyen des personnes décédées était d’une trentaine d’années, contre 55 à 60 ans lors d’une épidémie de grippe « classique » ; la fragilité de l’hôte n’était donc pas en cause.


A posteriori, l’ampleur de cette pandémie a permis de démontrer que :



Il faut noter que cette pandémie a surtout fait naître la volonté de créer un comité d’hygiène international, qui deviendra finalement l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).




1.2.6 Le SIDA


Ce qui a marqué l’histoire contemporaine est évidemment l’événement du SIDA ou Syndrome d’Immunodéficience Acquise.


L’intitulé de la maladie renvoie directement à son signe principal puisqu’il s’agit de la destruction du système immunitaire provoquée par un virus (VIH : virus de l’immunodéficience humaine).


Après avoir infecté 40 millions de personnes, le SIDA est aujourd’hui considéré comme une pandémie ; il semble devoir devenir la plus mortelle de l’histoire humaine (plus de 28 millions de morts depuis 1981).


C’est au début des années 1980 que le Center for Diseases Control (CDC) relève une consommation accrue d’un antibiotique employé dans les cas de pneumonies. Parallèlement, plusieurs cliniciens sont frappés par l’apparition de pneumocystoses et du sarcome de Kaposi chez de jeunes homosexuels.


Rapidement, cette maladie est reconnue comme une maladie infectieuse d’origine virale, transmise par voie sexuelle ou sanguine, se développant plus volontiers dans certaines catégories de populations. Elle est, à ce moment-là, à l’origine d’un malaise planétaire du fait de son explosion et de son pronostic inéluctable.


Dès 1983, le virus a pu être décrit par le Pr Luc Montagnier et son équipe à l’institut Pasteur, les travaux français furent confirmés par les chercheurs américains en 1984 sous la direction du Pr Robert Gallo (figure 2.6).



Dans les pays occidentaux, l’apparition de cette maladie a eu différents impacts, tant au niveau des populations que des pouvoirs politiques. Les conséquences principales ont été :



Malheureusement, à l’échelle mondiale, le constat est beaucoup plus mitigé.





1.2.7 Conclusion générale




L’intérêt d’évoquer ces épisodes d’épidémies est de rappeler, outre les faits historiques, qu’ils ont régulièrement amené les pouvoirs publics et les instances vers les arguments qui permettent encore aujourd’hui d’étayer les fondements de l’hygiène en général, hospitalière en particulier (tableau 2.1).





1.3 Les grandes découvertes


Les découvertes qui ont marqué l’histoire en matière d’infectiologie sont d’abord celles qui ont permis de décrire ces supposés agents infectieux jugés responsables des maladies mais, jusque-là, invisibles (les microbes) ; ensuite, en matière de santé publique, il faut mentionner les investigations qui ont abouti soit à la prévention, soit au traitement des infections (respectivement par les vaccins et par les antibiotiques).



1.3.1 Les microbes


À la fin du XIXe siècle, Pasteur ouvrit la voie de la microbiologie (figure 2.7).






Au moyen d’expériences menées avec méthode et rigueur, Pasteur démontra que :



D’importantes découvertes toujours conduites par Pasteur ont plus tard abouti à d’immenses progrès en médecine et chirurgie humaine et vétérinaire :





1.3.2 La vaccination


La reconnaissance des travaux de Pasteur et sa notoriété allaient lui venir de la découverte des vaccins, en particulier des vaccins contre la maladie du charbon et contre la rage.


« Traiter le mal par le mal » faisait partie des croyances populaires mais c’est de la remarquable expérience de Jenner que Pasteur s’est inspiré pour travailler sur le vaccin du charbon ; intéressé par le fait qu’une première atteinte par la maladie confère au sujet une immunité acquise. Pasteur cherche alors à « vacciner » contre le charbon.







1.3.3 Les antibiotiques


C’est à A. Fleming, médecin écossais, directeur du laboratoire de bactériologie de Londres, que revient la découverte du premier antibiotique en 1928.


Il découvre fortuitement, lors de ses travaux, la pénicilline, substance sécrétée par le penicillium (moisissure) capable d’arrêter le développement de certaines bactéries (figure 2.9).




Fleming répéta et multiplia les expériences :


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Nov 19, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 2: La maladie infectieuse: Problématique

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