2: Affections microcristallines

Chapitre 2


Affections microcristallines




PLAN DU CHAPITRE



Selon la topographie prédominante des dépôts au sein des structures musculotendineuses, les microcristaux seront essentiellement associés à une symptomatologie :



image articulaire (cristaux d’urate monosodique et de pyrophosphate de calcium notamment) (tableau 2.1) ;



image périarticulaire (cristaux de phosphate de calcium basique, dominés en fréquence par l’apatite) ;


image et/ou osseuse (oxalate de calcium).



Goutte


La goutte est une maladie microcristalline secondaire à des dépôts de cristaux d’urate monosodique. Elle se caractérise par des épisodes récurrents d’arthrite aiguë affectant une ou plusieurs articulations. Après plusieurs années et en l’absence de traitement adapté se développe la goutte tophacée chronique.



Épidémiologie


La goutte est une pathologie fréquente, affectant au moins 1 % de la population. Sa prévalence augmente dans de nombreux pays industrialisés [21, 307, 512, 537, 606] mais également dans des pays émergents [106, 580]. Parmi les nombreux facteurs qui peuvent expliquer cette augmentation, les modifications du style de vie et en particulier des habitudes alimentaires sont vraisemblablement les plus importants [57]. La prévalence de la goutte augmente avec l’âge, ce qui s’explique sans doute par la lenteur de formation des dépôts cristallins.


La goutte prédomine en fréquence chez l’homme, 4 à 10 fois plus souvent affecté que la femme [84, 323]. Elle constitue la cause la plus fréquente d’arthrite inflammatoire chez l’homme de plus de 40 ans [600]. Chez la femme, la goutte survient plus tardivement, à partir de la ménopause, les œstrogènes possédant un effet uricosurique protecteur [84, 236]. En cas de goutte précoce, il faudra rechercher une cause secondaire (prise de diurétiques dans le cadre d’un régime amaigrissant notamment). Après l’âge de 65 ans, le ratio entre les deux sexes diminue fortement [512].



Étiopathogénie


La formation des cristaux d’urate monosodique nécessite :




Hyperuricémie




Étiologies

L’hyperuricémie est donc la conséquence d’une production excessive et/ou d’une élimination insuffisante de l’acide urique (encadré 2.1).




Production excessive d’acide urique

Elle peut être d’origine :



image exogène, par augmentation de l’ingestion de purines. Le rôle de l’alimentation est connu de longue date dans la pathogénie de la goutte. Les apports importants en purines animales (viande, fruits de mer ou poisson) et la consommation de bière et d’alcools forts (whisky, vodka, etc.) constituent des facteurs de risque du mode de vie bien établis [84, 99, 604]. L’ingestion de sodas sucrés, qui sont enrichis en fructose, est actuellement fortement pointée du doigt car elle augmente l’incidence de la goutte et du syndrome métabolique. En effet, le fructose est dégradé en glucose, ce qui consomme beaucoup d’ATP (adénosine triphosphate) et enrichit l’uricoformation ;


image endogène. La production d’acide urique peut devenir considérable dans les destructions cellulaires exagérées, notamment lors de traitements cytolytiques (cancers, hémopathies malignes) mais également dans le cadre d’un psoriasis cutané étendu ou d’anémies hémolytiques ;



Élimination insuffisante d’acide urique

Elle peut résulter :



image de mutations géniques. La prédisposition génétique de la goutte « idiopathique » est connue de longue date, un tiers à la moitié des patients se connaissant au moins un parent goutteux [323]. Ces dernières années, une meilleure compréhension de la base génétique complexe et moléculaire de cette affection fait désormais jouer un rôle prépondérant à un trouble de l’excrétion urinaire de l’acide urique, qui semble en cause dans la grande majorité des cas [125]. En effet, des mutations géniques de protéines intervenant dans le transport et l’excrétion rénale de l’acide urique ont été identifiées (URAT1, SLC2A9, ABCG2, SLC17A3, etc.) [44, 83, 125, 294]. Ces mutations, qui peuvent être associées, expliquent la sévérité variable de la goutte selon les patients. Toutefois, ces anomalies génétiques ne rendent compte que d’une partie du risque de goutte, d’autres facteurs favorisants devant être associés, notamment une modification des apports alimentaires (cf. supra) ;


image d’une insuffisance rénale chronique ;


image d’une compétition avec d’autres métabolites et médicaments (diurétiques, acide acétylsalicylique à faible dose, cyclosporine, etc.) [259] ;


image d’une intoxication au plomb (goutte saturnine) ;


image de rares néphropathies familiales hyperuricémiantes.




Augmentation de la réabsorption tubulaire

L’obésité constitue un facteur de risque bien connu de la goutte [84, 100, 466]. L’explication en est sans doute l’hyperinsulinisme associé (l’insuline augmente la réabsorption tubulaire d’urate). Une diminution de l’incidence de la goutte a été démontrée chez les patients qui arrivent à diminuer leur poids [100].




Physiopathogénie



Déclenchement de l’accès aigu


Il est provoqué :



La phagocytose de ces cristaux par les monocytes/macrophages ou leur interaction par le biais de récepteurs membranaires entraîne l’activation intracellulaire d’une protéine, l’inflammasome (surtout le NLRP3) [71, 290, 346, 347, 375, 536]. Il en résulte une production de divers médiateurs inflammatoires (TNF-α [Tumor Necrosis Factor α], IL-6, IL-8, etc.) mais surtout une transformation de la pro-IL-1β inactive en IL-1β active [221, 347, 436]. Cette cytokine est cruciale dans le développement et la progression de l’inflammation goutteuse. Elle stimule la production de cytokines inflammatoires et de chimiokines, qui recrutent notamment des polynucléaires neutrophiles et amplifient ainsi la cascade inflammatoire aiguë [222].



Résolution spontanée de l’accès aigu


L’accès aigu est spontanément résolutif en quelques jours. Les mécanismes, encore imparfaitement connus, seraient :




Tophus et érosions osseuses


Les érosions osseuses qui s’observent à l’interface os-tophus ont longtemps été assimilées à un simple effet mécanique. En fait, elles semblent résulter d’une altération du turnover osseux avec d’une part une formation excessive d’ostéoclastes [122], d’autre part une diminution de la différenciation des ostéoblastes à partir des cellules mésenchymateuses, notamment en présence d’IL-1 [62, 97].


En fait, le tophus est constitué d’un noyau central cristallin, acellulaire, entouré d’une couronne cellulaire contenant essentiellement des macrophages, des mastocytes, des lymphocytes et des ostéoclastes, elle-même entourée d’une zone fibrovasculaire lâche périphérique. C’est dans la couronne que l’on observe une expression importante d’IL-1 et une augmentation de l’ostéoclastogenèse (stimulation de la maturation des ostéoclastes, expression du RANKL (Receptor Activator of Nuclear factor Kappa B Ligand) par les cellules T et inhibition de l’expression de l’ostéoprotégérine, puissant inhibiteur de la résorption osseuse) [25, 122, 124, 125, 312, 407]. Plusieurs études ont, par ailleurs, objectivé une augmentation des cytokines inflammatoires sériques IL-1β, IL-6 et RANKL (impliquées dans la formation et l’activité des ostéoclastes) chez les patients goutteux [122, 568].



Néoformation osseuse


La goutte se caractérise également par la présence d’une néoformation osseuse (spicules, ostéophytes, appositions périostées, ankylose, ostéocondensation) [127]. En fait, en plus des cytokines associées à la résorption osseuse, le tophus exprime également du TGF-β [124] qui peut contribuer à la néoformation osseuse [271]. D’autres voies (BMP [Bone Morphogenetic Proteins], Wnt [Wingless]) ont été incriminées mais elles nécessitent d’être mieux étudiées [140, 202, 326].


L’hyperuricémie pourrait également favoriser cette néoformation osseuse puisque l’uricémie est corrélée positivement avec la densité minérale osseuse [123, 379]. On citera notamment une prévalence plus faible de l’ostéoporose et des fractures ostéoporotiques en cas d’hyperuricémie [379]. Le mécanisme de cette association reste imparfaitement compris [379].



Clinique


La goutte se manifeste sous deux formes cliniques, l’accès aigu et, des années plus tard, la goutte tophacée chronique. Ces deux phases sont précédées d’une phase d’hyperuricémie asymptomatique qui, dans 90 % des cas, n’évolue pas vers une goutte symptomatique.



Accès aigu goutteux


Il s’agit le plus souvent une arthrite aiguë avec douleur intense et tuméfaction articulaire inflammatoire de survenue brutale, volontiers nocturne. La mobilisation de l’articulation est le plus souvent impossible. Des frissons et une fièvre peuvent s’observer. Ces éléments miment parfois une arthrite septique, d’autant qu’un syndrome inflammatoire biologique est fréquemment présent [470]. La ponction intra-articulaire ramène un liquide inflammatoire opalin, rarement puriforme, contenant 2 000 à 5 000 éléments/mm3, parfois davantage (> 50 000/mm3).


Cette arthrite peut être déclenchée par un excès alimentaire ou alcoolique, un jeûne, un traumatisme physique (chaussure trop serrée, marche prolongée, etc.), une situation de stress (intervention chirurgicale, infarctus, etc.), une infection et l’arrêt brutal ou la mise en route de certains médicaments [442]. Elle est parfois précédée de prodromes à type d’irritabilité, d’asthénie, de divers troubles digestifs ainsi que de paresthésies locales.


Cette arthrite est typiquement mono ou oligoarticulaire, rarement polyarticulaire, ce qui pose alors des problèmes de diagnostic différentiel, notamment avec une polyarthrite rhumatoïde. Elle est spontanément résolutive en 5 à 10 jours avec habituellement une restitution ad integrum. Elle évolue par crises entrecoupées de rémissions de plusieurs mois ou années pendant lesquels les patients sont asymptomatiques [323]. Cependant, avec la répétition des accès et en l’absence de thérapeutique adaptée, l’arthrite devient plus insidieuse et peut persister plus longtemps, survenir plus fréquemment et avoir une distribution polyarticulaire. De même, la rémission des symptômes peut être incomplète.


Cet accès aigu présente une prédilection pour les articulations des membres inférieurs (85–90 % des cas) [460], notamment la 1re articulation métatarsophalangienne (site initial de l’affection dans au moins 50 % des cas), suivie en fréquence de l’articulation interphalangienne et des articulations tarsométatarsiennes [139]. Les articulations médiotarsiennes, les chevilles et les genoux sont également volontiers affectés. L’atteinte des articulations métacarpophalangiennes et interphalangiennes des doigts, des poignets et des coudes s’observe en revanche dans les arthrites de plus longue durée.


Moins souvent, il s’agira d’une bursite (prépatellaire, rétro-olécrânienne, rétrocalcanéenne, de la patte-d’oie) ou d’une ténosynovite aiguë [228].



Goutte tophacée chronique


En l’absence de traitement adéquat, elle se manifeste plusieurs années après le premier accès goutteux (dans les 5 ans chez 30 % des patients) [460]. L’absence d’antécédents d’arthrite aiguë goutteuse est rare et peut être source d’erreurs diagnostiques [252, 282, 295, 411, 565, 572].


La goutte tophacée chronique est caractérisée par la présence de tophus, dépôts tissulaires uratiques dont le développement est corrélé au taux et à la durée de l’hyperuricémie. Ces tophus affectent l’hypoderme, les tendons et leur gaine, les structures articulaires et para-articulaires, et l’os. On les retrouve volontiers au pavillon de l’oreille (surtout l’hélix), dans les régions rétro-olécrânienne, prépatellaire mais également aux mains et aux pieds où ils prédominent sur les faces d’extension. Ils ont typiquement une topographie excentrée et asymétrique par rapport à l’articulation. Ils se traduisent par des tuméfactions de taille progressivement croissante en l’absence de traitement, fermes à la palpation, blanchâtres et indolores (fig. 2.1). L’administration de corticoïdes semble favoriser leur développement en situation intradermique, préférentiellement aux jambes et avant-bras [555]. Ils peuvent s’enflammer, s’ulcérer et se fistuliser en laissant sourdre une bouillie crayeuse. Ces tophus peuvent être responsables :




image de problèmes cosmétiques ;


image de compressions nerveuses, notamment un syndrome du canal carpien aigu ou chronique, uni ou bilatéral [90, 91, 221, 321, 539], un syndrome du tunnel tarsien [168, 564, 566] ou ulnaire [556]. L’atteinte rachidienne est peu fréquente et rarement symptomatique : rachialgie, névralgie, sténose rachidienne, compression médullaire, paralysies de nerfs crâniens [150, 198, 252, 281, 282, 287, 317, 411, 538, 544, 567] ;


image de ténosynovites et ruptures tendineuses (fléchisseurs et extenseurs de la main, biceps brachial, quadricipital, court fibulaire, tibial antérieur, tendon calcanéen) [19, 59, 86, 138, 196, 261, 268, 358, 401] ;


image de ruptures ligamentaires, notamment d’une dissociation scapholunaire [46, 313, 400, 574] ;


image d’une gêne à la mobilité articulaire [306] ;


image d’arthropathies mécaniques de siège identique à celui des accès aigus mais de traduction clinique généralement moins intense. Elles sont favorisées par leur topographie intra ou para-articulaire ;


image d’ostéoarthrite septique ou d’infection des tissus mous lorsqu’ils s’ulcèrent à la peau ;


image de fractures, notamment lorsqu’ils sont intra-osseux.


Ces tophus peuvent régresser sous traitement [109, 126]. Leur mesure clinique ou par l’imagerie peut donc être intéressante pour évaluer l’efficacité thérapeutique.



Autres manifestations




Syndrome métabolique et accidents cardiovasculaires

Plusieurs études soulignent que l’hyperuricémie, avec ou sans goutte, est un facteur de risque d’accidents vasculaires cérébraux, d’infarctus du myocarde, d’artériopathies des membres inférieurs et un facteur de mauvais pronostic de ces maladies [36, 93, 101, 466]. Il existe une fréquente association entre hyperuricémie et syndrome métabolique [84, 100, 466]. Le syndrome métabolique comporte au moins trois des éléments suivants : une obésité abdominale, une hypertension artérielle, un diabète de type 2, une hypertriglycéridémie et un taux d’HDL-cholestérol (High Density Lipoproteins) bas. Si ce syndrome métabolique a longtemps été considéré comme un facteur favorisant de la goutte, il semble, en fait, que l’hyperuricémie puisse précéder ce syndrome et qu’un traitement hypo-uricémiant puisse en prévenir la survenue [483]. De la même façon, l’hypertension artérielle a longtemps été considérée comme un important facteur de risque de la goutte et ceci, indépendamment du syndrome métabolique [57, 84, 100, 322, 351]. En fait, l’hyperuricémie peut la précéder et pourrait en être la cause [178, 298].




Goutte féminine et du sujet âgé


Les femmes et les sujets âgés (> 65 ans) ne présentent pas l’évolution habituelle de la goutte et peuvent développer des tophus comme manifestation initiale de la maladie [196]. Ils ont plus souvent une maladie évoluée au moment du diagnostic avec notamment plus de tophus, une atteinte plus fréquente du membre supérieur et du rachis et une atteinte volontiers d’emblée polyarticulaire [57, 137, 196, 519]. On signalera également une atteinte préférentielle des articulations interphalangiennes distales (IPD) déjà affectées par l’arthrose.


Par ailleurs, les sujets ayant bénéficié d’une transplantation présentent également une évolution plus rapide de leur goutte [196].



Signes radiographiques




Goutte tophacée chronique


Les signes radiographiques sont de survenue tardive dans l’évolution de la goutte. Ils comportent (encadré 2.2) :




image une distribution polyarticulaire asymétrique prédominant aux membres inférieurs ;


image des tophus sous-cutanés qui se traduisent par des masses excentrées de taille variable et de distribution asymétrique. Ils peuvent déformer l’extrémité d’un doigt ou d’un orteil et éroder l’os adjacent. Leur radiotransparence est variable mais ils sont d’autant plus évocateurs de la goutte qu’ils sont denses (fig. 2.2) [139]. Ils peuvent s’ulcérer à la peau et contenir alors un peu de gaz (fig. 2.3) ;




image des érosions osseuses en regard des tophus, bien limitées, parfois cerclées d’un liseré d’ostéocondensation (fig. 2.2 et 2.3). Elles réalisent un aspect en hallebarde lorsqu’elles sont contiguës sur les deux côtés de l’os (fig. 2.4). Elles sont typiquement de grande taille, de grand axe parallèle à celui des diaphyses. Des spicules osseux prolongeant ces érosions sont très évocateurs de la goutte (fig. 2.2 et 2.4). Une topographie para-articulaire, c’est-à-dire au-delà de la zone d’insertion de la synoviale, est très suggestive de l’origine goutteuse d’une érosion. Lorsque ces érosions sont articulaires, marginales notamment, elles peuvent mimer un rhumatisme inflammatoire chronique [486]. Cependant, leur grande taille contraste avec un interligne articulaire respecté ou peu pincé et l’absence de raréfaction osseuse (fig. 2.5 et 2.6) ;





image des proliférations osseuses : outre les spicules osseux très caractéristiques (cf. supra), on peut également observer des proliférations osseuses irrégulières, parfois exubérantes, souvent réactionnelles à la présence de tophus adjacents (fig. 2.7 et 2.8), mais également des appositions périostées plus régulières (notamment au 1er rayon du pied) et de volumineux ostéophytes et enthésophytes responsables du classique « pied hérissé » de profil (fig. 2.9). De volumineux enthésophytes peuvent également s’observer au calcanéus, à l’olécrâne et à la patella ;





image des tophus intraosseux qui se traduisent par des lacunes arrondies ou ovalaires de grand axe parallèle à celui des diaphyses. Ces lésions pseudo-kystiques sont de taille variable mais elles sont très évocatrices de la goutte lorsqu’elles sont de grande taille. Elles sont bien limitées et parfois bordées d’un liseré d’ostéocondensation. Elles peuvent être calcifiées (fig. 2.4), uniques ou multiples, centrées ou excentrées mais elles siègent habituellement à proximité des articulations. Elles peuvent être expansives et refouler la corticale en regard (fig. 2.10). Lorsqu’elles sont sous-chondrales, elles peuvent mimer une macrogéode ou une érosion intra-articulaire (fig. 2.5), détruire l’interligne (fig. 2.11 et 2.12) ou mimer une pathologie tumorale (fig. 2.13) ;






image un interligne articulaire longtemps préservé, contrastant avec la présence d’érosions ou de pseudo-géodes de grande taille (fig. 2.5 et 2.6). Les lésions ostéocartilagineuses sont en effet focales, épargnant des plages de cartilage normal. Tardivement peuvent cependant s’observer un pincement uniforme et une désaxation ou une destruction articulaire, notamment en cas de tophus sous-chondraux s’ouvrant dans la cavité articulaire (fig. 2.11 et 2.12). On rappellera néanmoins l’association classique entre la goutte et l’arthrose, notamment à la 1re articulation métatarsophalangienne [373, 465]. L’ankylose osseuse est rare et s’observe essentiellement aux articulations interphalangiennes des mains et des pieds et au carpe (fig. 2.14) [116] ;



image une absence de raréfaction osseuse juxta-articulaire significative, ce qui constitue un élément négatif important en cas d’érosions osseuses, notamment marginales.



Formes topographiques



Pied


L’atteinte la plus caractéristique est celle de la 1re articulation métatarsophalangienne. Au départ, les érosions se traduisent souvent par une simple irrégularité de la corticale. Elles sont à rechercher sur les faces médiale et dorsale de la 1re tête métatarsienne (cliché de trois quarts) (fig. 2.2). Une tuméfaction des parties molles peut être objectivée en regard. Avec le temps, les érosions et les tophus intraosseux ou des tissus mous se développent, contrastant avec un interligne longtemps conservé. Cependant, l’ouverture des tophus dans l’articulation peut aboutir à un pincement marqué ou une destruction de l’interligne (fig. 2.12), avec parfois évolution vers une ankylose.


On citera également l’atteinte fréquente et évocatrice d’un sésamoïde, parfois isolée, le tophus intraosseux pouvant alors mimer une tumeur (fig. 2.15) [324]. Les autres articulations métatarsophalangiennes (notamment du 5e rayon) et interphalangiennes peuvent également être affectées. L’atteinte tarsométatarsienne et médiotarsienne est évocatrice lorsque de larges érosions sont objectivées (fig. 2.16). On retiendra les constructions enthésophytiques et ostéophytiques de la face dorsale du pied à l’origine du classique « pied hérissé » de profil (fig. 2.9) et les enthésophytes rétro et sous-calcanéens parfois extrêmement marqués (fig. 2.17). Un volumineux tophus peut également être responsable de la destruction de plusieurs os du tarse (fig. 2.13). L’atteinte de la cheville est plus rare et se traduit par des lacunes malléolaires et des constructions ostéophytiques. Les dépôts uratiques peuvent également entraîner des épaississements tendineux, notamment du tendon calcanéen, détectables en radiographie (fig. 2.17).






Genou


Le diagnostic peut être évoqué devant de volumineuses encoches des contours fémoraux (périphériques ou de l’échancrure) et tibiaux, de grosses lacunes intraosseuses (pouvant mimer une tumeur ou une géode pseudo-kystique) contrastant avec l’absence de pincement articulaire (fig. 2.18), ou des tophus denses des tissus mous [565]. L’atteinte de la patella est également fréquente, surtout lorsqu’il s’agit d’érosions ou de proliférations osseuses antérieures réactionnelles à la présence de tophus prépatellaires (fig. 2.19). Un tophus intrapatellaire est possible et peut se fracturer [92, 167, 389]. Le tophus peut également intéresser une patella bipartite [166, 292, 533].





Main et poignet


Cette atteinte se voit dans les formes évoluées et dans les gouttes favorisées par la prise de diurétiques [18]. Elle intéresse essentiellement les articulations interphalangiennes, à un moindre degré les articulations métarcarpophalangiennes, le carpe et les articulations carpométacarpiennes (fig. 2.4, 2.7, 2.10, 2.11 et 2.20) [94, 221, 224, 235, 282, 289]. L’asymétrie de l’atteinte, l’absence de raréfaction osseuse et la présence de tophus denses et excentrés sont caractéristiques du diagnostic. Une ankylose, notamment du carpe, peut s’observer dans les formes très évoluées (fig. 2.14). Un volumineux tophus détruit parfois les os du carpe, notamment ceux du bord ulnaire.





Autres articulations


Elles sont exceptionnellement affectées de façon isolée. L’atteinte de l’épaule et de la hanche est rare et se traduit par une tuméfaction des parties molles, des érosions osseuses, des lésions pseudo-kystiques et/ou des proliférations osseuses. Celle de la symphyse pubienne et des articulations sacro-iliaques est responsable d’un aspect irrégulier et festonné des berges articulaires (fig. 2.22). Le rachis est plus souvent affecté que ce qui était initialement suggéré [295]. Des érosions de l’odontoïde, des plateaux vertébraux et des articulations zygapophysaires, des pincements discaux et des subluxations vertébrales ont été signalés [43, 58, 181, 198, 287, 365, 411, 520, 538, 544, 558, 567, 590]. Enfin, on notera l’atteinte extrêmement rare des articulations temporomandibulaires [54, 524], cricoarythénoïdiennes, costochondrales, manubriosternales, sternoclaviculaires et acromioclaviculaires [240, 350].




Imagerie complémentaire


Elle est indiquée en cas de doute diagnostique, de complications ou pour évaluer l’efficacité thérapeutique.



Échographie


L’échographie peut permettre d’objectiver (encadré 2.3) :




image des tophus (fig. 2.15 et 2.23). Ils sont typiquement hyperéchogènes en raison de la présence de multiples micro ponctuations hyperéchogènes, ce qui est très évocateur du diagnostic [183, 184, 225, 302, 381, 401, 492, 540, 577, 579]. Ils sont souvent hétérogènes et peuvent contenir des calcifications (un tiers des cas) [183]. Lorsqu’ils sont fortement calcifiés, une bande hyperéchogène superficielle avec ombre acoustique peut gêner l’analyse de leur contenu [50, 224]. L’aspect hyperéchogène des tophus, notamment s’il s’y associe des calcifications, permet d’éliminer un nodule rhumatoïde (plus homogène avec un centre plus hypoéchogène) et d’autres lésions nodulaires [302, 381]. Les tophus sont plus rarement hypoéchogènes, notamment dans les formes moins chroniques [183]. Cet aspect s’expliquerait par la présence de tissu fibreux ou inflammatoire [381].



Les tophus sont fréquemment multiples, formant une masse granuleuse de contours mal définis. Ils peuvent cependant être uniques [183]. Dans la moitié des cas, ils sont entourés d’un halo hypoéchogène qui correspond probablement à la zone fibrovasculaire périphérique décrite en histologie (cf. page 25) [183, 357]. Une hypervascularisation périphérique est parfois détectée en mode Doppler énergie [216]. Enfin, une érosion de l’os en regard peut être observée, ce qui constitue un argument supplémentaire vis-à-vis du diagnostic.


L’échographie est plus sensible que l’examen clinique et les radiographies pour la détection des tophus. Ceux-ci peuvent être recherchés à la 1re articulation métatarsophalangienne (faces médiale et dorsale), aux tendons quadricipitaux, patellaires, calcanéens et tibial antérieur et sous les ligaments collatéraux du genou. On signalera que les tophus sont rarement intratendineux ; ils se développent plus volontiers autour, en les enveloppant [182] ;


image un signe du double contour. Il correspond à la présence d’une bande hyperéchogène irrégulière recouvrant la face superficielle du cartilage hypoéchogène (fig. 2.24) [188, 189, 405, 540, 577]. Il témoignerait de la présence d’une fine couche de cristaux d’urate monosodique [357]. Ce signe s’observe notamment à la face dorsale et surtout plantaire de la 1re MTP et au niveau de la trochlée en flexion maximale [404406]. Il est moins bien visualisé lorsque les cartilages sont endommagés, notamment par de l’arthrose [404406]. Un signe du triple contour a rarement été rapporté en cas d’association d’une goutte et d’une chondrocalcinose [88].


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May 5, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 2: Affections microcristallines

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