19: Rupture prématurée des membranes en dehors du travail: conduite à tenir

Chapitre 19 Rupture prématurée des membranes en dehors du travail


conduite à tenir





La rupture prématurée des membranes ou rupture avant le début du travail concerne 5 à 10 % des grossesses. C’est un sujet de controverse, et ce depuis sa définition jusqu’à la conduite à tenir, car il faut affronter deux risques : l’infection et la prématurité. Des recommandations de bonne pratique ont été faites par le CNGOF [6], l’ACOG [1] et le RCOG [19].



Définition


Dans les conditions physiologiques, les membranes de l’œuf (chorion et amnios) se rompent spontanément au cours du travail à dilatation complète : c’est la rupture tempestive.


La rupture est dite précoce lorsqu’elle survient au cours du travail avant la dilatation complète.


Elle est dite prématurée lorsqu’elle se rompt avant le début du travail.


L’œuf étant ouvert, il est d’autant plus exposé à l’infection que le travail tarde à se mettre en route.


La notion de délai entre la rupture et le début de travail est donc très importante, et beaucoup d’auteurs n’appellent rupture prématurée des membranes que les ruptures survenant plusieurs heures avant le début du travail, cette durée pouvant varier de 2 à 24 heures selon les définitions adoptées. Au-delà de 24 heures, on parle volontiers de rupture prolongée.


Dans cette définition, le terme « prématuré » est donc un faux ami. Il faut en pratique distinguer les ruptures qui se produisent à terme (rupture prématurée à terme avant travail des Anglo-Saxons : 60 à 80 % des cas) des ruptures prématurées qui se produisent avant terme, c’est-à-dire avant 37 semaines révolues. Ce sont ces dernières qui posent, surtout avant 35 semaines, les véritables problèmes de prématurité et d’infection. Avant 25 SA, elles exposent en plus à une hypoplasie pulmonaire du fait de la diminution du liquide amniotique dans l’arbre trachéo-bronchique.


Après 37 SA, seules les anomalies obstétricales (causes ou conséquences de la rupture prématurée des membranes) sont à prendre en compte : procidence du cordon, présentation irrégulière, dystocie dynamique. Il n’y a plus de risque de prématurité ; le risque infectieux est fonction de la latence entre la rupture et l’entrée en travail. Plus la latence est courte, plus la probabilité d’infection sera faible.




Moyens de défense contre l’infection


Le liquide vaginal contient 108 à 109 bactéries/mL, en moyenne sept espèces différentes dont une sur dix seulement est aérobie. Cette flore est dynamique, en fonction de variations hormonales. L’adaptation à la grossesse voit une diminution relative des germes anaérobies et de ceux potentiellement virulents.


Cette virulence est cependant très aléatoire, et n’importe quel germe peut devenir virulent pour le fœtus et la mère, y compris le lactobacille. L’élément déterminant semble l’importance de l’inoculum. Face à ce risque d’infection ascendante existent deux moyens de défense : le mucus endo-cervical et le pouvoir inhibiteur de la croissance bactérienne du liquide amniotique :




Les immunoglobulines enfin ont un rôle. L’augmentation des IgG et des IgA a été observée dans le liquide amniotique en cas de rupture prématurée des membranes et/ou de chorioamniotite. De même, les IgM et les IgA sont élevées dans le sang du cordon.


L’observation de deux pics distincts, selon les cas, d’accroissement des IgA, plaiderait pour le premier, dans les 12 premières heures, en faveur d’une infection causale, pour le second, après 72 heures, en faveur d’une infection secondaire, à condition d’éliminer une transfusion fœto-maternelle.


Au total, ce pouvoir bactériostatique varie beaucoup selon le liquide considéré, le germe testé, l’âge gestationnel et la présence de sang ou de méconium. On ne sait pas accroître ce pouvoir, mais il faut tenir compte de son existence.



Pourquoi la rupture prématurée des membranes ?


Deux phénomènes doivent nécessairement s’associer pour provoquer la rupture :




Les différentes causes sont rapportées dans le tableau 19.1 ; mais le mécanisme précis est encore inconnu : on sait que la résistance globale des membranes avant terme est plus grande que celle des membranes à terme, que l’amnios est trois fois plus fin que le chorion, mais cinq fois plus résistant à l’étirement du fait de propriétés visco-élastiques.



La composante élastique repose sur la trame du réseau de collagène, qui peut être altérée par l’infection.


La composante visqueuse est fonction de l’osmolalité du liquide amniotique dans laquelle interviendrait la prolactine.


Force est donc d’admettre une fragilisation localisée d’un tissu devenu inhomogène : l’infection semble jouer un grand rôle en cas de cervicite, d’amniotite ou de béance cervicale. Interviennent tous à la fois :





Un cercle vicieux s’instaure alors, la dilatation cervicale favorisant l’infection qui favorise à son tour la rupture. L’action de ces facteurs mécaniques et tissulaires est schématisée dans la figure 19.1.



Mais l’infection ne saurait être reconnue comme facteur causal unique ( voir tableau 19.1) :





Parmi les facteurs de risque on retient :









Comme on le voit, certains facteurs de risque sont évitables : les infections cervico-vaginales, le tabagisme, les prélèvements fœtaux (amniocentèses, ponctions de sang fœtal) ; d’autres non : placenta praevia, insertion basse, grossesses multiples, hydramnios, antécédent d’accouchement ou de rupture prématurés. Dans de nombreux cas, la rupture survient chez des femmes sans facteur de risque.



Conséquences de la rupture prématurée des membranes




Infection


Elle est souvent la cause de la rupture prématurée des membranes, et parfois la conséquence. Il est classique de dire que l’infection précède la rupture et nous avons vu par quels mécanismes. Cela explique que le liquide amniotique puisse être très rapidement contaminé par des germes d’origine vaginale (25 % de culture positive à 6 heures de rupture, 50 % après 20 heures). Dans un délai de 4 heures après la rupture, Sarrut et al. [20] trouvent 40 % de chorioamniotite histologique, taux quatre fois et demie plus élevé que dans la série témoin.




Dépistage de l’infection


Le but est de rechercher une infection subclinique, mais on ignore :




L’orientation des recherches est triple : biologique, bactériologique et échographique.




Dépistage bactériologique



Prélèvements


Prélèvement cervico-vaginal

De très nombreuses études sont consacrées à la bactériologie vaginale en cas de rupture prématurée des membranes. Sont ainsi mis en cause :










En revanche, la responsabilité du virus herpétique et des mycoses semble pouvoir être écartée.


Le diagnostic rapide de ces infections vaginales est amélioré par l’utilisation des anticorps monoclonaux et de la polymerase chain reaction (PCR). Il a été montré que la valeur prédictive d’une infection amniotique par un prélèvement vaginal positif est de 53 % avec un taux de faux positif de 25 % [5].





Prélèvement par amniocentèse

Il est prôné par Garite et al. [9] depuis 1979. Il est souvent difficile du fait de l’oligoamnios. La mise en position de Trendelenburg, au préalable, permet de réussir la ponction dans au moins 50 % des cas ; l’échoguidage permet d’obtenir 96 % de réussite [22]. Les risques théoriques de traumatisme fœtal, d’hémorragie, d’infection ou d’induction de contractions utérines semblent très limités grâce à l’asepsie, au guidage échographique, voire à la tocolyse.


Nous ne l’utilisons pas en pratique courante.



Examens à effectuer sur les prélèvements par le biologiste

Quel que soit le mode de prélèvement, les premiers examens à effectuer sont :





Ce sont bien sûr les cultures aérobies et anaérobies qui permettent d’identifier de façon précise les micro-organismes et d’établir l’antibiogramme, mais malheureusement au prix d’un délai de 48 à 72 heures.


Le mode de recueil est très important, en particulier pour les germes anaérobies. L’amniocentèse apporte bien sûr une rigueur exemplaire ; elle a d’ailleurs démontré que l’infection intra-amniotique est possible avec des membranes intactes. La culture est positive dans plus d’un tiers des ruptures prématurées des membranes où l’infection est inapparente ; par voie endo-cervicale, les taux de positivité vont de 50 à 91 %, avec des taux de germes anaérobies approchant les 20 %.


Par voie haute, les cultures sont positives dans 20 à 30 % des cas de rupture prématurée des membranes contre 2 à 4 % dans les grossesses normales, avec prédominance du streptocoque B et des germes anaérobies, et ce dès 4 heures après la rupture. En revanche, contrairement à une idée solidement établie, passé quelques heures, le pourcentage de cultures positives diminue : en effet, en cas d’infection vraie causale, le temps de latence avant le début du travail est le plus souvent court.


Retenons cependant qu’une culture de liquide amniotique positive ne prouve pas la chorioamniotite et encore moins l’infection néonatale (qu’il faut bien distinguer de la colonisation bactérienne).



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Jul 2, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 19: Rupture prématurée des membranes en dehors du travail: conduite à tenir

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