19: Malformations Veineuses

Chapitre 19 Malformations Veineuses



Clinique



Les malformations veineuses (MV) appartiennent au groupe des malformations vasculaires défini dans le cadre de la classification de Mulliken et Glowacki en 1982 [1] et adopté lors d’un Workshop de l’International Society for the Study of Vascular Anomalies à Rome en 1996 [2].




Formes cliniques



MALFORMATIONS VEINEUSES ISOLEES




Malformations veineuses tissulaires (fig. 19-2)


Elles concernent les malformations veineuses non tronculaires et affectent fréquemment la peau, les muqueuses et les muscles, elles peuvent envahir tous les tissus (articulations, os, etc.). Elles prédominent dans les régions cervicocéphaliques et les membres. Leur taille varie de la petite ectasie bleutée de quelques millimètres jusqu’aux formes extensives hémicervicofaciales [5]. Elles touchent indifféremment les hommes et les femmes, avec une prédominance féminine de l’atteinte des membres supérieurs et masculine pour les membres inférieurs et organes génitaux [6]. Quand elles sont superficielles, ce sont des masses ou nappes cutanées, de couleur bleutée ou violine, mal limitées, molles et dépressibles sur une peau de température normale. Elles sont facilement vidées par la compression ou élévation du membre atteint. Au contraire, leur volume croît avec l’augmentation de pression veineuse (effort, cri et en position déclive) et elles peuvent alors être douloureuses. Des phlébolithes (calcifications veineuses) peuvent être palpés et leur signification est actuellement discutée.



Quand elles sont profondes, la peau est de coloration normale et on peut distinguer une voussure en regard de la MV. Elles peuvent rester longtemps méconnues et se révéler par un phénomène douloureux. La localisation intramusculaire est la plus fréquente. Le diagnostic est évoqué devant des douleurs suite à un traumatisme, un effort physique, une thrombose ou un saignement intralésionnel.




Malformations glomuveineuses (MGV) (fig. 19-5)


Ce sont des malformations veineuses souvent punctiformes cutanées et sous-cutanées d’apparition spontanée ou à la suite d’un traumatisme auparavant décrites comme glomangiomatose. Elles présentent un caractère familial dans 68 % des cas avec parfois une grande variation phénotypique au sein d’une même famille [8]. Elles peuvent être diagnostiquées à la naissance ou apparaître plus tard. Ce sont des lésions vasculaires bleutées ou pourpres et nodulaires, disséminées ou regroupées sous forme d’un placard. Elles sont très douloureuses à la palpation et peu compressibles car elles sont enchâssées dans le derme et le tissu sous-cutané avec parfois une atteinte des muqueuses. La taille et le nombre de ces lésions sont très variables et atteignent principalement les extrémités. À l’inverse des MV isolées, on n’objective ni phlébolithes ni de troubles de la coagulation [8]. Les analyses génétiques des patients atteints de MGV ont permis d’identifier le gène muté, appelé glomuline [8]. L’hypothèse avancée dans la formation des MGV est un déficit de différenciation des cellules musculaires des parois veineuses.




MALFORMATIONS VEINEUSES SYNDROMIQUES






SYNDROME DE PROTÉE


Le syndrome de Protée est un mosaïcisme rare et sporadique responsable d’une hypertrophie postnatale. La grande variété de manifestations cliniques, la variabilité individuelle et l’absence de marqueur moléculaire rendent les critères cliniques controversés (tableau 19-1).


Tableau 19-1 Critères diagnostiques du syndrome de Protée















For diagnosis : General Criteria (Mandatory) + Specific criteria (category signs)
Mosaic distribution of lesions Either one from A or
Progressive course Two from B or
Sporadic occurrence Three from C























































































CATEGORY SIGNS MANIFESTATIONS RELATIVE FREQUENCY*
A 1. Connective tissue nevus C
B 1. Epidermal nevus C
2. Disproportionate overgrowth (one or more)
Limbs
Arms/Legs C
Hands/feet/digits C
Skull
Hyperostoses C
External auditory meatus
Hyperostosis U
Vertebrae
Megaspondylodysplasia C
Viscera
Spleen/thymus U
3. Specific tumors befor end of second decade (either one)
Bilateral ovarian cystadenomas U
Parotid monomorphic adenoma U
C 1. Dysregulated adipose tissue (either one)
Lipomas C
Regional absence of fat C
2. Vascular malformations (one or more)
Capillary malformations C
Venous malformation C
Lymphatic malformation C
3. Facial phenotype U
Dolichocephaly
Long face
Minor downslanting of palpebral fissures and/or minor ptosis
Low nasal bridge
Wide or anteverted nares
Open mouton at rest

* C : common; U : uncommon.


(Biesecker LG, Happle R, Mulliken JB et al. Proteus syndrome : diagnostic criteria, differential diagnostic and patient evaluation. Am J Med Genet 1999; 84 : 389-395).


Le début des symptômes survient typiquement pendant l’enfance (entre 6 et 18 mois) et peut toucher n’importe quel tissu ou organe, les plus fréquemment touchés étant : le tissu conjonctif, les os, la peau, le système nerveux central, le tissu adipeux et les yeux. Les manifestations hypertrophiques sont asymétriques, la localisation des lésions varie d’un sujet à l’autre et l’évolution est très rapidement progressive.


Les atteintes osseuses sont caractérisées par des hyperostoses, une hypertrophie disproportionnée et asymétrique des membres, de la voûte crânienne, du conduit auditif externe ou des vertèbres. Les malformations vasculaires sont également communes. Les plus fréquentes sont les malformations capillaires mais on peut retrouver des malformations veineuses et même des malformations artérioveineuses. Les manifestations cutanées sont caractérisées par l’existence de nœvus verruqueux épidermiques et des nœvus cérébriformes du tissu conjonctif (fig. 19-7). Il existe également une répartition asymétrique du tissu graisseux avec une hypertrophie au niveau de l’abdomen ou des extrémités et une lipoatrophie au niveau de la poitrine. Il existe un phénotype facial caractéristique comprenant une dolichocéphalie, un allongement de la face, une bouche ouverte en permanence, une orientation en bas et en dehors des fentes palpébrales et des narines antéversées. Un risque de tumeurs est fréquemment rencontré : le cystadénome ovarien bilatéral et l’adénome monomorphe des glandes parotides [12].




Diagnostic




D-DIMÈRES


Le concept de l’activation de la coagulation dans les MV n’est pas une notion récente. Il a plus récemment été démontré une différence entre cette coagulopathie chronique et le syndrome de Kasabach-Merritt. Le syndrome de Kasabach-Merrit se distingue par une thrombopénie majeure compliquant une tumeur infantile [13]. Ces anomalies contrastent avec une coagulation intravasculaire localisée (CIVL) avec consommation des facteurs de coagulation (fibrinogène) et l’élévation des D-dimères chez certains patients présentant une MV [14]. 2 études récentes publiées dans Archives of Dermatology en 2008 précisent le cadre nosologique des MV présentant une élévation des D-dimères [1516].


Mazoyer et al [15] décrivent une série de 118 patients porteurs de MV du tronc et des extrémités. Dans cette série, 58 % des patients ont des D-dimères élevés (> 0,5 μg/mL). Cette élévation est statistiquement associée avec l’atteinte musculaire et le sexe féminin. 92 % des patients rapportent des douleurs intramalformatifs. Les auteurs rapportent une corrélation entre l’élévation des D-dimères et les épisodes douloureux.


Dompmartin et al [16] rapportent une cohorte de 140 patients porteurs de MV cutanées et/ou sous-cutanées et/ ou muqueuses présentant une augmentation des D-dimères chez 42 % d’entre eux. Il est démontré une association statistiquement significative avec les MV étendues et/ou involution musculaire et la présence de phlébolithes.


Plus récemment, les D-dimères ont été proposées comme outil diagnostique [17]. Les D-dimères ont une grande spécificité (96,5 %) pour le diagnostic des MV par rapport aux autres malformations vasculaires. Par contre, la sensibilité est faible (43 %) expliquée par les MV petites et unifocales dont la faible taille ne permet pas l’activation de la coagulation localisée. Ils permettent de distinguer les malformations glomuveineuses (D-dimères négatifs) au sein des MV multifocales. Les auteurs proposent d’utiliser les D-dimères dans le diagnostic différentiel du syndrome de Klippel-Trenaunay (D-dimères positifs) et du syndrome de Parkes-Weber (D-dimères négatifs). Il est donc proposé de les utiliser pour différencier les MV des autres malformations vasculaires et d’aider à la caractérisation de certaines formes cliniques de MV et de différencier les malformations vasculaires syndromiques.


Il n’existe actuellement aucune étude corrélant le taux des D-dimères dans les MV et la fréquence des événements thrombotiques.



EXAMENS PARACLINIQUES





Imagerie par résonance magnétique (fig. 19-10 à 19-12)


Elle constitue un examen indispensable dans le diagnostic positif et le diagnostic différentiel. C’est le seul examen permettant d’évaluer l’extension en profondeur, notamment intramusculaire ou articulaire. Il permet de mettre en évidence une amyotrophie ou une involution adipeuse musculaire parfois associée. Cela précise l’origine de la gêne fonctionnelle et d’orienter la thérapeutique. Il faut préciser la localisation de la MV pour préciser la symptomatologie avec d’éventuel syndrome des loges à l’effort ou la présence d’un trajet nerveux au sein de la malformation sur des douleurs d’allure radiculaires. La recherche de remaniements doit être rapportée avec un diagnostic différentiel souvent difficile à faire sur des complications thrombotiques ou hémorragiques anciennes. Elle permet de faire le diagnostic différentiel entre les MV et les malformations lymphatiques avec rehaussement limité de la paroi des kystes après injection de produit de contraste et suppression du signal de la graisse. Elle permet enfin de guider un geste thérapeutique de sclérothérapie [19]. La prescription proposée pour optimiser une demande d’examen pour l’exploration d’une MV : IRM pour exploration de malformation veineuse avec séquences morphologiques T1 fat-sat sans et avec gadolinium et T2.


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Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 19: Malformations Veineuses

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