18. Pathologie neuromotrice

Chapitre 18. Pathologie neuromotrice

définitions, incidence et prévalence



Définition classique de la paralysie cérébrale

paralysie cérébraledéfinitionLa paralysie cérébrale n’est pas une maladie, mais un syndrome qui associe trouble de la posture et trouble du mouvement. C’est le résultat d’une lésion cérébrale non progressive et définitive survenue sur un cerveau en voie de développement. Cette définition a été proposée au début des années 1960 [1].

La«lésion est cérébrale», excluant donc les pathologies du système nerveux périphérique et les pathologies musculaires.

Les troubles de la posture et du mouvement sont la conséquence de cette pathologie du SNC (spasticité, rigidité, ataxie, mouvements anormaux).

Le caractère fixé, non progressif de la lésion cérébrale l’oppose aux encéphalopathies progressives. Cependant, cette opposition ne satisfait guère certains cliniciens et parents car si la lésion cérébrale elle-même est définitive, les conséquences du trouble de la commande motrice vont s’aggraver inexorablement, en particulier dans le domaine orthopédique. Autrement dit, la lésion est fixée, mais les conséquences évoluent avec l’âge.

La lésion cérébrale est définitive, seules des adaptations peuvent être espérées mais non la disparition du syndrome.

Cette définition englobe tous les degrés de gravité et toutes les variétés topographiques des troubles de la posture et du mouvement, mais seulement si la lésion du SNC est survenue sur un cerveau immature, c’est-à-dire au cours de la vie fœtale, à la période néonatale, ou dans les 2 ou 3 premières années de la vie, période où le développement du SNC est le plus rapide. Les limites de cette période rapide restent vagues dans la littérature quand il s’agit d’inclure dans ce cadre les accidents d’HI (traumatisme ou quasi noyade) et les pathologies infectieuses de la petite enfance.

Bien que la définition soit centrée sur une anomalie de la commande motrice, le trouble moteur est exceptionnellement isolé : des troubles sensitifs, sensoriels, cognitifs et/ou du comportement peuvent être présents en proportion variable; une épilepsie est souvent associée. On verra plus loin comment la tendance actuelle est d’inclure l’ensemble de ces pathologies dans la définition même de la paralysie cérébrale.


Amendements pour une nouvelle définition


Propositions consensuelles récentes

Ce cadre nosologique est régulièrement discuté, c’est en effet un diagnostic «parapluie», basé sur la présence de signes neuromoteurs, tous degrés confondus; et aussi toutes étiologies confondues, à condition que la cause ait agi sur un cerveau immature. Enfin, la restriction de l’activité motrice est le plus souvent accompagnée de déficiences d’autres fonctions cérébrales, celles-ci devenant souvent à l’âge adulte plus gênantes que la déficience motrice. Une nouvelle définition consensuelle a donc été élaborée [2]. Les termes en sont les suivants : «La paralysie cérébrale décrit un groupe de troubles du développement intéressant le mouvement et la posture, entraînant une restriction de l’activité (disability); ces troubles sont attribués à des désordres (disturbances) survenus au cours de la vie fœtale ou chez le jeune enfant; ces troubles moteurs peuvent être accompagnés d’une épilepsieépilepsie et de troubles dans les domaines sensitif, cognitif, de la communication ou du comportement.» Les changements apportés par ce texte ne sont pas majeurs; ils introduisent cependant la notion d’impact fonctionnel et prennent en compte les pathologies cérébrales associées dans tous les domaines autres que moteur.


Place de la catégorisation fonctionnelle

paralysie cérébralecatégorisationfonctionnelleDeux systèmes de classification ont été développés pour situer le niveau fonctionnel de l’enfant, l’un pour la motricité grossière et l’autre pour la motricité fine. Le Gross Motor Function Classification System for Cerebral Palsy (GMFCS) [3], qui a fait l’objet de nombreuses études, est de plus en plus utilisé : ce système de classification présenté au tableau 18.1 est fondé sur les limitations fonctionnelles en position assise et à la marche.






















Tableau 18.1 Limitation fonctionnelle dans les activités de motricité grossière
Tiré et adapté de http : //www.canchild.ca/Portals/0/outcomes/pdf/GMFCS.pdf
Niveau Limitations
Niveau I Pas de limitation de la marche
Niveau II Marche sans assistance, mais limitation de la déambulation extérieure
Niveau III Marche avec assistance, limitation de la déambulation d’intérieur
Niveau IV Fauteuil roulant électrique
Niveau V Aucune mobilité même avec assistance technique

Le Manual Ability Classification System (MACS) [4], résumé au tableau 18.2, comporte également cinq catégories et concerne le degré de limitation aux membres supérieurs. Il peut être utilisé à partir de l’âge de 4 ans.






















Tableau 18.2 Limitation fonctionnelle dans les activités de motricité fine
Tiré et adapté de http : //www.macs.nu/index.php
Niveau Limitations
Niveau I L’enfant manipule les objets facilement et avec un résultat satisfaisant
Niveau II L’enfant sait manipuler la plupart des objets, mais la qualité et/ou la vitesse d’exécution est quelque peu limitée
Niveau III L’enfant manipule les objets avec difficulté et a besoin d’aide pour préparer et/ou adapter les activités
Niveau IV L’enfant sait manipuler une sélection limitée d’objets faciles à manipuler dans des situations adaptées
Niveau V L’enfant ne sait pas manipuler les objets et sa capacité à effectuer même les tâches simples est très limitée


Place des pathologies associées

paralysie cérébralepathologies associéesChez les enfants polyhandicapés sévères, la paralysie cérébrale est associée à un déficit cognitif de degré également sévère, à des déficits sensoriels allant jusqu’à la surdité et/ou la cécité complète, et souvent à une comitialité difficile à contrôler. Pour établir un programme d’intervention cohérent, il est essentiel de faire la part de chacun des troubles. En effet, le trouble de la fonction motrice est parfois si grave qu’il rend extrêmement difficile d’évaluer les fonctions cognitives : celles-ci paraissent souvent plus déficitaires qu’elles ne le sont en réalité. Des tests pragmatiques, orientés davantage vers les comportements adaptatifs ou l’autonomie dans la vie quotidienne, sont utiles chez ces enfants : le Pediatric Evaluation of Disabilities Inventory (PEDI) [5] et la Mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF-Mômes) [6] en sont deux exemples. Ces évaluations permettent habituellement une meilleure appréciation de l’impact des déficiences sur les capacités fonctionnelles de l’enfant. Elles sont donc complémentaires, elles ne remplacent pas les tests cognitifs.

Chez l’enfant dont la paralysie cérébrale est modérée, chacune des déficiences associées doit être recherchée systématiquement. Beaucoup de données récentes démontrent des lésions corticales souvent associées à celles de la substance blanche. Les déficiences visuelles d’origine centrale sont si fréquentes et si gênantes que leur recherche est également systématique, avant même qu’ elles ne s’expriment plus complètement à l’âge scolaire avec la maturation des cortex et faisceaux associatifs.


Divergences persistantes


Intérêt du cadre nosologique

La paralysie cérébrale est-elle un cadre obsolète qui devrait être abandonné? Cette question a été régulièrement discutée au cours de ces dernières années. Ces discussions ont entraîné quelques commentaires positifs sur les justifications du maintien de cette nosologie. Pour Bax [7], ce cadre est utile pour l’organisation des «services» basée sur la déficience motrice; pour le groupe consensuel de Washington [8], le concept de paralysie cérébrale reste utile tant pour le diagnostic que pour la prise en charge, l’épidémiologie, les services de santé publique et la recherche.


Âge de la catégorisation

paralysie cérébraleâge de la catégorisationLa sévérité du retentissement fonctionnel sur la marche indépendante est différemment intégrée dans la définition de la paralysie cérébrale : certaines équipes ne font pas intervenir la présence ou l’absence de marche indépendante; d’autres utilisent un âge limite de non-acquisition. Pour notre part, nous avons choisi, comme l’équipe de Paneth [9], de désigner comme atteints de paralysie cérébrale franche incapacitante les enfants qui ne marchent pas à 2 ans âge corrigé. Cependant, une exception est à souligner, celle de la plupart des enfants hémiplégiques qui marchent le plus souvent entre 18 et 24 mois : ils sont néanmoins classés dans la paralysie cérébrale incapacitante.

D’autres équipes catégorisent à un âge plus tardif : l’âge d’acquisition de la marche indépendante permet alors d’établir des niveaux de sévérité. Beaucoup d’enfants atteints de la paralysie cérébrale auront acquis une marche utile entre 2 et 3 ans; certains une marche très limitée dite de déambulation d’intérieur; d’autres ne pourront pas acquérir la marche. L’âge de 5 ans est considéré comme un âge favorable pour une telle catégorisation, c’est-à-dire celui au-delà duquel les limitations dans le domaine moteur n’évolueront plus significativement.


Critères d’exclusion

Un des points de discussion concerne la pathologie génétique, qui est généralement exclue du cadre de la paralysie cérébrale. À titre d’exemple, le syndrome de Rett, nouvellement identifié biologiquement, comporte un trouble moteur lentement progressif (en fait, ce sont surtout les complications orthopédiques qui le sont). Cet exemple montre bien la difficulté : seul un consensus épidémiologique peut décider, provisoirement, si le syndrome de Rett ou d’autres pathologies génétiques doivent être inclus ou non.

Les maladies progressives telles que les leucodystrophies ou les maladies héréditaires du métabolisme sont exclues par définition. Certes, ces étiologies sont rares, mais leur identification justifie les recommandations consensuelles décrites en figures 18.1 et 18.2. La démarche clinique présentée ici sert de guide au clinicien. Une IRM systématique est indispensable dans cette démarche pour guider la suite des recherches étiologiques. Par exemple, les troubles de la migration neuronale, qui sont responsables de près de 15 % des cas de paralysie cérébrale, n’étaient pas identifiés avant l’avènement de l’imagerie.








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Figure 18.1
Démarche clinique en cas de suspicion d’une paralysie cérébrale.









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Figure 18.2
Poursuite des investigations en cas d’une paralysie cérébrale d’étiologie incertaine.



Incidence dans différents groupes de nouveau-nés

paralysie cérébraleincidenceL’incidence est le rapport entre le nombre de nouveaux cas (numérateur) survenus au cours d’une période donnée dans une population définie comme à risque (dénominateur). L’incidence est utilisée dans les enquêtes qui portent sur l’avenir des nouveau-nés prématurés; elle est parfois manipulée avec légèreté; l’incidence varie avec le dénominateur utilisé (survivants à 28 jours, survivants à la sortie du centre néonatal, naissances vivantes).


Nouveau-nés avec un poids de naissance extrêmement faible (1 000 g ou moins)

prématuritépoids de naissance extrêmement faible (1 000 g ou moins)Ce groupe faisant référence aux ELBW représente environ 0,7 % des naissances; l’évolution des pourcentages de survie et de celui de l’ensemble des séquelles neurodéveloppementales est plus intéressante à considérer qu’un chiffre brut de paralysie cérébrale incapacitante. L’enquête nord-américaine de Wilson-Costello [10], analysant les tendances au cours des 20 dernières années chez les ELBW, sera rapidement résumée ici. Les trois cohortes comparées viennent de la Case Western Reserve University à Cleveland : les enfants nés dans les années 1980 forment la cohorte I, ceux nés dans les années 1990 la cohorte II, ceux nés en 2000–2002 la cohorte III. Les séquelles neurodéveloppementales ont été évaluées entre 18 et 20 mois âge corrigé : paralysie cérébrale mais aussi hydrocéphalie obstructive et QD inférieur à 70.

Entre les périodes I et II, la survie augmente de façon très significative, passant de 49 à 68 %; le pourcentage des séquelles a également augmenté de façon significative; le pourcentage d’enfants sans séquelles a aussi augmenté.

Entre les périodes II et III, le pourcentage de survie n’a pas augmenté de façon significative (de 68 à 71 %), mais le nombre d’enfants avec séquelles a diminué de façon significative : paralysie cérébrale de 13 à 5 %, ensemble des séquelles neurodéveloppementales de 35 à 23 %.

Cette évolution favorable est corrélée aux modifications du soin néonatal, selon les recommandations récentes : utilisation plus large des corticostéroïdes en anténatal, suppression des corticostéroïdes en postnatal, plus de rigueur dans la prévention de l’infection.

Évidemment, il est beaucoup trop tôt à 20 mois âge corrigé pour déterminer le nombre d’enfants indemnes, celui-ci ne pouvant être évalué avant l’âge scolaire; mais ces résultats sont nécessaires pour évaluer pas à pas le bien-fondé des recommandations en unité de soins intensifs (USI). Il est réconfortant pour les cliniciens de constater une augmentation du nombre de survivants indemnes, après une première période de tâtonnements ayant certes entraîné une augmentation de la survie, mais aussi une augmentation de la survie avec séquelles. Ce phénomène général a été observé historiquement chaque fois que les soins intensifs ont été étendus à une catégorie de poids inférieure. On peut retenir que le pourcentage de paralysie cérébrale dans le groupe des ELBW est voisin de 5 à 8 % dans les meilleures conditions de soins, après une période où il se situait plutôt entre 15 et 20 % selon les centres.

Beaucoup d’autres études récentes apportent les chiffres et les tendances d’autres études : celle d’EPIPAGE en France [11, 12]; celle du groupe Européen [13]; la comparaison avec les données du projet britannique EPICURE [14]. L’incidence de la paralysie cérébrale incapacitante est diversement appréciée en raison des définitions et de la durée du suivi, cependant elle continue à diminuer dans les années les plus récentes. Quelques études montrent l’impact des programmes de régionalisation, en particulier dans la région Languedoc-Roussillon [15] et celle des pays de Loire [16].

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May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 18. Pathologie neuromotrice

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