18: L’expertise psychiatrique pénale


L’expertise psychiatrique pénale



L’expertise psychiatrique pénale a un rôle majeur en permettant un équilibre indispensable entre l’hôpital et la prison, c’est-à-dire entre santé et justice. L’expertise psychiatrique a longtemps eu une vocation principale, celle de diagnostiquer la maladie mentale de l’auteur d’infraction et donc de faire en sorte à ce qu’il bénéficie de soins plutôt que d’une peine. Il s’agit là de l’expertise présententielle qui existe depuis le Code pénal de 1810.


Depuis 2005, on constate un développement régulier des demandes d’expertise de prélibération où l’objectif est tout autre dans la mesure où il s’agit d’évaluer la dangerosité de celui qui termine sa peine. Les expertises de prélibération se situent donc très à distance du travail habituel du psychiatre, les expertisés ne présentant que très rarement des troubles mentaux.


L’expertise psychiatrique pénale est dans notre pays essentiellement réalisée par des psychiatres des hôpitaux. Actuellement, sur les 13 000 psychiatres inscrits à l’ordre, on dénombre sensiblement 5 500 psychiatres des hôpitaux : 800 étaient inscrits sur les listes d’experts dans les années 2010 et nombre de démissions récentes, du fait du surcroît de demandes et des modifications des missions, font que 537 psychiatres seraient inscrits sur les listes des cours d’appel en 2011. Soixante-dix pour cent seraient praticiens hospitaliers. Cette situation très préoccupante d’élargissement du champ de l’expertise psychiatrique et du désarroi des experts a été à l’origine d’une audition publique réalisée à la demande du ministère de la Santé par la Haute Autorité de santé : expertise psychiatrique pénale, audition publique du 25 et 26 janvier 2007, Fédération française de psychiatrie.


L’expertise psychiatrique pénale est réalisée conformément aux articles 156 et suivants du Code de procédure pénale, qui établissent qu’une expertise peut être ordonnée par toute juridiction d’instruction ou de jugement. Une expertise peut aussi être ordonnée par le tribunal correctionnel ou par le tribunal de police, en application des articles 434 et 536 du Code de procédure pénale. Les expertises postsententielles de prélibération concernant les aménagements de peine et les mesures de sûreté sont sollicitées conformément à l’article 712-16 du Code de procédure pénale.


Les expertises réalisées au décours de la garde à vue, en réquisition à des médecins qualifiés ne sont pas considérées comme des expertises pénales au sens strict du terme. Elles ne devraient être sollicitées que pour déterminer si l’intéressé présente une pathologie psychiatrique, si celle-ci nécessite des soins et sous quelles modalités.


Nous aborderons dans un premier temps le regard apporté par l’histoire sur la place de l’expertise pénale entre santé et justice et sa place en droit pénal, puis nous développerons :




Une clinique psychiatrique qui s’est développée autour d’une clinique médicolégale


La naissance de la clinique portée par Pinel dans son traité de 1801 s’est fait dans le sillage des travaux de la constituante et marqués par le sceau de la création de la République française. Pour Pinel, il s’agit bien, grâce à la clinique qu’il fonde, de reconnaître le malade mental pour lui donner des soins en le soustrayant à la rigueur de la justice : « Ces aliénés sont loin d’être des coupables qu’il faut punir, ce sont des malades dont l’état mental pénible mérite tous les égards dus à l’humanité souffrante. Les aliénés qui jusqu’alors ont été traités beaucoup plus en ennemis de la sécurité publique qu’en créatures déchues, dignes de pitié doivent être soignés dans des asiles spéciaux ».


Le premier temps est donc pour Pinel de donner les bases d’une clinique permettant de reconnaître un malade pour le soigner dans l’asile, tel qu’il sera structuré par son élève Esquirol. Le traité de Pinel sera complété par celui d’Esquirol sorti en 1838. Parallèlement, le Code pénal napoléonien de 1810 établira dans son article 64 « qu’il n’y a ni crime ni délit quand la personne était en état de démence au moment des faits ».


Le premier équilibre entre santé et justice imposera la mise en place d’une loi d’internement : la loi du 30 juin 1838, portée par Esquirol et Jean Pierre Falret, de façon à ce que celui qui a été reconnu irresponsable, parce que dément au sens de l’article 64 du Code pénal, puisse être soigné sous contrainte avec la mise en place d’un placement d’office. Dans les mêmes temps, Esquirol avançait des principes d’organisation de l’asile pour que celui-ci soit départemental et apporte des réponses appropriées, en termes de prise en charge.


Cet équilibre entre santé et justice ne sera remis en cause qu’un siècle et demi après, par la loi de 1990, qui réforme la loi de 1838, et par le Code pénal de 1994 qui renouvelle celui de 1810. Dans le Code pénal de 1994, l’appréciation de la responsabilité est réalisée en deux degrés :




Principes légaux de l’irresponsabilité pénale


L’irresponsabilité pénale s’appuie dans le Code pénal de 1994 sur l’article 121-3 qui prévoit « qu’il n’y a ni crime ni délit sans intention de le commettre ». En application de cet article, on perçoit que tout crime est intentionnel, tout délit est normalement intentionnel sauf imprudence, négligence ou mise en danger, et il n’y a point de contravention en cas de force majeure.


Les exclusions de la faute sont envisagées en droit pénal français en deux types (Tableau 18.I) :




Les principes de l’irresponsabilité pénale sont précisément indiqués par la loi : leur nature juridique est la non-imputabilité, qui doit être déterminée impérativement au moment des faits. Dans l’esprit du Code pénal français, l’irresponsabilité pénale découle de la perte du libre arbitre, quelle que soit la nature du trouble mental qui en est à l’origine.



L’expertise en réquisition au stade de l’enquête


Au stade de l’enquête, le Code de procédure pénale organise les examens médicaux indispensables :



• l’article 63-3 du Code de procédure pénale permet un examen médical pendant la garde à vue, à la demande de l’intéressé, de l’officier de police judiciaire, du Parquet ou de la famille ;


• l’article 63-4 alinéa 4 offre à l’avocat la possibilité de faire toute observation et de suggérer un examen médical ;


• les articles 60 et 77-1 du Code de procédure pénale permettent de procéder à des examens techniques et scientifiques sur réquisition du Parquet. Certaines catégories d’infractions imposent un examen médical, notamment la criminalité organisée et surtout les infractions sexuelles. La personne en garde à vue pour meurtre ou assassinat d’un mineur, précédé ou accompagné d’un viol, actes de tortures ou de barbarie, agressions sexuelles ou proxénétisme à l’égard d’un mineur, doit être soumise à une expertise médicale et l’expert est interrogé sur l’opportunité d’une injonction de soins dans le cadre d’un suivi sociojudiciaire (art. 706-47 du Code de procédure pénale).

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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 18: L’expertise psychiatrique pénale

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