16: Principes généraux de l’expertise


Principes généraux de l’expertise



De façon générale, l’expertise est un dispositif d’aide à la décision, sollicité par un décideur, confronté à des questions qui sont en dehors de sa compétence. Elle suppose une mission qui est définie par le décideur et comporte des opérations allant au-delà de simples constatations. La réalisation de cette mission se conclut par un rapport remis au décideur. Même en limitant le propos aux expertises qui peuvent être confiées à des psychiatres, la variété des expertises est grande et la complexité des situations n’est pas simple à appréhender. Il vient d’abord à l’esprit de chacun les expertises qui peuvent être diligentées par une juridiction, mais on sait que la demande peut provenir d’une administration (ex. : préfet à l’occasion de soins sans consentement ou CPAM). D’autres expertises peuvent être demandées par des organismes privés tels les compagnies d’assurances. Dans ce chapitre de généralités, nous nous limiterons à donner les indications les plus importantes en matière d’inscription sur une liste officielle d’experts, l’esprit des textes qui président aux règles procédurales à appliquer lors des opérations d’expertises ainsi que les critères déontologiques auxquels l’expert doit se conformer en toutes occasions.



Conditions d’inscription sur la liste des experts


Elles résultent des dispositions du décret 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires. C’est l’inscription sur cette liste qui donne le droit au titre d’expert. L’utilisation de ce titre par un médecin ou toute autre personne non inscrit selon la procédure prévue dans ce décret est considérée comme une usurpation de titre et peut faire l’objet de poursuites pénales. En revanche, de nombreux professionnels peuvent être conduits à réaliser des expertises à la demande d’une juridiction, d’une administration, d’un autre organisme public ou d’une institution privée, sans disposer de ce titre.


Le décret précise qu’il est dressé chaque année une liste nationale des experts et une autre liste par Cour d’appel. Ces listes sont dressées en conformité avec une nomenclature résultant actuellement d’un arrêté du 10 juin 2005. Pour être inscrit sur la liste, un médecin doit réunir un certain nombre de conditions attestant notamment de sa compétence, d’une qualification suffisante mais également de son indépendance (article 2 du décret). Les inscriptions initiales sont valables pour une durée de 3 ans et désormais des réinscriptions sont nécessaires, valables pour une durée de 5 ans. À l’occasion de ces réinscriptions, le candidat doit apporter des informations concernant son expérience acquise ainsi que sa connaissance des principes directeurs du procès, les règles de procédure applicables aux missions qui peuvent lui être confiées ainsi que des formations qu’il a suivies dans les domaines assurant sa qualification. Parmi les obligations des experts figurent celle de prêter serment, d’apporter son concours à la justice, d’accomplir sa mission, de faire son rapport et de donner son avis en son honneur et en sa conscience mais également de faire connaître chaque année le nombre de missions qu’il a réalisées.



Déontologie de l’expertise


Il faut tout d’abord retenir que le médecin expert est avant tout médecin et comme tel tenu à respecter l’intégralité des articles du Code de déontologie, notamment en ce qui concerne ses devoirs envers les patients ou ses confrères.


Quatre articles lui sont spécifiques :



• Article 105 : « Nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d’un même malade. Un médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un de ses patients, d’un de ses proches, d’un de ses amis ou d’un groupement qui fait habituellement appel à ses services ». On en retient qu’il s’agit de toutes les circonstances dans lesquelles le médecin expert n’aurait pas toute son indépendance. Il faut y être très attentif. On peut également retenir qu’à contrario, cela signifie qu’il n’est pas exclu de devenir médecin traitant après avoir été médecin expert. Il convient cependant d’être très prudent avant d’accepter de prendre en charge un patient que l’on a expertisé précédemment.


• Article 106 : « Lorsqu’il est investi d’une mission, le médecin expert doit se récuser s’il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ou qu’elles l’exposeraient à contrevenir aux dispositions du présent Code de déontologie ». Ne jamais aller au-delà de ses compétences, ne pas se prêter à des missions qui vont au-delà des connaissances médicales.


• Article 107 : « Le médecin expert doit avant d’entreprendre toute opération d’expertise informer la personne qu’il doit examiner de sa mission et du cadre juridique dans lequel son avis est demandé ». Cet article est particulièrement important, non seulement dans la réalisation des expertises pénales, mais également dans tout type d’évaluation et de contrôle. La personne doit comprendre qu’elle est face à un médecin qui devra rendre compte de sa mission à un tiers. Il est impératif d’expliquer les questions auxquelles le médecin aura à répondre et de vérifier que le patient les a bien comprises.


• Article 108 : « Dans la rédaction de son rapport, le médecin expert ne doit révéler que les éléments de nature à apporter la réponse aux questions posées. Hors de ces cas limites, il doit taire tout ce qu’il a pu connaître à l’occasion de cette expertise. Il doit attester qu’il a accompli personnellement sa mission. »; En d’autres termes, cet article rappelle au médecin qu’il est tenu au secret professionnel. Dans certaines missions et notamment en psychiatrie, il n’est pas simple de respecter cet article à la lettre. Ainsi la responsabilité de certains médecins experts a pu être engagée pour avoir donné des informations couvertes par le secret à un tiers (voir par exemple, Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 6 mai 2011). Actuellement, il est admis en matière d’expertise pénale, notamment de l’auteur, que des éléments biographiques parfois assez précis peuvent figurer dans le rapport. Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit d’expertises de la victime. La situation est encore plus restrictive dans les expertises diligentées par d’autres juridictions ou des administrations. Il est le plus souvent indispensable de respecter à la lettre cet article et de ne répondre que de manière laconique aux questions qui sont posées (cf. infra, expertise pour la CPAM par exemple).

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 16: Principes généraux de l’expertise

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access