17 Traumatismes crâniens
Le terme « traumatismes crâniens », consacré par l’usage, a été retenu comme titre de ce chapitre. En fait, le neurologue est concerné avant tout par le retentissement cérébral d’un traumatisme crânien (« brain injury ») qui se traduit de façon quasiment constante par un trouble initial de la conscience allant d’une perte de connaissance brève à un coma irréversible.
L’incidence annuelle des traumatismes crâniens nécessitant une hospitalisation est de l’ordre de 200 à 300 pour 100 000, et trois à quatre fois plus de cas sont examinés aux urgences sans être hospitalisés. Il s’agit d’enfants de moins de quinze ans dans la moitié des cas, et deux fois plus souvent d’hommes que de femmes. Les traumatismes crâniens sont la première cause de mortalité entre quinze et vingt-quatre ans. Un autre facteur de gravité tient à la fréquence des séquelles neurologiques et psychiques.
Examen initial
Examen clinique
Évaluation de la vigilance et de l’état de conscience
Cette évaluation est essentielle pour l’appréciation de la gravité et la surveillance d’un traumatisé crânien. Lorsqu’il existe un trouble de la conscience, sa profondeur et son évolution doivent être précisées avec soin. À cet effet, l’échelle du coma de Glasgow est généralement utilisée (cf. chapitre 5). Un traumatisme crânien grave est défini par un score de Glasgow inférieur ou égal à 8, chez un patient ayant les yeux fermés, après correction des fonctions vitales. L’hospitalisation d’un traumatisé crânien grave doit se faire dans une structure disposant d’un service de réanimation, d’un scanner et d’un avis neurochirurgical.
La notion d’un intervalle libre suivi d’une aggravation des troubles de la conscience suggère une complication à type d’hématome intracrânien dont l’évacuation peut être une urgence neurochirurgicale.
Certains blessés, alors qu’ils n’ont pas, ou qu’ils n’ont plus, de troubles manifestes de la vigilance, présentent un niveau de conscience anormal se traduisant par un état confusionnel. D’autres, dont l’état de conscience paraît normal, oublient cependant au fur et à mesure les événements auxquels ils participent : souvent méconnu, ce trouble se manifestera ultérieurement par une période d’amnésie post-traumatique parfois prolongée.
Examen neurologique
L’examen neurologique recherche des signes de souffrance cérébrale focale. Bien souvent, l’existence de trouble de la conscience ne permet pas un examen neurologique traditionnel. Même dans ces cas, toute une série de renseignements peut être obtenue. Il faut noter en particulier le caractère symétrique ou non de la motilité tant spontanée que provoquée par les stimulations douloureuses (pression sus-orbitaire ou pression du lit unguéal avec un stylo), l’attitude du blessé, qui peut être celle d’une rigidité de décérébration plus ou moins typique. L’existence d’une paralysie faciale, centrale ou périphérique peut généralement être reconnue grâce à la grimace provoquée par la manœuvre de Pierre Marie et Foix.
Crises d’épilepsie précoces
Des crises partielles ou généralisées peuvent survenir précocement, dans les heures ou les premiers jours suivant un traumatisme crânien. Elles succèdent parfois à un traumatisme crânien léger, notamment chez l’enfant, mais on les observe le plus souvent à la suite des traumatismes graves. Par leur répétition, et au maximum lorsqu’il s’agit d’un état de mal, elles peuvent contribuer à majorer le coma et les troubles végétatifs. La fréquence de ces crises d’épilepsie précoces est de l’ordre de 4 % pour l’ensemble des traumatismes crâniens, s’élevant à 7 % lorsqu’il existe une fracture, à 10 % dans les cas comportant un trouble de la conscience durable ou une hémorragie méningée, à 20 % lorsqu’il existe un hématome intracrânien.
Lésions associées
La recherche de lésions associées doit être systématique dans la mesure où il s’agit souvent de patients polytraumatisés : examen du rachis cervical, des membres, de l’abdomen, du thorax (pneumothorax, hémothorax, volet costal). L’existence ou la survenue secondaire d’un état de choc doit faire suspecter une hémorragie interne.
Examens complémentaires
L’examen radiologique du rachis s’impose pour tout traumatisme crânien grave (Glasgow < 8).
Bilan de l’examen initial
Une fracture de la voûte avec enfoncement justifie généralement une intervention qui peut habituellement être différée de quelques jours. Les lésions du scalp doivent être explorées, nettoyées et suturées dès que l’état du blessé le permet, mais s’il existe une plaie cranio-cérébrale, généralement par arme à feu, l’intervention doit être pratiquée en milieu neurochirurgical.
En dehors de ces cas particuliers, il n’y a pas d’indication opératoire immédiate. Il faut alors instituer une surveillance clinique et paraclinique rigoureuse pour déceler et traiter les facteurs pouvant entraîner une aggravation secondaire, tels qu’une baisse de la pression artérielle, une hypoxémie, une hypercapnie, une élévation thermique, une hyponatrémie, une hypertension intracrânienne qui peut être due au développement d’un œdème cérébral et/ou d’une collection hémorragique intracrânienne.
Aspects anatomocliniques et évolutifs
Commotion cérébrale
Commotion cérébrale légère — Dans la majorité des cas, qui correspondent pour l’essentiel à un retentissement neurovasculaire fonctionnel, la perte de connaissance initiale est résolutive en moins d’une heure et la période d’amnésie post-traumatique va de quelques minutes à quelques heures. L’imagerie cérébrale est normale. Malgré l’allure évolutive favorable, la surveillance de ces sujets doit être maintenue, surtout s’il existe une fracture du crâne, afin de ne pas méconnaître une aggravation secondaire traduisant une complication. Par ailleurs, des troubles de l’attention et de la mémoire peuvent persister assez longtemps, en particulier chez les sujets âgés.