8: Céphalées et algies faciales

8 Céphalées et algies faciales


Les céphalées et les algies faciales comptent parmi les symptômes qui conduisent le plus souvent les patients à consulter en neurologie. Il est important de ne pas méconnaître la nature symptomatique de certains de ces syndromes douloureux. Mais il est tout aussi important de savoir identifier, sur leurs caractères sémiologiques, les céphalées et les algies faciales primitives telles que la migraine, les céphalées trigémino-vasculaires, la céphalée de tension ou la névralgie essentielle du trijumeau.




Céphalées aiguës


Caractérisées par leur apparition rapide, en quelques minutes ou quelques heures, les céphalées aiguës peuvent être symptomatiques ou primitives. Elles doivent faire penser en premier lieu à une affection méningée.





Céphalées récidivantes ou chroniques



Céphalées symptomatiques


Hypertension intracrânienne — Une céphalée isolée peut être en relation avec une hypertension intracrânienne. La constatation d’une stase papillaire conforte cette hypothèse, mais un fond d’œil normal ne l’élimine pas. De ce fait, on est souvent conduit à demander une imagerie pour écarter toute arrière-pensée d’un processus expansif, d’une hydrocéphalie ou une thrombose veineuse cérébrale.


La crainte d’une tumeur cérébrale est souvent présente chez un patient souffrant de façon durable de céphalée. En l’absence d’anomalie au fond d’œil ou de signe neurologique, cette éventualité est très peu probable, et le recours à l’imagerie est peu rentable. Cependant, la valeur sécurisante d’une imagerie normale facilite beaucoup la prise en charge des patients.


Une discordance entre le fond d’œil montrant une stase papillaire et une imagerie cérébrale normale doit faire mesurer la pression du LCR pour objectiver une hypertension intracrânienne idiopathique (cf. chapitre 16).


Hypotension intracrânienne — La céphalée de l’hypotension intracrânienne a pour caractéristique essentielle de survenir en position debout et de disparaître en décubitus. Elle s’accompagne parfois de sensations vertigineuses, d’acouphènes, de diplopie, de troubles du champ visuel. Individualisée initialement après les fractures du crâne avec brèche méningée, elle peut aussi survenir après une ponction lombaire, une rachianesthésie, un traumatisme ayant entraîné un arrachement radiculaire ou de façon apparemment spontanée. L’IRM cérébrale est évocatrice lorsqu’elle montre en T1, après injection de gadolinium, un rehaussement diffus de la dure-mère. Cet aspect est expliqué par une distension du secteur veineux. L’IRM montre aussi parfois une collection sous-durale, un aspect collabé des ventricules et une descente des amygdales cérébelleuses. La pression du LCR est inférieure à 70 mm d’eau. Une IRM médullaire doit être effectuée, à la recherche d’une fuite du LCR vers l’espace épidural. L’évolution, souvent spontanément favorable, peut nécessiter le recours à un blood-patch (injection de sang autologue dans l’espace épidural).


Artérite temporale de Horton — Il faut penser à cette cause devant toute céphalée apparaissant chez un sujet âgé, l’âge de prédilection se situant autour de soixante-dix ans. La céphalée est précédée d’une phase prodromique marquée par une altération de l’état général, des phénomènes douloureux diffus, un état subfébrile. La céphalée est souvent intense, permanente avec des recrudescences paroxystiques, temporale, mais de siège parfois atypique, notamment occipital. Elle s’accompagne de signes locaux : artère temporale épaissie, rigide, non pulsatile, douloureuse à la palpation. Il existe presque constamment une accélération de la vitesse de sédimentation très marquée, de l’ordre de 80 à 100 mm à la première heure et une élévation des α2-globulines. La biopsie de l’artère temporale montre des lésions de panartérite à cellules géantes. Le diagnostic doit être fait précocement en raison du risque de cécité par thrombose de l’artère ophtalmique ou de ses branches. En effet, le processus inflammatoire déborde largement l’artère temporale et les autres branches de la carotide externe. Cette diffusion de l’atteinte artérielle rend compte du polymorphisme de la maladie : outre la cécité, il est possible d’observer des accidents vasculaires cérébraux, des manifestations coronariennes, des atteintes rhumatismales (pseudo-polyarthrite rhizomélique).


Le traitement corticoïde contrôle rapidement la céphalée et les troubles biologiques et réduit considérablement le risque de complications notamment oculaires. La durée du traitement doit être de l’ordre de deux ans pour éviter une récidive pouvant survenir sous la forme d’une complication.


Méningites chroniques — Divers processus infectieux (tuberculose, mycoses, parasitoses) ou inflammatoires (sarcoïdose, vascularites) peuvent être responsables d’une méningite chronique dont la traduction est souvent dominée par des céphalées éventuellement associées à des atteintes des nerfs crâniens. Les méningites carcinomateuses sont en relation avec des métastases leptoméningées d’un cancer, d’une leucémie ou d’un lymphome. Outre les céphalées, la symptomalogie comporte souvent des douleurs radiculaires et des atteintes des nerfs crâniens notamment du VIII. L’IRM peut montrer la présence sur les racines nerveuses de nodules prenant le contraste. L’étude du LCR montre habituellement une élévation de la protéinorachie et une hypoglycorachie. L’examen de la cytologie dans le LCR peut être initialement négatif. Le dosage des marqueurs tumoraux dans le LCR peut orienter vers la nature de la tumeur primitive


Autres céphalées symptomatiques — Une céphalée peut aussi être révélatrice d’une anémie, d’une polyglobulie, d’une anoxie (céphalée d’altitude, céphalée révélatrice d’une intoxication oxycarbonée) ou d’une hypercapnie (insuffisance respiratoire). Les sujets présentant une hypertension artérielle se plaignent souvent de céphalées, dont la signification est variable et doit être discutée dans chaque cas pour faire la part de l’association à une migraine ou à une céphalée de tension. Les céphalées post-traumatiques constituent une séquelle très fréquente des traumatismes crâniens, sans qu’il y ait concordance entre la gravité du traumatisme et l’importance ou la durée des céphalées. Leur formule peut être celle de la migraine, traduisant souvent, mais non toujours, l’aggravation d’une migraine préexistante. Le plus souvent, il s’agit de céphalées de tension.



Céphalées primitives



La migraine


En l’absence d’un critère physiopathologique ou étiologique suffisamment précis, la définition de la migraine reste essentiellement clinique. Il s’agit d’une variété bien particulière de céphalée, survenant par accès intermittents entre lesquels le sujet ne souffre pas. La céphalée est habituellement hémicrânienne, pulsatile, accompagnée, au moins au cours de certains accès, de photophobie, de nausées ou de vomissements.




Différents types d’accès migraineux


Il en existe deux grandes variétés : migraine sans aura et migraine avec aura.



Migraine sans aura

Elle est de loin la plus fréquente (neuf cas sur dix). Elle est définie par la survenue d’accès récurrents de céphalée (tableau 8.I). Dans les cas les plus typiques, la céphalée est pulsatile, hémicrânienne, ne se répète pas toujours du même côté, est aggravée par les activités physiques, s’accompagne de nausées ou de vomissements, d’intolérance à la lumière et au bruit. Elle est souvent annoncée par des prodromes : troubles digestifs vagues, modifications pouvant se faire dans un sens variable de l’appétit, du caractère, de l’humeur qui peut devenir dépressive ou euphorique. La durée de l’accès va de 4 heures à 72 heures : au-delà on parle d’état de mal migraineux.


Tableau 8.I Critères de la migraine sans aura


















A Au moins cinq accès répondant aux critères B à D
B Accès de céphalée durant de 4 à 72 heures
C Céphalées ayant au moins deux des caractères suivants :
– unilatérale
– pulsatile
– aggravation par les activités physiques de routine
D Durant les accès, au moins un des caractères suivants :
– nausées et/ou vomissements
– photophobie et sonophobie
E Examen clinique normal entre les accès
En cas de doute, investigations complémentaires appropriées

Migraine avec aura — L’aura est définie par des symptômes neurologiques qui se constituent en quelques minutes et durent habituellement moins de 60 minutes. La céphalée survient ensuite, parfois après un intervalle libre. Il arrive que l’aura ne soit pas suivie de céphalée :





Des migraines avec et sans aura peuvent être observées chez un même malade. Cependant, nombre de malades ont de façon exclusive l’une de ces deux formes, ce qui est en faveur d’une certaine autonomie.



Aspects évolutifs de la migraine


L’évolution générale de la maladie migraineuse est très variable d’un sujet à l’autre et, chez un même malade, il est fréquent d’assister au cours de l’existence à des modifications considérables dans la fréquence, l’intensité et même l’aspect des crises.


Souvent, les premiers accès apparaissent dans l’adolescence, volontiers aux alentours de la puberté. Ils ont parfois été précédés dans l’enfance d’« équivalents » : vomissements fréquents, migraines abdominales, mal des transports.


Il n’est pas rare d’assister, dans la deuxième moitié de l’existence, à une diminution de la fréquence des accès, voire à leur disparition. Ainsi, chez la femme, la ménopause marque assez souvent un tournant évolutif, les crises s’espaçant après une période d’aggravation parfois importante. En fait, le polymorphisme évolutif est très grand ; il est possible, quoique rare, d’observer des migraines d’apparition tardive, débutant par exemple à la ménopause ; dans de tels cas, le diagnostic ne doit être affirmé qu’avec beaucoup de prudence.


Certaines migraines sont bénignes, parce que les accès sont espacés, d’intensité modérée, aisément calmés par les antalgiques. Chez d’autres malades, ou parfois chez les mêmes à certaines périodes de la vie, la maladie prend un caractère invalidant en raison de l’intensité des accès, de leur durée et, surtout, de l’augmentation de leur fréquence qui peut devenir quotidienne (« céphalée chronique quotidienne »). Cette évolution vers une « migraine chronique » est favorisée par des événements tels qu’une situation stressante familiale ou socioprofessionnelle, un état dépressif ou un traumatisme crânien, mais, dans la majorité des cas, cette transformation survient lorsque la fréquence des accès douloureux conduit à la prise trop rapprochée de médicaments antalgiques ou de médicaments spécifiques des accès migraineux.


La migraine est une affection fréquente chez l’enfant. Elle revêt habituellement les mêmes aspects que chez l’adulte. Cependant, certains épisodes confusionnels aigus observés à cet âge semblent avoir la signification d’équivalents migraineux. Un traumatisme crânien mineur peut être, sur ce terrain, le facteur déclenchant d’un épisode de ce type ou d’un épisode de cécité corticale.



Étiologie


Toutes les études soulignent le caractère familial de la migraine. Chez les apparentés au premier degré d’un migraineux, le risque relatif est multiplié par 1,9 dans les migraines sans aura et par 4 dans les migraines avec aura. Il s’agit en général d’une hérédité polygénique déterminant un seuil migraineux variable selon les individus, variable aussi chez un individu donné en fonction de nombreux facteurs. Les patients notent souvent l’existence de facteurs favorisant le déclenchement des accès. Les facteurs psychiques jouent un rôle très important. Les états de tension, les situations conflictuelles, les réactions dépressives et anxieuses aggravent la migraine, avec la particularité que les crises surviennent assez volontiers au moment de la détente et de la relaxation (migraine du week-end, du début de vacances). Certaines structures psychologiques, notamment de type obsessionnel et perfectionniste, favorisent la survenue des états de tension et sont volontiers associées à la migraine. Les facteurs alimentaires sont souvent incriminés par les malades : outre l’alcool, la responsabilité de certains aliments peut parfois être suspectée. Le rôle des facteurs endocriniens est évident dans les migraines cataméniales ; l’amélioration fréquente (mais toutefois inconstante) de la migraine pendant la grossesse en est un autre exemple ; enfin la contraception orale peut révéler ou aggraver une migraine, ce qui doit faire renoncer à cette forme de contraception.


Migraine hémiplégique familiale — Cette variété de migraine est définie par l’existence d’une composante hémiparétique lors des accès et par une hérédité autosomique dominante. Parmi les facteurs déclenchants, il faut retenir plus particulièrement les stress émotionnels et les traumatismes crâniens mineurs. Certains accès sont atypiques en raison de la durée des signes neurologiques déficitaires ou de la présence de signes de souffrance cérébrale diffuse, notamment de troubles de la vigilance, parfois de crises convulsives, pouvant évoquer une méningoencéphalite. Des signes neurologiques permanents peuvent être présents sous la forme d’un nystagmus ou d’un syndrome cérébelleux.


Trois gènes ont été identifiés :


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May 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 8: Céphalées et algies faciales

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