22: Maladies du muscle et de la jonction neuromusculaire

22 Maladies du muscle et de la jonction neuromusculaire



Maladies du muscle : les myopathies



Sémiologie générale


Dans les affections musculaires primitives, la cible du processus pathologique est la fibre musculaire. L’atteinte du muscle se fait indépendamment de son innervation, échappant notamment à la systématisation en unités motrices


L’expression clinique est dominée par la faiblesse musculaire dont la topographie, plus souvent proximale que distale, doit être précisée. Elle est associée à une amyotrophie plus ou moins marquée, avec parfois dans certains territoires, notamment au niveau des mollets, un aspect hypertrophique. L’absence de fasciculations est un élément distinctif avec les processus neurogènes, de même que l’abolition précoce de la réponse idiomusculaire à la percussion directe du muscle qui contraste avec sa conservation, voire son exagération, dans les atteintes neurogènes. L’existence éventuelle d’une myotonie doit être recherchée.


L’électromyogramme montre un tracé de type myogène caractérisé par la possibilité d’obtenir, en dépit de la faiblesse musculaire, un tracé riche, interférentiel, qui traduit la conservation d’un grand nombre d’unités motrices. Par ailleurs, la dégradation des unités motrices se manifeste par la diminution d’amplitude et de durée des potentiels d’unité motrice, et par leur caractère polyphasique. Il est aussi possible d’observer une activité spontanée : potentiels de fibres isolées (fibrillations) et décharges myotoniques


Les anomalies biologiques résultent du passage dans le sang de diverses enzymes : aldolase, lactico-déshydrogénase et, surtout, créatine kinase (CK). L’élévation des taux sanguins de ces enzymes chez un sujet n’ayant pas eu récemment une activité physique importante reflète dans une large mesure l’évolutivité du processus myopathique. Au cours des amyotrophies neurogènes, le taux sanguin des enzymes reste habituellement normal ou peu élevé.


L’IRM peut contribuer au diagnostic en objectivant une dégénérescence graisseuse des muscles intéressés et en précisant la topographie de l’atrophie musculaire qui peut être évocatrice d’un type particulier de myopathie. L’amyotrophie peut en effet avoir un caractère très sélectif avec atteinte, au sein d’un muscle, de certains chefs musculaires alors que d’autres sont respectés.


La biopsie musculaire est habituellement nécessaire pour préciser la nature du processus myopathique. À côté des techniques histologiques et histoenzymologiques usuelles, l’examen doit habituellement être complété par des techniques immunohistochimiques, biochimiques, éventuellement ultrastructurales.


Chez un patient atteint d’une affection musculaire, il faut évaluer systématiquement la fonction respiratoire et la fonction cardiaque (ECG, échocardiographie).



Maladies dégenératives du muscle


Il s’agit d’un ensemble de maladies caractérisées par leur origine génétique et par une dégradation progressive des fibres musculaires.


L’examen histologique peut mettre en évidence divers type d’anomalies : inégalités de taille des fibres dont certaines sont atrophiques et d’autres très hypertrophiques, présence de fibres hyalines et de fibres nécrotiques, aspects de régénérescence sous la forme de petites fibres basophiles, dispersion des fibres musculaires par du tissu conjonctif et du tissu adipeux, présence de vacuoles, d’inclusions, parfois réaction inflammatoire.


La classification des maladies dégénératives du muscle a été élaborée initialement par les cliniciens en tenant compte de divers critères : distribution de l’atteinte musculaire, âge de début, allure évolutive, existence éventuelle d’une myotonie, modalités de la transmission familiale. Les données de la biologie moléculaire et de la génétique ont bouleversé la situation. Toutefois, il existe une hétérogénéité phénotypique et une hétérogénéité génétique telles qu’il n’est pas possible de proposer une classification basée exclusivement sur la biologie moléculaire.



Dystrophie de Duchenne


La dystrophie de Duchenne est due à des mutations portant sur un gène localisé en X2, codant la dystrophine. La dystrophine est une protéine qui joue un rôle essentiel dans le maintien de l’intégrité du sarcolemme. Elle unit un complexe protéique du sarcolemme à un complexe protéique sous-sarcolemmique. Des mutations des protéines constituant ce complexe, notamment des dystroglycanes et des sarcoglycanes, sont aussi responsables de dystrophies musculaires.


La dystrophie de Duchenne atteint un garçon sur 3 000 à 5 000 naissances masculines.


Un diagnostic précoce est important pour le conseil génétique. Chez ces enfants, normaux à la naissance, un retard de l’acquisition de la marche doit attirer l’attention et faire doser la créatine kinase dont le taux est très élevé dès la période néonatale, de 30 à 300 fois la normale. C’est parfois un retard plus global du développement qui attire l’attention.


Le diagnostic devient évident entre trois et cinq ans. L’atteinte de la ceinture pelvienne précède celle de la ceinture scapulaire. La démarche est dandinante, la course impossible ; lorsqu’ils tombent, ces enfants doivent, pour se relever, se mettre à quatre pattes, puis se hisser le long des membres inférieurs. Il existe une hyperlordose. Un aspect hypertrophique des mollets est la règle.


Après une légère amélioration fonctionnelle au cours de la croissance, l’aggravation reprend son cours. Le déficit diffuse à l’ensemble des membres et du tronc, avec apparition d’une cyphoscoliose et de rétractions tendineuses. Un retard mental est observé dans environ 30 % des cas (la dystrophine est exprimée au niveau du cerveau). Le décès survenait vers l’âge de vingt ans, lié à un déficit respiratoire et à une cardiomyopathie. En fait, grâce à une prise en charge la meilleure possible, l’évolution se prolonge souvent à l’âge adulte. Le traitement comprend la prévention et la correction des déformations, les corticoïdes, le traitement de la cardiomyopathie, la ventilation non invasive. Les progrès dans la connaissance de la biologie moléculaire de la dystrophie de Duchenne ont permis le développement d’une recherche intensive dans le domaine de la thérapie génique.


Le conseil génétique repose sur l’identification des femmes conductrices. La mère d’un garçon atteint n’est pas nécessairement conductrice : un tiers des cas correspondent à de nouvelles mutations. Une élévation des CPK est observée chez les deux tiers des mères conductrices. En outre, chez un petit nombre de conductrices, il existe des anomalies cliniques mineures telles qu’une hypertrophie du mollet ou un léger déficit moteur. Les femmes conductrices développent parfois une cardiomyopathie.


Chez les sujets atteints de maladie de Duchenne, la dystrophine est indétectable ou présente à un taux très faible dans le muscle. Chez les conductrices, l’aspect histologique peut être celui d’une mosaïque avec juxtaposition de fibres positives et négatives pour la dystrophine. L’aspect histologique peut aussi être normal : en cas de doute une analyse du gène de la dystrophine est nécessaire.




Dystrophies musculaires avec myotonie


Maladie de Steinert (dystrophie myotonique de type 1) — Avec une incidence de 1 pour 8 000, la maladie de Steinert est la plus fréquente des dystrophies musculaires de l’adulte, débutant le plus souvent entre vingt et trente ans. Sa transmission est autosomique dominante. Elle est remarquable par l’association d’une myopathie distale avec myotonie à une constellation de manifestations extramusculaires. Elle est due à un nombre accru de la répétition d’une séquence cytosine-thymidine-guanine dans une région du chromosome 19 codant une protéine kinase. Le phénomène de l’anticipation est souvent noté, avec une augmentation de la gravité clinique dans les générations successives, allant de pair avec une amplification de la répétition du triplet CTG. En relation avec ce phénomène de l’anticipation, des formes frustes à début tardif peuvent être découvertes par l’examen des ascendants d’une forme avérée.


La myotonie est souvent la manifestation initiale, mais elle est assez bien tolérée et ne constitue pas de façon habituelle le motif de la consultation. Bien mise en évidence en particulier au niveau de la main, elle consiste en un retard de la décontraction musculaire après une contraction volontaire ou provoquée par une stimulation mécanique (percussion de l’éminence thénar), avec activité électrique répétitive de la fibre musculaire. Ses caractères cliniques et l’EMG ont été étudiés avec la sémiologie de l’unité motrice. La myotonie résulte du dysfonctionnement d’un canal ionique chlore (CLCN1) qui est l’une des conséquences de la mutation responsable de la maladie.


Le processus myopathique, déficit moteur et atrophie, évolue lentement. Sa topographie est remarquable. Aux membres, elle est distale, intéressant la partie inférieure de l’avant-bras, les petits muscles de la main, les muscles péroniers (steppage). À l’extrémité céphalique, elle se marque par le ptosis, par l’émaciation et l’aspect atone du faciès, l’éversement des lèvres ; l’amyotrophie des muscles masticateurs et des sternocléidomastoïdiens est souvent remarquable. En outre, le processus myopathique s’étend à la langue, aux muscles pharyngés et laryngés, entraînant des perturbations de la voix.


Les manifestations associées comprennent : une calvitie précoce ; une cataracte siégeant en cupule au pôle postérieur du cristallin ; une atrophie testiculaire de type primitif donnant lieu à une impuissance sans modification notable des caractères sexuels secondaires, avec un taux de FSH élevé ; des troubles cardiovasculaires en relation avec des anomalies de la conduction (allongement de PR, bloc auriculoventriculaire) et des troubles du rythme ; un déficit intellectuel fréquent.


L’évolution est plus ou moins rapidement invalidante, mais néanmoins compatible avec une survie prolongée. Cependant le pronostic vital peut être mis en jeu en raison d’une atteinte respiratoire et surtout d’une atteinte cardiaque avec un risque de mort subite. Une surveillance cardiologique est nécessaire.


Une forme à début très précoce doit être isolée. Le tableau est celui d’une hypotonie congénitale avec troubles de la succion et de la déglutition. La myotonie apparaît plus tardivement. Ces formes congénitales, qui sont en relation avec une grande expansion du triplet, ont la particularité d’être à transmission presque exclusivement maternelle.


Dystrophie musculaire avec myotonie de type 2 — Cette forme, liée à une expansion CCTG en 3q21 dans le gène ZNF9 (zinc finger protein 9), est particulière par la prédominance proximale du déficit (PROMM, proximal myotonic dystrophy), une évolution moins sévère et l’absence de formes congénitales.


Médicaments de la myotonie — Quinine, procaïnamide, hydantoïnes, carbamazépine ont la propriété de stabiliser le potentiel de membrane. Leur efficacité limitée doit être pesée en regard de leurs effets secondaires, en particulier dans la maladie de Steinert, où la myotonie n’est pas le trouble le plus invalidant.




Dystrophies des ceintures


On étudie sous cette dénomination un ensemble de dystrophies musculaires ayant en commun la prédominance proximale du déficit qui peut débuter aux membres inférieurs ou aux membres supérieurs. L’atteinte initiale se complète plus ou moins tardivement par celle de l’autre ceinture. La gravité est très variable, avec des formes débutant tôt et progressant rapidement et des formes dont le début est tardif et l’évolution lente.


Le diagnostic de ces dystrophies dont le tableau est peu spécifique peut être retenu après avoir éliminé d’autres affections musculaires, inflammatoires ou métaboliques. La biopsie musculaire est nécessaire au diagnostic, permettant de préciser par immuno-marquage la protéine spécifique en cause.


La transmission peut être autosomique dominante (LGMD1) ou récessive (LGMD2). Les sous-types sont désignés par une lettre :










Certains de ces sous-types comportent un risque élevé de manifestations respiratoires (atteinte diaphragmatique) et cardiaques (troubles du rythme, cardiomyopathies), pouvant être révélateurs.




Dystrophies distales


Dans leur classification interviennent notamment le mode de transmission et la localisation initiale.







Dystrophies musculaires congénitales


Dans ces affections, les anomalies cliniques, associant de façon variable hypotonie, faiblesse musculaire, contractures, arthrogrypose, existent dès la naissance. L’examen histologique montre un aspect dystrophique non spécifique du muscle. Tous les degrés de gravité existent, allant de cas où existent des troubles de l’alimentation et de la respiration mettant en jeu le pronostic vital à des cas se traduisant par un retard des acquisitions motrices et évoluant vers un syndrome de dystrophie des ceintures.


On peut distinguer des formes syndromiques dans lesquelles la dystrophie musculaire est associée à d’autres manifestations telles que retard mental, anomalies oculaires et, en IRM, anomalies de la substance blanche ou anomalies cérébrales structurelles. Dans les formes non syndromiques, l’atteinte musculaire est isolée, avec toutefois la possibilité d’observer en IRM des anomalies du signal de la substance blanche.


La transmission est autosomique récessive. Un nombre considérable de gènes a été identifié, un même gène pouvant être en cause dans des phénotypes très différents et certains gènes pouvant être en cause dans des dystrophies des ceintures d’apparition tardive. Le diagnostic génétique peut être orienté par des particularités du phénotype et surtout par l’immuno-marquage, avec une série d’anticorps permettant identifier la protéine musculaire en cause. À titre d’exemples on peut mentionner : mérosine (anomalies de la substance blanche), collagène VI (contractures fixant précocement les articulations), alpha-dystroglycane (retard mental, anomalies structurelles du cerveau, anomalies oculaires), sélénoprotéine N (syndrome de la colonne raide).



Myopathies congénitales


On réunit sous ce terme des myopathies caractérisées par des marqueurs histologiques particuliers présents à la naissance. Elles sont souvent de révélation précoce, donnant lieu au syndrome de l’enfant mou. Cependant, elles peuvent ne se révéler que plus tardivement, voire seulement chez l’adulte. Ces affections ont souvent un caractère familial sans que le mode de transmission ait pu être déterminé dans tous les cas.



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May 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 22: Maladies du muscle et de la jonction neuromusculaire

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