17: Malformations de la paroi abdominale et du diaphragme

Chapitre 17 Malformations de la paroi abdominale et du diaphragme




Malformations de la paroi abdominale


Les malformations de la paroi antérieure du fœtus constituent un large spectre d’affections hétérogènes de gravité et de pronostic variables. Le dépistage de la plupart de ces malformations peut être réalisé précocement grâce à l’échographie. Vers la fin du 1er mois, le phénomène de délimitation transforme l’embryon plat en une structure cylindrique. Les différents feuillets (céphalique, latéral, caudal) vont alors fusionner en région ventrale, formant ainsi la paroi abdominale antérieure du fœtus. Vers 7-8 SA, l’anse iléale primitive s’allonge rapidement et se développe en dehors de l’abdomen en faisant hernie dans le cœlome du cordon à travers l’ombilic : c’est la hernie physiologique. Le phénomène de réduction permet une réintégration des anses intestinales avant 12 SA. Si une anomalie survient, le défect pariétal peut siéger :





Le diagnostic anténatal doit permettre de préciser le type de malformation et de rechercher l’existence de malformations ou d’anomalies du caryotype associées.


Dans ce chapitre, nous ne détaillerons pas les cœlosomies supérieures qui sont des malformations graves pour lesquelles l’interruption médicale de grossesse peut être discutée.



Laparoschisis



Définition et physiopathologie


Le laparoschisis correspond à une aplasie de la paroi abdominale antérieure située à droite de l’implantation du cordon qui est normale. L’intestin éviscéré est toujours le siège d’une malrotation et d’une absence de fixation secondaire à la paroi abdominale postérieure. L’aplasie est toujours de petite taille et intéresse tous les plans : péritoine, muscles et peau. Le cordon ombilical est normal et quasiment toujours séparé de l’orifice pariétal par un pont cutané intact. Plusieurs hypothèses pathogéniques ont été proposées [1] :




La fréquence du laparoschisis est de 1 à 2,5 pour 10 000 naissances avec une égale fréquence entre les deux sexes. L’augmentation de l’incidence laisse supposer l’implication de facteurs tératogènes environnementaux [4]. L’incidence des malformations associées (souvent d’origine ischémique comme une arthrogrypose distale, une schizencéphalie) est rare (8,6 %) et le risque d’anomalie chromosomique n’est pas augmenté [5].


L’exposition prolongée de l’intestin dans le liquide amniotique est responsable d’une réaction inflammatoire appelée périviscérite (péritonite chimique). Les anses sont œdématiées et s’épaississent par des dépôts fibrineux, ce qui réduit leur mobilité. S’associe à cela un mécanisme ischémique d’origine mécanique par compression des vaisseaux mésentériques au niveau du collet pariétal. Dans les formes sévères, cette ischémie intestinale peut se compliquer de sténose, d’atrésie du grêle (11 %), voire parfois de nécrose iléale [1, 6].




Critères pronostiques


Le pronostic est bon avec un taux de survie dépassant les 90 %. En cas de périviscérite sévère, le pronostic néonatal immédiat peut être compromis et la morbidité postnatale augmentée. La réintégration des anses intestinales responsable d’une augmentation délétère de pression abdominale et d’une accentuation des phénomènes ischémiques peut compromettre le pronostic vital. Il est donc judicieux de tenter de définir des critères prédictifs de ces complications. La surveillance échographique mensuelle jusqu’à 30 SA, puis hebdomadaire, permet d’évaluer certains critères prédictifs de l’évolution et du « bien-être » fœtal :



la présence d’une dilatation modérée des anses est fréquente (fig. 17.1) ; cependant, au-delà de 18 mm de diamètre, le pronostic en termes de morbidité s’aggrave (la spécificité de ce signe est de 75 %, risque accru de résection intestinale, allongement de la durée d’alimentation parentérale, malabsorption) [7, 8]. Une dilatation associée des anses intra-abdominales serait de moins bon pronostic. Par ailleurs, une dilatation intra-abdominale des anses associée à une diminution du volume des anses extériorisées (fig. 17.2) (voire même une disparition), peut être le signe d’une nécrose des anses extériorisées (fig. 17.3) ;


un RCIU est fréquent du fait de la diminution du périmètre abdominal par hernie des viscères. Il serait également dû à l’atteinte fonctionnelle du grêle qui perd par transsudation des nutriments indispensables à la croissance fœtale. Il est pour Nicholas et al. [11] associé à une plus grande morbi-mortalité postnatale (seul critère reconnu d’évolution défavorable). À l’opposé, Santiago-Munoz et al. [12] considèrent que le RCIU est commun et est seulement associé à un délai de fermeture plus long (64 versus 25 % de fermeture différée) ;






Prise en charge de la grossesse et surveillance fœtale


Une échographie sera réalisée une fois par mois à partir du diagnostic jusqu’à 30 SA puis tous les 15 jours ou toutes les semaines jusqu’au terme. On évaluera la croissance et les Doppler fœtaux à la recherche de signes de souffrance, ainsi que la quantité de liquide amniotique (oligoamnios dans 20 % des cas), et on surveillera l’aspect et la dilatation des anses extériorisées (surtout après 28–30 SA au niveau de l’anse sentinelle). Devant le risque accru de souffrance fœtale de ces fœtus (RCIU et ischémie digestive), il est recommandé de réaliser une surveillance quotidienne du rythme cardiaque fœtal à partir de 32 SA et de prévoir une maturation pulmonaire fœtale par corticoïdes (prématurité induite).


Les résultats sont discordants dans la littérature [1315] sur l’intérêt des amnio-échanges pour ralentir le développement de la périviscérite. Un essai randomisé multicentrique est actuellement en cours en France afin d’évaluer leur intérêt. Ceux-ci sont réalisés toutes les 2 semaines entre 30 et 36 SA.


Il n’existe pas de consensus sur le terme et la voie d’accouchement. Il semble bien établit que les fœtus nés prématurément mais sans signes échographiques défavorables rattrapent les courbes de morbidité des fœtus nés au-delà de 37 SA. Le fait d’éviter une majoration tardive des lésions digestives est à mettre en balance avec les potentielles complications de la prématurité. La méta-analyse de Segel et al. [16] n’a pas montré d’avantage de la césarienne par rapport à la voie basse en termes de morbidité, de mortalité, de durée d’alimentation parentérale et d’hospitalisation. Cependant, ces fœtus fragiles, qui présentent souvent un retard de croissance, ont des épisodes d’altérations du rythme cardiaque fœtal fréquents en dehors mais aussi pendant le travail, ce qui conduit à un grand nombre de césariennes.




Traitement chirurgical (fig. 17.4)


L’intervention a lieu rapidement après stabilisation hémodynamique. Sous anesthésie générale, on réalise une inspection prudente du grêle éviscéré à la recherche de lésions associées (atrésie-perforation), puis une réintégration des anses intestinales après lavement est tentée en un temps lorsque cela est possible (80 % des cas dans la littérature). La mise en évidence de complications nécessite un traitement préliminaire : soit résection-anastomose si la qualité de la paroi intestinale permet le geste sans difficulté, soit jéjuno- ou iléostomie en amont de la perforation ou de l’atrésie puis traitement de l’atrésie dans un 2e temps.



Le plus souvent la réintégration et la fermeture primitive peuvent être réalisées. Cependant, pour que la pression de ventilation ne soit pas trop élevée, on peut être amené à mettre en place une plaque prothétique de type Gore-Tex venant combler le défect musculo-aponévrotique qui sera élargi. La mise en place d’un cathéter central pour assurer un support nutritionnel parentéral postopératoire est systématique. L’intubation et la curarisation sont maintenues jusqu’à la normalisation des pressions intra-abdominales et la reprise de la diurèse. Le transit est en revanche retardé par un iléus postopératoire et, par conséquent, la nutrition parentérale est souvent nécessaire pour des durées variables en fonction des protocoles. L’utilisation d’un protocole de minimal enteral feeding semblable à celui utilisé pour les prématurés devrait permettre de diminuer la morbidité de ces enfants [17].


Les complications postopératoires sont :





Le pronostic à long terme des laparoschisis est bon sous réserve d’une malformation isolée avec une prise en charge adaptée dans un centre de référence. Les parents doivent être informés du long parcours de cette prise en charge médicochirurgicale de façon multidisciplinaire par les obstétriciens, les pédiatres, les chirurgiens et les réanimateurs pédiatriques en anténatal.



Omphalocèle





Diagnostic anténatal


Le diagnostic prénatal d’omphalocèle impose la recherche d’anomalies associées (67 à 88 % des cas) [18] par une échographie en milieu spécialisé et un caryotype obtenu par biopsie de trophoblaste ou amniocentèse. Les anomalies les plus fréquentes regroupent :






Des anomalies chromosomiques sont associées à une omphalocèle dans 10 à 15 % des cas lorsqu’elle est isolée et jusqu’à 40 % des cas lors d’associations malformatives. Un caryotype doit donc toujours être réalisé. Celles-ci peuvent déboucher sur une demande d’IMG par le couple.


Les petites omphalocèles au contenu purement intestinal s’accompagnent d’une plus grande fréquence d’anomalies chromosomiques. Lorsque les omphalocèles sont de grande taille, les risques sont néonataux avec une fermeture chirurgicale plus difficile et plus longue (réintégration progressive des anses herniées) avec des risques de mauvaise tolérance cardiorespiratoire.


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Jul 8, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 17: Malformations de la paroi abdominale et du diaphragme

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