17: Les paraphilies

Chapitre 17 Les paraphilies




Terminologie et définitions


Le terme de « paraphilie » a été introduit en 1983 par le DSM-III alors que les troubles qu’il désigne étaient considérés comme des « perversions sexuelles » dans les classifications antérieures, notamment dans la CIM-8 (1965). Ils ont été qualifiés de « déviations sexuelles » dans la CIM-9 (1975) et sont devenus des « troubles de la préférence sexuelle » dans l’actuelle CIM-10 (1993). Parallèlement, depuis les années quatre-vingt-dix, dans un contexte de médiatisation d’affaires graves, notre société a décidé de réagir et il est souvent question de délinquants ou de criminels sexuels, d’agresseurs ou d’abuseurs. Ainsi, une Conférence de consensus [3] a été organisée en France en 2001 sur « les auteurs d’agression sexuelle » et la Haute autorité de santé (HAS) vient de publier des recommandations sur leur prise en charge [4]. Ce problème de terminologie a son importance car il contribue à une confusion entre le champ clinique et le champ pénal. Ce dernier couvre seulement ce qui est interdit par la loi, c’est-à-dire, en matière de sexualité, les comportements susceptibles de troubler l’ordre public ou d’attenter à la liberté d’autrui, adulte non consentant ou mineur inapte à consentir. Le champ clinique, qui est plus étendu, s’intéresse avant tout à ce qui est considéré comme pathologique. Tout auteur d’une infraction sexuelle n’est pas obligatoirement atteint de troubles psychosexuels. À l’inverse, un grand nombre d’individus atteints de tels troubles n’ont pas commis et ne commettront pas d’infractions sexuelles. Le DSM-IV donne une définition générale des paraphilies ; ce sont : « des fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, des impulsions sexuelles ou des comportements survenant de façon répétée et intense, et impliquant : 1. des objets inanimés, 2. la souffrance ou l’humiliation de soi-même ou de son partenaire, 3. des enfants ou d’autres personnes non consentantes, et qui s’étendent sur une période d’au moins 6 mois (critère A). » Cette définition est issue des notions classiques de fantasmes envahissants, de pulsions, d’anomalies dans le choix de l’objet ou la nature de l’acte qui peuvent favoriser des troubles des conduites sexuelles. Les propositions actuellement en discussion pour le DSM-5 sont résumées dans le tableau 17.1. En ce qui concerne le concept de perversion, on notera tout d’abord que l’adjectif pervers renvoie à perversion mais aussi à perversité, ce qui entretient une ambiguïté car, d’une part, la perversité (goût pour le mal) peut se manifester dans tous les domaines y compris sexuels, et d’autre part, une perversion sexuelle n’est pas forcément associée à une perversité de caractère. On notera ensuite que le concept même de perversion est de plus en plus dépassé parce qu’il se réfère à une notion de constitution, héritée des anciennes théories sur la dégénérescence. Certains parlent plutôt de « champ pervers » [2] en soulignant qu’aucune personnalité n’est totalement perverse.




Critères pathologiques


La normalité sexuelle, si elle existe, varie selon les cultures et les époques et même selon les milieux d’une même société, milieu urbain, rural, artistique, etc. On sait par ailleurs que la sexualité humaine comporte des « jeux érotiques » très polymorphes dans leur expression.


Le critère pathologique le plus couramment admis en médecine est celui de la souffrance du sujet. Cette souffrance est souvent liée à des fantasmes ou à des activités sexuelles non maîtrisées et peut se manifester psychiquement par des troubles anxieux ou dépressifs, par des velléités suicidaires ou même par des désordres psychosomatiques. C’est un critère retenu par le DSM-IV puisqu’une paraphilie est à l’origine d’un « désarroi » prononcé ou de difficultés interpersonnelles. Un autre critère pathologique, plus spécifique, est le caractère exclusif de la paraphilie, au-delà d’une simple orientation préférentielle. Il sous-entend que toute autre pratique est dénuée d’intérêt sexuel, source d’impuissance ou de frigidité, voire d’aversion. C’est souligner que peuvent coexister des paraphilies et des dysfonctions sexuelles (cote F52.9) partielles ou sélectives. De même, les excès sexuels qualifiés « d’activité sexuelle excessive » dans la CIM-10 (F52.7) peuvent s’associer à des paraphilies et favoriser la commission d’infractions sexuelles (cf. tableau 17.1).


Enfin, le critère de la perte du libre arbitre et du défaut de maîtrise peut être retenu s’il correspond à une perte de contrôle en rapport avec une pulsion supposée incoercible. Mais la frontière à partir de laquelle la sexualité bascule du registre du désir dans celui de la dépendance reste floue.



Description clinique




Caractéristiques cliniques et psychopathologiques


Parmi les paraphilies à l’origine d’infractions sexuelles et de demandes de soins les plus fréquentes sont, selon le DSM-IV, l’exhibitionnisme et la pédophilie. Elles seront détaillées ci-dessous ; les autres paraphilies seront seulement définies. Il est proposé pour le DSM-5 deux nouvelles entités (cf. tableau 17.1)




Pédophilie (cf. tableau 17.1)


Tout acte pédophile n’est pas obligatoirement commis par un pédophile et tout pédophile ne passe pas nécessairement à l’acte.



L’acte pédophile


En s’inspirant des critères du DSM-IV (cf. aussi tableau 17.1), on peut le définir comme une activité sexuelle avec un enfant, garçon ou fille, prépubère. L’enfant est habituellement âgé de 13 ans au plus ; l’âge minimum du pédophile est arbitrairement fixé à 16 ans et la différence d’âge avec l’enfant est au moins de cinq années. On doit tenir compte à la fois de la maturité sexuelle de l’enfant et de la différence d’âge. Juridiquement, le mot pédophile ne figure pas dans le code pénal, mais les peines encourues sont aggravées lorsque ces agressions ont été imposées à un mineur de 15 ans.



Actes pédophiles symptomatiques d’une anomalie mentale


Seront envisagés ici les troubles mentaux susceptibles de favoriser de tels actes :



déficience intellectuelle : il s’agit le plus souvent de sujets atteints de débilité légère ou moyenne, très immatures, qui sont restés infantiles et ont, en quelque sorte, l’âge mental de leur victime ;


détérioration débutante : la levée de toute inhibition qui accompagne parfois de tels processus peut entraîner des actes d’exhibition ou des attouchements à l’encontre d’enfants par des adultes du troisième âge, qui n’avaient auparavant aucune tendance pédophilique et dont le comportement est considéré en première analyse comme particulièrement scandaleux. La fréquence de cette situation semble croître avec le ralentissement du vieillissement qui peut « désynchroniser » les différentes fonctions impliquées. Il est assez caractéristique des démences frontales ;


TOC à thème pédophile : la compulsion « sacrilège » se manifeste sous forme d’idées pédophiliques obsédantes avec ou sans passage à l’acte. Celui-ci est alors précédé d’une lutte anxieuse très éprouvante ; il s’accompagne d’un soulagement, immédiatement suivi d’un profond sentiment de culpabilité ;


trouble bipolaire : c’est au cours d’un accès maniaque qu’un acte de pédophilie peut-être commis ;


troubles psychotiques : chez le schizophrène, il ne s’agit pas d’une tendance pédophilique mais d’agressions sexuelles sur des mineurs dont l’âge est occulté dans un contexte de discordance et de troubles relationnels, surtout au cours de la période débutante de la maladie. Mais de tels passages à l’acte sont rares dans cette affection ;


alcoolisme et toxicomanie : le problème est alors de repérer si l’acte de pédophilie est induit par l’effet désinhibiteur, voire sexuellement stimulant, du toxique, ou si cet effet a révélé une pédophilie latente.

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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 17: Les paraphilies

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