15. Pathologie hypoxique-ischémique et/ou hémorragique chez le nouveau-né prématuré

Chapitre 15. Pathologie hypoxique-ischémique et/ou hémorragique chez le nouveau-né prématuré

description clinique



Remarques préliminaires

Les préliminaires anatomiques et physiologiques de la partie I vont trouver ici tout leur intérêt; ils rendent compte des périodes dangereuses, de la pathologie périnatale et des séquelles neurologiques. Les complications hémorragiques sont les plus spectaculaires, mais les lésions cellulaires sont les mieux corrélées à l’avenir lointain; leur coexistence est bien connue si leur interrelation l’est moins [1]. La période à risque de complications hémorragiques est surtout postnatale; en effet, ce sont les problèmes liés à l’immaturité pulmonaire qui vont rendre la période postnatale particulièrement périlleuse; hypoxie et ischémie dues aux altérations des échanges gazeux et aux troubles hémodynamiques vont être à l’origine de la pathologie hémorragique dans les jours qui suivent la naissance.

La période à risque de lésions parenchymateuses cérébrales est à la fois pré- et postnatale : lorsque l’infection bactérienne maternofœtale est la cause de la prématurité, des phénomènes défavorables comme la libération de cytokines, déjà présentes à des taux élevés avant même la naissance prématurée, vont précéder l’effet pathogène de l’HI postnatale. Ces situations sont à l’origine des LPV les plus sévères. Plus rarement, des lésions au stade séquellaire peuvent déjà être présentes à la naissance, en cas d’insuffisance placentaire par exemple; dans ce cas, le prématuré a déjà un cerveau lésé depuis plusieurs semaines lorsqu’il naît, spontanément ou par décision médicale.

Le siège des lésions parenchymateuses est surtout périventriculaire, dans les axones et le tissu glial qui forment la substance blanche; la vulnérabilité spécifique des préOL et OL immatures rend compte du risque élevé entre 22 et 33 SA. Les lésions sont particulièrement destructrices chez le prématuré; en effet, le tissu cérébral est encore peu structuré, très riche en eau, très fragile, et son réseau capillaire est immature.

Les AG les plus vulnérables sont différents pour les deux types de lésions, hémorragiques ou parenchymateuses. Pour les HIV, le risque est inversement proportionnel à l’AG : plus celui-ci est bas, plus le risque hémorragique est élevé. Pour les LPV, la période de vulnérabilité maximale se situe entre 27 et 33 SA. Pour ces deux pathologies, le risque devient faible à 33–34 SA, il persiste cependant jusqu’à 40 SA.


Hémorragie de la zone germinative et intraventriculaire

hémorragieszone germinativehémorragiesintraventriculairesLes principales caractéristiques des lésions chez le nouveau-né prématuré sont résumées au tableau 15.1.


















Tableau 15.1 Principales caractéristiques des hémorragies de la zone germinative et intraventriculaire chez le nouveau-né prématuré
Lésions : congestion et hémorragie dans la ZG


– puis rupture de l’épendyme et écoulement du sang vers les ventricules


– chronologie postnatale précoce (premiers jours)
Histoire gestationnelle et obstétricale : prématurité


– risque inversement proportionnel à l’AG


– facteur aggravant : difficultés mécaniques (en particulier extraction en présentation de siège)


– salle de naissance : détresse respiratoire + difficultés hémodynamiques
Signes neurologiques : non caractéristiques


– aggravation inexpliquée chez un enfant ventilé
ETF précoce


– fait le diagnostic


– définit les stades I, II et III


– définit infarctus veineux ou LPV associés
ETF du premier mois


– montre la résorption du sang en une dizaine de jours


– ou le début d’une hydrocéphalie obstructive


– évalue l’atrophie cérébrale secondaire aux éventuelles lésions tissulaires associées
Situation à 40 SA âge corrigé


– ETF et examen clinique normaux dans la majorité des stades 1 et 2 sans lésions associées
Séquelles cérébrales


– liées aux lésions tissulaires associées ou à une hydrocéphalie obstructive


Rappel physiologique

Les faits essentiels sont les suivants :


• le site de l’hémorragie dépend de la vulnérabilité de la ZG;


• l’extension de l’hémorragie se fait vers le système ventriculaire;


• un infarctus veineux périventriculaire peut compliquer une HIV étendue;


• des lésions HI de la substance blanche (LPV) peuvent être associées.

Le phénomène initial se produit dans la ZG elle-même, assemblage de cellules immatures très richement vascularisé. Toute variation de débit cérébral (et l’autorégulation cérébrale fonctionne imparfaitement chez le prématuré hypoxique), toute difficulté du retour veineux va créer une stase capillaire et veineuse dans cette zone fragile; la paroi même des capillaires peut être lésée par l’HI. Tous ces facteurs aboutiront dans un premier temps à une hémorragie dans la ZG et dans les plexus choroïdes, très vascularisés. Ces hémorragies surviennent le plus souvent dans les premières 48 heures après la naissance, parfois plus tard.

L’hémorragie peut s’arrêter là, se limiter à la ZG, mais elle peut aussi entraîner la rupture de l’épendyme et faire irruption dans le ventricule latéral, en créant une HIV uni- ou bilatérale : d’abord sans distension si le saignement s’arrête assez vite, puis avec distension si le saignement est abondant; le sang va s’écouler, comme le LCR, vers les troisième et quatrième ventricules, sortir par les trous de Magendie et de Luschka, et se répandre dans l’espace arachnoïdien, les citernes péricérébelleuses et l’espace périmédullaire (quelques heures après la rupture, la ponction lombaire montre un LCR uniformément sanglant et incoagulable).

Cette succession d’événements dans les premiers jours de la vie était bien connue des anatomopathologistes; elle est vérifiée par les échographistes, le sang dans le tissu de la ZG et dans les ventricules latéraux étant très facilement visible par l’ÉTF.

Que va devenir cette hémorragie? Elle va se résorber en une dizaine de jours en moyenne. Elle laisse derrière elle, de façon variable selon l’abondance de l’hémorragie, un certain délabrement tissulaire (parfois kystique) dans la ZG et une réaction gliale; elle laisse un épendyme ventriculaire tapissé d’hémosidérine, comme trace rétrospective, mais surtout elle comporte un risque de blocage de la circulation du LCR; les deux zones sensibles sont l’aqueduc de Sylvius d’une part, les trous de Magendie et de Luschka d’autre part. Une hydrocéphalie avec hyperpression en amont en est la conséquence.

Ces connaissances sur la physiopathologie de l’HIV ont orienté la prévention postnatale : il convient dès les premières minutes de la vie d’éviter les fluctuations circulatoires brutales, en raison des imperfections de l’autorégulation. Il faut favoriser les échanges gazeux (surfactant, ventilation adaptée) pour maintenir oxygénation et équilibre acidobasique, limiter les manipulations. C’est grâce à l’ensemble de cette prévention immédiate que l’on a pu constater une baisse historique de l’incidence de l’HIV : voisine de 40 à 50 % en 1990, elle se situe actuellement autour de 20 %.


Histoire périnatale

On peut retenir du paragraphe Leucomalaciesprécédent que l’HIV, phénomène le plus souvent postnatal (à de rares exceptions près), est liée aux difficultés d’adaptation cardiopulmonaires du très jeune prématuré, et considérer que c’est donc l’AG qui est le facteur déterminant essentiel. Ceci est parfaitement vérifié par les données épidémiologiques qui montrent que l’incidence des HIV est inversement proportionnelle à l’AG, pour atteindre les chiffres les plus élevés (45 % chez les 24– 26 SA) aux AG très bas et les chiffres les plus bas après 33 SA.

Cependant, les circonstances obstétricales ne sont pas complètement innocentes, en particulier en cas de présentation du siège : toute manœuvre d’extraction ou difficulté mécanique va être un facteur favorisant pour ce type de saignement postnatal, sans doute en aggravant la stase dans un tissu très fragile et mal protégé par une voûte crânienne encore peu ossifiée. C’est pour cette raison que la césarienne sera souvent proposée pour un prématuré en présentation du siège.

La prévention ne commence donc pas à la minute de la naissance : l’utilisation des corticoïdes pour accélérer la maturation pulmonaire devant une menace d’accouchement prématuré et l’indication facile d’extraction par césarienne participent largement à la diminution du risque d’HIV.


Situation postnatale immédiate

Le candidat à l’HIV est un enfant très prématuré, en ventilation assistée pour détresse respiratoire; il est donc par définition inexaminable cliniquement. Parfois, le moment précis où l’hémorragie de la ZG entraîne une inondation ventriculaire peut être soupçonné cliniquement sur une pâleur et une baisse brutale de l’hématocrite, une altération de la réactivité, une distension des sutures. Mais il est évident que le diagnostic est fait sur l’ETF. La gradation de l’HIV est basée sur des mesures précises de volume des ventricules latéraux (VL) sur une vue parasagittale (figures 15.1 et 15.2) et les critères volumétriques définis au tableau 15.2. Il existe malheureusement plusieurs systèmes de gradation, selon l’extension de l’hémorragie, l’absence ou la présence d’une dilatation ventriculaire, lésion de la substance blanche. La gradation représentée au tableau 15.2 est issue du texte de Volpe [2]. D’autres subdivisent le grade II selon l’absence ou la présence de distension ventriculaire et appellent grade III la forme comportant des lésions parenchymateuses [3]. D’autres encore désignent les lésions parenchymateuses sous le terme de grade IV (voir plus bas).








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Figure 15.1
Gradation des hémorragies intraventriculaires schématisée sur coupe coronale.Stade I : l’hémorragie est limitée à la ZG. Stade II : l’hémorragie progresse vers les VL mais sans distension du système ventriculaire. Stade III : l’HIV est bilatérale, avec distension du système ventriculaire.









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Figure 15.2
Hémorragie intraventriculaire stade III et leucomalacies périventriculaires hémorragiques.A. Des lésions de la substance blanche peuvent se constituer à côté d’une HIV sévère. B. La nécrose tissulaire hémorragique peut être si délabrante qu’elle finit par communiquer avec le ventricule, pour faire une seule énorme image.
























Tableau 15.2 Catégorisation échographique des hémorragies intraventriculaires avec mesures des ventricules latéraux sur une vue parasagittale
Description % d’augmentation de la surface ventriculaire Catégorie
ZG ± HIV minime < à 10 % Grade I : mineur
HIV uni- ou bilatérale avec distension modérée 10 à 50 % Grade II : modéré
HIV bilatérale avec distension majeure > à 50 % Grade III : sévère
Hyperéchogénicité décrite selon son siège et son étendue
Images parenchymateuses associées (ou grade IV)

Une HIV de stade I, II ou III, mais surtout de stade III, aura parfois pour conséquence un infarctus veineux plus ou moins étendu (et souvent unilatéral) de la substance blanche périventriculaire. Les arguments en faveur de cette pathologie liée à une obstruction des veines terminales sont les suivants :


• association à une HIV sévère entraînant une gêne au retour veineux;


• apparition souvent légèrement décalée dans le temps par rapport à l’HIV;


• siège du même côté que l’HIV;


• obstruction des veines terminales visible en écho-Doppler.

La cicatrisation de cette zone nécrotique se fera vers une grande cavité kystique, communiquant ou non avec le VL. Dans d’autres cas, des LPV se constitueront parallèlement à l’HIV, et pour les mêmes raisons : immaturité et HI.

Cette association est illustrée à la figure 15.2; la nécrose hémorragique peut être non communicante (A) ou communicante (B) avec le ventricule latéral; le pronostic est avant tout lié à l’étendue et à la sévérité des lésions tissulaires ainsi qu’à l’atrophie cérébrale qui lui succédera. Un certain nombre d’enfants ne vont pas survivre aux complications de ces premiers jours, et le risque vital est d’autant plus menaçant que l’AG est bas.

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May 9, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 15. Pathologie hypoxique-ischémique et/ou hémorragique chez le nouveau-né prématuré

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