Chapitre 14 Tumeurs de l’ovaire
• Diagnostiquer une tumeur de l’ovaire à développement pelvien et mettre en route la thérapeutique la plus appropriée. (A)
• Diagnostiquer une torsion de kyste de l’ovaire et mettre en route la thérapeutique la plus appropriée. (A)
• Énumérer les principales complications d’un kyste de l’ovaire. (B)
• Exposer la classification histologique des tumeurs de l’ovaire. (C)
• Expliquer les modalités thérapeutiques d’une tumeur maligne de l’ovaire. Préciser les chances de survie à 5 ans. (C)
• Surveiller une femme traitée pour une tumeur maligne de l’ovaire. (A)
Les tumeurs de l’ovaire représentent un des problèmes les plus difficiles de la pathologie gynécologique sur le plan de la clinique, de l’histologie et du pronostic étant donné le polymorphisme qu’elles revêtent. Le problème est d’autant plus important qu’il s’agit d’une affection dont la fréquence est actuellement en augmentation (10 pour 100 000 habitants) et tient, aux États-Unis et au Canada, le 5e rang des cancers de la femme après les tumeurs du sein, du côlon, du col et du corps de l’utérus. On estime en France qu’il y a environ 4000 nouveaux cas par an. L’incidence est de 12 à 14 pour 100 000 et de 50/100 000 dans la tranche d’âge de 55 à 65 ans. Mais ce cancer reste redoutable puisque le taux global de survie ne dépasse pas 40 % à 5 ans, ce qui témoigne de la gravité de cette affection et en fait la troisième cause de mortalité chez la femme – 3285 décès en 1996 en France (Sasco, 2001).
Ces notions impliquent donc que, devant toute tumeur suspecte de l’ovaire, deux règles s’imposent :
À l’inverse, très peu de tumeurs de l’ovaire sont malignes (1 à 3 %) selon le statut pré- ou postménopausique et il faut donc savoir devant un kyste simple asymptomatique ou non suspect prendre son temps afin d’éviter bon nombre de cœlioscopies inutiles.
Étude épidémiologique
Elle est plus décevante que dans les autres cancers gynécologiques car elle ne permet pas d’individualiser une population à risque sur laquelle faire porter un effort de dépistage. Cependant on peut dire que :
l’incidence des cancers de l’ovaire a doublé entre 1950 et 1980 dans tous les pays industrialisés ;
il existe des facteurs familiaux. Le risque est de 5 % (contre 1,2 %) lorsqu’une parente du premier degré (mère, sœur ou fille) est atteinte, il est de 7 % quand plusieurs parentes du premier degré sont atteintes. Il peut atteindre 40 % s’il y a dans la famille association de cancer de l’ovaire, du sein ou du côlon et de l’endomètre pour le syndrome de Lynch II. Le risque le plus important est lié à une mutation du gène BCRA-1 porté par le bras long du chromosome 17. Le risque relatif est de 65 % à 70 ans (Lynch et al., 1991 et 1997). BCRA-2 accroît aussi le risque (RR × 18) ;
la fréquence augmente chez les nullipares, les femmes stériles ;
les traitements inducteurs de l’ovulation augmenteraient peut-être ce risque (Whittemore, 1994) ;
la prise d’un estroprogestatif pendant 5 à 10 ans diminue le risque de moitié de même que la ligature tubaire. À l’inverse, le traitement médical substitutif de la ménopause majore le risque de cancer de l’ovaire. Ces risques sont mal connus des médecins et des patientes.
Du fait de ces données épidémiologiques, il n’y a pas actuellement de dépistage recommandé pour le cancer de l’ovaire.
Étude anatomopathologique
L’examen anatomopathologique est absolument nécessaire en présence d’une tumeur de l’ovaire même si elle paraît macroscopiquement bénigne car elle peut être maligne ou frontière et chaque forme histologique a son évolution propre. De nombreuses classifications existent : opératoire, macroscopique (permettant de poser les indications opératoires) et microscopique, histologique.
Classification macroscopique
Tumeurs en apparence bénignes
Kyste séreux aux parois minces et au liquide citrin, sans végétation extra- ou intrakystique.
Kyste dermoïde contenant une substance pâteuse avec des débris embryonnaires (poils, dents, os).
Kyste mucoïde rempli de liquide visqueux.
Kyste endométrioïde contenant un liquide épais de couleur chocolat.
Classification microscopique
L’examen microscopique est toujours nécessaire car une lésion macroscopiquement d’aspect bénin peut se révéler au microscope une tumeur maligne.
On distingue les tumeurs suivantes (planche 14.1).
Tumeurs du revêtement ou épithéliales communes
Elles représentent 80 % des tumeurs ovariennes et comprennent les tumeurs suivantes :
tumeurs séreuses, ce sont les plus fréquentes :



tumeurs de Brenner et carcinomes à cellules transitionnelles : elles sont rares (5 % des tumeurs du revêtement). Elles associent dans la même tumeur des territoires bénins à la limite de la malignité ou proliférants ;
carcinomes indifférenciés : ils représentent 15 % des tumeurs épithéliales malignes, dont l’aspect histologique est très polymorphe.
Pour toutes ces tumeurs, on trouve entre les tumeurs bénignes ou malignes des tumeurs dites « à malignité atténuée » ou de faible potentiel malin dites encore « borderline ».
Le grade histologique a une bonne valeur pronostique. Les grades I étant de meilleur pronostic que les grades III.
Tumeurs des cellules germinales
Elles représentent 10 % des tumeurs ovariennes et comprennent les tumeurs suivantes :
dysgerminomes ou séminomes : ce sont des tumeurs malignes qui se voient chez la femme jeune dans la première décade de la vie génitale. C’est pratiquement la seule tumeur maligne de l’ovaire à bon pronostic ;
dysembryomes ou tératomes, ils peuvent être :

Tumeurs du mésenchyme et des cordons sexuels
Elles sont dites également tumeurs endocrines, ce sont les plus rares (3,7 % des tumeurs ovariennes). On distingue :
les tumeurs granulo-thécales (anciennes tumeurs femelles) : tumeurs de la granulosa (rarement sécrétante), thécomes (sécrétants), fibromes (non sécrétants) ;
les tumeurs à cellules de Sertoli et de Leydig (anciennes tumeurs mâles) qui peuvent être des arrhénomes sertoliens (bénins et non sécrétants), des arrhénomes leydigiens (bénins et sécrétants), des arrhénoblastomes contenant des cellules de Leydig et de Sertoli (malins et sécrétants) ;
des gynandroblastomes qui contiennent des contingents de cellules de type femelle et mâle et sont malins et sécrétants.
Autres tumeurs
Les gonadoblastomes qui surviennent sur des gonades dysgénétiques chez les sujets porteurs d’un chromosome Y.
les tumeurs à cellules lipidiques souvent classées dans les tumeurs endocrines (bénignes).
les tumeurs secondaires ou métastasiques d’un cancer digestif (tumeur de Krukenberg), d’un cancer du sein ou de l’endomètre.
Étude clinique
Le diagnostic des tumeurs de l’ovaire va se poser dans des circonstances variables. Il doit toujours conduire à l’échographie pelvienne et endovaginale avec doppler de façon à ce que le diagnostic et le traitement de ces tumeurs soient faits le plus précocement possible.
Circonstances de découverte
Forme habituelle
Une tumeur à développement pelvien peut se révéler par des troubles des règles tels qu’une aménorrhée ou une dysménorrhée, des douleurs pelviennes diffuses ou le plus souvent par la découverte, au cours d’un examen systématique, de l’existence d’une masse annexielle.
L’examen clinique doit préciser les caractères de cette tumeur : son volume, sa consistance, sa sensibilité. À l’examen au spéculum, le col peut être dévié, refoulé d’un côté ou de l’autre, ou attiré vers le haut. Le toucher vaginal précise la déviation du col, la masse latéro-utérine indépendante de l’utérus (sillon séparant l’utérus et la masse pathologique) ; les mouvements imprimés à cette masse ne sont pas transmis à l’utérus. Le toucher rectal précise la tumeur enclavée dans le cul-de-sac de Douglas.
Complications (planche 14.2)
C’est plus fréquemment une torsion de la tumeur ovarienne qui conduit la patiente à l’hôpital dans un tableau d’urgence opératoire.
Le début très brutal chez une femme en bonne santé apparente est marqué par :
des douleurs abdominopelviennes vives, sans température, intolérables ;
parfois un état de choc avec sueurs froides, tachycardie, et pâleur de la face.
la température est normale le plus souvent ;
l’abdomen ne présente pas de contracture vraie mais une défense nette ;
le toucher vaginal, bien que difficile à pratiquer à cause de la douleur, permet de percevoir une masse latéro-utérine très douloureuse et fixée.
L’échographie endovaginale faite en salle d’examen permet parfois de voir la tumeur à contenu hématique ou hétérogène avec un œdème périphérique, le doppler montre l’absence de vascularisation artérielle. Parfois, il n’y a que très peu de signes échographiques.
L’intervention s’impose d’urgence parfois sur une simple suspicion de torsion d’annexe.
Cependant, le tableau est souvent moins typique, et on peut se trouver devant des formes trompeuses évoquant une péritonite (existence de contracture), une occlusion par l’importance du météorisme ou même une appendicite par la présence d’une douleur de la fosse iliaque droite.
Les hémorragies et la rupture : elles s’associent souvent à la torsion, réalisant un tableau d’épanchement péritonéal avec des signes de choc et d’anémie évoquant une GEU (urgence abdominale) ou à la rupture, donnant alors un tableau dramatique de péritonite aiguë par perforation :
L’infection, elle est le plus souvent le fait d’un kyste dermoïde. Elle peut être aiguë, évoquant un pyosalpinx, l’abcès ovarien est rare sauf après ponction (par exemple pour prélèvement d’ovocyte en FIV). s’il existe un kyste endométrioïde :
À l’examen, il existe une masse très douloureuse latéro- ou rétro-utérine. L’échographie permet d’objectiver une image kystique à contenu plus ou moins échogène. L’évolution sans intervention se fera vers la rupture intrapéritonéale de cette masse et surtout sa fistulation dans le sigmoïde. L’intervention devra être encadrée par un traitement antibiotique. En cas d’infection subaiguë ou chronique, ce sera un tableau d’épisodes douloureux avec fièvre et hyperleucocytose.
Circonstances de découverte très suspecte de malignité ; existence d’une ascite
L’ascite est d’abondance variable, entraînant une infiltration diffuse du petit bassin. Il y a une altération de l’état général, des douleurs pelviennes.
Le toucher vaginal retrouve la tumeur ovarienne qui donne le signe du glaçon dans un cul-de-sac latéral et quelquefois un blindage du petit bassin. Il existe de plus une circulation collatérale.
Syndrome endocrinien



Enfin, la grossesse peut être une circonstance exceptionnelle du diagnostic :
Examens complémentaires
Échographie
Elle est l’examen essentiel. Par voie externe ou mieux vaginale, elle a transformé le problème du diagnostic des tumeurs de l’ovaire.
Elle peut permettre de suspecter la nature de la lésion (planche 14.3).
Planche 14.3 L’échograhie dans les tumeurs de l’ovaire



a. Aspect normal des ovaires par échographie endovaginale.
b. Kyste de l’ovaire à paroi fine (écho-endovaginale).
c. Masse ovarienne pleine : kyste dermoïde de l’ovaire.
d. Aspect échographique d’un kyste mucineux (écho-endovaginale).
e. Tumeur maligne de l’ovaire avec ascite (coupe transversale, écho-abdominale).

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