Chapitre 13 Salpingites aiguës non tuberculeuses1
En France, on estimait en 1995 le nombre de salpingites à 130 000 cas par an. La base PMSI indique que 8 000 femmes seulement ont été hospitalisées en secteur public ou privé pour une salpingite en 2010. Ce faible chiffre n’est pas le reflet de l’incidence de l’affection car les infections à Chlamydia et à gonocoques augmentent actuellement chez les femmes (Herida, 2004, InVS, 2008) et bon nombre de salpingites sont peu symptomatiques ou sont traitées (plus ou moins bien) en ambulatoire. Une enquête anglaise a montré qu’un généraliste en voyait une pour 60 consultations de femmes de moins de 45 ans (Sims et al., 2000).
d’un diagnostic précoce et précis ;
d’un traitement antibiotique et corticoïde puissant et prolongé.
Pourquoi fait-on une salpingite ?
L’agent causal : le partenaire ou le médecin
Le médecin
lors d’une révision utérine sans asepsie ;
en laissant après l’accouchement un fragment de placenta ou de membrane ;
en inoculant l’endomètre lors d’un curetage ;
en pratiquant une IVG, qui provoque une rétention placentaire dans 2 à 3 % des cas ;
en posant un stérilet, surtout si on a négligé de traiter une infection cervicovaginale ou si les règles d’asepsie ne sont pas respectées (Steen, 2004) ;
en pratiquant une exploration (HSG, hystéroscopie, biopsie d’endomètre) sans asepsie ou surtout chez une patiente présentant une vulvovaginite ou ayant une infection génitale ancienne qu’il va réveiller : 1 à 2 % des cas (tableau 13.1).
Hystérosalpingographie Insufflation tubaire Hydrotubation Biopsie cervicale Biopsie d’endomètreHystéroscopie Sondes endocavitaires (curiethérapie) | Stérilets (DIU) Interruption volontaire de grossesse (IVG) Révision utérine |
Les germes en cause
On individualise quatre groupes (tableau 13.2) :
Chlamydia trachomatis (sérotype D à K) se propage par voie génitale, sa croissance et sa multiplication ne peuvent se faire que dans les cellules vivantes. Vingt pour cent des femmes présentant une chlamydiose génitale basse feraient une salpingite, 3 % développeraient une stérilité séquellaire car in vivo ce germe est responsable de lésions tubaires majeures : fibrosclérose tubaire, phénomènes adhérentiels (Paavonen et al., 1999). Les infections à Chlamydia sont actuellement en augmentation en France (InVS, 2008) ;
le gonocoque(bactérie pathogène spécifique) apporté par voie sexuelle déposé dans le vagin, il envahit rapidement la muqueuse endocervicale. Dix à vingt pour cent des porteuses de gonocoques développent une salpingite. Le réseau Renago (Herida, 2004) a observé en France une augmentation du nombre des gonoccies surtout chez les femmes entre 1998 et 2008 et une augmentation de la résistance à la ciprofloxacine (InVS, 2008). Cette augmentation est également observée en Angleterre ou 14 % des salpingites sont dus au gonocoque (RCOG, 2003) ;
• Mycoplasma genitalium. Bactérie identifiée en 1980 comme responsable de deux urétrites masculines (Tully, 1981), elle fut l’une des premières bactéries dont le génome a été séquencé (Fraser, 1995). Elle est soupçonnée actuellement de posséder un pouvoir pathogène pour l’appareil génital comparable à celui des Chlamydiae, a new chlamydia, pour certains. Cependant cette bactérie serait moins souvent impliquée dans les endocervocites, endométrites et salmingistes que C. trachomatis.
les bactéries d’origine cervicovaginale (anaérobies strictes ou aérobies) : ces germes qui appartiennent à la flore cervicovaginale deviennent pathogènes du fait d’un déséquilibre hormonal, d’une immunodépression, d’un geste médical (stérilet, HSG) ou d’une altération fonctionnelle ou anatomique du verrou microbiologique que constituent l’endocol et ses sécrétions. En outre, certains groupes de bactéries commensales vaginales pourraient posséder des facteurs de virulence leur conférant une capacité à s’installer dans l’endocol, site initial de nombre de salpingites. Mycoplasma hominis possèderait un pouvoir pathogène facultatif qui ne s’exprimerait qu’en présence d’autres pathogènes (Taylor-Robinson, 2002). Tout devra être mis en œuvre pour trouver l’agent bactérien et prescrire un traitement antibiotique adapté, ce qui suppose une bonne collaboration avec les bactériologistes.
Germes | Commentaires |
---|---|
Chlamydia trachomatis | 30 à 60 % des cas |
Gonocoque | 5 à 20 % des cas Il est fragile Il craint le transport |
Mycoplasma Genitalium | |
Streptocoques | |
Staphylocoques | |
Entérobactéries | |
Entérocoques | |
Anaérobies | Ils craignent l’oxygène Il faut prélever le liquide dans une seringue à l’abri de l’air |
Mycoplasma hominis et ureaplasma | Il nécessite un milieu de culture spécial |
Les principaux facteurs de risque (tableau 13.3)
l’âge de la patiente : la majorité a moins de 25 ans. Cet accroissement chez les femmes jeunes est lié à une glaire de type estrogénique du fait d’une anovulation fréquente à cet âge, mais aussi à une mauvaise hygiène, à une information insuffisante en matière de maladies sexuellement transmissibles, à la multiplicité des partenaires. En France, en 2000, l’âge moyen du premier rapport sexuel était de 17 ans, et 20 % des filles de 15 ans avaient eu des rapports (Bozon, 2003) ;
la nulli- ou pauciparité : 50 à 75 % des infections utéro-annexielles surviennent chez des femmes nulligestes ;
la multiplicité des partenaires et les infections sexuelles de ceux-ci ;
les antécédents de gonorrhées, d’infections à Chlamydia ou d’infections utéro-annexielles ;
les menstruations : les salpingites surviennent une fois sur deux dans la semaine suivant les règles. La disparition du mucus cervical, la présence de sang constituent un excellent milieu de culture favorisant la prolifération microbienne ;
le port d’un stérilet qui multiplie le risque par 9. La contamination favorisée par une infection génitale basse se voit surtout lors de l’insertion et lorsque le stérilet est laissé plus de 5 ans ;
le portage de bactéries vaginales à haut risque infectieux dans un contexte de chirurgie gynécologique ou obstétricale.
Facteurs de risque | Risque relatif |
---|---|
> 1 partenaire sexuel | × 2,6 |
Fréquence des rapports > 5/semaine | × 1,9 |
Âge < 25 ans | × 1,9 |
Race noire | × 1,8 |
1 enfant ou plus | × 1,2 |
Stérilet | × 1,6 |
Contraception type barrière (diaphragme, préservatif) | × 0,5 |
Contraception orale | × 0,4 |
(d’après Weström, 1984).
Clinique
Elle est trompeuse : dans 20 % des cas, elle fait pécher par omission et dans 35 % des cas, elle se trompe par excès (Judlin, 1993). Elle n’est donc pas suffisante pour affirmer le diagnostic et mettre en route un traitement lourd, prolongé et coûteux. La valeur prédictive positive de la clinique est de 65 à 90 % selon les études (RCOG, 2003).
Dans la forme typique
Il s’agit d’une femme jeune, moins de 25 ans et nullipare 1 fois sur 2.
Elle se plaint de douleurs hypogastriques survenues depuis 2 ou 3 jours, souvent en période postmenstruelle.
L’interrogatoire est de grande importance diagnostique
l’âge et la parité pour le pronostic obstétrical ;
les antécédents gynécologiques : date et caractère des dernières menstruations, présence éventuelle d’une leucorrhée, existence ou non d’algies pelviennes fébriles, mode de contraception (les estroprogestatifs protègent contre l’infection, le stérilet la favorise), explorations ou interventions gynécologiques ;
L’interrogatoire fait décrire les caractères de la douleur :
Signes physiques
La palpation peut constater une défense, toujours limitée ici à la région hypogastrique.
Formes atypiques
la fièvre n’existe pas dans 50 % des cas ;
la douleur est unilatérale dans 20 % des cas, posant des problèmes si elle prédomine à droite chez une patiente non appendicectomisée ;
des métrorragies existent dans 40 % des cas, faisant évoquer une fausse couche infectée ou une GEU, elles témoignent de l’endométrite. Si la femme prend un œstroprogestatif et saigne, il ne faut pas toujours attribuer le saignement au traitement hormonal mais penser aussi à une possible salpingite en particulier à Chlamydia (Peipert, 2003) ;
les formes digestives évoquent une cholécystite. Toutefois l’existence de signes pelviens doit faire penser au syndrome de Fitz-Hugh-Curtis dû à une péri-hépatite secondaire à l’infection génitale non spécifique. On pensera au diagnostic devant une douleur de l’hypocondre droit irradiant à l’épaule, associée à une température à 38,5 °C et des signes pelviens évoquant une salpingite. Il n’y a pas d’ictère. Les tests biologiques hépatiques, l’échographie biliaire sont normaux ;
les formes subaiguës sont fréquentes soit du fait du germe (Chlamydia), soit du fait d’un traitement antibiotique prescrit de principe en présence de température ; la fièvre est minime ; le toucher vaginal montre un utérus de volume normal, douloureux à la fois à la mobilisation ou montrant parfois une grosse masse latéro-utérine, sensible, faisant évoquer une tumeur de l’ovaire, une grossesse extra-utérine.