Chapitre 13
Ostéopathies
Étiologies du rachitisme et de l’ostéomalacie
Rachitismes et ostéomalacies « calcipéniques » par anomalies du métabolisme de la vitamine D
Rachitismes et ostéomalacies « hypophosphatémiques »
Ostéomalacie par inhibition directe de la minéralisation
Lésions osseuses radio-induites
Physiologie du tissu osseux
le soutien mécanique de l’organisme ;
la protection des organes nobles et de la moelle osseuse ;
le maintien de l’équilibre phosphocalcique, sous le contrôle de trois hormones calciotropes : la parathormone, la vitamine D et la calcitonine.
Pour assurer ces fonctions, le tissu osseux est en perpétuel renouvellement sous l’influence de facteurs hormonaux et locaux. Ce sont les altérations de ces voies de contrôle du remodelage osseux qui aboutissent à la plupart des pathologies du tissu osseux [288].
Composition du tissu osseux
Organisation du tissu osseux
Os lamellaire et os tissé (ou fibreux)
Chez le jeune enfant, l’os est immature, avec une disposition anarchique des microfibrilles de collagène et une matrice irrégulièrement minéralisée. Cet os non lamellaire, tissé [68], peu résistant est progressivement remplacé par de l’os lamellaire. On retrouve également de l’os non lamellaire dans les cals de fractures, certaines tumeurs osseuses primitives et dans la maladie de Paget [7].
Os cortical et os trabéculaire
Le tissu osseux est composé de la juxtaposition d’unités de base, appelées « ostéons », centrées sur des vaisseaux sanguins, dont la forme dépend du type d’os auquel elles appartiennent : os cortical ou spongieux (fig. 13.1 et 13.2).
Fig. 13.1 Coupe frontale de l’extrémité proximale du fémur.
Notez la distribution de l’os cortical et trabéculaire.
Os cortical (ou compact ou haversien)
Il représente environ 80 % du squelette. Il est présent aux diaphyses des os longs ainsi qu’à la périphérie des autres pièces osseuses. Les ostéons corticaux sont cylindriques, constitués de 5 à 20 lamelles osseuses concentriques disposées autour d’un canal central, le canal de Havers. Ce canal, dont l’axe est parallèle à celui de la corticale, contient des capillaires et des filets nerveux amyéliniques. Les canaux de Havers sont reliés entre eux, avec la cavité médullaire et avec la surface de l’os par des canaux transversaux ou obliques, les canaux de Volkmann. Cette disposition confère à l’os cortical un maximum de résistance.
Cellules osseuses
Le tissu osseux contient 4 types de cellules (fig. 13.3) [7] :
les cellules de la lignée ostéoclastique qui résorbent l’os : les ostéoclastes ;
les cellules de la lignée ostéoblastique qui sont ostéoformatrices : les ostéoblastes, les ostéocytes et les cellules bordantes.
Lignée ostéoclastique
La lignée ostéoclastique dérive de précurseurs médullaires hématopoïétiques (CFU-M, Colony Forming Unit Macrophage) (fig. 13.4). Ceux-ci se différencient en ostéoclastes sous l’influence de facteurs de transcription (PU-1, c-fos, NFκB) et de facteurs de croissance. Le M-CSF agit précocement dans la lignée (fig. 13.4). Les préostéoclastes mononucléés fusionnent pour former des ostéoclastes matures multinucléés sous l’action principale du système RANK-RANKL (fig. 13.4) [288].
Fig. 13.4 Différenciation et contrôle de la lignée ostéoclastique.
Les ostéoclastes ont une origine commune avec les monocytes/macrophages dans la moelle osseuse. La différenciation en ostéoclaste se fait sous l’action des facteurs de transcription (PU-1, c-fos, NFκB, mi) et de facteurs de croissance (M-CSF et RANKL). D’après T. Thomas [288].
L’ostéoclaste mature est une cellule géante multinucléée (100 μm de diamètre en moyenne) hautement mobile, se déplaçant à la surface des travées osseuses, d’un site de résorption à l’autre [7]. Elle se caractérise par un pôle basal, qui présente une membrane plissée, appelée bordure en brosse, au contact de laquelle la matrice est résorbée (fig. 13.3). La résorption débute par l’adhérence de l’ostéoclaste sur la travée osseuse, avec constitution d’une poche hermétique entre la bordure en brosse et l’os. L’ostéoclaste possède un équipement enzymatique important lui permettant :
l’acidification et la dissolution de la phase minérale de la matrice osseuse par libération d’ions H+ par une pompe à protons [6, 21] ;
la dissolution de la phase organique de la matrice osseuse (fibres collagènes et protéines non collagéniques) par des enzymes lysosomiales (cathepsine K et collagénases). L’os résorbé laisse ainsi peu à peu place à une lacune de résorption, appelée lacune de Howship.
La durée de vie moyenne d’un ostéoclaste est de 2 semaines, après lesquelles il entre en apoptose.
Lignée ostéoblastique (fig. 13.3)
Ostéoblastes
Ce sont des cellules mononucléées, cubiques, disposées sur les surfaces osseuses, reliées entre elles et avec les ostéocytes par des jonctions communicantes. Ces cellules élaborent un os nouveau après l’action des ostéoclastes. Elles synthétisent les protéines qui composent le tissu ostéoïde (matrice non minéralisée, constituée de collagène de type 1 et de protéines non collagéniques) et elles produisent les enzymes (phosphatases alcalines) qui permettent le dépôt de cristaux d’hydroxyapatite, assurant ainsi la minéralisation de la matrice. Les ostéoblastes peuvent :
Ostéocytes
Ils proviennent de la transformation de certains ostéoblastes, entièrement « emmurés » par la matrice extracellulaire osseuse minéralisée, au sein de logettes appelées ostéoplastes. Ce sont des cellules étoilées possédant de très nombreux prolongements cytoplasmiques qui cheminent au-delà de l’ostéoplaste à travers un réseau de canalicules creusés dans la matrice osseuse. Ces canalicules permettent de relier les ostéocytes entre eux et avec les cellules de la surface osseuse (ostéoblastes et cellules bordantes). Plusieurs études ont montré que ces cellules, sensibles au stress mécanique et au mouvement des fluides, étaient capables de synthétiser certaines molécules en réponse à un stimulus mécanique, jouant ainsi un rôle dans les échanges calciques entre le tissu osseux et le sang [212, 288]. Les ostéocytes expriment aussi la sclérostine, puissant inhibiteur de la formation osseuse [232]. Ces cellules sont incapables de se diviser.
Prolifération et différenciation au sein de la lignée ostéoblastique
La cellule souche de la lignée ostéoblastique est une cellule mésenchymateuse indifférenciée du stroma médullaire. Cette cellule est généralement capable de se différencier en de nombreuses autres cellules matures telles que les adipocytes, les chondrocytes ou les cellules musculaires (fig. 13.5). L’activité des cellules ostéoblastiques est régulée par un contrôle réciproque de la prolifération et de la différenciation cellulaire.
Fig. 13.5 Différenciation des cellules de la lignée ostéoblastique.
Les ostéoblastes se différencient à partir d’un précurseur mésenchymateux situé dans la moelle osseuse, qui peut aussi se différencier en cellule musculaire squelettique, adipocyte, chondrocyte ou fibroblaste sous l’action de différents facteurs de transcription. MRF : Myogenic Regulatory Factors ; MEF2 : Myocyte-Enhancer Factor 2 ; C/EBP : CCAAT-Enhancer-Binding Protein ; PPAR : Peroxisome Proliferator-Activated Receptor gamma ; Sox : Sry Related HMG box ; Runx2 : Runt-related transcription factor 2 ; Osx : Ostérix. D’après T. Thomas [288].
Facteurs de transcription [288] (fig. 13.5)
Parmi les facteurs régulant la différenciation préférentielle des cellules souches vers la voie ostéoblastique, le facteur de transcription Runx2 (Runt-related transcription factor 2, encore appelé Core-binding factor ou Cbfa1) joue un rôle majeur. Il reconnaît le site OSE (Osteoblast Specific cis-acting Element 2) présent notamment dans le promoteur de l’ostéocalcine. Les souris privées du facteur de transcription Runx2 ne présentent aucune ossification enchondrale ou membranaire, leur maturation chondrocytaire est altérée et leur nombre d’adipocytes est élevé [81, 123, 152]. Ostérix (Osx) est un autre facteur de transcription qui agirait en aval de Runx2, principalement sur la différenciation terminale des ostéoblastes, distinguant ainsi la voie ostéogénique de la voie chondrogénique [220].
Voie de signalisation Wnt (fig. 13.6)
La voie de signalisation Wnt/β-caténine joue un rôle essentiel dans le contrôle de la formation osseuse. La liaison de la protéine Wnt à son récepteur transmembranaire (frizzled) et à son corécepteur (LRP-5 ou LRP-6) entraîne le passage d’une molécule, la β-caténine, dans le noyau de l’ostéoblaste [288]. La β-caténine interagit alors avec le facteur de transcription TCF/LEF qui active la transcription des gènes conduisant à la stimulation de la formation ostéoblastique. En l’absence du ligand Wnt, la β-caténine est phosphorylée, ce qui conduit à sa dégradation par le protéasome. La voie Wnt est régulée négativement par plusieurs antagonistes. L’interaction de LRP5 avec des protéines membranaires telles que Dickkopf (Dkk) ou Kremen empêche sa liaison avec Wnt et induit sa dégradation. D’autres antagonistes extracellulaires tels que FRP et WIF-1, qui se lient à Wnt, ou la sclérostine qui se lie à LRP5/6, inhibent la voie Wnt.
La voie canonique Wnt/β-caténine augmente la prolifération et la différenciation des cellules mésenchymateuses vers la voie ostéoblastique et diminue leur différenciation adipocytaire, ce qui favorise l’ostéogenèse. L’effet positif de la voie Wnt sur la différenciation ostéoblastique implique l’augmentation de Runx2 et d’Ostérix, alors que l’effet inhibiteur sur la différenciation adipocytaire implique une réduction des facteurs de transcription C/EBPα et de PPARγ. Le rôle de la voie canonique Wnt dans le contrôle de la masse osseuse a été mis en évidence chez l’homme [11, 158]. Des mutations inactivatrices de LRP5 sont associées à une perte osseuse alors que des mutations activatrices, qui réduisent l’association avec l’inhibiteur Dkk, induisent une masse osseuse élevée. Enfin, des travaux génétiques ont montré que la perte de fonction de la sclérostine engendre la sclérostose et la maladie de van Buchem, caractérisées par une augmentation de la masse osseuse [10, 232].
Matrice osseuse
Le tissu osseux contient 65-70 % de substance minérale et 30–35 % de matrice organique [7].
Fraction organique
Elle est composée essentiellement de microfibrilles de collagène de type 1 (90 %), les 10 % restants correspondant à des protéines non collagéniques : protéoglycanes, ostéopontine (reliant l’hydroxyapatite aux cellules osseuses), ostéonectine (intervenant dans la minéralisation par son affinité pour le collagène de type 1 et le calcium), ostéocalcine (marqueur des ostéoblastes matures, intervenant dans la minéralisation), sialoprotéine osseuse et thrombospondine (permettant l’attache des cellules osseuses à la matrice extracellulaire). Ces constituants sont synthétisés par les ostéoblastes. La fraction organique contient également des cytokines et facteurs de croissance sécrétés par les ostéoblastes qui jouent un rôle fondamental dans la régulation du remodelage du tissu osseux et de la minéralisation de la matrice extracellulaire osseuse.
Remodelage osseux
Phases du remodelage osseux
Le remodelage osseux s’effectue grâce à des unités fonctionnelles de remodelage (BMU), dans lesquelles ostéoclastes et ostéoblastes agissent de manière séquentielle et couplée dans l’espace et dans le temps. Un cycle de remodelage dure environ 4 mois chez l’adulte, la phase de formation étant plus longue que celle de résorption [7]. Le nombre d’unités de remodelage diffère selon le type d’os : il est beaucoup plus élevé dans l’os trabéculaire que dans l’os cortical (4/mm3 contre 0,2/mm3). Il en découle un renouvellement global du squelette plus rapide pour l’os trabéculaire (25 % par an) que pour l’os cortical (3 à 4 % par an) [271].
Dans une BMU, le remodelage commence par l’activation des cellules bordantes qui recouvrent une surface osseuse inactive (fig. 13.7). Ces cellules, sous l’action de facteurs ostéorésorbants, se rétractent, exposant ainsi la matrice osseuse aux préostéoclastes. Ces préostéoclastes fusionnent pour devenir des ostéoclastes actifs et adhérents à la surface osseuse : c’est la phase de « résorption » du tissu osseux. La phase d’inversion correspond à l’apoptose des ostéoclastes, qui sont remplacés par des cellules mononucléées de type macrophagique. La phase de « formation » peut alors commencer, caractérisée par le recrutement des ostéoblastes au fond de la lacune (appelé ligne cémentante). Ces ostéoblastes synthétisent initialement une matrice non minéralisée, le tissu ostéoïde, qui comble la lacune. La minéralisation de la matrice extracellulaire s’effectue dans un second temps au niveau du front de minéralisation, à la jonction entre le tissu ostéoïde et le tissu minéralisé. Une fois la phase de formation achevée, les ostéoblastes laissent la place aux cellules bordantes qui recouvrent la surface osseuse et demeurent quiescentes jusqu’à une prochaine activation focale des ostéoclastes. Cette phase de « quiescence » est le siège d’une minéralisation secondaire, indépendamment des cellules osseuses, jouant un rôle fondamental dans la résistance mécanique des os [25, 288].
Contrôle du remodelage osseux
Le remodelage osseux est sous le contrôle de 2 types cellulaires agissant dans un réseau complexe d’interactions : les facteurs locaux du micro-environnement (cytokines et facteurs de croissance) et les hormones systémiques [288].
Facteurs locaux
RANKL, facteur inducteur de la résorption osseuse, et son récepteur membranaire RANK
RANKL appartient à la famille des ligands TNF. C’est une protéine transmembranaire qui peut également exister sous forme libre. L’expression de RANKL est essentiellement retrouvée dans le tissu osseux (cellules stromales/ostéoblastiques) et les organes lymphoïdes (lymphocytes T). RANKL agit par l’intermédiaire de son récepteur membranaire RANK, exprimé dans le tissu osseux par les ostéoclastes et leurs précurseurs. Le rôle fondamental de RANKL dans la différenciation ostéoclastique est actuellement bien établi. RANKL apparaît comme le facteur essentiel de la coopération entre les cellules stromales/ostéoblastiques et les précurseurs ostéoclastiques, indispensable pour la différenciation de ces derniers (cf. fig. 13.4) [251]. In vitro, une forme recombinante soluble de RANKL, en association avec le M-CSF, induit la différenciation de précurseurs ostéoclastiques [124, 134, 236, 279]. RANKL stimule la fusion des précurseurs ostéoclastiques mais également l’attachement des ostéoclastes à l’os, l’activité de résorption osseuse et la survie des ostéoclastes [134, 161, 220]. In vivo, les souris déficientes pour le gène de RANKL ou de RANK développent une ostéopétrose [73, 118, 155] ; les souris surexprimant RANKL développent une ostéoporose sévère [206]. Ainsi, RANKL agit comme un puissant inducteur de la résorption osseuse.
Ostéoprotégérine : inhibiteur de la résorption osseuse
L’ostéoprotégérine est une glycoprotéine de la famille des récepteurs solubles du TNF. Dans l’os, l’OPG est principalement exprimée par les cellules mésenchymateuses (ostéoblastes et cellules stromales). Récepteur soluble de RANKL, l’OPG est un puissant inhibiteur de la résorption osseuse en agissant comme un récepteur piège : l’OPG se lie à RANKL et bloque ainsi les interactions entre RANKL et RANK (cf. fig. 13.4). Les souris transgéniques qui surexpriment OPG développent une ostéopétrose caractérisée par un défaut de la différenciation ostéoclastique [203, 266] tandis que les souris transgéniques déficientes en OPG développent une ostéoporose sévère avec une augmentation de la différenciation et de l’activité des ostéoclastes [35]. Les études in vitro ont montré que l’OPG était un puissant facteur inhibiteur de la différenciation ostéoclastique, de l’activité de résorption osseuse et de la survie des ostéoclastes [162, 266]. In vivo, l’administration d’OPG chez le rat entraîne une augmentation de la densité minérale osseuse et du volume osseux, avec une diminution rapide du nombre d’ostéoclastes actifs ; elle prévient également la perte osseuse secondaire à l’ovariectomie [162, 266]. Dans le tissu osseux, l’OPG et RANKL sont tous les deux exprimés et sécrétés par les cellules stromales et ostéoblastiques. Leur production relative pourrait moduler la capacité de ces cellules à stimuler la différenciation et l’activité des ostéoclastes, et donc le niveau de résorption osseuse.
Régulation de l’expression de RANKL et de l’OPG dans les cellules osseuses (fig. 13.8)
De très nombreux travaux ont montré l’existence d’une régulation de l’expression de RANKL et de l’OPG par les facteurs locaux ou systémiques impliqués dans la résorption osseuse. Ainsi, les facteurs ostéotropes connus pour stimuler la résorption osseuse tels que les hormones PTH et 1,25(OH)2vitD, les cytokines IL-1, TNF-α, IL-6 et IL-11, les PGE2 et les glucocorticoïdes stimulent l’expression de RANKL par les cellules stromales/ostéoblastiques. Ces mêmes facteurs diminuent l’expression de l’OPG et/ou augmentent le rapport RANKL/OPG [119].
Parmi les cytokines inhibitrices de la résorption osseuse, l’IL-4 diminue l’expression de RANKL [175], le TGF-β inhibe l’expression de RANKL et stimule celle de l’OPG [155].
Régulation du système RANKL-OPG par la voie canonique Wnt/β-caténine
La signalisation via la voie canonique de Wnt stimule l’expression d’OPG [97, 122] et inhibe l’expression de RANKL (fig. 13.8) [91, 283]. Par ailleurs, il existe des sites de liaison du TCF (facteur de transcription associé à la β-caténine) sur le promoteur de RANKL et la surexpression de β-caténine est capable d’inhiber l’activité du promoteur de RANKL [274]. Une diminution de la signalisation Wnt ou l’administration de Dkk, inhibiteur physiologique de la voie Wnt (fig. 13.6), stimulent l’expression de RANKL, la formation ostéoclastique, et la résorption osseuse [2, 159]. Ces études suggèrent que la voie de signalisation Wnt exerce un effet de contrôle négatif sur l’expression de RANKL.
Rôle de RANKL et de l’ostéoprotégérine dans les pathologies avec hyper-résorption osseuse
Compte tenu du rôle majeur du système RANKL/RANK et OPG dans la résorption osseuse, il était logique de penser que cette voie pouvait être impliquée dans les pathologies caractérisées par une résorption osseuse excessive, avec comme ouverture un intérêt thérapeutique potentiel d’inhibiteurs de ce système. Ainsi, une augmentation de l’expression de RANKL a été objectivée dans l’ostéolyse maligne au cours du myélome [255] et des métastases ostéolytiques [125], dans le pannus synovial de la polyarthrite rhumatoïde [100] et dans la perte osseuse par carence œstrogénique [128].
Rôle des hormones
Parathormone
1. conversion des cellules bordantes en ostéoblastes ;
2. stimulation de l’expression de facteurs de croissance (IGF, FGF, TGF-β) par les ostéoblastes matures ;
Ces effets dépendent de la dose et du mode d’administration, continu ou intermittent de la PTH [90, 284, 288]. L’augmentation de la résorption s’observe in vitro et chez l’animal lors de la perfusion en continu de PTH (1-34). En revanche, l’exposition intermittente d’ostéoblastes à la PTH (1-34) accroît leur différenciation et leur activité [54, 130]. Chez l’homme, le traitement par injection journalière de PTH (1-84) pendant 12 mois augmente significativement la densité minérale osseuse du rachis [54, 117].
Vitamine D
Au niveau de l’épiderme, les rayons UVB (ultraviolets B) permettent la transformation de la provitamine D3 d’origine hépatique en prévitamine D3, puis en vitamine D3 (cholécalciférol ou calciol) (fig. 13.9). Une exposition solaire prolongée aboutit également à la synthèse d’isomères inertes, évitant ainsi une libération trop importante de vitamine D3. Différents facteurs influent sur cette photosynthèse épidermique : la mélanine (abondante chez les personnes à peau mate), le vieillissement (altération de la synthèse cutanée de vitamine D3) et l’épaisseur de la couche d’ozone (variable selon les saisons, les latitudes, la nébulosité et la pollution). On signalera enfin qu’une faible quantité de vitamine D3 exogène provient des produits laitiers et des huiles de foie de poissons. La vitamine D2 (ergocalciférol) constitue également une petite source exogène d’origine végétale de vitamine D. Ces deux formes exogènes sont absorbées dans l’intestin grêle au sein de micelles constituées d’acide gras et de sels biliaires.
Les vitamines D3 et D2 sont ensuite captées par une protéine transporteuse et acheminées par la circulation sanguine vers le foie où elles subissent une hydroxylation sur le carbone 25, ce qui aboutit à la formation de la 25(OH)vitD (calcidiol) (fig. 13.9). Il s’agit de la principale forme de stockage de la vitamine D, son taux sérique (20 à 200 nmol/L) reflétant les réserves en vitamine D de l’organisme.
La 25(OH)vitD est ensuite transportée jusqu’aux tubules rénaux proximaux où elle subit une deuxième hydroxylation sur le carbone 1 ou 24. La 1,25(OH)2vitD (calcitriol) représente la forme active de la vitamine D (fig. 13.9). Elle a une durée de vie courte (6 heures) et un taux sérique quasi constant. Sa production, directement corrélée aux besoins de l’organisme, est limitée. Le rôle essentiel de la 24,25(OH)2vitD est de réguler le taux de la forme active.
La régulation de la production de vitamine D s’effectue principalement par l’intermédiaire de la 1-α-hydroxylase rénale. La PTH, relarguée en cas d’hypocalcémie, d’hypophosphatémie ou d’hyperprolactinisme, stimule cette synthèse enzymatique, ce qui aboutit à la formation de vitamine D. Cette dernière exerce alors un rétrocontrôle négatif direct sur la synthèse de PTH et indirect en normalisant la calcémie et la phosphatémie. Elle régule également son propre taux en favorisant la 24,25 hydroxylase et en inhibant la 1-α-hydroxylase [136, 279].
Calcitonine
La calcitonine, peptide de 32 acides aminés, est une hormone hypocalcémiante sécrétée par les cellules C de la thyroïde. C’est l’une des rares hormones qui agit directement sur les ostéoclastes. La calcitonine a une action « antirésorption » en inhibant la fonctionnalité des ostéoclastes et en accélérant leur apoptose [54]. Sous l’action de la calcitonine, la résorption est également inhibée par la prostaglandine E2 qui possède des récepteurs sur les ostéoclastes [54]. Cependant, le rôle de la calcitonine dans la régulation du métabolisme osseux reste modéré et son mode d’action exact demeure mal connu [189].
Hormones sexuelles
En dehors des hormones calciotropes sus-citées, les œstrogènes sont les principaux régulateurs hormonaux du remodelage du tissu osseux, indépendamment du sexe. La privation d’œstrogènes à la ménopause induit une perte osseuse qui peut conduire à l’ostéoporose post-ménopausique. Il est clairement établi que ce sont les ostéoblastes qui sont la cible des œstrogènes pour inhiber l’ostéoclastogenèse [288]. Les œstrogènes inhibent la synthèse d’IL-6 et de RANKL par les cellules stromales et ostéoblastiques et sont de puissants inhibiteurs de la résorption ostéoclastique [288].
Hormones thyroïdiennes
L’hormone T3 est connue pour stimuler la résorption osseuse dans des cultures d’organes [288]. Le modèle de souris transgénique sans cellule thyroïdienne présente une croissance osseuse réduite [301]. Chez l’humain, l’hyperthyroïdie est responsable d’une perte osseuse liée à un hyper-remodelage osseux [95].
Hormone de croissance
Elle est sécrétée par l’hypophyse et a des effets stimulateurs sur la croissance de nombreux organes. Les effets stimulateurs sur la formation osseuse peuvent être directs en agissant sur des récepteurs spécifiques, ou indirects via la stimulation de la production d’IGF-1 produite localement [288].
Ostéoporose
Définition
L’ostéoporose est définie par le consensus de 2001 comme « une anomalie diffuse du squelette caractérisée par une faible masse osseuse et une altération de la microarchitecture du tissu osseux, qui prédispose une personne à un risque accru de fracture » [219]. La masse osseuse possède une définition histologique et correspond à la quantité de tissu osseux par unité de volume. Elle peut être appréhendée par le biais de la mesure de la densité minérale osseuse (DMO).
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) [186] a proposé, en 1994, une définition de l’ostéoporose en fonction de l’abaissement de la densité minérale osseuse mesurée par ostéodensitométrie (tableau 13.1) [141]. Cette définition suppose que l’examen ait été réalisé par absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA) et elle ne concerne que la population féminine blanche ménopausée. Le choix du seuil (T-score < – 2,5) a été conditionné par des données épidémiologiques concernant le risque fracturaire après la ménopause. Cette valeur seuil ne doit pas être forcément synonyme de décision thérapeutique, qui nécessite une évaluation globale du risque individuel [93].
Tableau 13.1
Définition de l’ostéoporose selon l’OMS [141].
Normal | T-score > – 1 DS | DMO située à moins d’une déviation standard en dessous de la moyenne des femmes jeunes |
Ostéopénie | – 1 DS ≥ T-score > – 2,5 DS | DMO comprise entre 1 et 2,5 déviations standard en dessous de la moyenne des femmes jeunes |
Ostéoporose | T-score ≤ – 2,5 DS | DMO située au moins 2,5 déviations standard en dessous de la moyenne des femmes jeunes |
Ostéoporose confirmée | T-score ≤ – 2,5 DS | DMO située au moins 2,5 déviations standard en dessous de la moyenne des femmes jeunes et présence d’une ou de plusieurs fractures |
En l’absence de définition consensuelle, l’ostéoporose masculine se détermine par une DMO inférieure à – 2,5 DS par rapport à la moyenne des hommes ou des femmes jeunes [219].
Physiopathologie des différents types d’ostéoporose
les ostéoporoses primitives, liées à l’âge :
les ostéoporoses secondaires, induites par certaines pathologies ou certains traitements.
Ostéoporoses liées à l’âge
La masse osseuse d’un individu à un instant donné dépend du pic d’acquisition osseuse à la fin de l’adolescence et de la quantité d’os perdue après l’âge de 35–40 ans. Elle dépend donc de facteurs génétiques à hauteur de 70 à 80 % (héritabilité du pic de masse osseuse) mais également nutritionnels, hormonaux et environnementaux. Les principaux facteurs de risque de densité minérale osseuse basse sont résumés dans le tableau 13.2 [93].
À partir de 35–40 ans, il existe une diminution progressive de la masse osseuse d’environ 0,4 % par an, prédominant sur l’os spongieux. Elle résulte d’une augmentation du remodelage osseux cortical et spongieux au profit de l’activité ostéoclastique [194]. De plus, ce remodelage osseux présente des anomalies qualitatives avec notamment des canaux de Havers corticaux anormalement larges (accentuant la porosité osseuse) et une infiltration de l’os trabéculaire par des ostéoclastes, ce qui empêche le dépôt de matrice ostéoïde. Avec l’âge, la perte osseuse trabéculaire est égale chez l’homme et la femme alors que l’os cortical serait mieux préservé chez l’homme, comme en témoigne la plus grande fréquence de fractures chez la femme. Ceci s’explique par une quantité initiale d’os cortical plus importante chez l’homme et par la nette prédominance endostée du processus de vieillissement cortical chez la femme, à l’origine d’un amincissement progressif de la corticale [26].
À la ménopause, la privation œstrogénique entraîne une accélération de la perte osseuse par excès de résorption. L’augmentation du nombre d’unités de remodelage actives favorise l’amincissement des corticales et l’augmentation de leur porosité, et accroît la probabilité de perforations des travées osseuses au sein du réseau trabéculaire. Les éléments osseux qui subissent une contrainte essentiellement verticale, comme les corps vertébraux et les métaphyses des membres inférieurs, possèdent un système de trabéculations secondaires horizontales, qui supportent les travées verticales et confèrent une certaine rigidité au système en limitant les déformations sous la contrainte. Au cours de la ménopause, l’altération de l’architecture trabéculaire commence de manière spécifique sur ce réseau horizontal non porteur. Il en résulte une fragilisation du squelette et la survenue de fractures, le plus souvent vertébrales. Cette phase de perte osseuse rapide, qui oscille entre 0,5 et 3 % par an, dure environ 10 ans. Elle est suivie d’une perte osseuse plus lente.
Chez l’homme, la prévalence plus faible de l’ostéoporose s’explique par l’absence d’équivalent de la ménopause mais également par un capital osseux initial plus élevé, une meilleure qualité osseuse et des chutes moins fréquentes.
Chez le sujet âgé, la capacité d’absorption digestive du calcium diminue alors que la quantité même de calcium ingérée est réduite. On note également une diminution de l’apport alimentaire de vitamine D3, une diminution de l’exposition au soleil et une altération de la synthèse cutanée de vitamine D3. Alors qu’un déficit profond et prolongé en vitamine D conduit à une ostéomalacie, un déficit moins prolongé chez le sujet âgé contribue à l’apparition d’une hypocalcémie transitoire, qui est rapidement compensée par une hypersécrétion de parathormone. Cette hyperparathyroïdie secondaire, très fréquente chez le sujet âgé sous nos climats, entraîne une hyper-résorption osseuse [171]. De même, l’amplitude et la fréquence de sécrétion la GH diminuent, ce qui conduit à une réduction de la production d’IGF-1 par le foie et les autres tissus. La diminution de ce facteur de croissance pourrait expliquer certaines modifications microarchitecturales trabéculaires, notamment l’amincissement des travées. De plus, cette diminution d’IGF-1 favorise la production de SHGB (Sex Hormone Binding Globulin) par les hépatocytes et pourrait contribuer à la réduction des stéroïdes sexuels biodisponibles chez l’homme [96]. Enfin, on observe une augmentation de l’IGFBP-2 (Insulin-like Growth Factor-Binding Protein), protéine porteuse inhibant l’action de l’IGF-1, à l’origine d’une augmentation des marqueurs du remodelage osseux et d’une diminution de la DMO.