12: Sport et grossesse

Chapitre 12 Sport et grossesse




Des notions… de faible niveau de preuve


Les possibilités d’une activité sportive en cours de grossesse sont l’objet d’idées préconçues… rarement démontrées. Ainsi, le sport serait responsable de fausses couches, de contractions utérines et d’accouchements prématurés, ou d’effets tératogènes et de défauts de développement avec retard de croissance intra-utérin. De même, des antécédents de RCIU, de souffrance fœtale aiguë, de diabète ou d’hypertension seraient des contre-indications absolues à la pratique du sport en cours de grossesse [1].


Ces notions reposent en fait sur bien peu d’études. Il s’agit souvent d’extrapolations avec ce qui a pu être observé chez des femmes ayant une activité professionnelle en position debout continue, et le lien direct entre activité sportive et certaines pathologies obstétricales comme la prématurité n’a jamais été démontré.


À l’opposé, certains auteurs écrivent qu’il existe une adaptation physiologique pendant la grossesse, et que, loin d’être contre-indiqué, le sport serait fortement conseillé. Là encore, les arguments peuvent prêter à discussion, et les publications sont de faible niveau de preuve.


Les quelques cas rapportés sont plus du domaine de « l’Histoire sportive » que de l’étude médicale rigoureuse. Les auteurs évoquent l’absence de stress fœtal chez les mères sportives et telle marathonienne ayant poursuivi son entraînement jusqu’au terme est rapportée, sans altération de ses performances ni retentissement fœtal.


Certains pays ont élaboré des recommandations et des listes de sports conseillés ou non durant la grossesse, mais il semble qu’il faille avant tout faire preuve de bon sens, distinguer le cas d’une femme sportive avant la grossesse, de celle qui souhaite s’y adonner parce qu’elle est enceinte, et distinguer ce qui peut rester physiologique de ce qui est assurément pathologique.



Quelques rappels physiologiques



Adaptation cardiovasculaire à l’effort


En cours de grossesse, des modifications respiratoires et cardiovasculaires maternelles sont observées. Au repos, le volume courant pulmonaire s’accroît mais la capacité résiduelle fonctionnelle baisse, réalisant un « mixage » plus efficace pour les gaz ; une quantité d’O2 quasiment inchangée est ainsi disponible durant l’exercice. La fréquence cardiaque (FC) maternelle est accrue lors de l’exercice et au décours ; la pression artérielle augmente un peu, de même que la fraction d’éjection systolique [2].


Comparée à la période préconceptionnelle, la réponse respiratoire ne diffère pas lors de l’effort, mais celle de l’unité fonctionnelle fœtomaternelle baisse pour maintenir les apports en O2 et en substrats. La consommation utérine d’O2est maintenue, et la compensation se fait par plusieurs phénomènes : hémoconcentration, redistribution vasculaire avec augmentation du volume plasma- tique, accroissement de l’extraction d’O2. Cette situation est limitée et il semble raisonnable d’éviter les efforts « suboptimaux ». Par ailleurs, le coût énergétique de la prise de poids se surajoute à celui de l’exercice et les performances tendent à baisser.


Pour autant, les modifications physiologiques observées en début de la grossesse ont été utilisées dans certains pays comme « dopants physiologiques » avant certaines compétitions, où l’on mettait en exergue l’« épanouissement » gravidique du 1er trimestre permettant d’améliorer les performances. Ces pratiques d’un autre âge (?) étaient suivies d’interruption de grossesse aux effets moins glorieux.


De nombreuses autres modifications métaboliques et endocriniennes ont été décrites mais les interactions entre catécholamines, endorphines, œstrogènes ne sont pas encore très claires.




Thermorégulation et facteurs mécaniques


Certains auteurs ont évoqué les problèmes de thermorégulation, mais s’il est vrai que l’exercice augmente la température corporelle, celle-ci dépasse rarement 1 à 2 °C, provoquant peu de changement métabolique, hémodynamique ou des concentrations en catécholamines fœtales. Remarquons cependant que les connaissances expérimentales établies sur l’animal, en particulier le mouton, ne sont probablement pas transposables à l’humain.


Par ailleurs, chez la femme enceinte, tout n’est pas lié aux notions d’adaptation physiologique, et il existe des problèmes positionnels : au repos, l’utérus gravide obstrue partiellement la veine cave inférieure, et l’exercice en position de supination accentue la baisse du débit cardiaque en fin de grossesse, à l’origine d’hypotension. Au niveau statique, l’augmentation du poids s’associe à une modification du centre de gravité et à une hyperlordose (risque de hernie discale), ainsi qu’à une modification de la laxité ligamentaire (relâchement des tendons et articulations). Il existe donc une instabilité et un risque de chute plus important.


En fin de compte, « le style de vie sédentaire généralement adopté en fin de grossesse ne reflète-t-il pas un phénomène culturel plutôt que physiologique ? » [3] La revue de la littérature retrouve peu de démonstrations probantes pour contre-indiquer l’activité sportive et les recommandations sont plutôt empiriques.

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Sep 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 12: Sport et grossesse

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