12: Qu’attend le magistrat du médecin?


Qu’attend le magistrat du médecin ?



La réforme de la loi du 5 mars 2007 fut précédée d’études et de rapports dénonçant les dysfonctionnements et les dérives du système de protection juridique des majeurs. Les lois votées en 1966 et 1968 alors applicables n’étaient plus adaptées : prévues pour concerner quelques milliers de personnes, elles s’appliquent en 2006 à plus de 700 000 personnes dans notre pays, soit plus de 1 % de la population française, sachant qu’entre 1990 et 2004, le nombre de personnes placées sous protection juridique a crû de plus de 56 %.


Cette croissance du nombre de personnes protégées s’explique par différentes évolutions dans notre société :



• l’allongement de l’espérance de vie qui entraîne le vieillissement de la population et une augmentation de la prise en charge médicale et sociale des troubles liés à l’âge, en particulier la maladie d’Alzheimer, qu’il s’agisse des personnes maintenues à domicile ou placées en établissement de santé ou médicosocial ;


• un regard nouveau et une attention plus importante progressivement portés au handicap par les pouvoirs publics, ainsi qu’en témoigne la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dont les revendications à être protégées dans le respect de leurs droits ont pris plus nettement place dans l’espace judiciaire ;


• la psychiatrie a évolué depuis la fin des années 1960, participant à une approche plus ouverte de la maladie mentale, favorisant le développement de thérapeutiques qui permettent aux malades de vivre dans la cité tout en bénéficiant à la fois d’un suivi psychiatrique (secteurs et psychiatrie ambulatoire) et d’une protection dans leur vie civile ;


• les crises économiques successives depuis celle de 1973 ont généré le développement de phénomènes de précarité et d’exclusion sous la pression desquels la protection judiciaire a pris sous son aile de plus en plus de personnes dont les difficultés d’ordre social ou économique ne justifient pourtant pas toujours la diminution ou la suppression de leur capacité juridique.


C’est dans ce contexte d’une société aux mutations plurielles que la loi du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des majeurs est venue réformer notre droit civil, étant souligné qu’elle est aussi une réforme sociale et financière et a modifié le Code de l’action sociale et des familles.


Le Code civil modifié réaffirme les principes fondamentaux de la protection juridique que sont les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité. En application de ces principes, le juge des tutelles :



• ne peut plus se saisir d’office, notamment à la suite d’un signalement des services sociaux ou médicaux, qui doivent désormais saisir le procureur de la République ;


• avant de prononcer une mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle, doit non seulement vérifier que la personne souffre d’une altération médicalement constatée de ses facultés, mais encore qu’aucune autre solution de protection n’est suffisante ;


• doit adapter l’étendue et le contenu de la mesure aux stricts besoins de la personne ;


• doit choisir le curateur ou du tuteur en tenant compte de la volonté exprimée par la personne, et en priorité dans son entourage familial et affectif; ce n’est que subsidiairement que le juge doit envisager de désigner un tuteur professionnel.


Le Code civil consacre désormais la protection de la personne, et non plus seulement celle de ses biens. Cela signifie que la volonté de la personne et la recherche de son consentement sont primordiales dans toutes les questions qui concernent sa santé, son logement, ses relations avec les tiers. Cela impose la révision régulière des mesures par le juge et la fixation d’une durée de 5 ans maximum, sauf exception médicalement justifiée, ce qui permet ainsi de vérifier périodiquement que la protection est toujours nécessaire et adaptée, et qu’elle est exercée dans le respect de la personne. Or, au cœur de ces nouvelles exigences, la place du médecin est énoncée comme centrale, les nouveaux textes décrivent son rôle, et les attentes du juge à son égard sont plus précises.


L’article 425 du Code civil dispose : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique. »


Il s’agit donc pour le médecin, sans qui rien ne peut aboutir, de diagnostiquer une altération soit des facultés mentales, soit des facultés corporelles, mais ces dernières doivent être de nature à empêcher l’expression de la volonté, la personne ne disposant donc d’aucun moyen de faire connaître ses besoins et désirs.


L’article 431 du Code civil impose à tout requérant d’une demande de mise sous protection juridique, y compris au procureur de la République, d’accompagner la demande « à peine d’irrecevabilité », du certificat médical circonstancié visé l’article 431.


Ce certificat est établi par tout médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République, quelle que soit sa spécialité. Le procureur de la République peut retenir sur cette liste la candidature de tout médecin qui lui paraît qualifié, non plus seulement en raison d’une spécialité médicale mais également en considération d’une expérience acquise sur le terrain et d’un intérêt particulier à l’égard des personnes vulnérables.


L’article 1219 du Code de procédure civile décrit le contenu incontournable du certificat médical et prévoit ainsi :


« Le certificat médical circonstancié prévu par l’article 431 du Code civil : décrit avec précision l’altération des facultés de la personne à protéger ou protégée, donne au juge tout élément d’information sur l’évolution prévisible de cette altération, précise les conséquences de cette altération sur la nécessité d’une assistance ou d’une représentation de la personne dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu’à caractère personnel, ainsi que sur l’exercice de son droit de vote.


Ce certificat indique si l’audition de la personne est de nature à porter atteinte à sa santé ou si elle est hors d’état d’exprimer sa volonté.


Ce certificat est remis par le médecin au demandeur sous pli cacheté à l’attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles. »


Le juge attend du médecin qu’il décrive donc :



• les éléments du diagnostic de l’altération, et ce, de façon suffisamment claire et précise (origine de troubles, pathologie, antécédents, facteurs environnementaux ou familiaux, traitements éventuels, conséquences sur le discernement ou sur la motricité, sur l’expression de la volonté), afin de permettre au juge d’envisager d’une part, l’étendue de la restriction de la capacité juridique et donc du droit d’agir dans et sur sa vie, d’autre part, quel tiers choisir pour exercer la mesure de protection ;


• des éléments de pronostic de l’altération, afin que le juge puisse fixer la durée de la mesure, au regard de la possible ou de l’improbable évolution de l’altération constatée (altération « structurelle et pérenne » ou « conjoncturelle et provisoire »).

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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 12: Qu’attend le magistrat du médecin?

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