Chapitre 11 Pathologie de la vulve et du vagin
• Diagnostiquer et traiter : une vulvite à Candida – (A) ; une vulvovaginite atrophique – (B) ; un herpès vulvaire – (A) ; un chancre syphilitique de la vulve – (B) ; des condylomes vulvaires – (B) ; un kyste de la glande de Bartholin – (B) ; une bartholinite aiguë – (B).
• Diagnostiquer des varices vulvaires. (C)
• Diagnostiquer un lichen scléro-atrophique de la vulve. (C)
• Diagnostiquer un cancer épidermoïde de la vulve. (A)
• Expliquer les principes du traitement du cancer de la vulve et le pronostic global de cette affection à 5 ans. (C)
• Mettre en route la conduite la plus appropriée chez une jeune fille dont la mère a pris du diéthylstilbestrol pendant la grossesse. (C)
Pathologie de la vulve
Nous avons vu, au chapitre 1, la manière de conduire l’examen vulvaire. Il nous semble cependant qu’il faille rappeler ici quelques notions propres à l’examen de cette région (Drapier-Faure, 1996).
Interrogatoire
On insistera particulièrement sur :
les antécédents familiaux de diabète, psoriasis ou autres maladies cutanées ;
la notion de fuites urinaires ou de diarrhées qui peuvent entraîner des troubles liés à la macération ;
la notion d’allergie liée à l’utilisation de certains savons, déodorants ou parfums, mais aussi aux produits chimiques manipulés avec les mains, à la nature des produits de lavage utilisés ; en particulier les assouplissants (type Soupline®), le Nylon n’est pas allergisant en tant que tel, mais il s’agit d’une fibre dure qui entretient la macération et l’érosion ;
enfin la notion de cancers déjà traités, en particulier de l’endomètre, du vagin, du col, du sein, qui peuvent donner des métastases vulvaires.
La figure 11.1 présente la topographie des différentes tumeurs de la vulve.
Examen
Des prélèvements peuvent être utiles pour étayer le diagnostic :
soit un examen extemporané des sécrétions vulvovaginales à la recherche de filaments mycéliens, de Trichomonas (cf. chap. 2) mais aussi de phtirius que l’on voit très bien lorsque l’on examine la base d’un poil à l’œil nu, à la loupe ou au microscope. Les lentes sont souvent bien visibles à l’œil nu ou à la loupe dans les poils du pubis, mais aussi dans les cils et les sourcils ;
soit sur un prélèvement cytologique fait par apposition directe dans le diagnostic d’herpès ou surtout de syphilis (il faut alors rechercher le tréponème à l’ultramicroscope au laboratoire) ;
soit enfin par un prélèvement biopsique facile à faire sous anesthésie locale (cf. chap. 2).
Lésions rouges (planche 11.1)
Vulvite à Candida (planche 11.1.a)
C’est une des lésions les plus fréquentes, survenant après un traitement antibiotique ou antiseptique local ou chez les diabétiques. La vulve est rouge, recouverte d’un enduit blanchâtre. Les lésions s’étendent sur le périnée, le pli inguinal et à la face interne des cuisses. Elles s’accompagnent d’une vaginite et de brûlures en fin de miction.
Il faut absolument rechercher :
une mycose digestive en examinant la cavité buccale, en cherchant une diarrhée ;
un intertrigo des grands plis ;
la toilette avec un savon doux, non acide, savon Derpha ou savon surgras Roc, La Roche-Posay, pain A-Derma au lait d’avoine ;
l’application d’une pommade ou d’une poudre antifungique (tableau 11.1) ;
le traitement des autres localisations, en particulier digestives, par des antifungiques per os ;
Vulvites bactériennes
Gonococcique : elle est aiguë dans 20 % des cas. La vulve est rouge œdématiée, les leucorrhées abondantes, purulentes. Il y a en général une urétrite, une skénite associées. Il faut faire rechercher le gonocoque et envisager le traitement spécifique (cf. chap. 20, p. 294).
Hemophilus vaginalis :il provoque des vulvites très prurigineuses avec des leucorrhées d’odeur alliacée. L’infection se traite par les ampicillines.
Vulvites de contact (planche 11.1.b)
Elles sont également très fréquentes et liées à une irritation ou une allergie par :
Dermatites séborrhéiques
Ce sont des éruptions survenant au niveau des zones où les glandes sébacées ont une grande activité. Les lésions sont rouges, couvertes par une fine squame parfois graisseuse. Ces lésions sont prurigineuses, parfois surinfectées. Elles sont symétriques mais n’atteignent pas les petites lèvres. Le périnée, la région périnéale, la face interne des cuisses sont touchés. On retrouve des lésions identiques derrière les oreilles, dans le cuir chevelu, sur le sternum et les épaules. La cause est inconnue ; le terrain est celui d’une femme anxieuse et les poussées successives retentissent sur le psychisme.
Psoriasis
Il peut se voir au niveau de la vulve. Il est facile à reconnaître en raison de ses desquamations blanches en périphérie. Il est associé à d’autres localisations sur les membres, le tronc ou le cuir chevelu.
Maladie de Paget vulvaire (planche 11.1.c)
Elle est constituée de plaques d’hyperkératose délimitant des zones érythémateuses. Les lésions paraissent très bien limitées par cette hyperkératose mais s’étendent souvent plus loin en peau saine. Ces lésions s’accompagnent de brûlures, de picotements. Il faut en faire le diagnostic car ces lésions représentent la localisation cutanée d’un adénocarcinome des glandes apocrines. Il faut examiner les seins à la recherche d’un Paget du sein associé.
Le Paget vulvaire doit être distingué :
Une biopsie s’impose, elle permet de confirmer le diagnostic.
Cancer de la vulve
Il peut se présenter sous l’aspect d’une lésion rouge :
le cancer invasif est accompagné d’une induration qui dépasse la surface rouge. Il siège sur les grandes lèvres en général. La présence d’une tumeur impose le frottis par apposition, la biopsie ;
le cancer in situ de la vulve ou maladie de Bowen (planche 11.1.d) donne une lésion rouge plane, sans tumeur, palpable chez une femme en général âgée. Le diagnostic doit être fait par la cytologie et surtout par la biopsie au moindre doute. Il faut penser à la possibilité d’un cancer du col ou du vagin associé.
Lésions blanches (planche 11.2)
Elles sont liées à trois facteurs :
Planche 11.2 Pathologie de la vulve : les lésions blanches et noires
L’absence des mélanocytes cutanés peut être congénitale (albinisme) ou acquise (vitiligo).
La diminution de la vascularisation peut être liée à l’âge.
Dystrophies vulvaires
Le lichen scléreux (planche 11.2.a et b) se voit chez les femmes pré- ou postménopausiques. Il s’accompagne de prurit et de lésions de grattage. La peau est pâle, mince comme du parchemin. Les petites lèvres sont atrophiques ou souvent ont totalement disparu. L’orifice vulvaire est très étroit. Les lésions blanches débordent sur le périnée, la face interne des cuisses en 8, en « fleur de lotus ». On retrouve souvent d’autres lésions de lichen sur le cou, le tronc, les extrémités.
Ladystrophie hyperplasique (planche 11.2.d) s’accompagne aussi de prurit et de lésions de grattage, mais ici la peau est épaisse, avec infiltration du derme.
Lesdystrophies mixtes (planche 11.2.e) combinent les lésions des deux types précédents.
Dans les lichens scléro-atrophiques, on prescrira des corticoïdes de classe I typeclobétasol (Dermoval®, crème à 0,5 %, 2 fois/jour par exemple) puis on prendra le relais des corticoïdes de classe II type bétaméthasone (Betneval®, Diprosone®, crème, pommade ou lotion 2 fois/jour).
Carcinome in situ
Il peut apparaître sous l’aspect d’une dystrophie. Les deux lésions peuvent être associées. Il faut donc faire une biopsie au moindre doute.
Dépigmentations
Levitiligo (planche 11.2.f) est une maladie dans laquelle les mélanocytes de l’épiderme sont progressivement détruits par un processus d’autodestruction avec hyperpigmentation périphérique, comme si la mélanine était repoussée avec une raclette.
L’albinisme partiel est congénital, il est reconnaissable au fait que les poils sont blancs dans la surface atteinte. Il n’y a aucun signe fonctionnel. On retrouve des plaques identiques sur les bras, le front.
Intertrigo
Il donne aussi des lésions blanches, mais ici il y a de nombreux débris squameux et gras dans les plis. La femme est obèse, diabétique, manque d’hygiène. Il suffit de sécher les lésions, de les désinfecter pour que tout rentre dans l’ordre. On donnera des bains antiseptiques avec Solubalter®, Septivon®, Bétadine®, puis on rincera soigneusement et on séchera. Il faut éviter de mettre du talc. Un psoriasis des plis peut prendre l’aspect d’un intertrigo.
Lésions noires (planche 11.2)
les nævus (planche 11.2.h) asymptomatiques bruns plus ou moins foncés : ils doivent être enlevés car ils peuvent se transformer en mélanome, s’ils se modifient ou sont situés en zone de frottement entraînant une irritation fréquente ;
le lentigo : il peut être unique ou multiple, siégeant sur la peau ou la muqueuse, totalement asymptomatique, il peut entrer dans le cadre d’une lentiginose péri-orificielle (on en retrouve autour de la bouche) d’origine génétique ;
le carcinome in situ : il se présente sous l’aspect d’une lésion hyperpigmentée dans 20 % des cas. Il y a prurit, ainsi que plusieurs lésions confluentes à surface rugueuse, la biopsie s’impose ;
le mélanome (planche 11.2.g) : bien que ne représentant que 4 à 5 % des cancers de la vulve, il doit être évoqué devant une lésion noire, surtout si elle est polychrome avec des écailles cornées ; si elle s’étend en surface, en épaisseur. L’excision est la seule manière d’obtenir un diagnostic précis.
Ulcérations (planche 11.3)
Elles doivent faire soulever trois diagnostics :
Herpès
C’est la plus commune des lésions vulvaires. Le généraliste voit 3 cas/an, le gynécologue 10 cas/an. Il y aurait environ 162 000 nouveaux cas par an en France (enquête Sofres médical, 1982). L’agent causal est le virus HSV-2 transmissible sexuellement mais parfois aussi HSV-1 (20 % des cas). Les femmes enceintes, des sujets immunodéprimés sont particulièrement atteints.
Le premier épisode (ou primo-infection) apparaît 2 à 7 jours après un rapport, il se traduit par :