11: Infections rachidiennes

Chapitre 11


Infections rachidiennes





Spondylodiscites et spondylites



Terrain


Elles représentent 2 à 4 % des ostéomyélites. L’incidence annuelle des spondylodiscites en France, estimée par les données du PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information), est de l’ordre de 2,4/100 000 habitants, chiffre comparable à celui des autres pays occidentaux [114]. Les hommes sont deux à trois fois plus souvent atteints que les femmes [51, 65], les deux pics de fréquence étant observés pendant l’enfance ou l’adolescence et entre 40 et 60 ans [65, 129, 141]. L’immunodépression, le diabète, l’alcoolisme, la drépanocytose, la toxicomanie, les antécédents récents de chirurgie et les traumatismes rachidiens constituent les principaux facteurs de risque. Cependant, le développement des traitements immunosuppresseurs et des gestes interventionnels rachidiens explique en partie la recrudescence actuelle de ces infections dans les pays occidentaux.



Pathogénie


L’infection peut gagner le rachis :



image par voie artérielle, préférentiellement (porte d’entrée cutanée, urinaire, pulmonaire, etc.). La vascularisation artérielle des corps vertébraux dépend :



De ces artères sont issus :



image des rameaux ascendants et descendants, sous-périostés, qui pénètrent, de façon radiaire, la face antérieure et latérale des corps vertébraux,


image l’artère radiculaire qui donne notamment naissance, dans l’espace épidural antérieur, à des rameaux vasculaires perforant la face postérieure des corps vertébraux et pénétrant également dans la fente vasculaire.


La vascularisation des disques intervertébraux dépend de l’âge du patient. Chez l’enfant, ils sont bien vascularisés jusqu’à l’âge de 13 ans en raison des riches canaux vasculaires qui perforent les plateaux vertébraux et nourrissent les disques [56]. Les germes peuvent donc s’y greffer. En revanche, chez l’adulte, ces canaux disparaissent et les disques sont quasiment avasculaires. C’est pour cette raison que l’infection débute dans l’os sous-chondral, notamment à la partie antérieure des plateaux vertébraux (surtout l’inférieur), là où la vascularisation serait la plus riche [110, 126, 133]. Ceci explique l’absence d’atteinte du disque intervertébral lorsque l’imagerie est réalisée précocement.


Plus tardivement, avec le développement des discopathies dégénératives, la croissance de vaisseaux peut s’observer le long de fissures radiaires de l’anneau fibreux, constituant alors un trajet possible pour une contamination directe du disque ;


image par voie veineuse, rarement. Les plexus veineux paravertébraux de Batson constituent un système avalvulé qui permet au sang de circuler dans les deux sens au gré des pressions abdominopelviennes. Un flux rétrograde à partir de l’abdomen et du pelvis permet ainsi à certains organismes d’atteindre le rachis ;


image par contiguïté, rarement : elle peut être secondaire à des abcès épiduraux primitifs, à des arthrites zygapophysaires ;


image par inoculation directe, par plaie accidentelle ou d’origine iatrogène. Les incidences respectives des discites postopératoires ou post-intervention percutanée et des discites après discographie sont respectivement de 0,1 à 3 % et inférieures à 1 % [47, 65, 132, 134].



Topographie


Elle est lombaire (55 % des cas), puis thoracique (35 %) et cervicale (10 %) [52, 65]. Une atteinte plurifocale est plus fréquemment observée au rachis cervical [65]. De même, une spondylodiscite cervicale se complique plus souvent d’un abcès épidural (90 % des cas) qu’aux étages thoraciques (33 % des cas) et lombaires (25 % des cas) même si, au total, les abcès thoracolombaires sont plus fréquemment observés (l’infection y étant plus fréquente) [44, 52, 65].


L’atteinte osseuse de l’arc postérieur est rare et doit plutôt faire évoquer une tuberculose [10, 119, 126].



Spondylodiscite à pyogènes



Germes


Lors d’infections d’origine hématogène, les germes pyogènes les plus fréquemment en cause sont Staphylococcus aureus (deux tiers des cas), les bacilles à Gram négatif (Escherichia coli, salmonelles, Pseudomonas aeruginosa, Klebsiella spp, Kingella kingae), les streptocoques, le gonocoque, beaucoup plus rarement les germes anaérobies stricts [37]. S. aureus est également la bactérie la plus souvent isolée chez les sujets infectés par le VIH [22]. Certaines bactéries sont observées sur des terrains de prédilection : streptocoque et endocardite, Haemophilus aphrophilus et méningite, Streptococcus gallolyticus (ex. bovis) et polypose ou néoplasme colique et Nocardiaasteroides et atteinte pulmonaire [61, 138, 145]. La drépanocytose expose particulièrement à la salmonellose vertébrale [112].


S. aureus produit plusieurs enzymes protéolytiques dont la hyaluronidase et c’est pour cette raison que l’on observerait une atteinte rapide du disque après celle des plateaux vertébraux [68, 126].



Clinique et biologie


Le principal symptôme clinique est une rachialgie intense médiane, localisée, de début brutal et d’horaire inflammatoire. L’état général est altéré, la fièvre est inconstante et l’impotence fonctionnelle variable ; le rachis est raide. La palpation met en évidence une contracture localisée des muscles paravertébraux et une exacerbation de la douleur à la pression des processus épineux [126]. Ce tableau typique peut être abâtardi par la virulence faible du micro-organisme ou le terrain débilité du patient. Selon la topographie rachidienne, les spondylodiscites peuvent se compliquer d’abcès rétropharyngiens, de médiastinite, péricardite, pleurésie et de péritonite [126]. Des manifestations atypiques comme une limitation de la mobilité de la hanche par irritation du muscle psoas peuvent s’observer [87]. Enfin, on recherchera un retentissement médullaire ou radiculaire.


Il existe un syndrome inflammatoire avec accélération de la vitesse de sédimentation et augmentation de la CRP. L’hyperleucocytose est habituelle. Ces éléments manquent cependant habituellement en cas d’infection tuberculeuse et à micro-organisme à développement intracellulaire (Brucella spp, Legionella spp, Listeria spp, etc.) [125].



Imagerie



Radiographie

Le retard radioclinique est volontiers d’au moins 2 semaines. Les signes à rechercher sont :



image une érosion d’un coin vertébral (fig. 11.1) ;



image une diminution de hauteur de l’espace intervertébral (fig. 11.1) ;


image un aspect estompé de la lame osseuse sous-chondrale, d’interprétation très subjective, puis des érosions des plateaux vertébraux visibles après un délai de 2 semaines à 2 mois, c’est-à-dire lorsqu’au moins 50 % de l’os trabéculaire est détruit. La destruction osseuse peut se poursuivre et être majeure avec disparition de plus de la moitié du corps vertébral (fig. 11.2) ;



image une tuméfaction des parties molles périvertébrales : elle se détecte au rachis cervical sur le cliché de profil (épaississement des tissus mous en arrière de la filière aérodigestive), au rachis thoracique sur le cliché de face (fuseau paravertébral). Elle est beaucoup plus difficile à appréhender au rachis lombaire ;


image un rétrolisthésis ou une rétropulsion osseuse susceptible de rétrécir le canal rachidien dans les formes évoluées.


La présence de gaz intradiscal est rare en l’absence de fistule ou de geste biopsique récent [126]. Elle peut néanmoins s’observer avec certaines bactéries (Escherichia coli, Clostridium perfringens, Brucella spp, Peptococcus spp et Mycobacterium tuberculosis) [3, 14, 23].


Dans les formes plus chroniques, on observe une ostéocondensation réactionnelle de l’os trabéculaire, des remaniements dégénératifs et des ossifications paravertébrales [126].



IRM

C’est l’imagerie de choix pour objectiver une spondylodiscite débutante (sensibilité de 96 %, spécificité de 94 %) [134]. L’utilisation d’un grand champ d’exploration permet de détecter une atteinte pluriétagée. Le protocole minimal comporte des séquences sagittales pondérées en T1, en T2 avec suppression du signal de la graisse et en T1 après injection de gadolinium, ainsi qu’une séquence axiale centrée sur la spondylodiscite en T1 après injection. Une séquence frontale est également très intéressante à réaliser car elle permet d’objectiver des abcès paravertébraux, parfois volumineux, susceptibles de migrer à distance du foyer infectieux (le long des muscles psoas notamment). Pour mémoire, on signalera l’intérêt théorique de l’injection de produits de contraste à base d’oxydes de fer (SPIO, USPIO : Superparamagnetic Iron Oxide et Ultrasmall Particles of Iron Oxide), dont l’intérêt pratique nécessite d’être démontré [15].


À la phase précoce, on peut objectiver :



image une inflammation focale/peu étendue d’un plateau ou des deux plateaux vertébraux, notamment d’un rebord marginal (souvent antérieur), sans atteinte du disque adjacent (fig. 11.3). En effet, l’infection n’intéresse le disque que dans un deuxième temps car celui-ci n’est quasiment plus vascularisé à l’âge adulte. Le caractère initialement latéralisé des anomalies de signal des plateaux vertébraux est également possible. Il existe parfois un contraste entre une atteinte osseuse très modérée et une inflammation marquée des tissus mous adjacents ;



image une inflammation des tissus mous périvertébraux en regard, de façon focale ou déjà circonférentielle (fig. 11.3 et 11.4). En cas d’atteinte marginale postérieure, il existe alors volontiers une épidurite débutante. Les coupes réalisées après injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse sont les plus sensibles pour détecter ces anomalies débutantes [78], dont la présence est indispensable pour retenir le diagnostic de spondylodiscite à un stade précoce. En effet, des anomalies de signal des coins vertébraux sont fréquemment rencontrées en dehors de toute spondylodiscite (micro-avulsion des fibres de Sharpey et spondyloarthrite notamment). Inversement, c’est peut-être dans ces tissus mous périvertébraux et/ou épiduraux que les premiers signes d’inflammation pourraient être détectés [82] ;



image puis un hypersignal focal du disque intervertébral en T2, sans rehaussement décelable après injection de gadolinium [86]. On peut ensuite observer un rehaussement anormal du disque (fig. 11.4).


Cependant, si l’IRM est réalisée précocement, notamment dans les 2 à 4 premiers jours suivant le début de la symptomatologie clinique, certains des signes précédents peuvent manquer et l’IRM peut être faussement négative [37]. Il faut donc ne pas la programmer trop rapidement ou savoir la répéter quelques jours plus tard en cas de normalité.


À la phase d’état, on peut observer (fig. 11.5) :




image une réaction inflammatoire en bande des plateaux vertébraux ou plus diffuse des corps vertébraux. Elle est intense et homogène en cas de germe agressif, plus hétérogène en cas d’infection chronique peu agressive. Elle prédomine au contact du disque, à la différence des remaniements inflammatoires de type Modic 1 où elle prédomine à distance (en raison de la présence d’une fibrose/sclérose des plateaux vertébraux) ;


image des anomalies de signal du disque intervertébral :



image un aspect estompé de la lame osseuse sous-chondrale ou de petites érosions des plateaux vertébraux [142] ;


image un affaissement discal [76, 114] ;


image une inflammation périvertébrale circonférentielle : celle-ci présente typiquement des contours flous (œdème et nécrose tissulaire secondaire à la sécrétion d’enzymes par les germes banals) (tableau 11.1) ;



image une épidurite qui ne respecte pas le ligament longitudinal postérieur et peut entraîner la compression du sac dural ou des racines nerveuses ;


image des abcès à rechercher systématiquement au sein des plateaux vertébraux, du disque intervertébral mais surtout des tissus mous périvertébraux (intérêt des coupes frontales) et de l’espace épidural. En cas d’infection à germes banals, ces abcès ont des parois épaisses, ils sont typiquement mal limités et la réaction inflammatoire adjacente est importante, à la différence des abcès froids de la tuberculose (tableau 11.1) [54, 65].


Les signes IRM les plus sensibles pour le diagnostic seraient la présence d’une inflammation périvertébrale ou épidurale, le rehaussement discal, l’hypersignal discal de type liquidien en T2 et l’estompement de la lame osseuse des plateaux vertébraux [76].



Tomodensitométrie

On recherche (fig. 11.6) :




Si cette imagerie permet de préciser la destruction trabéculaire et notamment les érosions débutantes des plateaux vertébraux, elle est moins sensible que l’IRM pour rechercher les remaniements inflammatoires de l’os spongieux et des parties molles. Elle est cependant parfois utile en cas de doute sur l’IRM (recherche des petites érosions floues).



Médecine nucléaire

La scintigraphie osseuse au technétium 99 m est une technique accessible et très sensible pour la détection des foyers infectieux osseux mais elle est peu spécifique. La scintigraphie au gallium 67 est plus longue et plus coûteuse mais elle est plus spécifique et permettrait, en outre, de détecter des foyers infectieux extra-osseux. La scintigraphie aux leucocytes marqués n’est pas utile pour le diagnostic de spondylodiscite. La TEP (tomographie par émission de positons) est une méthode sensible et pourrait être potentiellement utile dans le diagnostic de spon dylodiscite et dans l’évaluation de la réponse au traitement [127]. Ces différentes techniques ne sont utilisées en pratique qu’en cas de contre-indication à l’IRM ou en l’absence d’orientation clinique précise.



Cas particulier de la spondylite


En dehors de la phase précoce d’une spondylodiscite, l´infection peut rester confinée à un ou plusieurs corps vertébraux, sans atteinte discale significative. Cette présentation est rare en cas d’infection à germes pyogènes et s’observe alors volontiers chez des sujets âgés ou immunodéprimés. Au début de l´évolution, les radiographies sont le plus souvent normales ou révèlent un tassement vertébral d’aspect banal. En revanche, l’IRM montre parfaitement l’inflammation osseuse, paravertébrale et épidurale. Une nécrose osseuse peut également s’observer (fig. 11.7) [86].




Preuves bactériologiques


Une preuve bactériologique doit être obtenue rapidement afin d’adapter au mieux et au plus vite l’antibiothérapie. Les hémocultures ne sont suffisantes que dans 25 à 50 % des cas [77]. On retiendra que le micro-organisme retrouvé dans les foyers « ouverts » (cicatrice, peau, crachats, urines, etc.) n’a qu’une valeur étiologique relative puisqu’il est fréquemment différent du micro-organisme finalement isolé dans le foyer septique rachidien.


Si l’hémoculture est négative ou douteuse ou s’il existe une aggravation clinique malgré une antibiothérapie bien conduite et adaptée à une 1re documentation bactériologique, des prélèvements locaux par ponction des collections ou par biopsie discovertébrale percutanée doivent être réalisés (cf. fig. 11.1). Dans ces situations, il peut être utile de ménager une période sans antibiotique avant la réalisation de la ponction-biopsie afin de limiter le risque de résultats faussement négatifs liés à la rémanence intra-osseuse des antibiotiques, bien que l’utilité de cette précaution ait été récemment remise en question [79].


Au décours de la biopsie discovertébrale, des hémocultures peuvent être réalisées pour profiter des décharges bactériennes induites par le geste. Les biopsies percutanées permettent l’identification du micro-organisme dans environ 70 à 80 % des cas. Les prélèvements chirurgicaux sont donc rarement nécessaires.


Lors de la ponction biopsie discovertébrale, le nombre d’échantillons à prélever est de sept : quatre prélèvements osseux (deux dans le plateau supérieur et deux dans le plateau inférieur), deux prélèvements discaux (un pour la microbiologie, un pour l’anatomopathologie) et enfin un prélèvement consistant, en fin de geste, en un lavage de l’espace discal à l’aide de sérum physiologique puis à l’aspiration du liquide pour analyse microbiologique. Il est indispensable de réaliser une analyse microbiologique (trois ou quatre prélèvements), histologique (deux prélèvements) et éventuellement une analyse PCR (un prélèvement) [75, 114].


L’examen anatomopathologique oriente vers une origine pyogène lorsque sont observés une prolifération vasculaire avec un tissu de granulation, un infiltrat myxoïde et des éléments inflammatoires aigus et chroniques.



Traitement


L’antibiothérapie est mise en route par voie intraveineuse avec un relais per os d’autant plus rapide que les antibiotiques utilisés ont une bonne biodisponibilité par voie orale. La durée optimale du traitement antibiotique n’est pas clairement établie ; elle se situe entre 6 et 12 semaines [105]. L’immobilisation au lit est nécessaire les premières semaines. L’indication d’un corset dépend des déformations induites. Après la disparition des douleurs et du syndrome inflammatoire, le lever se fait prudemment avec minerve ou lombostat.



Suivi sous traitement


Si la réponse clinique est confortée par une normalisation biologique rapide, les radiographies suffisent à elles seules à la surveillance morphologique du rachis. Elles permettent d’observer une ostéosclérose progressive des plateaux vertébraux, des ossifications périvertébrales et une évolution potentielle vers un bloc vertébral. Elles permettent également de vérifier l’absence d’instabilité intervertébrale. Chez l’enfant, la normalisation de l’espace discal est possible [84].


Un contrôle IRM systématique n’a aucun intérêt car, en dépit de l’efficacité thérapeutique [72, 137] :



image la disparition des anomalies de signal est très lente ;


image certains signes peuvent s’aggraver [72]. La poursuite de l’affaissement discal est normale ainsi qu’une destruction mécanique des plateaux avant que ne s’y développe une ostéocondensation. Le rehaussement somatodiscal en phase de guérison peut diminuer, rester inchangé, voire augmenter et n’est par conséquent pas fiable pour évaluer la réponse thérapeutique [134] ;


image ses résultats ne sont pas corrélés aux données cliniques.


L’IRM n’est utile qu’en cas de complication (fig. 11.8) ou de réponse insuffisante au traitement. Le signe le plus précoce d’efficacité thérapeutique est la diminution de l’inflammation des tissus mous [72, 134]. La guérison ne peut être confirmée en imagerie que par la transformation graisseuse des plateaux vertébraux. Celle-ci n’apparaît en moyenne que 15 semaines après le début du traitement [122]. Autrement dit, l’évolution précoce du signal des lésions somatodiscales en IRM n’est d’aucune aide pratique. L’intérêt immédiat de l’imagerie en coupes est donc de confirmer la régression des abcès. Les abcès paravertébraux et les abcès épiduraux non compressifs n’ont pas d’incidence pronostique particulière puisqu’ils régressent habituellement sous antibiothérapie adaptée seule [135]. Cependant, en cas d’augmentation de taille, de persistance des signes inflammatoires biologiques ou de compression neurologique, un drainage percutané, plus rarement chirurgical, peut être indiqué.



On rappellera que les spondylodiscites et les spondylites sont le plus souvent monomicrobiennes mais une résistance à un traitement bien conduit devra faire rechercher un autre micro-organisme associé (nouvelle biopsie discovertébrale), une collection abcédée (à drainer), une autre localisation (notamment en cas d’endocardite infectieuse), voire une inobservance au traitement anti-infectieux. Les récidives semblent plus fréquentes en cas d’infection à streptocoque B et/ou d’endocardite associée.



Spondylite et spondylodiscite tuberculeuse (mal de Pott)


Dans le monde, 40 % des spondylodiscites sont d’origine tuberculeuse, ce qui en fait l’infection rachidienne la plus fréquente. La tuberculose affecte un os ou une articulation dans 1 à 5 % des cas et le rachis dans plus de la moitié de ces cas. En Europe, cette affection en recrudescence atteint essentiellement des patients géographiquement transplantés (75 % des cas), des patients entre 40 et 50 ans à terrain débilité (immunodépression notamment en raison du VIH, toxicomanie, alcoolisme) et des patients qui n’ont d’autre caractéristique que d’être âgés. En revanche, dans les pays en voie de développement, 75 % des malades ont moins de 20 ans. Les hommes et les femmes sont affectés de manière équivalente.



Clinique et biologie


La nature de M. tuberculosis, caractérisée par une croissance lente, une propension à se développer dans un environnement riche en oxygène et une absence d’enzymes protéolytiques explique certaines particularités cliniques, biologiques et radiologiques. La symptomatologie clinique est plus insidieuse et notamment moins douloureuse que celle des infections à pyogènes (65 % des patients n’ont pas de fièvre). Des périodes de latence très variables ont été rapportées dans la littérature (une semaine à 3 années) [5]. Étant donné cette lente évolution, les complications neurologiques sont plus fréquentes et peuvent révéler la tuberculose. Elles sont, cependant, moins sévères et de meilleur pronostic que dans les infections à micro-organismes pyogènes [5]. Le caractère volontiers indolent de la tuberculose rachidienne explique également la formation fréquente de volumineux abcès dont la taille contraste avec l’atteinte osseuse ou discale plus modeste [5, 113]. Enfin, c’est parfois une déformation rachidienne qui révèle l’infection. Le syndrome inflammatoire biologique est inconstant, même en présence d’un abcès [5].



Imagerie


Les localisations thoraciques inférieures et lombaires supérieures sont les plus fréquentes. Elles peuvent être pluriétagées. Elles sont alors volontiers contiguës, notamment chez les sujets immunodéprimés ou présentant une hémoglobinopathie [98]. Elles sont plus rarement non contiguës [95, 98, 128]. D’autres articulations ou pièces osseuses peuvent également être affectées [46].


L’infection tuberculeuse au rachis reste volontiers longtemps confinée aux corps vertébraux (spondylites uni ou plurifocales). Ceci s’explique notamment par l’absence d’enzymes protéolytiques chez M. tuberculosis [5]. L’atteinte de deux corps vertébraux contigus s’explique alors souvent par l’extension sous-ligamentaire d’un abcès prévertébral [78]. D’authentiques spondylodiscites s’observent cependant et correspondent au mal de Pott.


La spondylodiscite se caractérise par de larges érosions des plateaux vertébraux (improprement appelées « macrogéodes ») en miroir de part et d’autre du disque (cf. tableau 11.1 ; fig. 11.9) [54]. Ces érosions peuvent contenir des séquestres et sont volontiers cerclées d’une ostéocondensation en général peu marquée. En TDM, la destruction des plateaux vertébraux apparaît plus fragmentée que dans les infections à pyogènes (fig. 11.10) [33]. En IRM, à un stade précoce, l’aspect peut être le même que celui des spondylodiscites à pyogènes avec un hyposignal T1 et un hypersignal T2 d’un coin vertébral antérieur et un petit abcès antérieur et/ou postérieur. Au stade d’état, un abcès centrodiscal et/ou des plateaux vertébraux, bien circonscrit, peut s’observer (fig. 11.11). À un stade plus chronique, un signal mixte en T1 (association d’hyposignal et d’hypersignal) s’observerait dans un tiers des cas (fig. 11.12) [33, 84, 85].





image


Fig. 11.11 Spondylodiscite tuberculeuse (même patient que fig. 11.9) : coupes sagittales pondérées en T1 (a) et T2 (b), coupes sagittale (c) et axiale (d) pondérées en T1 après injection de gadolinium.
Notez les abcès discovertébral, épidural et paravertébraux.



Les spondylites peuvent se traduire par :



image des anomalies de signal de type inflammatoire, homogènes ou non, d’un ou de plusieurs corps vertébraux (fig. 11.13). Un abcès sous-ligamentaire antérieur ou postérieur peut expliquer ou accompagner plusieurs atteintes somatiques, contiguës ou non (fig. 11.13).



image un tassement de la partie centrale d’un corps vertébral avec volontiers un bombement intracanalaire du mur postérieur (fig. 11.13) ;


image une vertebra plana [98] ;


image une plage ostéolytique bien limitée au sein d’une vertèbre dense, de siège centrosomatique ou à la partie postérieure du corps vertébral ; l’ostéolyse peut cependant être masquée par une ostéocondensation très importante. C’est le cas chez les patients ayant une immunité préservée qui limite l’extension infectieuse. L’aspect est alors celui d’une vertèbre ivoire.


Que l’on soit en présence d’une spondylite ou d’une spondylodiscite, il importe de rechercher :



image des abcès paravertébraux (50 % des cas) (fig. 11.11, 11.13 et 11.14). Souvent volumineux, ils soulèvent le ligament longitudinal antérieur en avant, les artères intercostales latéralement au rachis thoracique et ils intéressent volontiers les muscles psoas au rachis lombaire [89]. Contrairement aux infections à pyogènes, ces abcès tuberculeux, dits abcès froids, ne s’accompagnent pas de réaction inflammatoire marquée des tissus mous adjacents (cf. tableau 11.1). Ils ont des contours nets avec une paroi fine rehaussée après injection de produit de contraste [69]. En IRM, leur signal, homogène ou non, est habituellement hypointense en T1 et hyperintense en T2. La présence d’un hypersignal en T1 et/ou d’un hyposignal en T2 (calcifications, caséum) serait cependant évocatrice de l’origine tuberculeuse [84]. La présence de calcifications ou fragments osseux au sein de ces abcès est également bien objectivée en scanner et constitue un argument important en faveur du diagnostic (fig. 11.15). On rappellera l’intérêt des coupes frontales et des champs de vue étendus, ces abcès ayant volontiers une très grande taille et pouvant s’étendre à distance du niveau vertébral lésé. La présence d’un abcès sous-ligamentaire peut être responsable d’un scalloping et/ou d’une prolifération osseuse réactionnelle de la face antérieure d’un corps vertébral, parfois détectable en radiographie (fig. 11.16) ;





image une épidurite/des abcès épiduraux. Le ligament longitudinal postérieur étant préservé, on observe volontiers, sur les coupes axiales, un aspect bilobé ou en « embrasse de rideau » de l’atteinte épidurale (fig. 11.17). Le franchissement de la dure-mère est exceptionnel (tableau sévère de méningomyélite). Comme pour les abcès paravertébraux, l’atteinte épidurale peut se propager le long des murs vertébraux postérieurs sur une hauteur importante ;



image une atteinte médullaire. Lorsque l’infection est active, une compression médullaire peut être secondaire à la présence d’un abcès épidural, d’un tissu de granulation, d’un tissu caséeux, de débris osseux ou à une instabilité mécanique avec subluxation ou luxation (fig. 11.13). La souffrance neurologique peut également résulter d’une atteinte directe des méninges et de la moelle par l’infection [5] ou d’une thrombose ou endartérite des vaisseaux rachidiens [64]. À distance de l’infection, et parfois 10 à 20 ans plus tard, une paraplégie peut se développer lorsqu’il existe une déformation résiduelle sévère. Elle témoigne d’un étirement chronique de la moelle sur une structure osseuse antérieure, avec développement progressif d’une gliose. L’IRM objective alors une atrophie sévère de la moelle et/ou une syringomyélie. Un tissu cicatriciel au niveau de la dure-mère entraînant une constriction de la moelle et des ossifications ligamentaires peut également être parfois objectivé [62, 63] ;


image des déformations rachidiennes de survenue tardive. Elles peuvent aggraver le pronostic par les compressions neurologiques qu’elles entraînent (10 à 27 % des patients) (cf. supra) [101]. Chez l’enfant, la déformation en cyphose a tendance à se majorer avec la croissance [64].



Formes particulières



Atteinte de l’arc postérieur

Elle peut être associée à une spondylite ou spondylodiscite tuberculeuse, ou être isolée (2 à 10 % des cas) [9, 64]. Elle peut atteindre le processus épineux, la lame, le pédicule, l’articulation zygapophysaire ou le processus transverse, l’atteinte pédiculaire étant la plus fréquente [64]. Elle se traduit par de simples érosions osseuses ou par une véritable ostéolyse pseudo-tumorale de l’ensemble de l’arc postérieur. Elle est volontiers responsable d’une compression médullaire ou radiculaire (fig. 11.18) [25, 98].


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May 5, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 11: Infections rachidiennes

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