Chapitre 11 Bassin, hanche et col fémoral
FRACTURES DU BASSIN – PRINCIPES GENERAUX
1 Principes generaux (a) : Les deux ailes iliaques de chaque hémibassin s’unissent en arrière au sacrum (1) par les puissants ligaments sacro-iliaques et en avant par la symphyse pubienne (2). Cette union forme un cylindre osseux, l’anneau pelvien (3), qui a un rôle de protection des organes pelviens et de transfert du poids du corps depuis la colonne vertébrale jusqu’aux membres inférieurs. (En pointillés est indiqué l’axe de transfert du poids du corps.)
5 Considerations anatomiques (c) : Le bassin est richement fourni en vaisseaux sanguins qui sont fréquemment lésés en cas de fractures. Ces hémorragies sont souvent sévères, conduisant à un choc rapidement fatal. Note : Le choc hémorragique doit être anticipé, et faire l’objet d’une attention précoce (voir p. 32). Au niveau de l’articulation sacroiliaque, le plexus lombosacral et les nerfs sacraux sont aussi susceptibles d’être lésés.
FRACTURES DU BASSIN – FRACTURES STABLES
7. Résumé des conduites thérapeutiques : Il existe deux étapes majeures à observer dans la prise en charge des fractures graves du bassin.
FRACTURES DU BASSIN – FRACTURES OPEN BOOK
12 A2 : Fracture stable et peu déplacée de l’anneau pelvien (c) : Les autres fractures de ce type sont : (1) fracture des branches ilio- et ischiopubiennes ; (2) fracture de l’aile iliaque passant par l’incisure ischiatique ; (3) fracture de l’ilium ou du sacrum impliquant l’articulation sacro-iliaque. Une atteinte même momentanée en un autre point de l’anneau pelvien est fréquemment associée, mais dans la mesure où ces lésions sont stables, le traitement est identique à celui énoncé précédemment.
16. Hémorragie interne : Conduite à tenir et prise en charge (voir aussi p. 32) : Des lésions vasculaires pelviennes (le plus souvent par l’atteinte fréquente de l’artère iliaque interne ou de ses branches, par lésion des plexus veineux pelviens) peuvent conduire à une perte sanguine importante et une chute de la pression artérielle dont le contrôle peut devenir très difficile. Une lésion postérieure de l’anneau associée à une instabilité verticale expose généralement à des transfusions sanguines deux à trois fois plus importantes ; les compressions antéropostérieures et latérales sont souvent associées à des lésions vasculaires ; après 50 ans, le risque de saignement est majoré.
17 Stabilisation et compression pelvienne (a) : Un clamp pelvien peut être rapidement et facilement utilisé en salle d’urgences. On le glisse sous le bassin (dont la réduction est obtenue manuellement) puis on le ferme en avant. L’attelle de Londres (ci-dessus) utilise un Velcro unique antérieur. Les autres clamps utilisables sont l’anneau pelvien de Dallas et la ceinture de Genève (non indiqués pour des utilisations prolongées). L’application de ces dispositifs avant la réalisation des radiographies peut masquer l’étendue des lésions.
FRACTURES DU BASSIN – FRACTURES INSTABLES
21 Stabilisation et compression pelvienne (d) : Pour un patient stable hémodynamiquement, on peut proposer un traitement conservateur immédiat et définitif par « hamac pelvien ». Les bords supérieurs du dispositif sont renforcés par une barre en acier et des œillets, et l’assise peut être rembourrée avec la laine avant de la placer sous le bassin. Une traction de 4 à 8 kg est mise en place à l’aide de poulies (1) ; on obtient alors une poussée de dehors en dedans sur le bassin. En cas de réduction incomplète sur les radiographies de contrôle, on peut augmenter les poids, ou croiser le système de traction (2). Le traitement doit être poursuivi 6 semaines, en prenant les précautions usuelles concernant la surveillance cutanée ; on peut généralement retirer les poids au bout de 8 semaines.
25 Lésions par compression controlatérale (fracture en anse de seau) (B3) : Il s’agit d’une fracture du cadre obturateur (1) (ou en aile de papillon) du côté opposé à une lésion postérieure (2). Il y a une rotation de l’hémibassin (3) entraînant un raccourcissement du membre inférieur sans migration verticale. Ces fractures sont majoritairement stables et ne nécessitent pas de synthèse. Comme décrit précédemment pour les cas B2, on a recours à une fixation externe en cas de franche instabilité, d’un raccourcissement de plus de 1,5 cm, d’une instabilité hémodynamique, en cas de traumatismes multiples ou de nécessité d’une stabilisation à visée antalgique. À distance, on peut discuter une synthèse interne s’il y a une disjonction symphysaire ou une asymétrie pelvienne marquée.
28 Lésions avec instabilité verticale et rotatoire (c) : Ces lésions graves s’accompagnent d’hémorragies internes pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Initialement, pour contrôler le saignement, on utilise un fixateur externe et une traction osseuse sur le membre inférieur ; dans certains cas, on peut utiliser un clamp pelvien (voir figure suivante) ou d’autres mesures (voir figure 35). Dans l’attente de la chirurgie ou si celle-ci est non réalisable, le contrôle de l’instabilité rotatoire est obtenu par un fixateur externe, l’installation d’un hamac pelvien ou d’un clamp pelvien ; l’ascension d’un hémibassin peut être évitée par la mise en place d’un clou de Steinman transcondylien ou tibial, avec une traction pouvant aller jusqu’à 20 kg.
29 Clamp pelvien antichoc (a) : Il s’agit de deux bras (1) reliés à une barre transversale (2) qui sont librement mobiles lorsque l’on applique une pression de dehors en dedans (3) ; cependant, tout mouvement de dedans en dehors reste bloqué (4). Chaque bras est porteur d’une douille canulée dans laquelle on peut visser un clou de Steinman (5). Technique de pose : réaliser une incision cutanée de chaque côté du bassin à environ 6 cm de l’épine iliaque postérosupérieure sur une ligne reliant l’épine iliaque antérosupérieure à l’épine iliaque postérosupérieure (6), puis faire coulisser les deux bras du clamp et introduire les douilles dans l’incision. Les clous de Steinman sont enfoncés dans l’os iliaque au marteau sur 1 cm de profondeur (7). Appliquer une compression latérale en rapprochant les deux bras. Enfin, effectuer un serrage des douilles canulées à l’aide d’une clé permettant de fermer l’articulation sacro-iliaque (8).
33 Clamp pelvien antichoc (e) : Pour ce cas, la mise en place du clamp pelvien a permis la stabilisation conjointe de l’articulation sacro-iliaque et de l’équilibre tensionnel. (À noter que, sur cette TDM, seules les pointes des vis sont visibles dans ce plan de coupe.)Traitement définitif (a) : Il sera réalisé dans les 5 jours ; en effet, l’utilisation prolongée de cette fixation externe n’est pas recommandée, car elle expose à un fort risque d’infection sur les broches et à des difficultés dans la réalisation des soins de nursing. Ce traitement d’attente permet de stabiliser le patient, d’approfondir le bilan radiographique et d’organiser la prise en charge ultérieure avec le matériel approprié.
36 Traitement définitif (f) : Dans le cadre des reconstructions de l’acétabulum, une voie d’abord postérieure (type voie de Moore) permet le traitement des fractures de la colonne postérieure et la libération du nerf sciatique (voir p.289.)
Lésions de type C3 : Traitement définitif (a) :Dans les lésions du type C3, la priorité est donnée à la prise en charge et à la reconstruction de l’acétabulum (voir aussi figure 43 et suiv.) Il s’agit sur cette radiographie d’une fracture du bassin de type C3. On observe une disjonction importante de la symphyse pubienne, une fracture de la branche iliopubienne droite, et une disjonction de l’articulation sacro-iliaque gauche. On retrouve de plus une fracture transversale de l’acétabulum droit ainsi qu’une luxation coxofémorale droite. Ces lésions ont été initialement stabilisées par fixateur externe, et la réduction de la luxation a été effectuée par manœuvre externe.
FRACTURES DU SACRUM ET DU COCCYX
FRACTURES ACÉTABULAIRES – DIAGNOSTIC
43 Fracture de l’acétabulum/luxation centrale de hanche : Ces fractures peuvent résulter d’une chute ou d’un traumatisme direct sur la face latérale de la hanche (1) avec transmission des forces par l’intermédiaire de la tête fémorale. Il peut aussi s’agir de la transmission d’un impact par la cuisse (2) depuis le pied au cours d’une chute de forte hauteur ou depuis le genou en cas d’impact avec le tableau de bord d’une voiture.
48 La colonne postérieure est-elle intacte ? (a) : La colonne postérieure s’étend de proximal à distal depuis la tubérosité ischiatique jusqu’à l’incisure ischiatique, incluant la partie postérieure du plancher de l’acétabulum. Celle-ci est mieux identifiée sur des clichés obliques de trois quarts externe.
CLASSIFICATION DE L’AO DES FRACTURES – ACÉTABULUM
52 (c) : La reconstruction 3D du précédent cas confirme le degré de comminution au niveau du plancher de l’acétabulum. On met clairement en évidence dans la région de la grande incisure ischiatique un fragment osseux à la face postérieure (qui peut être responsable d’une paralysie du nerf sciatique et qui devra être enlevé en cas de chirurgie à ciel ouvert au décours d’une ostéosynthèse). Avec tous ces éléments, vous devez maintenant être capable d’établir la classification AO de cette fracture de l’acétabulum.
58 TRAITEMENT (C) : PRINCIPES GÉNÉRAUX
FRACTURES ACÉTABULAIRES – TRAITEMENT
Le traitement chirurgical des fractures du bassin et de l’acétabulum est rarement facile. Il nécessite toujours une large exposition, s’accompagnant d’un risque hémorragique non négligeable. La réduction et la synthèse des fragments osseux sont difficiles, s’associant à un temps opératoire long, ce qui augmente le risque de sepsis et allonge les délais de consolidation. On s’expose de plus au risque d’induire ou d’aggraver des lésions nerveuses en entraînant la formation d’ossification hétérotopique ; on augmente le risque d’ostéonécrose avasculaire de la tête fémorale ou de chondrolyse coxofémorale. Une telle chirurgie est contre-indiquée chez le sujet âgé, le patient obèse ou cas d’environnement socioéconomique défavorable. Chez l’enfant et l’adolescent, le traitement chirurgical est rarement indiqué et le bénéfice peu certain. Comme il s’agit d’un foyer de fracture richement vascularisé avec un potentiel de consolidation important, tout geste de réduction après une semaine est pratiquement impossible.
EXPOSITION
FRACTURES ACÉTABULAIRES – COMPLICATIONS
Voie d’abord ilio-inguinale : il s’agit d’une voie d’abord de l’acétabulum permettant d’exposer trois « fenêtres » ; cette voie donne accès à une large exposition osseuse. On place un sac de sable sous la fesse du patient. L’incision (1) est parallèle au ligament inguinal, décalée de 2 cm en proximal de celui-ci ; on peut la prolonger jusqu’à la ligne blanche. En arrière, elle peut être étendue jusqu’au-dessus des deux tiers antérieurs de la crête iliaque. L’aponévrose du muscle oblique externe (2) est discisée dans le sens des fibres. La dissection en profondeur se poursuit par l’incision du muscle oblique interne (3), du muscle tranverse (4), de leur tendon conjoint (5), du muscle droit de l’abdomen (6). Les vaisseaux épigastriques inférieurs (7), dont la position anatomique est variable, sont isolés et ligaturés. Le cordon spermatique (8) est placé sur un lac et écarté en latéral. Le tissu graisseux extrapéritonéal (9) et la vessie sont écartés en proximal de la symphyse et de la branche iliopubienne. Il s’agit de la fenêtre médiale (M).Le muscle iliaque (10) est écarté en dedans avec le muscle psoas (11) pour exposer la face endopelvienne du bassin. Il faut exercer une traction douce afin d’éviter toute lésion du nerf fémoral (12) qui chemine entre les deux muscles. La fenêtre latérale (L) est maintenant exposée. Les vaisseaux fémoraux (13) sont libérés, isolés sur lac et écartés médialement. Le muscle iliopsoas est écarté latéralement pour exposer la fenêtre médiane (Méd). L’articulation coxofémorale est ici illustrée en ligne pointillée.
59 COMPLICATIONS DES FRACTURES DU BASSIN
1 HÉMORRAGIE
(Voir la figure 16 pour le résumé de cette complication et de sa prise en charge.) Une hémorragie interne abondante est fréquente, particulièrement lorsqu’il y a une disjonction de l’anneau pelvien et une migration proximale de l’hémibassin (lésions de type C), mais elle peut s’observer en cas de lésions moins importantes. Un choc hypovolémique doit être anticipé quelle que soit la fracture, même pour les fractures les plus minimes. (Voir p. 32–34 pour les détails de la prise en charge des spoliations majeures.)
Dans les rares cas d’une hémorragie rétropéritonéale sévère, où malgré un remplissage massif les pertes continuent à être plus importantes que les volumes administrés, une exploration chirurgicale doit être reconsidérée. Il est rare qu’une seule source de saignement soit identifiée, l’hémorragie provenant généralement d’une rupture massive du plexus veineux. Dans ce cas, un packing de la plaie durant 48 heures peut permettre de la juguler. Parfois, de bons résultats ont également été obtenus grâce à la ligature de l’une des artères iliaques internes ou des deux.