Chapter 10 Réparation des pertes de substance interruptrices du nez
Principes généraux
La réparation des pertes de substance de pleine épaisseur du nez (rhinopoïèse) fait partie des enjeux chirurgicaux des plus difficiles en chirurgie réparatrice cervicofaciale [1]. Les régions de la pointe, de l’aile du nez et de la columelle peuvent être concernées par la nécessité d’une réparation de pleine épaisseur [2–4].
L’enjeu est bien évidemment au premier plan esthétique, puisque la pyramide nasale est un élément essentiel de l’équilibre du visage, et que sa déformation entraîne très rapidement un préjudice cosmétique majeur [5]. Au second plan, la restitution d’une bonne perméabilité respiratoire est également importante à prendre en compte [6].
Le plus souvent, l’obtention d’un résultat esthétique correct justifie le recours à une reconstruction des trois plans anatomiques constitutifs de la région de la pointe, de l’aile du nez et de la columelle : le plan profond muqueux (lining), le plan intermédiaire cartilagineux et le plan superficiel cutané [7–9].
Devant des pertes de substance de pleine épaisseur très étendues, en particulier chez un patient âgé ou au terrain défavorable, il faut savoir discuter et expliquer aux patients la possibilité de recourir à la mise en place d’une épithèse (figure 10.1). Cette solution prothétique constitue une réelle alternative à la chirurgie de reconstruction tridimensionnelle de la pyramide nasale ; les résultats sont souvent meilleurs sur le plan esthétique lorsque l’intégralité de la pyramide nasale doit être reconstruite.
Lorsqu’une réadaptation chirurgicale est envisagée pour prendre en charge une perte de substance de pleine épaisseur du nez, trois solutions principales sont envisageables [10]. Ces trois solutions dépendent de la taille de la perte de substance et de la capacité du patient à pouvoir être traité en plusieurs temps :
Greffes composées
Les greffes composées sont proposées pour les pertes de substance interruptrices dans la mesure où elles n’excèdent guère 1 cm de grand axe. Elles peuvent être utilisées au niveau de la pointe, de la columelle, mais sont particulièrement intéressantes au niveau de l’aile du nez. Le pavillon de l’oreille externe constitue une source essentielle de greffons composés [11,13]. Les correspondances entre les zones donneuses du pavillon de l’oreille externe et les zones à réparer sont bien codifiées (figure 10.2).
Lambeau nasogénien
Méthode de Préaux
Le lambeau nasogénien est un lambeau local très fiable dont la vascularisation est assurée par les pédicules sous-dermiques provenant de l’artère faciale. De même qu’il est utilisable pour la réparation de pertes de substance superficielles de l’aile du nez, il est possible de l’utiliser pour des pertes de substance de pleine épaisseur [1,24,25]. Pour cela, le prélèvement est effectué selon un tracé axé sur le pédicule supérieur, dans le sillon nasogénien. La hauteur disséquée doit être suffisamment haute pour que la longueur du lambeau permette une plicature sur elle-même de son extrémité distale (méthode de Préaux). Cela permet la reconstitution du bord libre de l’aile du nez et du versant endonasal de la perte de substance. Ce lambeau est suffisant pour permettre la réparation de toute la largeur de l’aile du nez, ce qui impose une largeur de dissection de 2 à 2,5 cm de largeur. La grande fiabilité du lambeau nasogénien permet de dépasser très largement la règle habituelle de l’équilibre longueur–largeur de 2/1 : la longueur du lambeau peut atteindre 8 à 10 cm de longueur.
Afin d’obtenir une réparation fine du bord libre de l’aile du nez, il est indispensable d’affiner ce lambeau, en particulier dans sa région distale. Pour cela, il faut ôter à l’aide de ciseaux à disséquer la graisse hypodermique jugale nécessaire. Utilisé sans greffe cartilagineuse (figure 10.3), ce lambeau garde souvent un aspect très rectiligne ; aussi, il est intéressant de mettre en place une greffe de cartilage (par exemple prélevée au niveau de la conque) qui servira d’armature, assurant un galbe et le maintien de la convexité externe de l’aile du nez [26]. Il est important de positionner cette greffe de cartilage non pas en situation anatomique alaire, mais en position marginale. Toute cette reconstruction est faisable en un seul temps opératoire.
Lambeau de Pers
C’est un lambeau nasogénien en îlot modifié.
Décrit par Pers en 1967, aussi appelé in and out flap, ce lambeau à pédicule supérieur est vascularisé par des branches alaires de l’artère labiale supérieure [27]. Son tracé nécessite une technique rigoureuse en réalisant un patron de la perte de substance endonasale situé sous la ligne de plicature du lambeau. La perte de substance cutanée correspond au tracé situé au-dessous de cette même ligne.
Le lambeau de Pers peut être indiqué dans les pertes de substance de pleine épaisseur, interruptrices de l’ensemble de l’aile narinaire, débordant sur le lobule nasal mais n’atteignant pas le dôme cartilagineux. Ce lambeau un peu épais, non armé, doit en effet être « tendu » au niveau de sa zone de plicature sur une partie antérieure restante de l’orifice narinaire, afin d’éviter un collapsus de l’aile reconstruite (figure 10.4).
Rhinopoïèses : réparations en trois plans
Les réparations en trois plans, à l’aide d’un plan muqueux profond, d’un plan cartilagineux intermédiaire et cutané superficiel, constituent la technique de choix. Ces techniques ont été particulièrement affinées par Burget au cours des dernières décennies [8].
Reconstruction du plan muqueux profond
La construction du plan muqueux profond est le temps le plus difficile [18]. La parfaite restauration du revêtement muqueux endonasal est en effet essentielle pour deux raisons principales.