Chapitre 10 Principales anomalies chromosomiques
Trisomie 21
Épidémiologie
La prévalence de la trisomie 21 était de 1/800 naissances dans les années 1990 ; cependant, avec les stratégies de diagnostic prénatal, cette prévalence a diminué et se situe aujourd’hui aux alentours de 1/1 100 à 1/1 200 [1]. On estime que le taux d’avortements spontanés chez les fœtus porteurs d’une trisomie 21 est de 43 % entre 11 SA et le terme, et de l’ordre de 23 % entre 16 SA et le terme [2].
Cytogénétique
Dans 95 % des cas, la trisomie 21 est sporadique et due, le plus souvent, à une non-disjonction méiotique maternelle (88 % des cas) responsable d’une formule chromosomique homogène à 47 chromosomes avec un chromosome 21 supplémentaire.
Dans 2 % des cas, il s’agit d’une forme en mosaïque due à une non-disjonction post-zygotique.
Dans 2 % des cas, il s’agit d’une translocation robertsonienne, dont la plus fréquente est de loin la t(14 ; 21) ; viennent ensuite les t(13 ; 21), t(15 ; 21) et t(21 ; 22). La translocation robertsonienne t(14 ; 21) est dans environ la moitié des cas d’origine familiale, nécessitant de réaliser les caryotypes des deux parents. La trisomie 21 par t(21 ; 21) survient toujours de novo car une personne porteuse d’une t(21 ; 21) ne peut donner naissance qu’à des enfants trisomiques 21. Pour la translocation t(21 ; 22), le risque de trisomie 21 de 20 %, quel que soit le sexe.
Risque de récurrence
Le risque de récurrence pour la trisomie 21 est lié à l’âge maternel et à l’existence éventuelle d’une mosaïque germinale parentale. Les données de la série européenne [2], celles de Hook et al. [3] et celles, plus récentes, de Warburton et al. [4] montrent un risque de récurrence plus élevé (de l’ordre de 1 %) pour les femmes de moins de 30 ans.
Après la naissance de deux enfants atteints de trisomie 21, le risque est estimé à 10 %.
S’il s’agit d’une trisomie 21 en mosaïque, le risque de récurrence est très faible.
Si la translocation robertsonienne est survenue de novo chez le cas index, le risque de récurrence pour le couple est inférieur à 2 %.
Prénatal : signes échographiques
1er trimestre de la grossesse
Bien que non spécifique, la clarté nucale supérieure à 3,5 mm entre 11 et 14 SA permet de diagnostiquer un grand nombre de trisomies 21 et constitue un excellent signe de dépistage. On estime que 60 % des fœtus atteints de trisomie 21 ont une clarté nucale augmentée et que 10 % ont un hygroma colli.
2e et 3e trimestres de la grossesse
Postnatal
À la naissance, le diagnostic de trisomie 21 est porté devant une hypotonie franche et une dysmorphie faciale caractéristique : face et occiput plats, ensellure nasale plate liée à l’hypoplasie des os propres du nez, obliquité des fentes palpébrales en haut et en dehors, épicanthus, hypertélorisme, oreilles petites et bas implantées. Une échographie cardiaque doit être réalisée.
Dépistage mis en œuvre pour le diagnostic de trisomie 21
Stratégie du dépistage
Au début du suivi de la grossesse, le médecin délivre une information à sa patiente sur sa possibilité d’adhérer à une stratégie de dépistage de la trisomie 21 comprenant l’échographie du 1er trimestre et les marqueurs sériques. Il lui propose, en première intention, le dépistage combiné du 1er trimestre, en seconde intention, le dépistage séquentiel intégré du 2e trimestre et, à défaut, le dépistage par les marqueurs sériques du 2e trimestre. En dernier recours et exceptionnellement, il pourra prendre en compte uniquement l’âge maternel si l’échographie du 1er trimestre et les marqueurs sériques des 1er et 2e trimestres n’ont pu être réalisés. Il insiste aussi sur les différences existant entre un test de dépistage et un test diagnostique, ainsi que sur les avantages et les inconvénients de l’amniocentèse et de la choriocentèse. À l’issue de cet entretien, une fois la prise en charge acceptée, la patiente signe un consentement en triple exemplaire (encadré 10.1) [5–7]. Un exemplaire reste dans son dossier, un lui est remis et le 3e est destiné au médecin biologiste agréé. Par ailleurs, il lui est fourni une fiche de renseignements cliniques contenant toutes les informations nécessaires au calcul de risque ; celle-ci sera complétée par l’échographiste (encadré 10.2). La patiente devra faire réaliser l’échographie chez un praticien identifié dans un réseau de santé périnatale puis avoir son prélèvement sanguin.
Marqueurs biochimiques du 1er trimestre
Les marqueurs du 1er trimestre sont :
Les dosages peuvent être effectués entre 9 et 13 SA, sauf celui de l’inhibine A qui est réalisé entre 11 et 13 SA. Cependant, ce dernier dosage n’est pas utilisé pour le calcul de risque au 1er trimestre. L’évolution spontanée du dosage de la PAPP-A et de la β-hCG est différente au cours de la grossesse : la PAPP-A augmente et la β-hCG diminue, les valeurs médianes évoluant dans le même sens (fig. 10.2).
Fig. 10.2 Évolution naturelle de la médiane de α-FP, hCG totale et β-hCG au 1er trimestre de la grossesse.
(d’après UptoDate)
Les résultats sont exprimés par rapport à la valeur médiane pour un âge gestationnel donné qui, par définition, est à 1 MoM (multiple of the median). Les résultats sont donc rendus en MoM ou en degré d’extrême (1 degré d’extrême correspondant au 95e percentile et – 1 degré d’extrême au 5e percentile). Dans la population des fœtus porteurs de trisomie 21, les médianes sont différentes pour ces deux hormones (fig. 10.3). La fraction libre de la β-hCG et la β-hCG totale sont augmentées respectivement à 1,8 MoM et 1,4 MoM ; la PAPP-A est diminuée à 0,4 MoM. À l’inverse, des taux très bas de PAPP-A et β-hCG, associés à une hyperclarté nucale, sont évocateurs d’une trisomie 18. Une PAPP-A inférieure au 1er percentile est un indicateur de risque de perte fœtale et de retard de croissance intra-utérin.
Risque combiné du premier trimestre
Le risque combiné du 1er trimestre associe les marqueurs suivants : l’âge maternel, la mesure de la clarté nucale pour un âge gestationnel donné, le dosage de la PAPP-A et de la fraction libre de la β-hCG. Ce calcul de risque est réalisé entre 11 et 13 SA + 6 jours. Selon les nouvelles dispositions réglementaires [7], les réseaux de santé périnatale organisent le dépistage. L’échographiste est identifié au sein d’un réseau de santé périnatale par un numéro. Ce numéro ne lui est attribué que s’il a justifié d’une formation initiale en échographie obstétricale et d’une évaluation des pratiques professionnelles sur sa méthodologie de mesure de la longueur craniocaudale et de la clarté nucale ; en outre, il doit s’engager à disposer d’un appareil d’échographie répondant à certaines normes techniques et d’entretien. L’échographie est à réaliser avant le prélèvement sanguin et le calcul de risque est réalisé par le biologiste agréé que si l’échographiste est bien identifié au sein d’un réseau périnatal. Le calcul de risque peut éventuellement être fait par l’échographiste après le prélèvement sanguin par dérogation subordonnée à la conclusion d’une convention au sein d’un réseau de santé périnatale entre l’échographiste, le biologiste agréé et le centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN). La patiente est considérée comme à risque de porter un fœtus trisomique 21 si le calcul retrouve un risque supérieur ou égal à 1/250. Par cette procédure, on s’attend à dépister 85 % des fœtus trisomiques pour un taux d’amniocentèse de 5 %. De plus, les marqueurs sériques du premier trimestre peuvent permettre de dépister d’autres anomalies chromosomiques ou d’autres pathologies fœtales.
Marqueurs biochimiques du 2e trimestre
Le taux de β-hCG diminue spontanément entre 15 et 20 SA, alors que ceux de l’α-FP et de l’E3 augmentent (fig. 10.4). Comme au 1er trimestre, les valeurs médianes par âge gestationnel vont servir de référence. Dans la population des fœtus trisomiques au 2e trimestre, la médiane de β-hCG est à 2 MoM, celles de l’α-FP et de l’E3 à 0,70 et 0,75 MoM respectivement.