10: Justice et soins aux mineurs


Justice et soins aux mineurs



L’immaturité de l’enfant et son étroite dépendance au contexte éducatif dans lequel il vit ont d’importantes conséquences sur les modalités de ses soins. Ainsi, dans les situations ordinaires, demander ou consentir à ces soins est une des prérogatives des dépositaires de l’autorité parentale c’est-à-dire généralement les parents. C’est aux représentants de l’État et à la justice qu’il revient de suppléer aux parents lorsque ceux-ci sont défaillants ou qu’ils sont empêchés de remplir les devoirs que cette autorité leur confère. C’est ce qu’illustre la place des Conseils généraux et de la justice des mineurs dans les dispositifs de protection et les modalités particulières qui judiciarise les soins psychiatriques sous contraintes chez les mineurs.



L’autorité parentale


Elle est définie par le Code civil (art. 371-1) comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ». Elle « appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne ». Le juge des affaires familiales est en règle générale le juge compétent en matière d’autorité parentale. Il peut, si la situation l’exige, limiter son exercice par les parents.



La garde et l’éducation


Le Code civil (art. 371-3) précise également ces deux dimensions essentielles dans l’exercice de l’autorité parentale :



• La garde de l’enfant est un droit et un devoir des parents. L’enfant doit demeurer avec ses parents, dans le domicile familial s’ils vivent ensemble, ou selon l’accord des parents ou les décisions du juge s’ils vivent séparément. Mais la garde est également un devoir car les parents doivent l’exercer dans l’intérêt de l’enfant et ne peuvent s’y soustraire en le délaissant ou en l’abandonnant, sous peine de condamnation pénale (art. 277-1 et suivants du CP).


• L’éducation de l’enfant est, elle aussi, un droit et un devoir : un droit car elle donne le droit aux parents de déterminer des aspects importants de la vie de l’enfant, par exemple le choix de la religion ou du métier, ou de le corriger « en cas d’infraction à la discipline familiale » dès lors qu’ils restent dans le cadre des « sanctions qu’approuve la coutume » (Weca, 2006). Cependant, l’autorité parentale ne peut en aucun cas justifier des actes violents.



Conséquences de ces devoirs


L’autorité parentale peut se perdre ou se retirer quand les parents ne l’assurent pas dans l’intérêt de l’enfant, c’est-à-dire lorsqu’ils ne remplissent pas de façon adéquate les devoirs liés à la garde et à l’éducation de l’enfant. Elle peut ainsi se perdre du fait de la déclaration judiciaire d’abandon qui est une possibilité donnée au tribunal de Grande Instance lorsqu’il constate que les parents d’un enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, se sont manifestement désintéressés de lui depuis plus d’1 an (art. 350 CC). Cette action a pour effet de rendre l’enfant adoptable sans que ses parents aient à consentir à son adoption. Elle s’accompagne obligatoirement d’une délégation de l’autorité parentale à un tiers (cf. infra). Cependant, la mise en œuvre directe de la délégation de l’autorité parentale est également possible (art. 377 CC) offrant une solution moins radicale que l’article 350 puisqu’elle ne touche pas aux liens de filiation et ne remet pas en cause la qualité de parent. Cette deuxième solution s’impose d’ailleurs si le recours à l’article 350 du CC ne s’inscrit pas dans un projet d’adoption (auquel le délégataire de l’autorité parentale n’a pas le pouvoir de consentir).


L’autorité parentale peut être également retirée par la justice. C’est le retrait de l’autorité parentale (nouvelle dénomination de la déchéance de l’autorité parentale). Il concerne les parents qui sont condamnés pour un crime ou un délit commis sur la personne de leur enfant (art. 374 et 378 CC). Il peut être partiel ou total et peut également concerner d’autres ascendants (comme les grands-parents par exemple), dans des conditions analogues. À défaut d’autres déterminations, il s’étend à tous les enfants mineurs déjà nés au moment du jugement » (art. 379 CC). Il est précisé que le délit d’abandon de famille ou d’abandon moral ne peut suffire pour permettre à la juridiction pénale de prononcer le retrait de l’autorité parentale.


Le retrait peut être également prononcé par la juridiction civile (art. 378-1 CC) si elle constate que l’enfant est en danger et que son intérêt est mis en cause par ses parents.



Les atteintes à l’autorité parentale


Comme nous l’avons vu plus haut, la justice peut limiter l’exercice de l’autorité parentale par les parents, sans pour autant remettre en cause leur autorité parentale comme principe. Ceci couvre la délégation parentale et l’assistance éducative (art. 375 et suivants CC).


La délégation d’autorité parentale : est un « acte par lequel le tribunal de grande instance transfère totalement ou partiellement à un particulier digne de confiance, à un établissement agréé à cette fin, ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance, l’exercice de l’autorité parentale sur un enfant » (Weca, 2006). Elle est volontaire lorsque ce sont les titulaires de l’autorité parentale qui délèguent volontairement cette autorité au profit de la personne qui exerce en fait les pouvoirs d’éducation de l’enfant. Même dans ces cas, une intervention judiciaire est nécessaire par le biais d’un jugement rendu à la demande du ou des parents concernés, ce qui donne au juge un pouvoir de contrôle. La délégation est forcée en cas d’empêchement ou de désintérêt manifeste des parents. Elle est réversible et n’interdit pas d’accorder un droit de visite aux parents.


L’assistance éducative a pour but de protéger l’enfant en danger tout en conservant aux parents l’autorité parentale et son exercice. L’assistance éducative suppose donc « que l’on estime pouvoir raisonnablement assurer la protection de l’enfant en changeant le moins possible et le moins longtemps les éléments de la situation » (Weca, 2006). Les parents conservent en effet les prérogatives d’autorité parentale, les services éducatifs n’en exerçant aucune. Ces services ont simplement la charge « d’apporter aide et conseils a la famille » (art. 375-2 du CC) dans la mesure d’action éducative en milieu ouvert (AEMO).


En découlent les principes sur lesquels se fondent les mesures d’assistance éducatives en pratique : la concertation, la continuité des liens avec la famille, le maintien aux parents de l’obligation d’entretien qui leur incombe, le droit des parents à être informés


Ces principes n’ont cependant pas une valeur absolue, le magistrat conservant la possibilité d’en suspendre tout ou partie lorsque le maintien de ces droits « n’est pas compatible avec la mesure en cours ».



La protection des mineurs


Sur fond d’autorité parentale qui en détermine les contours juridiques, la protection des mineurs est une mission essentielle des institutions publiques. Elle se caractérise en France par une « double dualité » (Botbol et al., 2012) :



• concernant la protection des enfants en danger, elle s’appuie sur deux dispositifs séparés l’un administratif dépendant des Conseils généraux, l’autre judiciaire, relevant de la compétence civile des juges des enfants (loi du 5 mars 2007) ;


• la protection judiciaire des enfants s’articule quant à elle autour des deux compétences du juge des mineurs : la compétence civile qui, comme nous venons de le voir, concerne la protection des enfants en danger, et la compétence pénale qui concerne les mineurs délinquants (ordonnance du 2 février 1945). La justice pénale des mineurs a d’ailleurs l’obligation de s’inscrire sous le primat de l’éducatif. Si bien qu’il est habituel de considérer que la justice pénale des mineurs s’inscrit d’abord dans une logique « protectionnelle » (Youf, 2006), comme en témoigne la dénomination de l’administration qui en est le pivot : la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). (Botbol et al., 2010).



La protection administrative de l’enfance en danger


Comme on l’a vu, elle est essentiellement assurée par les Conseils généraux et les services placés sous leur autorité : services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), services de Protection maternelle infantile (PMI), services sociaux de prévention. Pour s’exercer, cette protection requiert l’accord des titulaires de l’autorité parentale, c’est-à-dire en général les parents. La loi du 5 mars 2007 envisage quatre cas de figure :



• Le mineur est en danger (on parle d’information préoccupante), mais les parents acceptent l’intervention du service de l’ASE et les mesures proposées, il n’y a dès lors pas lieu de faire un signalement à l’autorité judiciaire, car la protection administrative suffit.


• Lorsque cette intervention ne peut se mettre en place en raison :


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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 10: Justice et soins aux mineurs

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