Chapitre 1 Examen gynécologique normal1
• Aborder l’entretien et conduire l’interrogatoire chez une patiente qui consulte pour un problème gynécologique. (A)
• Conduire l’interrogatoire pour reconnaître les femmes à haut risque de cancer du col, du corps, du sein. (A)
• Conduire l’interrogatoire pour reconnaître les femmes dont l’état contre-indique les estroprogestatifs ou le stérilet. (A)
• Reconnaître, par l’interrogatoire, des métrorragies, des ménorragies, des polyménorrhées, des hypoménorrhées, des spanioménorrhées. (C)
• Énumérer le matériel nécessaire au généraliste pour la pratique d’un examen gynécologique habituel. (C)
• Décrire l’anatomie de surface de la vulve et du périnée et pouvoir l’expliquer à la femme. (A)
• Introduire et retirer un spéculum (stage). (A)
• Savoir comment faire un toucher vaginal et connaître les organes que l’on peut ainsi explorer. (A)
• Faire un toucher rectal et connaître les organes que l’on peut ainsi explorer. (A)
• Expliquer à la patiente au moyen d’un support graphique l’anatomie de l’appareil génital féminin. (A)
• Expliquer à la patiente son anatomie, l’intérêt, les indications et les modalités d’un examen gynécologique. (B)
• Faire l’examen clinique des seins et des aires ganglionnaires. (A)
L’examen gynécologique est difficile à décrire parce que cette relation avec la patiente se vit plus qu’elle ne se décrit.
Nous voudrions donc insister surtout ici sur les temps importants de l’examen et sur ce qu’il ne faut pas faire.
Interrogatoire
L’interrogatoire est le premier temps de l’examen. Il n’est jamais assez prolongé, assez fouillé ; et s’il faut commencer par lui, il ne faudra pas hésiter à le reprendre au fil de l’examen. Il faudra savoir répéter les mêmes questions à plusieurs reprises, faire préciser tel ou tel signe, rajouter une question suggérée par une réponse de la patiente.
Motif de la consultation
La première question est une prise de contact : « Quel est le but de votre visite ? »
On essaiera, à partir de cette idée, d’expliciter dans le discours de la patiente le motif de sa consultation.
Parfois, celui-ci est évident : métrorragie, aménorrhée… ; parfois, il est plus confus : douleurs abdominales dont il faut préciser le type, pertes mal précisées. Parfois, enfin, le but est intriqué : il s’agit de douleurs associées à un saignement, à un problème sexuel.
Là encore, il faudra, après l’examen, reprendre cette notion de but de la visite et refaire préciser à la malade ce dont elle se plaint réellement, ce qui n’est pas toujours ce qu’on avait cru comprendre au départ.
Recherche des antécédents
Les antécédents seront étudiés systématiquement, mais leur recherche sera également orientée en fonction du motif de la consultation. En effet, on interroge différemment une femme qui vient pour une tumeur du sein, et celle qui vient pour une dyspareunie. Il n’empêche qu’il faut un minimum de questions systématiques que nous allons passer en revue. Elles ont pour but de : dépister les populations à risque en cancérologie, rechercher les contre-indications de la contraception, débrouiller un problème de stérilité.
Même si la femme consulte pour une visite systématique dans le cadre de la médecine préventive, il faut étudier ses antécédents.
Antécédents familiaux
On recherchera la notion de cancer du sein dans la famille (mère, sœur, tante), mais aussi de cancer de l’ovaire et du côlon.
La recherche portera également sur la pathologie générale, notion de diabète, d’obésité, d’hypertension.
Histoire des règles
On fera préciser l’âge des premières règles, la durée des cycles, l’existence d’une dysménorrhée, d’une période prolongée de dysovulation, l’âge éventuel de la ménopause, les problèmes qu’ils ont posés, la prise éventuelle de médicaments en particulier à base d’hormones (estrogènes seuls ou associés à la progestérone).
Antécédents obstétricaux
Ils seront repris chronologiquement de façon à préciser la date de naissance des enfants, le sexe, le poids, le terme, les difficultés éventuelles à l’accouchement, et surtout dans les suites de couches, température, leucorrhées, curetage, accidents thromboemboliques. Les fausses couches, qu’elles soient spontanées ou volontaires (IVG), seront soigneusement notées, en faisant préciser la date, le terme, la qualité de l’œuf (si on la connaît), le mode de terminaison (prostaglandines, aspiration, curetage), les traitements associés (en particulier les antibiotiques). On fera préciser si ces grossesses sont du même partenaire.
Antécédents médicaux
On recherchera l’existence de maladies des grands appareils : cœur, poumons, système nerveux, tube digestif, glandes endocrines. En général, la malade s’en explique sans difficulté et on fera une mention très spéciale pour :
les antécédents phlébitiques ou thromboemboliques personnels et/ou familiaux, souvent oubliés ;
la notion d’ictère, en particulier d’ictère ou de cholestase de la grossesse ;
l’existence d’une hypertension artérielle ;
enfin, les maladies infectieuses acquises, telles que la rubéole ou la toxoplasmose mais aussi VIH, VHC ;
les antécédents infectieux : leucorrhées, salpingite (germes et traitements).
Antécédents chirurgicaux
Ils seront recherchés et on précisera surtout les interventions qui ont eu lieu sur l’abdomen, le pelvis ou le périnée. L’appendicectomie est bien banale, mais on fera préciser le caractère de sa gravité, en particulier l’existence d’une péritonite ou d’un drainage ; ceci peut être très important dans le cas d’une stérilité. Les interventions sur l’appareil gynécologique seront détaillées. On essaiera d’avoir un compte rendu opératoire ou, au moins, le nom et l’adresse de l’opérateur de façon à connaître très exactement ce qui a été fait. De même, on précisera les interventions possibles sur le périnée et leur type.
Modalités contraceptives
Elles sont importantes à faire préciser :
la pilule (le type, la date, la durée de la prise, les ennuis provoqués), les autres modalités de contraception hormonale (anneau, patch, implants, injections) ;
le stérilet (la date de la pose, le type du stérilet avec ou sans progestatif) ;
les moyens mécaniques utilisés (préservatifs ou diaphragme).
Enfin, il est utile de faire préciser l’absence de contraception, qui permet d’ouvrir le débat sur ce thème et d’éviter peut-être une grossesse surprise et une interruption de grossesse ou bien de préciser cette notion sémiologique importante, si le couple consulte pour stérilité.
Prise de médicaments actuelle
Elle doit être recherchée étant donné la fréquence d’absorption de tranquillisants, des neuroleptiques et les problèmes qu’ils peuvent poser tant dans l’apparition d’une pathologie iatrogène (galactorrhée, aménorrhée secondaire) que par les problèmes anesthésiques si la malade a besoin d’une intervention chirurgicale.
En résumé, à la fin de l’interrogatoire, on aura dépisté :
les populations à haut risque de cancer y compris le cancer du côlon : histoire familiale de cancer du côlon ; antécédent personnel de cancer du sein, de l’endomètre, de l’ovaire (tableaux 1.1 et 1.2) ;
les femmes dont l’état contre-indique un mode de contraception (tableaux 1.3 et 1.4).
Tableau 1.1 Populations à haut risque de cancer de l’utérus.
Femmes à haut risque de cancer du col | Femmes à haut risque de cancer de l’endomètre |
---|---|
Femmes ayant eu :
– des rapports sexuels avant 17 ans ; – des partenaires sexuels multiples ; – plus de cinq enfants et le premier avant 20 ans ; – des infections génitales répétées ; – un bas niveau socio-économique ; |
Femmes : |
Tableau 1.2 Femmes à haut risque de cancer du sein.
Âge | Supérieur à 40 ans |
Antécédents familiaux | Cancer du sein chez la mère, la tante, la sœur porteuses du gène Be Ra1 BeRa2 |
Vie génitale | Premières règles précocesMénopause tardiveInsuffisance lutéale connue |
Antécédents | Mastopathie bénigneStérilitéMoins de 3 enfants ou grossesse après 30 ans |
Antécédents socio-économiques | CélibatHaut niveau de vieProfession intellectuelleAlimentation riche en graisse |
Tableau 1.3 États contre-indiquant les estroprogestatifs.
Tableau 1.4 États contre-indiquant la pose d’un stérilet.
Analyse du symptôme
Les antécédents ayant été étudiés, il va falloir analyser, en y revenant, le symptôme dominant qui a amené la patiente à consulter.
Schématiquement, on peut les grouper dans les rubriques suivantes :
troubles urinaires ou rectaux ;
un trouble de la fonction de reproduction : infertilité, fausses couches à répétition.
Chacun de ces symptômes mérite d’être précisé par un interrogatoire minutieux. Enfin la patiente peut venir consulter pour un examen systématique et de dépistage.
Saignement anormal
Les métrorragies sont des saignements qui surviennent entre les règles. Spontanées ou provoquées, elles doivent faire évoquer un cancer du col, de l’endomètre, du vagin.
Les ménorragies ont une valeur sémiologique très différente. C’est une cause fréquente de consultation car une femme sur vingt consulte son médecin de famille pour des règles trop abondantes (Vessey et al., 1992). Il peut s’agir d’un saignement minime qui précède ou suit le flot menstruel. Il s’agit le plus souvent de règles abondantes du fait de leur volume, de leur durée ou des deux. Il n’est pas facile de définir ce que sont les règles trop importantes, en particulier chez des femmes habituées à une hémorragie de privation minime sous contraception orale. À l’arrêt de la contraception, elles trouvent des règles normales trop abondantes. Les ménorragies sont définies comme des règles dont le volume est supérieur à 80 mL ou 120 mL par cycle (Cole et al., 1971; Hallberg et al., 1966; Jansen et al., 1995). Les méthodes qui ont conduit à définir ces valeurs ne sont pas applicables en cliniques. Il faut donc se contenter des dires de la femme : il faut pour cela s’aider du nombre et du type de garnitures utilisées par 24 heures. On tiendra compte aussi du retentissement des hémorragies : signes cliniques ou biologiques d’anémie.
Un petit schéma récapitulatif des derniers cycles permet de résumer ces données simplement (figure 1.1). Les polyménorrhées correspondent à des cycles courts de moins de 25 jours.
Absence des règles ou aménorrhée
Elle est dite primaire si la femme n’a jamais eu ses règles et secondaire si elle les a eues mais ne les a plus.
S’il s’agit d’aménorrhée secondaire, on recherchera le mode d’apparition : arrêt brutal chez une femme jusque-là bien réglée ou secondaire, au contraire, à une période de spanioménorrhée.
Les spanioménorrhées sont des règles de volume normal mais très espacées, tous les 45 jours ou plus.
Hypoménorrhées ou oligoménorrhées
Ce sont des règles très pauvres, pouvant être réduites à quelques taches sanglantes.
Leucorrhées
L’interrogatoire s’attachera à essayer de distinguer entre la leucorrhée physiologique et la leucorrhée pathologique.
En effet, on sait que la desquamation vaginale physiologique associée à la glaire cervicale abondante n’entraîne jamais de troubles fonctionnels, elle n’irrite pas et ne sent pas mauvais. Ces leucorrhées physiologiques peuvent cependant gêner la femme et être un motif de consultation.
On les distinguera des leucorrhées pathologiques entraînant des troubles fonctionnels (brûlures et prurit), elles ont une odeur et tachent le linge.
On précisera les caractères de ces leucorrhées, la date de leur survenue par rapport à la vie sexuelle, les traitements déjà prescrits.
Douleurs
Elles sont un motif fréquent de consultation et il faudra bien l’analyser. On demandera à la patiente :
la date d’apparition : après un événement génital ou un choc affectif ;
leurs modalités : intermittentes ou continues, avec ou sans paroxysme ;
leur rythme par rapport au cycle : douleurs protoméniales dès le début du flux menstruel, prémenstruelles, téléméniales à la fin des cycles ;
leur type : pesanteurs, tiraillements, torsion ;
leur siège : hypogastrique médian, uni- ou bilatéral ;
leur irradiation : périnéale, crurale, lombaire ;
leur intensité : obligeant ou non à un arrêt de travail, à la prise d’un traitement ;
les signes d’accompagnement : troubles urinaires, prurit, tension mammaire.
Le but ici est d’essayer de distinguer les douleurs organiques des douleurs fonctionnelles, voire psychosomatiques. Il est clair qu’une femme qui n’a jamais souffert et qui se plaint de douleurs récentes très intenses, invalidantes, rebelles au traitement a plus de chances d’avoir des lésions organiques qu’une femme qui se plaint depuis 10 ans de douleurs mal définies, non invalidantes, en s’aidant d’un papier où elle a noté tous les signes de peur d’en oublier et qui arrive en consultation avec un volumineux dossier.
Troubles urinaires
On distinguera une incontinence urinaire d’effort, survenant à la toux, au port d’un paquet, d’une miction impérieuse. Le besoin est ici impératif, l’urine s’écoule avant que la femme ait pu satisfaire son besoin. On la distinguera aussi d’une miction par regorgement, la malade ayant d’ailleurs l’impression d’avoir toujours la vessie pleine, et d’une fuite permanente des urines évoquant une fistule. La pollakiurie peut être nocturne ou diurne, on en précisera le rythme ainsi que l’existence de brûlures à la miction. Rappelons qu’une cystite est définie par l’association de pollakiurie, de brûlures à la miction et d’urines troubles.
Troubles rectaux
Ils seront analysés, qu’il s’agisse de constipation, d’épreintes, de ténesmes, de difficultés à aller à la selle. Ces dernières peuvent être liées à une rectocèle et obligent la patiente à réduire le prolapsus par un doigt vaginal pour émettre les selles. Il faudra donc l’interroger dans ce sens et lui faire préciser ce geste qu’elle n’ose pas expliquer. On lui fera éventuellement préciser la notion d’incontinence anale, les matières s’échappant soit spontanément, soit avec émission de gaz.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

