veineuses cérébrales

Thromboses veineuses cérébrales

C. Guidoux, R. Sonneville, R. Carlier and T. Sharshar



La thrombose veineuse cérébrale (TVC) est une pathologie rare définie par une thrombose des sinus veineux et/ou des veines cérébrales. La présentation clinique peut être trompeuse, et la suspicion diagnostique nécessite de réaliser en urgence les examens adéquats afin de ne pas retarder la prise en charge thérapeutique.


Rappel anatomique



Veines cérébrales


Le sang veineux se draine par les veines cérébrales superficielles et profondes (figure 1). Celles-ci présentent une paroi fine, sans valves. Il existe de nombreuses anastomoses :








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Figure 1
Angioscanner cérébral normal en coupe sagittale. 1. Sinus sagittal supérieur. 2. Sinus sagittal inférieur. 3. Ampoule de Galien. 4. Veine cérébrale interne. 5. Sinus droit. 6. Torcular. 7. Sinus caverneux.





– les veines superficielles drainent le sang de la majeure partie du cortex, à l’exception de la face interne des lobes temporaux et des lobes occipitaux ; la variabilité anatomique des veines corticales dans leur nombre et leur situation rend compte de l’absence de territoires veineux bien définis ;


– les veines profondes, constantes, drainent le sang des noyaux gris du diencéphale et de la substance blanche profonde des hémisphères ;


– les veines de la fosse postérieure sont variables dans leur trajet.


Sinus veineux


Les veines cérébrales se drainent dans les sinus qui sont des canaux veineux formés dans des dédoublements de la dure-mère (figure 2). Ces derniers drainent le sang du cerveau principalement vers la veine jugulaire interne :








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Figure 2
IRM cérébrale avec injection de Gadolinium en coupe frontale (A) et sagittale (B). À noter l’asymétrie des sinus latéraux avec hypoplasie du sinus latéral droit témoignant de la variabilité des sinus veineux. 1. Sinus sagittal supérieur. 2. Sinus sagittal inférieur. 3. Ampoule de Galien. 4. Veine cérébrale interne. 5. Sinus droit. 6. Torcular. 7. Sinus caverneux. 8–9. Sinus latéral (8 : sinus transverse ; 9 : sinus sigmoïde). 10. Veine jugulaire interne.





– le sinus sagittal supérieur (SSS) (nouvelle nomenclature du sinus longitudinal supérieur) chemine dans le bord supérieur de la faux ; il draine les veines corticales ascendantes ;


– le sinus longitudinal inférieur (SLI) longe le bord inférieur de la faux ;


– le sinus droit chemine le long de la base de la faux ; il draine le SLI et l’ampoule de Galien. Les deux veines cérébrales internes, issues de la fissure choroïdienne (partie médiane de la fente de Bichat) et les veines basilaires de Rosenthal, qui cheminent autour du mésencéphale, se jettent dans l’ampoule de Galien ;


– le sinus droit se jette en arrière, avec le SSS, dans le torcular. Ce carrefour veineux est drainé par les deux sinus transverses (sinus latéraux [SL]). Ils cheminent horizontalement d’arrière en avant dans la gouttière du sinus transverse (os occipital) jusqu’aux bords supérieurs des rochers, puis descendent le long de la suture pétro-occipitale jusqu’au trou déchiré postérieur en formant les sinus sigmoïdes.

Le SSS et les SL reçoivent la plus grande partie des veines drainant les faces externs et internes de l’hémisphère. Il existe de nombreuses anastomoses intra- et extracrâniennes qui rendent compte de la diversité des tableaux cliniques rencontrés.


Sinus caverneux


Le sinus caverneux constitue un confluent veineux entre les veines cérébrales, les veines de la face et les veines de la fosse postérieure. Chaque sinus caverneux naît au niveau de la fente sphénoïdale (fissure orbitaire supérieure) et chemine de part et d’autre de la selle turcique. Il reçoit le sang veineux de la majeure partie de la face et de l’étage antérieur du crâne. Il se poursuit par les deux sinus pétreux supérieur et inférieur.

Il est traversé par :




– le sang veineux ;


– l’artère carotide interne (ACI), qui présente une forme de siphon avant de traverser le toit du sinus ; ce rapport exceptionnel de l’ACI dans le sinus caverneux est à l’origine des fistules carotido-caverneuses responsables d’une exophtalmie et d’un souffle permanent à renforcement systolique ;


– les nerfs oculomoteurs : le nerf moteur oculaire externe (VIe paire crânienne ou nerf abducens), le nerf moteur oculaire commun (III), le nerf pathétique (IV, trochléaire) une partie du nerf trijumeau (V1, nerf ophtalmique de Willis et nerf maxillaire supérieur, V2).


Siège des thromboses veineuses


On retrouve habituellement, dans la littérature, et notamment dans une étude multicentrique prospective récente incluant 624 patients, la distribution suivante [1] :




– sinus sagittal supérieur : 62 % ;


– sinus latéral : 73 % ;


– sinus droit : 11 % ;


– veines corticales : 17 % ;


– veines profondes : 7 %.

Cela rend compte de la fréquence des atteintes associées (veines cérébrales et un ou plusieurs sinus) et de l’importance des localisations multiples (60 %).


Physiopathologie


Il existe plusieurs facteurs qui favorisent la formation du thrombus : la stase, l’hypercoagulabilité, les troubles de l’hémostase et les anomalies pariétales. Ceux-ci rendent compte des différentes étiologies, que nous verrons ultérieurement.

Les lésions cérébrales secondaires à une thrombose veineuse sont corrélées au nombre de veines thrombosées et à leur topographie. L’occlusion veineuse est responsable d’une stase circulatoire et d’un ramollissement ou « infarctus » veineux caractérisé par l’importance des phénomènes hémorragiques. Le siège de l’infarctus veineux est habituellement cortico-sous-cortical, c’est-à-dire qu’il affecte le cortex et la substance blanche sous-jacente. Lors d’une thrombose du SSS, l’infarctus veineux est le plus souvent bilatéral, situé au niveau de la partie supérieure et interne des deux hémisphères cérébraux, mais ne correspond pas à un territoire vasculaire artériel habituel. En cas de thrombose d’un sinus latéral, l’atteinte concerne le lobe temporal et le lobe pariétal.

Un oedème cérébral isolé peut être observé lors de l’occlusion d’un sinus.

L’infarctus veineux présente quatre caractéristiques qui le distinguent d’un infarctus d’origine artérielle :




– il est plus volontiers hémorragique et peut parfois constituer un véritable hématome ;


– sa topographie corticale et/ou sous-corticale ne correspond pas à un territoire vasculaire artériel ;


– l’œdème périlésionnel est fréquemment plus important ;


– son pronostic est le plus souvent favorable.


Épidémiologie


Les renseignements fournis par les techniques radiologiques les plus récentes et les résultats de plusieurs études récentes de grande envergure suggèrent que l’incidence des TVC est probablement plus élevée que celle constatée préalablement sur des séries autopsiques. L’étude multicentrique prospective ISCVT (International Study on Cerebral Vein and Dural Sinus Thrombosis) menée pendant 3 ans a permis d’inclure 624 patients. On estime actuellement à environ 0,5 % par an l’incidence des TVC. Il existe une légère prédominance féminine avec un pic chez la femme jeune (contraception orale, postpartum), mais les TVC peuvent survenir à tout âge [2].


Causes et facteurs de risque


Il est habituel de séparer les causes générales des causes locorégionales. Il existe souvent plusieurs facteurs associés qui doivent être attentivement recherchés.


Facteurs généraux






– Période postopératoire.


– Grossesse et postpartum.


– Contraception orale, notamment en cas d’association avec un tabagisme actif.


– Affections hématologiques.


– Troubles de l’hémostase congénitaux (déficit en protéines C, S, antithrombine II) ou acquis (anticoagulant circulant, coagulation intravasculaire disséminée [CIVD], cryoglobulinémie).


– Infections bactériennes (sepsis, endocardite, typhoïde, tuberculose), virales (hépatite, encéphalite rougeole, herpès, VIH, CMV), parasitaires (paludisme, trichinose, etc.), mycose (aspergillose).


– Cancers (le plus souvent adénocarcinome) et chimiothérapie (notamment intrathécale), corticoïdes.


– Maladie systémique, notamment la maladie de Behçet, mais également maladie de Gougerot-Sjögren, maladie de Wegener, maladie de Crohn, sarcoïdose.


– Autres : déshydratation sévère, cirrhose, syndrome néphrotique, cardiopathie congénitale ou insuffisance ventriculaire droite, etc.


Facteurs locaux






– Infection de voisinage : otite, mastoïdite, sinusite, infections buccodentaires.


– Infection intracrânienne : abcès, empyème, méningite.


Facteurs locaux non infectieux






– Traumatisme crânien.


– Intervention neurochirurgicale.


– Malformation vasculaire (fistule dure-mérienne).


– Cathétérisme veineux, ligature veine cave ou jugulaire.


– Envahissement d’un sinus veineux par un méningiome.


Clinique


La symptomatologie clinique est polymorphe, souvent trompeuse, et l’évocation du diagnostic repose donc sur un faisceau d’arguments. Il est indispensable d’évoquer rapidement le diagnostic devant l’existence de particularités sémiologiques inhabituelles (voir ci-dessus), car tout retard diagnostique peut engager le pronostic fonctionnel et vital.


Mode d’installation


Contrairement aux thromboses d’origine artérielle s’installant brutalement, les TVC ont un mode de survenue très variable. Il est subaigu (supérieur à 48 h, moins de 30 jours) dans 50 % des cas, mais il peut être aussi aigu (moins de 48 h) dans 30 % des cas, ou chronique (plus de 30 jours) dans 20 % des cas.


Signes cliniques


Les céphalées représentent le symptôme le plus fréquent et sont inaugurales dans plus de 60 % des cas. Les caractéristiques de celles-ci sont très variables d’un individu à l’autre : elles peuvent être insidieuses ou se manifester à l’extrême comme des céphalées intenses brutales.

Les crises comitiales partielles ou généralisées peuvent être le premier signe (environ 15 % des cas) et surviennent chez 40 % des patients au cours de l’évolution. Elles sont particulièrement fréquentes chez l’enfant et le nouveau-né.

Un déficit moteur et/ou sensitif se rencontre habituellement en cas d’atteinte parenchymateuse associée (infarctus veineux), en dehors bien sûr des déficits neurologiques postcritiques.

Les troubles de la conscience peuvent être présents. Ils sont rarement inauguraux et surviennent plutôt tardivement. D’autres signes tels qu’une atteinte cérébelleuse, une paraplégie ou des troubles psychiatriques peuvent également être présents mais sont plus rares.


Présentation clinique


Les TVC ont une présentation clinique très variée pouvant associer des signes d’hypertension intracrânienne (HTIC) lorsque l’occlusion se limite aux sinus veineux duraux, et des signes focaux lorsque la thrombose intéresse les veines corticales, retentissant directement sur le parenchyme cérébral (apparition d’un oedème focal ou constitution d’un infarctus veineux).

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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on veineuses cérébrales

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