Traitement du reflux gastro-œsophagien

12. Traitement du reflux gastro-œsophagien

Chapitre révisé pour cette édition par:


Thierry Dine


Praticien hospitalier, centre hospitalier d’Haubourdin Professeur de pharmacie clinique, UFR pharmacie, Lille, France

Jean-François Claerbout


Gastro-entérologue, CHU Lille, France

Nos remerciements à


Maryline Rave


interne en pharmacie au département de pharmacie du CHU de Besançon, pour sa relecture et la révisondéfinitive de ce chapitre.


PLAN DU CHAPITRE







Physiopathologie234


Sémiologie clinique234




Complications234


Facteurs favorisants235


Moyens de diagnostic235


Médicaments utilisés235




Classification des médicaments235


Mécanisme d’action236


Relation structure-activité237


Pharmacocinétique237


Critères de choix thérapeutique237




Traitement d’attaque du reflux237


Traitement d’entretien du reflux238


Traitement de l’œsophagite238


Traitement du nourrisson et de l’enfant238


Traitement de la femme enceinte239


Traitement de la femme allaitante239


Traitement de la personne âgée239


Optimisation thérapeutique239




Optimisation posologique239




Posologies et plan de prises239


Adaptation posologique240


Optimisation de l’administration241


Prévention de l’iatropathologie242




Prévention des risques majeurs242


Prévention des effets indésirables242


Conseils au patient243


CE QU’IL FAUT RETENIR244


ÉTUDE DE CAS CLINIQUES245


Références bibliographiques246



GÉNÉRALITÉS



PHYSIOPATHOLOGIE



Les données actuelles montrent que la moitié de la population adulte souffre de ces symptômes de façon épisodique et que 10% environ nécessitent une prise en charge médicale en raison de la fréquence des symptômes qui deviennent quotidiens.

Ce n’est pas une maladie de la sécrétion acide, ses symptômes étant dus aux troubles de la motricité œsophagienne et cardiale. Sur le plan physiopathologique, plusieurs facteurs conditionnent l’apparition du RGO:




– une incompétence du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO): le SIO constitue la barrière antireflux en fermant normalement la communication œsophage-estomac. Dans le RGO pathologique, il existe une hypotonie ou une atonie permanente de la pression de repos, des relâchements spontanés trop fréquents et/ou une augmentation du gradient de pression gastro-œsophagien. On peut également mettre en évidence des épisodes de relaxation inappropriée, transitoire et spontanée, non liés à la déglutition;


– une anomalie de la motricité œsophagienne, responsable d’un trouble de la clairance, entraîne, en particulier, une diminution de la clairance acide œsophagienne qui correspond à la capacité de l’œsophage à se débarrasser rapidement du contenu acide qu’il a reçu, par son péristaltisme. La motricité œsophagienne et les contractions péristaltiques secondaires permettent donc d’évacuer le contenu gastrique. Ainsi, en cas de troubles de la motricité (troubles du péristaltisme œsophagien) associés à une hypersensibilité de la muqueuse œsophagienne par diminution de la résistance épithéliale à l’acide, la clairance acide œsophagienne diminue et la durée d’exposition de la muqueuse à l’acide augmente, entraînant les douleurs et à terme la formation des lésions;


– la hernie hiatale intervient dans la constitution d’un RGO par altération de la clairance œsophagienne: une partie du liquide de reflux acide contenu dans le sac herniaire remonte dans l’œsophage au moment de sa contraction. On observe alors un va-et-vient de ce contenu entre l’œsophage et l’hernie hiatale;


– enfin, un retard de la vidange gastrique pourrait favoriser chez certains patients des épisodes de reflux postprandiaux.


SÉMIOLOGIE CLINIQUE


Le RGO sera évoqué devant des signes digestifs et extradigestifs.



► Signes digestifs


Les signes digestifs typiques sont caractérisés par:




– un pyrosis correspondant à une sensation de brûlure traçante ascendante, à point de départ épigastrique et remontant derrière le sternum;


– des régurgitations correspondant à la remontée dans l’œsophage, puis dans la gorge, sans effort de vomissement, du contenu gastrique acide ou alimentaire;


– un syndrome postural avec pyrosis et/ou régurgitations survenant lorsque le sujet se penche en avant (travaux ménagers, jardinage, prière musulmane) ou qu’il est en décubitus dorsal au cours de la nuit. Ce syndrome réveille brutalement le sujet, l’obligeant à s’asseoir, à prendre un topique antiacide, ou tout simplement un verre d’eau ou de lait.

D’autres signes digestifs moins typiques peuvent s’observer à titre de brûlures épigastriques simples, troubles dyspeptiques classiques avec flatulence, sensation de digestion lente et éructations.

En cas de RGO compliqué, d’autres signes d’alarme peuvent se manifester, en particulier une dysphagie, une odynophagie (douleur rétrosternale perçue au cours de la déglutition), une hémorragie digestive, une anémie, un amaigrissement. La présence de ces signes doit faire penser à l’existence d’une forme sévère de RGO ou d’une œsophagite ou encore d’une affection néoplasique.


► Signes extradigestifs


Ils peuvent s’observer à différents niveaux:




respiratoire: épisodes de toux nocturnes, dyspnée paroxystique de type asthmatiforme;


ORL: gêne pharyngée à type de sensation de corps étranger, maux de gorge répétés, dysphonie accompagnée d’enrouement, laryngite postérieure;


cardiaque: douleurs thoraciques pseudo-angineuses, simulant une insuffisance coronarienne, survenant au repos ou en décubitus, parfois à l’effort.

Ces signes extradigestifs évoquent une pathologie pulmonaire, ORL ou cardiaque et font pratiquer des examens parfois poussés tels que scanner thoracique, épreuve d’effort ou coronarographie.



Facteurs favorisants


Face à une symptomatologie compatible avec un RGO, il convient de rechercher des facteurs prédisposants: hyperpression abdominale, grossesse, consommation régulière d’alcool, tabagisme, médicaments capables de diminuer la pression du SIO (œstrogènes, théophylline, etc.).


Moyens de diagnostic


Le diagnostic de RGO et de ses complications fait appel à des examens complémentaires reposant sur des explorations morphologiques (endoscopie ou radiographie) et fonctionnelles (pH-métrie œsophagienne, manométrie œsophagienne). La fibroscopie précisera le niveau du cardia, recherchera l’existence d’une hernie hiatale. Elle permet surtout d’étudier la muqueuse du bas-œsophage, de reconnaître une œsophagite, d’en préciser le stade et d’apporter des renseignements indispensables à la conduite thérapeutique. L’endoscopie digestive rend le plus souvent inutile toute autre exploration. La pH-métrie œsophagienne de 24 heures, gold standard actuel, sensible et spécifique, permet d’évaluer le pourcentage de temps passé en dessous de pH 4 (inférieur à 5% chez les sujets normaux). Elle est utile chez des patients ayant des symptômes atypiques et une muqueuse œsophagienne normale en endoscopie. La manométrie œsophagienne, notamment dans les œsophagites sévères, peut mettre en évidence un abaissement de la pression basale du SIO et/ou des troubles de la motricité œsophagienne. Elle n’a pas sa place dans la stratégie diagnostique initiale du RGO.


MÉDICAMENTS UTILISÉS


Les médicaments utilisés dans le RGO et l’œsophagite par RGO peuvent être classés schématiquement en trois groupes: les antisécrétoires, les médicaments prokinétiques et les antiacides.


Classification des médicaments























































































































































Tableau 12.1 Les médicaments utilisés par voie orale dans le traitement du reflux gastro-œsophagien et de l’œsophagite.
*Le cisapride (Prépulsid enfants et nourrissons) est désormais soumis à prescription hospitalière réservée aux spécialistes en pédiatrie et nécessite une surveillance particulière pendant le traitement. Prépulsid enfants et nourrissons est inscrit sur la liste des médicaments rétrocédables par les PUI.
Principes actifs Noms de spécialité Formes galéniques Dosages
Antisécrétoires antihistaminiques H2
ranitidine Azantac Comprimés, comprimés effervescents 75, 150 ou 300mg



150 et 300mg

Raniplex Comprimés, comprimés effervescents 75, 150 ou 300mg



150 et 300mg

Ranitidine génériques Comprimés 150 et 300mg
nizatidine Nizaxid Gélules 150 et 300mg
famotidine Pepdine
Famotidine génériques
Comprimés lyophilisats 20 et 40mg

Pepcidac Comprimés 10mg
cimétidine Cimétidine génériques Comprimés 400 et 800mg


Comprimés sécables, comprimés effervescents 800mg

Tagamet Comprimés, comprimés effervescents 200mg


Comprimés 400mg


Comprimés effervescents 800mg

Stomédine Comprimés effervescents 200mg
famotidine + antiacides Pepciduo Comprimés à 10mg
Antisécrétoires inhibiteurs de la pompe à protons
lansoprazole Lanzor, Ogast Gélules 15 et 30mg
oméprazole Mopral, Zoltum, génériques Gélules 10 et 20mg
pantoprazole Eupantol, Inipomp Comprimés 20 et 40mg
rabéprazole Pariet Comprimés 10 et 20mg
ésoméprazole Inexium Comprimés 20 et 40mg
Prokinétiques
dompéridone Motilium, Motilyo, génériques Comprimés, sachets granulés effervescents 10mg


Suspension buvable 200mL 1mg/mL

Péridys Comprimés, sachets granulés effervescents 10mg


Suspension buvable 200mL 1mg/mL
métoclopramide Primpéran, Anausin, Prokinyl, génériques Comprimés 10mg


Solution buvable 0,1%, gouttes buvables 0,1mL/goutte


Suppositoires 10 et 20mg
cisapride* Prépulsid enfant et nourrisson Suspension buvable 100mL 1mg/mL
Antiacides alginates (voir aussi le chapitre sur l’ulcère gastro-duodénal, tableau 11.1antiacides, liste non exhaustive)
alginates Gaviscon Comprimés, suspension buvable 250mL, sachets

Gaviscon nourrisson Suspension buvable 150mL

Topaa, Topalkan Comprimés, suspension buvable 210mL


Mécanisme d’action




► Prokinétiques


Ils possèdent des mécanismes pharmacologiques différents dont les conséquences sont équivalentes. Ils stimulent le péristaltisme œsophagien, augmentent le tonus et la pression du sphincter inférieur de l’œsophage et accélèrent la motricité œso-gastro-duodénale ainsi que la vidange gastrique.



Dompéridone

C’est un antagoniste des récepteurs dopaminergiques périphériques sans effet anticholinergique


Métoclopramide

C’est un antagoniste à la dopamine sans effet anticholinergique.

La dompéridone et le métoclopramide antagonisent les effets inhibiteurs de la dopamine sur la motricité digestive.


Cisapride

C’est un cholinomimétique indirect puisqu’il stimule la libération d’acétylcholine par les fibres cholinergiques au niveau des terminaisons nerveuses des plexus myentériques. Il activerait également les récepteurs sérotoninergiques 5-HT4 du tube digestif. Il n’a pas d’effet direct sur les récepteurs muscariniques ou nicotiniques, ni d’effet antagoniste sur les récepteurs dopaminergiques.



Relation structure-activité


La relation structure-activité des antiacides à base d’aluminium et des antisécrétoires (IPP, anti-H2) a été développée dans le chapitre sur le traitement de l’ulcère gastroduodénal.


► Prokinétiques


La dompéridone est une butyrophénone. Le métoclopramide est un benzamide. Ils possèdent donc une analogie structurale avec les neuroleptiques expliquant leur affinité pour les récepteurs dopaminergiques. Ils ne traversent pas ou peu la barrière hémato-encéphalique et agissent aux doses antireflux, surtout sur les récepteurs dopaminergiques périphériques.

Le cisapride est un dérivé des benzamides sans effet antidopaminergique.


► Antiacides à base d’alginates


Les alginates sont des polysaccharides, non absorbables de par leur taille importante, qui précipitent en gel visqueux sous l’effet de l’acide. Les caractéristiques physico-chimiques des alginates leur confèrent:




– une légèreté qui leur permet de flotter au-dessus du contenu gastrique et de régurgiter en premier lors des reflux;


– une viscosité qui s’oppose au reflux;


– un pH alcalin.


Pharmacocinétique


Les données pharmacocinétiques des antiacides à base d’aluminium et des antisécrétoires (IPP, anti-H2) ont été développées dans le chapitre sur le traitement de l’ulcère gastro-duodénal.


► Prokinétiques




Dompéridone

Pic plasmatique de 30min; métabolisation hépatique importante; élimination rénale; temps de demi-vie plasmatique de 7 heures. Elle possède l’avantage de ne passer que très faiblement la BHE.


Métoclopramide

Résorption rapide; biodisponibilité de 80% (effet de premier passage hépatique); fixation aux protéines plasmatiques et métabolisation faible; élimination urinaire; temps de demi-vie plasmatique de 6 heures.


Cisapride

Résorption rapide et complète; biodisponibilité de 40% (effet de premier passage hépatique); pic sérique obtenu entre 1 et 2 heures; métabolisation à 90%; élimination dans les selles et les urines; temps de demivie d’élimination de 10 heures.


► Antiacides à base d’alginates


Pas de résorption, action rapide (6 à 14min) et durable (2 à 4 heures). Les antiacides à base d’alginates sont éliminés dans les selles.


CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE


La mise en place du traitement antireflux repose en premier lieu sur des critères cliniques révélateurs (symptomatologie typique ou atypique, fréquence et répétition des reflux) et sur le contexte médical (âge, facteurs de risque). Si le diagnostic du RGO peut être porté avec quasi-certitude par l’interrogatoire sans l’aide d’examen complémentaire en cas de symptomatologie typique, le recours aux investigations paracliniques est indispensable en cas:




– de symptômes atypiques;


– de symptômes invalidants ou résistants au traitement symptomatique ou récidivant à l’arrêt du traitement;


– de signes d’alarme (dysphagie, hémorragie digestive, anémie ferriprive, amaigrissement);


– d’âge supérieur à 50ans.

La qualité du diagnostic représente un élément essentiel du bon usage des médications antireflux. Le traitement du RGO simple ne justifie pas d’examen complémentaire préalable. Par contre, seule l’endoscopie permettra le diagnostic et le staging d’une œsophagite.

Quelle que soit la situation, la prise en charge médicale du RGO et la réussite du traitement passent inéluctablement par une information précise du patient sur l’observance de son traitement et sur des règles hygiéno-diététiques et posturales fondamentales.

Les objectifs thérapeutiques sont:




– le soulagement des symptômes, accompagné d’un retour à une qualité de vie normale;


– la cicatrisation des lésions dans les œsophagites sévères ou compliquées;


– la prévention des récidives dans les formes symptomatiques à rechutes fréquentes et les œsophagites sévères ou compliquées.

Cependant, bien que les médicaments utilisés contre le RGO soient très efficaces, aucun n’est capable de guérir définitivement la maladie et donc de prévenir les récidives après l’arrêt du traitement.


TRAITEMENT D’ATTAQUE DU REFLUX


Le traitement d’attaque du RGO sans œsophagite reste symptomatique et ne demande pas d’examen complémentaire devant une symptomatologie typique (pyrosis, régurgitations acides) chez un patient de moins de 50ans. Ainsi, selon les recommandations de la conférence de consensus de janvier 1999 sur la prise en charge du RGO, les experts proposent une stratégie graduée par palier de prise en charge.

Devant des reflux peu sévères et/ou sans lésion muqueuse, il conviendra dans un premier temps de respecter les règles hygiéno-diététiques et posturales, fondamentales dans la prise en charge du RGO et garants de la réussite du traitement.


Devant des symptômes typiques rapprochés, à savoir une fois par semaine ou plus, sans signe d’alarme, chez des patients de moins de 50ans, les anti-H2 à dose standard ou les IPP à demi-dose constituent le traitement de référence pendant environ 4 semaines. Les inhibiteurs de la pompe à protons utilisables sont l’oméprazole à 10mg (Mopral), le lansoprazole à 15mg (Lanzor), le pantoprazole à 20mg (Inipomp), le rabéprazole à 10mg (Pariet) ou l’ésoméprazole à 20mg (Inexium). Ce traitement sera toujours associé aux règles hygiéno-diététiques et posturales.

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May 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Traitement du reflux gastro-œsophagien

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