32. Traitement des lymphomes (lymphome de Hodgkin et lymphome non hodgkinien)
Chapitre révisé pour cette édition par:
Isabelle Madelaine
Praticien hospitalier, pharmacien, service de pharmacie, pôle produits de santé-evaluation-infectiologie, CHU Saint-Louis AP-HP, Paris, France
Pierre Faure
Praticien hospitalier, pharmacien, service de pharmacie, pôle produits de santé-evaluation-infectiologie, CHU Saint-Louis AP-HP, Paris, France
Émilie Franchon
Interne en pharmacie, CHU de Grenoble, France
Chapitre initialement rédigé par:
Pierre Faure
PLAN DU CHAPITRE
Lymphome non hodgkinien648
Prévention de l’iatropathologie652
Références bibliographiques652
De ce fait, contrairement aux autres chapitres, la stratégie thérapeutique est traitée dans un premier temps et les médicaments et leurs protocoles sont envisagés dans un deuxième temps.
LYMPHOME HODGKINIEN
GÉNÉRALITÉS
La maladie de Hodgkin (MH) ou lymphome de Hodgkin a été décrite la première fois en 1832 par Thomas Hodgkin, anatomopathologiste anglais, né à Londres en 1798 et mort à Jaffa en 1866 et qui exerça au Guy’s Hospital de Londres. Depuis 2004, lors de la parution de la dernière classification de l’OMS, la dénomination «lymphome de Hodkin» (LH) est maintenant communément admise au niveau international.
Épidémiologie
Cette hémopathie est peu fréquente, mais non rare: l’incidence du LH est de 20 à 30 nouveaux cas par an et par million d’habitants. Plus fréquente chez l’homme que la femme, sa distribution est bimodale: vers 30 ans le plus souvent et vers 80 ans. L’incidence est stable ou en régression. Le virus d’Epstein-Barr pourrait jouer un rôle dans le développement de la maladie.
Les signes cliniques sont:
– apparition d’adénopathies périphériques, cervicales, axillaires ou inguinales;
– fièvre, sueurs nocturnes, amaigrissement > 10% de poids, sont définis comme des signes généraux.
Diagnostic
Le diagnostic repose sur l’examen histologique et la mise en évidence de la cellule de Reed-Sternberg (décrite par les deux auteurs vers 1900) qui définit deux variétés morphologiques essentielles: scléronodulaire et cellulaire mixte. L’imagerie permet de situer les territoires atteints. De plus en plus, le TEP-scan est utilisé non seulement dans le bilan initial mais aussi dans l’évaluation de la réponse au traitement.
Classification(s)
Plusieurs situations peuvent se rencontrer avec en fréquence:
– LH sclérosant nodulaire: 70-90%;
– LH à cellularité mixte: 10-30%;
– LH riche en lymphocytes: 1-5%;
– LH avec déplétion lymphoïde: < 1%.
L’extension de la maladie est formulée selon un système en quatre stades. La classification internationale définie à Paris (1965) a été modifiée à Rye (1966), puis à Ann Arbor (1971), à Cotswolds en 1989 puis en 2004 par l’OMS (tableau 32.1).
Stades | Localisations |
---|---|
Stade I | Atteinte d’un seul groupe ganglionnaire |
Stade II | Atteinte de deux ou plusieurs groupes ganglionnaires d’un seul côté du diaphragme |
Stade III | Atteinte ganglionnaire des 2 côtés du diaphragme |
Stade IV | Atteinte d’un ou plusieurs viscères |
Cette classification détermine l’attitude thérapeutique.
Pour les stades I et II, la survie est environ de 90 à 98% à 15 ans. Le traitement des rechutes paraît plus efficace et plus facile après radiothérapie exclusive qu’après l’association radiothérapie et chimiothérapie. Pour les malades au stade III et IV avec des signes généraux, ce taux peut s’abaisser à 70-80%.
Les atteintes viscérales les plus fréquentes concernent la moelle, les poumons et le foie.
Une stratification est utilisée depuis 1988, notamment par l’OERTC (Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer) et le GELA (Groupe d’études des lymphomes de l’adulte) dans les essais cliniques, basée sur le stade clinique, l’âge, la vitesse de sédimentation (VS), le sexe, l’histologie, et comporte 3 groupes: «très favorable», «favorable» et «défavorable».
Le suivi repose sur l’examen clinique, la numération-formule sanguine, la VS, le cliché thoracique et un contrôle de la rémission et de l’absence de complications liées au traitement: bilans thyroïdien, broncho-pulmonaire et cardiaque.
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
La chirurgie ne fait plus partie du traitement du LH. La laparotomie avec splénectomie n’est plus pratiquée. La stratégie thérapeutique dépend du stade:
– en cas d’atteinte ganglionnaire strictement limitée, la radiothérapie est exclusive;
– en cas d’atteintes disséminées, polychimiothérapie associée ou non à une radiothérapie sur les sites ganglionnaires volumineux;
– dans les autres cas, une association chimiothérapieradiothérapie est entreprise.
La chimiothérapie a débuté en 1963 avec le protocole MOPP, puis en 1973 avec le protocole ABVD conçu comme un traitement de rattrapage des échecs ou des rechutes du MOPP. L’utilisation de protocoles alternés a permis d’améliorer l’efficacité. En général, 6 cycles sont administrés. Bonnadonna en 1977 introduit l’association ABVD en première ligne. Aujourd’hui, dans les stades défavorables, on procède à une intensification du traitement avec des protocoles de type BEACOPP:
– groupe «favorable»: association ABVD (4 à 6 cycles) ± radiothérapie
– groupe «défavorable»: association ABVD (4 à 6 cycles) + radiothérapie en relais en cas d’insuffisance de réponse par BEACOPP.
L’objectif est d’obtenir une rémission complète.
Le rituximab (Mabthera) est utilisé dès la première ligne dans le cas très spécifique des paragranulomes de POPPEMA.
Des essais thérapeutiques ont démontré la place de la chimiothérapie avec autogreffe de cellules souches périphériques.
En cas de rechute, des anticancéreux de type vinorelbine (Navelbine), la gemcitabine (Gemzar), et l’oxaliplatine (Eloxatine).
MÉDICAMENTS UTILISÉS ET PROTOCOLES DE CHIMIOTHÉRAPIE
Médicaments utilisés
Voir tableau 32.2.
doxorubicine: adriamycine; chlorméthine: méchloroéthamine. | |||
DCI | Noms de spécialité | Formes galéniques | Mécanismes d’action |
---|---|---|---|
bléomycine | Bléomycine | Ampoule de 15mg (1 unité = 1mg) | Médicament induisant ou stabilisant des coupures d’ADN |
chlorméthine | Caryolysine Mustargen | Ampoule à 10mg – Flacon à 10mg | Alkylant |
dacarbazine | Déticène | Flacon à 100mg | Alkylant |
doxorubicine | Adriblastine, Doxorubicine | Lyophilisat à 10, 50 et 150mg Solution injectable prête à l’emploi à 10mg/5mL, 20mg/ 10mL, 50mg/25mL, et 200mg/100mL | Intercalant, inhibiteur de la topo-isomérase II |
épirubicine | Farmorubicine | Flacon à 10, 50 et 150mg à dissolution rapide Solution prête à l’emploi à 10mg/5mL, 20mg/10mL, 50mg/25mL et 200mg/100mL | Intercalant, inhibiteur de la topo-isomérase II |
étoposide | Etoposide Gé | Flacon à 100 et 200mg | Inhibiteur de topo-isomérase II |
procarbazine | Natulan | Gélule à 50mg | Alkylant |
rituximab | Mabthéra | Flacon à 500 et 100mg | Anticorps monoclonal anti-CD20 |
vinblastine | Velbé, Vinblastine | Flacon à 10mg | Poison du fuseau, inhibiteur de la polymérisation de la tubuline |
vincristine | Oncovin, Vincristine | Flacon prêt à l’emploi de 1mL à 1mg Lyophilisat à 1mg | Poison du fuseau, inhibiteur de la polymérisation de la tubuline |
Protocoles de chimiothérapie utilisés
► Protocole MOPP et variantes
L’association de chlorméthine – vincristine – procarbazine – prednisone (MOPP) a une toxicité immédiate (digestive, hématologique) mais aussi tardive avec une stérilité, une induction leucémique, etc.
Les variantes tentent de diminuer la toxicité et d’améliorer son efficacité, notamment, l’association chlorméthine – vinblastine – procarbazine – prednisone (MVPP).
► Protocole ABVD et variantes
L’association adriamycine – bléomycine – vinblastine dacarbazine (ABVD) semble supérieure au MOPP en termes de survie sans rechutes. Le protocole épirubicine bléomycine – vinblastine – prednisone (EBVP) est également prescrit.
La composition des principaux protocoles est détaillée ciaprès.
► Protocole ABVD
mg/m2 | J1 | J8 | Voie d’administration | |
---|---|---|---|---|
doxorubicine | 30 | X | X | IV |
bléomycine | 10 | X | X | IV |
vinblastine | 6 | X | X | IV |
dacarbazine | 200 | X | X | IV sur 30min |
doxorubicine: adriamycine. |
Remarque: il existe plusieurs variantes:
– doxorubicine: 25mg/m2, dacarbazine = 375mg/m2,
– dacarbazine: 250mg/m2, vinblastine = 2mg/m2 (Bonadonna, 1975).
► Protocole EBVP
mg/m2 | J1 | J2 | J3 | J4 | J5 | Voie d’ad. | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
épirubicine | 75 | X | IV | ||||
bléomycine | 6 | X | IV | ||||
vinblastine | 6 | X | IV ou IM | ||||
prednisolone | 40 | X | X | X | X | X | IV |
Rythme: toutes les 3 semaines.
Remarque: quelques protocoles comportent en plus de l’étoposide à la dose de 200mg/m2 en IV de 45min à J1. (EBVVP) (Hoerni, 1988).
Protocole MOPP
mg/m2 | J1 | J8 | Voie d’ad. | ||
---|---|---|---|---|---|
méchloroéthamine | 6 | X | X | IV | |
vincristine | 1,4 | X | X | IV | |
procarbazine | 90 | J1 | à | J14 | per os |
prednisone | 60 | J1 | à | J14 | per os |
Rythme: 1 cycle/mois. La prednisone est donnée un cycle sur deux, pendant 3 à 6 cycles (le protocole peut être alterné avec ABVD).
Remarque: la chlorméthine peut être remplacée par du cyclophosphamide à la dose de 600mg/m2 en IV à J1 et J8 (Moxley, 1967; Lowenbraun, 1970; Bonadonna, 1982).
► Protocole BEACOPP
Indiqué dans les stades avancés.
mg/m2 | Jours | Voie d’administration | |
---|---|---|---|
bléomycine | 10 | J8 | IV |
cyclophosphamide | 650 | J1 | IV |
doxorubicine | 40 | J1 | IV |
étoposide | 50 | J3 à J12 | per os |
vincristine | 1,4 | J8 | IV |
procarbazine | 100 | J1 à J7 | per os |
prednisone | 40 | J1 à J14 | per os |
Rythme: 1 cycle tous les 22 jours.
Variante renforcée: 1 250mg/m2 de cyclophosphamide, 35mg/m2 de doxorubicine, 200g/m2 d’étoposide et 80mg/m2 prednisone.
CONCLUSION
Les progrès accomplis, notamment dans l’efficacité de la radiothérapie et de la chimiothérapie, ainsi que dans la combinaison des deux permettent de guérir aujourd’hui près de 80% des patients.
LYMPHOME NON HODGKINIEN
Les lymphomes non hodgkiniens (LNH) sont des tumeurs malignes du tissu lymphoïde, dues à des dérèglements des lymphocytes B ou T. Dans les pays occidentaux, 80% sont des lymphomes B. Ils représentent un ensemble hétérogène de pathologies liées à une prolifération maligne de cellules lymphoïdes atteignant les organes du système lymphatique.
Ce sont des hémopathies malignes comme la maladie de Hodgkin. L’appellation «lymphome non hodgkinien» recouvre des entités bien différentes. La prise en charge des LNH est très protocolisée, des attitudes thérapeutiques sont édictées notamment par le Groupe d’étude des lymphomes de l’adulte (GELA) ou le Groupe d’étude des lymphomes folliculaires (GELF) qui sont formalisées notamment dans les protocoles LNH 2005 (qui ont remplacé les LNH 1993, 1998, 2001, 2003).