23. Traitement des hypothyroïdies
Brigitte Sallerin
Pharm D, PhD, Professeur de pharmacie clinique, faculté de pharmacie, Toulouse
Sylvie Guichard
PharmD, PhD, maître de conférences, faculté de pharmacie, Toulouse
Philippe Caron
Professeur d’endocrinologie générale, CHU Rangueil, Toulouse
Nous remercions
Sophie Perrin
Interne en pharmacie, département pharmaceutique, CHU de Besançon, pour la relecture de ce chapitre.
PLAN DU CHAPITRE
CE QU’IL FAUT RETENIR469
ÉTUDE D’UN CAS CLINIQUE469
Références bibliographiques470
GÉNÉRALITÉS
Les hormones thyroïdiennes sont indispensables au développement fœtal (croissance et différenciation des tissus et en particuliers du cerveau) et aprés la naissance, au développement du squelette et du système nerveux central. Une carence à ce stade conduit à une hypotrophie des neurones corticaux se traduisant par un crétinisme et à un développement incomplet du squelette (nanisme). À l’âge adulte, les hormones thyroïdiennes influent sur la thermogenèse par augmentation de la consommation d’oxygène et sur le métabolisme intermédiaire. Leurs actions sur le catabolisme et l’anabolisme s’équilibrent en situation physiologique. En situation de carence en hormones thyroïdiennes, c’est l’effet anabolique qui devient prédominant. En situation d’hypersécrétion, c’est l’effet catabolisant qui l’emporte. Ainsi, à dose physiologique, les hormones thyroïdiennes augmentent la synthèse protéique, alors qu’à forte dose, l’effet catabolique prédomine et conduit à une perte de tissu musculaire. L’action sur le métabolisme des glucides est à la fois directe et indirecte par potentialisation de l’action de l’insuline et de l’adrénaline sur ce métabolisme. Enfin, la lipolyse est stimulée mais également la synthèse du cholestérol et des triglycérides.
La synthèse des hormones thyroïdiennes est très étroitement régulée, par la thyréostimuline (TSH) au niveau hypophysaire, elle-même régulée par la thyréolibérine (TRH) hypothalamique. La TRH exerce un contrôle positif sur l’hypophyse en stimulant à la fois la sécrétion et la synthèse de TSH. Celle-ci stimule toutes les étapes de synthèse des hormones thyroïdiennes depuis la captation thyroïdienne des iodures circulants jusqu’à la libération de la T4 et de la T3. Un rétrocontrôle négatif est exercé par les hormones thyroïdiennes elles-mêmes sur la TSH en inhibant la synthèse et la sécrétion de TSH et en diminuant la sécrétion de TRH. Enfin, l’iode est capable, lorsqu’il est en excès, de bloquer l’hormonogenèse thyroïdienne. Ce processus, appelé effet Wolff-Chaikoff, inhibe la captation d’iodures et l’organification, réduisant la production d’hormones thyroïdiennes. Cet effet est cependant transitoire et un échappement est observé après quelques semaines. Cette étroite régulation à trois étages, hypothalamus, hypophyse et glande thyroïde permet de maintenir l’équilibre entre les différents effets exercés par les hormones thyroïdiennes.
PHYSIOPATHOLOGIE
L’insuffisance thyroïdienne résulte soit d’une atteinte primitive de la glande thyroïde (hypothyroïdie primaire) soit d’une carence en TSH en cas d’atteinte hypophysaire ou hypothalamique (hypothyroïdie secondaire). Dans le premier cas, la TSH est élevée. Dans le second cas, elle est normale ou basse (Perlemuter, 1999; Chanson, 2000).
Étiologie
► Hypothyroïdies auto-immunes
La thyroïdite de Hashimoto est la forme la plus fréquente des hypothyroïdies en dehors des carences iodées. Il s’agit d’une thyroïdite auto-immune se traduisant par une infiltration lympho-plasmocytaire de la glande responsable d’une hypothyroïdie. Cependant l’absence de ces autoanticorps ne permet pas d’exclure cette cause. On observe des taux très élevés d’Ac antithyroperoxydase (anti-TPO) qui induisent une atrophie progressive de la glande thyroïde. La présence d’un goitre ferme hétérogène est une caractéristique essentielle. L’interrogatoire retrouve souvent des antécédents familiaux de maladies auto-immunes.
► Hypothyroïdies iatrogènes
Elles peuvent correspondre à un effet indésirable du traitement des hyperthyroïdies. Ainsi, un traitement par iode radioactif, par antithyroïdiens de synthèse ou une thyroïdectomie subtotale peut causer une hypothyroïdie à plus ou moins long terme.
La surcharge iodée est également une cause fréquente d’hypothyroïdie. L’administration prolongée d’amiodarone, molécule iodée, peut provoquer une hypothyroïdie. L’arrêt du traitement n’est pas toujours possible, et même quand il l’est, l’amiodarone a une demi-vie prolongée (de 20 à 100j) qui provoque une persistance de cette hypothyroïdie bien après l’arrêt du traitement.
Le lithium, utilisé dans le traitement des syndromes maniaco-dépressifs peut induire une hypothyroïdie. Là encore, l’arrêt thérapeutique permet de résoudre l’hypothyroïdie le plus souvent.
Certaines cytokines peuvent induire une thyroïdite auto-immune ou exacerber une thyroïdite auto-immune chronique.
L’iode radioactif, utilisé lors du traitement d’une hyperthyroïdie, induit une hypothyroïdie dans 30% des cas après 5ans. Une radiothérapie externe cervicale (lymphome non hodgkinien, cancers ORL, irradiation corporelle totale) conduit également à une destruction de la glande thyroïde, d’autant plus fréquente qu’elle est associée à une chimiothérapie.
Enfin, une carence iodée telle que survenant dans les pays en développement, est à l’origine d’hypothyroïdies. Dans les pays industrialisés, la supplémentation du sel de table en iode a permis d’éradiquer ces hypothyroïdies.
► Hypothyroïdies secondaires
Elles proviennent d’une insuffisance hypophysaire à la sécrétion de TSH ou hypothalamique à la sécrétion de TRH. Elles sont plus rares. L’infiltration myxœdémateuse est exceptionnelle. Ces hypothyroïdies secondaires peuvent avoir une origine tumorale, chirurgicale ou survenir en post-partum. D’autres signes de déficit hypophysaire (gonadiques, corticotropes) sont à rechercher.
Clinique
► Hypothyroïdie clinique
L’hypothyroïdie entraîne une diminution de la thermogenèse et une vasoconstriction qui se traduit par une hypothermie surtout cutanée. Le ralentissement du métabolisme de base se traduit par un ralentissement moteur et psychique. On observe une bradycardie due à une action directe sur les cellules myocardiques et à la vasoconstriction qui diminue le débit cardiaque. Les patients ont tendance à prendre du poids (augmentation de l’anabolisme du cholestérol et des triglycérides) et les tissus sont infiltrés de mucopolysaccharides synthétisés en excès et non métabolisés qui créent un myxœdème caractéristique de la maladie. La contraction et décontraction musculaires sont ralenties. Les patients ont un aspect bouffi et vieilli et l’absence de métabolisation du carotène en vitamine A leur confère un teint jaune-orangé.
Les signes cliniques des hypothyroïdies, notamment le myxœdème, sont rares et les formes frustes sont très fréquentes. Il est donc légitime de faire un bilan biologique de la thyroïde devant des manifestations cardiaques ou neuropsychiques inexpliquées.