Traitement des hypothyroïdies

23. Traitement des hypothyroïdies

Brigitte Sallerin


Pharm D, PhD, Professeur de pharmacie clinique, faculté de pharmacie, Toulouse

Sylvie Guichard


PharmD, PhD, maître de conférences, faculté de pharmacie, Toulouse

Philippe Caron


Professeur d’endocrinologie générale, CHU Rangueil, Toulouse

Nous remercions


Sophie Perrin


Interne en pharmacie, département pharmaceutique, CHU de Besançon, pour la relecture de ce chapitre.


PLAN DU CHAPITRE







Physiopathologie464




Étiologie464


Clinique465


Diagnostic466


Médicaments des hypothyroïdies466




Mécanisme d’action466


Pharmacocinétique466


Critères de choix thérapeutique467




Traitement des hypothyroïdies de l’adulte467


Traitement du coma myxœdémateux467


Traitement des hypothyroïdies du sujet âgé467


Traitement des hypothyroïdies du nourrisson467


Traitement des hypothyroïdies chez la femme enceinte467


Traitement des hypothyroïdies iatrogènes467


Optimisation thérapeutique468




Optimisation posologique468




Posologie et plans de prise468


Adaptation posologique468


Prévention de l’iatropathologie médicamenteuse468




Prévention des risques majeurs468


Prévention des effets indésirables468


Conseils au patient468


CE QU’IL FAUT RETENIR469


ÉTUDE D’UN CAS CLINIQUE469


Références bibliographiques470



GÉNÉRALITÉS


La glande thyroïde est une glande endocrine synthétisant les hormones thyroïdiennes. Ces hormones iodées sont indispensables à la croissance et au développement fœtal et exercent à l’âge adulte des actions sur la thermogenèse et sur le métabolisme intermédiaire. La thyroïde est constituée d’unités fonctionnelles qui sont à la fois les lieux de synthèse, de stockage et de sécrétion des hormones thyroïdiennes: les follicules thyroïdiens. Ces follicules comportent en périphérie une monocouche de thyréocytes où sont synthétisées et sécrétées les hormones thyroïdiennes et la colloïde, centrale, qui est le lieu de stockage de ces hormones alors couplées à une protéine, la thyroglobuline. La production des hormones thyroïdiennes est dépendante des apports exogènes en iode (alimentation), transformé en iodures dans le tube digestif. Les iodures sont captés au niveau de la membrane basale des thyréocytes par un symporteur d’iode qui permet de concentrer les iodures dans la thyroïde. Ils sont oxydés et organifiés par la thyroperoxydase, enzyme située dans la membrane apicale des thyréocytes. Il y a fixation des iodures sur des résidus tyrosyls de la thyroglobuline pour former des mono- et diiodotyrosines (MIT et DIT). Un couplage des radicaux tyrosyls se produit dans le colloïde au sein de la molécule de thyroglobuline et conduit à la formation de T3 (3-5-3′ triiodothyronine) et de T4 (3-5-3′-5′ tétraiodothyronine). Seules les formes lévogyres sont synthétisées et sécrétées. Pour pourvoir aux besoins en hormones thyroïdiennes de l’organisme, les molécules de thyroglobuline sont recaptées par le pôle apical du thyréocyte par pinocytose et dégradées par des enzymes lysosomiales, libérant ainsi T4 et T3 qui passent dans la circulation sanguine. T4 et T3 sont présents dans la circulation sous forme libre et sous forme liée à des protéines de transport (Thyroxin Binding Globulin (TBG), transthyrétine et albumine). La TBG lie préférentiellement la T4. La fraction libre est biologiquement active et ne représente que 0,5% de la T3 totale et 0,03% de la T4 totale. La T4 est la plus fortement liée aux protéines ce qui explique sa longue demi-vie (6-7j) alors que celle de la T3, moins fortement liée, est plus facilement métabolisée (24h environ). La T4 subit une désiodation aux niveaux hépatique, rénal et musculaire pour être transformée en T3, molécule active et en rT3 inactive. La proportion rT3/T3 augmente dans certaines situations pathologiques telles que le jeûne, l’insuffisance rénale ou le choc septique. La T3 libre se fixe sur des récepteurs nucléaires fixés sur l’ADN au niveau de promoteurs. À l’état non lié, le récepteur a un effet répresseur. La liaison de l’hormone à son récepteur active la transcription du gène sous le contrôle du promoteur. T4 et T3 subissent une dégradation non désiodative dans le foie par sulfo- et glucuro-conjugaison puis excrétion biliaire. Elles sont également inactivées soit par une désamination oxydative en acides tri- et tétraiodoacétique (TRIAC et TETRAC), soit par une dégradation désiodative, en T3 et rT3 pour la T4, en MIT et DIT pour la T3.

Les hormones thyroïdiennes sont indispensables au développement fœtal (croissance et différenciation des tissus et en particuliers du cerveau) et aprés la naissance, au développement du squelette et du système nerveux central. Une carence à ce stade conduit à une hypotrophie des neurones corticaux se traduisant par un crétinisme et à un développement incomplet du squelette (nanisme). À l’âge adulte, les hormones thyroïdiennes influent sur la thermogenèse par augmentation de la consommation d’oxygène et sur le métabolisme intermédiaire. Leurs actions sur le catabolisme et l’anabolisme s’équilibrent en situation physiologique. En situation de carence en hormones thyroïdiennes, c’est l’effet anabolique qui devient prédominant. En situation d’hypersécrétion, c’est l’effet catabolisant qui l’emporte. Ainsi, à dose physiologique, les hormones thyroïdiennes augmentent la synthèse protéique, alors qu’à forte dose, l’effet catabolique prédomine et conduit à une perte de tissu musculaire. L’action sur le métabolisme des glucides est à la fois directe et indirecte par potentialisation de l’action de l’insuline et de l’adrénaline sur ce métabolisme. Enfin, la lipolyse est stimulée mais également la synthèse du cholestérol et des triglycérides.

La synthèse des hormones thyroïdiennes est très étroitement régulée, par la thyréostimuline (TSH) au niveau hypophysaire, elle-même régulée par la thyréolibérine (TRH) hypothalamique. La TRH exerce un contrôle positif sur l’hypophyse en stimulant à la fois la sécrétion et la synthèse de TSH. Celle-ci stimule toutes les étapes de synthèse des hormones thyroïdiennes depuis la captation thyroïdienne des iodures circulants jusqu’à la libération de la T4 et de la T3. Un rétrocontrôle négatif est exercé par les hormones thyroïdiennes elles-mêmes sur la TSH en inhibant la synthèse et la sécrétion de TSH et en diminuant la sécrétion de TRH. Enfin, l’iode est capable, lorsqu’il est en excès, de bloquer l’hormonogenèse thyroïdienne. Ce processus, appelé effet Wolff-Chaikoff, inhibe la captation d’iodures et l’organification, réduisant la production d’hormones thyroïdiennes. Cet effet est cependant transitoire et un échappement est observé après quelques semaines. Cette étroite régulation à trois étages, hypothalamus, hypophyse et glande thyroïde permet de maintenir l’équilibre entre les différents effets exercés par les hormones thyroïdiennes.


PHYSIOPATHOLOGIE




Étiologie



► Hypothyroïdies auto-immunes


La thyroïdite de Hashimoto est la forme la plus fréquente des hypothyroïdies en dehors des carences iodées. Il s’agit d’une thyroïdite auto-immune se traduisant par une infiltration lympho-plasmocytaire de la glande responsable d’une hypothyroïdie. Cependant l’absence de ces autoanticorps ne permet pas d’exclure cette cause. On observe des taux très élevés d’Ac antithyroperoxydase (anti-TPO) qui induisent une atrophie progressive de la glande thyroïde. La présence d’un goitre ferme hétérogène est une caractéristique essentielle. L’interrogatoire retrouve souvent des antécédents familiaux de maladies auto-immunes.



► Hypothyroïdies iatrogènes


Elles peuvent correspondre à un effet indésirable du traitement des hyperthyroïdies. Ainsi, un traitement par iode radioactif, par antithyroïdiens de synthèse ou une thyroïdectomie subtotale peut causer une hypothyroïdie à plus ou moins long terme.

La surcharge iodée est également une cause fréquente d’hypothyroïdie. L’administration prolongée d’amiodarone, molécule iodée, peut provoquer une hypothyroïdie. L’arrêt du traitement n’est pas toujours possible, et même quand il l’est, l’amiodarone a une demi-vie prolongée (de 20 à 100j) qui provoque une persistance de cette hypothyroïdie bien après l’arrêt du traitement.

Le lithium, utilisé dans le traitement des syndromes maniaco-dépressifs peut induire une hypothyroïdie. Là encore, l’arrêt thérapeutique permet de résoudre l’hypothyroïdie le plus souvent.

Certaines cytokines peuvent induire une thyroïdite auto-immune ou exacerber une thyroïdite auto-immune chronique.

L’iode radioactif, utilisé lors du traitement d’une hyperthyroïdie, induit une hypothyroïdie dans 30% des cas après 5ans. Une radiothérapie externe cervicale (lymphome non hodgkinien, cancers ORL, irradiation corporelle totale) conduit également à une destruction de la glande thyroïde, d’autant plus fréquente qu’elle est associée à une chimiothérapie.

Enfin, une carence iodée telle que survenant dans les pays en développement, est à l’origine d’hypothyroïdies. Dans les pays industrialisés, la supplémentation du sel de table en iode a permis d’éradiquer ces hypothyroïdies.


► Hypothyroïdies secondaires


Elles proviennent d’une insuffisance hypophysaire à la sécrétion de TSH ou hypothalamique à la sécrétion de TRH. Elles sont plus rares. L’infiltration myxœdémateuse est exceptionnelle. Ces hypothyroïdies secondaires peuvent avoir une origine tumorale, chirurgicale ou survenir en post-partum. D’autres signes de déficit hypophysaire (gonadiques, corticotropes) sont à rechercher.


Clinique



► Hypothyroïdie clinique


L’hypothyroïdie entraîne une diminution de la thermogenèse et une vasoconstriction qui se traduit par une hypothermie surtout cutanée. Le ralentissement du métabolisme de base se traduit par un ralentissement moteur et psychique. On observe une bradycardie due à une action directe sur les cellules myocardiques et à la vasoconstriction qui diminue le débit cardiaque. Les patients ont tendance à prendre du poids (augmentation de l’anabolisme du cholestérol et des triglycérides) et les tissus sont infiltrés de mucopolysaccharides synthétisés en excès et non métabolisés qui créent un myxœdème caractéristique de la maladie. La contraction et décontraction musculaires sont ralenties. Les patients ont un aspect bouffi et vieilli et l’absence de métabolisation du carotène en vitamine A leur confère un teint jaune-orangé.

Les signes cliniques des hypothyroïdies, notamment le myxœdème, sont rares et les formes frustes sont très fréquentes. Il est donc légitime de faire un bilan biologique de la thyroïde devant des manifestations cardiaques ou neuropsychiques inexpliquées.

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May 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Traitement des hypothyroïdies

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