Traitement des glaucomes primitifs

58. Traitement des glaucomes primitifs

Chapitre révisé pour cette édition par:


Antoine Dupuis


Praticien hospitalier, pharmacien, CHU de Poitiers, maître de conférences, en pharmacie clinique, faculté de pharmacie, Poitiers, France

Nicolas Venisse


Praticien hospitalier, pharmacien, CHU de Poitiers, France, Chargé d’enseignement, faculté de pharmacie, Poitiers, France

Chapitre initialement rédigé par:


Philippe Courtois


Praticien hospitalier, pharmacien, CHU Poitiers; professeur, pharmacie clinique, faculté de pharmacie, Poitiers, France

Isabelle Princet


Praticien hospitalier, pharmacien, CHU Poitiers, Poitiers, France


PLAN DU CHAPITRE




Glaucome primitif à angle ouvert1184




Anatomopathologie du glaucome primitif à angle ouvert1184


Physiopathologie de l’humeur aqueuse1184


Diagnostic et surveillance du glaucome1185




Tonométrie1186


Examen de la papille optique1186


Évaluation du champ visuel1186


Rôle des récepteurs adrénergiques au niveau de l’œil1186


Médicaments prescrits dans le glaucome à angle ouvert1186




Médicaments réduisant la sécrétion de l’humeur aqueuse1186


Médicaments augmentant l’élimination de l’humeur aqueuse1188


Associations médicamenteuses1188


Traitement non médicamenteux1189




Traitement au laser1189


Traitement chirurgical1189


Stratégie thérapeutique dans le glaucome primitif à angle ouvert1189


Optimisation thérapeutique1189




Posologie/plan de prise1189


Contre-indications et effets indésirables1191


Optimisation de l’administration1191


Conseils au patient1192


Glaucome aigu par fermeture de l’angle1192




Physiopathologie1192


Stratégie thérapeutique1193




Médicaments du glaucome aigu par fermeture de l’angle: traitement de la crise1193


Traitement définitif1194


Médicaments contre-indiqués chez les patients atteints de glaucome aigu par fermeture de l’angle1194


ÉTUDE DE CAS CLINIQUES1195


Références bibliographiques1196




GLAUCOME PRIMITIF À ANGLE OUVERT


Le GPAO touche environ 800 000 personnes en France. Cette maladie est redoutable car elle ne provoque pas de douleurs ni de baisse de l’acuité visuelle du moins au début, et elle peut conduire à la cécité si elle n’est pas traitée. Un patient sur deux ne sait pas qu’il a un glaucome, et les dégâts sont irréversibles une fois constitués; c’est pourquoi le dépistage précoce par un examen auprès d’un ophtalmologiste est capital.

Les facteurs de risque connus pour le GPAO sont les suivants:




– l’âge: la fréquence augmente après 40 ans;


– la race: les noirs sont plus touchés et plus sévèrement que les blancs;


– les antécédents: le support génétique du GPAO a été démontré;


– une PIO élevée, la myopie, le diabète, la prise de corticoïdes.


ANATOMOPATHOLOGIE DU GLAUCOME PRIMITIF À ANGLE OUVERT


Le GPAO, comme son nom l’indique ne modifie pas l’angle iridocornéen. C’est le plus fréquent des glaucomes (60 à 70%). Son évolution reste silencieuse et dans la plupart des cas longtemps asymptomatique. Ceci implique une volonté de dépistage systématique surtout après 40 ans.

Les signes cardinaux du GPAO sont, dans l’ordre:




– l’augmentation de la PIO;


– une atrophie irréversible des fibres optiques;


– la perte du champ visuel.

Il s’agit d’une affection bilatérale pour laquelle le traitement médical qui doit être maintenu à vie consiste à obtenir une normalisation du tonus oculaire, car dans le GPAO, l’hypertonie est un des signes essentiels, conséquence d’une diminution de la perméabilité du trabéculum. Il existe des facteurs aggravants conduisant:




– au GAO pigmentaire ainsi appelé en raison d’une perte des pigments de l’iris qui viennent obturer le trabéculum;


– au GAO par pseudo-exfoliation, d’origine génétique, qui aboutit également au blocage du trabéculum.

Tous les traitements actuellement disponibles ne visent qu’à abaisser la PIO. Cependant l’existence de glaucomes à pression normale explique le rôle majeur des phénomènes ischémiques dans la mort des cellules ganglionnaires rétiniennes au cours du GPAO, d’où la nécessité de maintenir la meilleure perfusion de la tête du nerf optique.


PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HUMEUR AQUEUSE


L’humeur aqueuse est un liquide incolore et limpide. L’iris divise l’espace occupé par l’humeur aqueuse en deux chambres d’inégale importance:




– la chambre antérieure qui sépare l’iris de la cornée;


– la chambre postérieure qui sépare l’iris du cristallin et de la vitrée.

L’humeur aqueuse est sécrétée au niveau des procès ciliaires, à partir des éléments du sang capables de traverser par des mécanismes actifs ou passifs la barrière hémato-aqueuse représentée par les tissus de l’iris et du corps ciliaire.









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Figure 58.1
Circulation et pression dues à l’humeur aqueuse.


L’humeur aqueuse répond ainsi aux besoins métaboliques du cristallin, du centre de la cornée et du trabéculum qui sont loin des apports vasculaires du limbe. À l’inverse, elle permet le recueil et le transport des déchets.

Chez le sujet non glaucomateux, près de 90% de l’humeur aqueuse s’écoulent hors de l’œil au travers du filtre trabéculaire vers le canal de Schlemm et ses efférents à savoir: veines épisclérales, veines orbitaires et jugulaires. Le reste est éliminé au travers de l’iris, du corps ciliaire, de la choroïde et de la sclère.

Il existe au niveau du trabéculum et de la paroi interne du canal de Schlemm une résistance normale à l’écoulement qui est vaincue grâce à un processus de vacuolisation cellulaire entretenu par un gradient de pression hydrostatique.


Il faut savoir que des fluctuations de cette pression peuvent exister en raison:




– de variations nycthémérales;


– de traitements médicamenteux (diminution avec β-bloquants, augmentation suite à une corticothérapie locale ou générale).

Le flux sanguin oculaire participe également mais à un degré moindre à cette PIO:




– lorsque la pression augmente, le flux artériel est maintenu sauf en ce qui concerne le débit au niveau de la choroïde qui diminue; ceci a pour conséquence une diminution de la vascularisation de la tête du nerf optique et donc une altération de la fonction visuelle;


– l’augmentation du flux ciliaire conduit à une hausse de la pression hydrostatique entre les capillaires et le milieu intraoculaire et se traduit par une augmentation de la production d’humeur aqueuse.

L’augmentation de la PIO perturbe également la circulation uvéale veineuse avec un retentissement en amont sur la circulation artérielle du corps ciliaire.

L’on considère comme théoriquement normale une pression statistiquement de l’ordre de 15 ± 6 mmHg. Le risque de dégradation du nerf optique augmente avec l’élévation de la PIO. Si pour une valeur de 20 mmHg ce risque est de 1, il passe à 12 pour une valeur de 24-25 mmHg.

Il n’existe pas de pression normale ou pathologique mais un facteur de risque qui augmente en même temps que la PIO. Si cette pression critique est facile à déterminer chez le sujet ayant déjà une dégradation des fibres axonales, il n’en va pas de même en l’absence de lésions. On prend alors en compte d’autres facteurs de risque (antécédents familiaux, vasculaires, etc.).

Si la PIO est supérieure à 26 mmHg, il faut systématiquement traiter même en l’absence de facteur de risque ou de lésions du nerf optique.


DIAGNOSTIC ET SURVEILLANCE DU GLAUCOME


Le glaucome est un problème majeur de santé publique, nécessitant un dépistage systématique de masse, en particulier dans la population de plus de 40 ans.

La surveillance d’un glaucome tout comme son dépistage repose sur trois examens clés:




– la tonométrie;


– l’examen de la papille optique;


– l’évaluation du champ visuel.



Examen de la papille optique


Il s’effectue par l’examen de fond d’œil. Il comprend l’examen de l’aspect, de la forme, de la couleur de la papille optique avec différents systèmes optiques. Cet examen peut se réaliser avec ou sans dilatation de l’iris, et des photographies de la papille peuvent même être enregistrées.


Évaluation du champ visuel


L’enregistrement du champ visuel par périmétrie permet de réaliser un bilan fonctionnel et d’adapter ainsi la stratégie thérapeutique. De même, il permet de suivre l’évolution de la maladie. L’altération du champ visuel se caractérise principalement par l’apparition de scotomes (lacune dans le champ visuel) de formes variées.


RÔLE DES RÉCEPTEURS ADRÉNERGIQUES AU NIVEAU DE L’ŒIL


Les récepteurs α adrénergiques (α2) sont présents au niveau de l’épithélium des procès ciliaires, dans le muscle ciliaire et dans la rétine.

Leur stimulation entraîne une diminution de la sécrétion de l’humeur aqueuse et une augmentation de son élimination par voie uvéosclérale.

La stimulation α1 peut entraîner une vasoconstriction (corps ciliaire et rétine) néfaste dans le glaucome, d’où l’intérêt de substances sélectives des récepteurs α2.

Les récepteurs β-adrénergiques sont présents au niveau de l’épithélium des procès ciliaires, du trabéculum et des parois vasculaires.

Leur stimulation entraîne une augmentation de la sécrétion de l’humeur aqueuse et facilite l’écoulement trabéculaire.

Leur blocage entraîne une diminution de la sécrétion d’humeur aqueuse, propriété à l’origine de l’utilisation thérapeutique des β-bloquants.


MÉDICAMENTS PRESCRITS DANS LE GLAUCOME À ANGLE OUVERT



Médicaments réduisant la sécrétion de l’humeur aqueuse



► β-bloquants par voie locale


Les collyres β-bloquants se sont imposés comme un traitement pharmacologique de choix (tableau 58.1). Ils diminuent la pression oculaire chez l’homme sain ou glaucomateux en réduisant la production de l’humeur aqueuse essentiellement par deux mécanismes d’action:














































































Tableau 58.1 Médicaments réduisant la sécrétion de l’humeur aqueuse. β-bloquants
β-bloquants
β-bloquants β1 sélectifs sans ASI
bétaxolol Bétoptic
Bétoptic unidoses
0,25, 0,5%
0,25%
β-bloquants non β1 sélectifs avec ASI
béfunolol Bentos 0,25, 0,5%
lévobunolol Bétagan 0,5-1%
Bétagan unidoses 0,5%
cartéolol Cartéol 0,5, 1, 2%
Cartéol unidoses 1, 2% et LP
Cartéol 1, 2% et LP
Cartéabak 1, 2%
β-bloquants non β1 sélectifs sans ASI
métipranolol Bétanol 0,1, 0,3, 0,6%
timolol


Timoptol


Digaol


Gaoptol


Nyolol


Ophtim unidoses


Digaol unidoses


Timabak


Timocod


Timolol


Timolol



0,1, 0,25, 0,5% et LP


0,1, 0,25, 0,5%


0,1, 0,25, 0,5%


0,1, 0,25, 0,5%


0,25, 0,5%


0,25, 0,5%


0,1, 0,25, 0,5%


0,1, 0,25, 0,5%


0,1, 0,25, 0,5%


0,1%
Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique
par voie générale
acétazolamide Diamox Comprimé sécable 250 mg
par voie locale
dorzolamide


Trusopt 2%


Dorzolamide 2%



Collyre à 2%


Collyre à 2%
Mydriatiques sympathomimétiques
dipivéphrine Propine 0,1% Collyre à 0,1%
Agonistes α2-mimétiques
apraclonidine Iopidine 1% Collyre à 1%
brimomidine Alphagan Collyre à 0,2%




– diminution de la sécrétion active des cellules de l’épithélium ciliaire en empêchant les transferts ioniques responsables du passage de l’humeur aqueuse dans la chambre postérieure;


– diminution de la diffusion et de l’ultrafiltration passive par blocage des récepteurs adrénergiques ou constriction des vaisseaux et des capillaires ciliaires.

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May 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Traitement des glaucomes primitifs

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