22. Traitement des dyslipidémies
Chantai Pharand
B. Pharm, Pharm. D.,BCPS Professeur agrégé, faculté de pharmacie, Université de Montréal; pharmacien, hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, Montréal, Québec, Canada
David Williamson
B. Pharm., M. Sc., BCPS Professeur adjoint de clinique, faculté de pharmacie Université de Montréal pharmacien, hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, Montréal, Québec, Canada
Nous remercions
Marilyne Rave
Interne en pharmacie, département pharmaceutique, CHU de Besançon, France, pour la relecture de ce chapitre.
PLAN DU CHAPITRE
CE QU’IL FAUT RETENIR460
ÉTUDE D’UN CAS CLINIQUE460
Références bibliographiques462
GÉNÉRALITÉS
PHYSIOPATHOLOGIE
Comme les lipides ne sont pas solubles dans l’eau, leur transport est assuré par les lipoprotéines. On distingue six classes de lipoprotéines:
– les chylomicrons;
– les VLDL (Very Low Density Lipoprotein);
– les IDL (Intermediate Low Density Lipoprotein));
– les LDL (Low Density Lipoprotein);
– les HDL (High Density Lipoprotein);
– la lipoprotéine (a) [Lp (a)].
Toutes les particules de lipoprotéines ont la même structure de base formée de lipides et de protéines. Elles sont sphériques et constituées de deux parties: la surface et le noyau. La surface est composée de lipides hydrophiles, soit les phospholipides et le cholestérol libre, et de protéines, les apoprotéines. Le noyau contient, quant à lui, les lipides hydrophobes, soit les triglycérides et le cholestérol estérifié. Cette structure permet ainsi le transport des lipides insolubles dans le sang.
Parmi les lipoprotéines, les chylomicrons sont les plus grosses et les moins denses, alors que les HDL sont les plus petites et les plus denses (tableau 22.1). Plus une lipoprotéine contient de triglycérides, moins elle est dense. Cependant, les grandes classes de lipoprotéines sont hétérogènes. Par exemple, on retrouve des LDL de grosseurs variables. Les petites (plus denses) LDL ont un pouvoir athérogénique plus grand que les grosses LDL.
Lipoprotéines | Diamètres (A) | Densités | Principaux lipides | Apoprotéines |
---|---|---|---|---|
Chylomicrons | 900-5 000 | < 0,94 | Triglycérides alimentaires | AI, AII, AIV, B-48, CI, CII, CIII |
VLDL | 500 | 0,094-1,006 | Triglycérides endogènes | B-100, CI, CII, CIII, E |
IDL | 300 | 1,006-1,019 | Cholestérol, triglycérides | B-100, E |
LDL | 200 | 1,019-1,063 | Cholestérol | B-100 |
HDL | 50 | 1,063-1,210 | Cholestérol | AI, AII, AIV, CI, CII, CIII |
Lp (a) | 250 | 1,055-1,120 | Cholestérol | B-100, Apo (a) |
Une fois ingérés, les lipides alimentaires émulsionnés grâce aux sels biliaires sont hydrolysés et absorbés par la muqueuse intestinale, puis réestérifiés et mis en circulation sous forme de chylomicrons. L’apport alimentaire quotidien est d’environ 100g de triglycérides et 0,2 à 0,5g de cholestérol.
Une fois dans la circulation, les triglycérides des chylomicrons sont hydrolysés par la lipase lipoprotéique située sur l’endothélium vasculaire. Les acides gras libérés sont captés par les cellules adipeuses et les muscles puis, reconstitués en triglycérides. Les constituants en surplus à la surface des chylomicrons (phospholipides, cholestérol libre, apo-A, apo-C) sont transférés aux HDL. Le résidu de chylomicron qui en résulte est par la suite capté par les cellules hépatiques qui convertissent le cholestérol en sels biliaires ou le redistribue à d’autres tissus.
À partir du glycérol et des acides gras libérés par le tissu adipeux, produit sur place ou provenant de sucres alimentaires, le foie fabrique des triglycérides, mis en circulation sous forme de VLDL qui contiennent aussi du cholestérol. Le rapport triglycérides/cholestérol des VLDL est d’environ 4,0.
Les triglycérides des VLDL sont également hydrolysés par la lipase lipoprotéique de l’endothélium vasculaire. Les acides gras ainsi libérés sont distribués aux tissus adipeux et aux muscles. Le résidu de VLDL, l’IDL, se retrouve relativement enrichi en cholestérol estérifié. Alors que les VLDL peuvent être athérogéniques dans certaines conditions, le potentiel athérogénique des IDL paraît indiscutable. Une certaine proportion des IDL est éliminée de la circulation par le foie. La lipase hépatique hydrolyse les triglycérides des IDL restantes. La diminution du contenu en triglycérides des IDL conduit à la formation des LDL, dont le contenu en cholestérol constitue environ 70% de la cholestérolémie totale. Les LDL sont spécifiquement reconnues par des récepteurs cellulaires reconnaissant l’apoprotéine B. Ces récepteurs sont présents à la surface des membranes cellulaires de tous les tissus, mais surtout dans le foie. Lorsque les LDL se lient à ces récepteurs, l’endocytose permet au complexe récepteur-LDL de pénétrer dans la cellule où il est dissocié. Le cholestérol est alors transféré à un réservoir de cholestérol intracellulaire. Comme l’apoprotéine B est contenue dans plusieurs particules athérogènes (LDL, IDL et VLDL), la mesure de celle-ci pourrait être un indicateur plus précis de maladies coronariennes que les LDL.
Les HDL sont synthétisées par le foie et l’intestin. Elles permettent de transporter le cholestérol libre des tissus vers le foie et les reins où il est catabolisé. Par conséquent, un individu présentant des niveaux bas de HDL (< 1mmol/L selon l’ Afssaps, 2005) présente un risque élevé de maladie coronarienne en raison d’une capacité diminuée à éliminer l’excès de cholestérol circulant.
Athérosclérose
Une des premières étapes dans le développement de l’athérosclérose est le mouvement de LDL circulantes vers l’espace sous-endothélial. Ce phénomène est directement relié à une quantité excessive de LDL en circulation et se trouve induit par l’hypertension, le tabagisme, le stress, etc. Les LDL natives ne contribuent pas vraiment au développement de l’athérosclérose. Ce sont plutôt des LDL modifiées qui en sont le facteur clé. Sitôt après l’entrée dans l’espace sous-endothélial, les LDL sont modifiées principalement par oxydation ce qui induit une attraction des monocytes. Une fois recrutés dans l’espace sous-endothélial, ces monocytes sont transformés en macrophages qui ingèrent les LDL oxydées et deviennent des cellules spumeuses. L’accumulation de ces cellules spumeuses conduit à la formation de la strie lipidique qui est reconnue comme étant le précurseur de l’athérosclérose.
Les dyslipoprotéinémies peuvent apparaître de façon isolée ou constituer une dyslipidémie de type mixte (tableau 22.2). Elles peuvent également dépendre d’une cause primaire (génétique) ou d’une cause secondaire (tableau 22.3). Il est bien entendu qu’une multitude de désordres lipidiques peut exister. Cependant, seulement quelques-uns sont réellement communs et d’importance clinique (tableau 22.4). Ils peuvent résulter d’un trouble d’élimination ou de synthèse d’une lipoprotéine.
Types | Élévations des lipoprotéines |
---|---|
I IIa IIb III IV V | Chylomicrons LDL LDL + VLDL IDL VLDL VLDL + chylomicrons |
Hypercholestérolémie |
---|
Hypothyroïdie Syndrome néphrotique, cirrhose biliaire, cholestase Médicaments (ciclosporine, progestérone) |
Hypertriglycéridémie |
Diabète Obésité Insuffisance rénale Alcool Médicaments (œstrogènes, β-bloquants non sélectifs) |
Hypercholestérolémie et hypertriglycéridémie |
Diabète Obésité Hypothyroïdie Médicaments (corticostéroïdes, thiazidiques) |
Normolipidémie |
Tabagisme Diabète |
Désordres | Problèmes métaboliques | Effets sur les lipoprotéines |
---|---|---|
Hypercholestérolémie familiale | Récepteurs des LDL dysfonctionnels ou absents | ➚ LDL |
Dys-β-lipoprotéinémie | ➘ de l’élimination des VLDL restants | ➚ VLDL restants, ➚ IDL |
Hypercholestérolémie polygénique | ➘ de l’élimination des LDL | ➚ LDL |
Hyperlipidémie familiale combinée | ➚ production d’apoB et de VLDL | ➚ cholestérol et/ou triglycérides |
Hyperapo-β-lipoprotéinémie familiale | ➚ production d’apoB | ➚ apoB |
Hypo-α-lipoprotéinémie | ➚ catabolisme des HDL | ➘ HDL |
MÉDICAMENTS UTILISÉS
Il existe quatre classes de médicaments utilisés dans le traitement des dyslipidémies. Ils agissent par divers mécanismes sur la biosynthèse, le catabolisme ou l’absorption des lipides. De plus, certains agents (les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase) semblent posséder d’autres effets dits pléiotropiques, qui pourraient expliquer une partie de leur efficacité clinique.
Classification des hypolipidémiants
Les différents médicaments commercialisés et utilisés dans le traitement des dyslipidémies sont classés dans les tableaux 22.5à22.8 (Vidal, 2006).
Les spécialités génériques ne sont pas précisées dans le tableau. LP: libération prolongée. | |||
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
Inhibiteurs de la HMG-CoA réductase | |||
atorvastatine | Tahor | Comprimé | 10, 20, 40, 80mg |
fluvastatine | Lescol, Fractal | Gélule Comprimé LP | 20, 40mg 80mg |
lovastatine | Comprimé | 20, 40mg | |
pravastatine | Vasten, Elisor | Comprimé | 10, 20, 40mg |
rosuvastatine | Crestor | Comprimé | 5, 10, 20mg |
simvastatine | Zocor, Lodalès | Comprimé | 5, 20, 40mg |
Fibrates | |||
bézafibrate | Béfizal | Comprimé Comprimé LP | 200mg 400mg |
ciprofibrate | Lipanor | Gélule | 100mg |
fénofibrate | Lipanthyl Sécalip, Fegenor, Lipirex | Gélule micronisée Gélule | 67, 160, 200mg 100, 300mg |
gemfibrozil | Lipur | Comprimé | 450mg |
Séquestrants d’acides biliaires | |||
colestyramine | Questran | Poudre | 4g |
Autres | |||
benfluorex | Médiator | Comprimé | 150mg |
ézétimibe | Ezetrol | Comprimé | 10mg |
ézétimibe + simvastatine | Inegy | Comprimé | 10mg/20mg 10mg/40mg |
acide nicotinique | Niaspan | Comprimé LP | 375, 500, 750 et 1 000mg |
tiadénol | Fonlipol | Comprimé | 400mg |
Médicaments | % de modifications des lipoprotéines | ||
---|---|---|---|
C-LDL | TG | C-HDL | |
inhibiteurs HMG-CoA réductase | ➘ 27-55 | ➘ 10-35 | ➚ 4-8 |
fibrates | ➘/➚ | ➘ 40-60 | ➚ 10-20 |
fénofibrate micronisé | ➘ 17-35 | ➘ 15-53 | ➚ 2-34 |
séquestrants d’acides biliaires | ➘ 15-25 | 0/➚ | ➚ 3-5 |
ézétimibe | ➘ 18 | ➘ 7-9 | ➚ 3 |
acide nicotinique | ➘ 7-16 | ➘ 16-38 | ➚ 14-22 |
Mécanisme d’action
► Inhibiteurs de la HMG-CoA réductase ou «statines»
Les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase inhibent, au niveau du foie, l’enzyme responsable de la transformation intracellulaire de la HMG-CoA en mévalonate, une étape clé dans la synthèse endogène du cholestérol (figure 22.1). Cette inhibition entraîne une augmentation des récepteurs à LDL hépatiques et, en conséquence, augmente leur catabolisme. L’augmentation des récepteurs à LDL hépatiques entraîne également une diminution, à un degré moindre, des IDL et des VLDL. L’effet résultant de la majorité des inhibiteurs de la HMG-CoA réductase sur les lipoprotéines plasmatiques est une réduction significative des LDL, une diminution modérée des triglycérides et une augmentation légère des HDL. En plus de leur effet direct sur les taux de lipoprotéines circulantes, les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase semblent avoir des effets pléiotropiques leur permettant de diminuer le taux d’événements ischémiques. Les principaux mécanismes proposés sont une stabilisation de la plaque athéromateuse, une amelioration de la fonction endothéliale, une réduction de l’oxydation des LDL, une réduction de l’expression du facteur tissulaire, des effets bénéfiques sur la fibrinolyse et un effet antiplaquettaire.
Figure 22.1 |
► Fibrates
Les fibrates agissent sur les lipoprotéines par plusieurs mécanismes. Le mécanisme d’action principal des fibrates semble être via une activation de la lipase lipoprotéique (LPL), une enzyme clé dans le métabolisme des lipoprotéines et la production d’énergie. Cette activation entraîne une augmentation du catabolisme du contenu en triglycérides des VLDL ainsi que des VLDL comme tel. De plus, les fibrates semblent augmenter la synthèse d’apolipoprotéines AI et de HDL au niveau des hépatocytes, réduire les niveaux d’apolipoprotéines B circulantes, augmenter le ratio cholestérol/triglycérides en diminuant le transfert d’ester de cholestérol par les HDL aux VLDL et aux LDL et possiblement augmenter le transport du cholestérol des cellules périphériques aux hépatocytes. De plus, les fibrates semblent également inhiber la biosynthèse du cholestérol en modulant l’activité de la HMG-CoA réductase. L’effet résultant sur les lipoprotéines plasmatiques est résumé dans le tableau 22.6. Le fénofibrate possède également un effet uricosique intéressant.
ATO: atorvastatine; FLU: fluvastatine; LOV: lovastatine; PRA: pravastatine; SIM: simvastatine, ROSU: rosuvastatine; Tmax: pic plasmatique. | ||||||
Paramètres pharmacocinétiques | ATO | FLU | LOV | PRA | ROSU | SIM |
---|---|---|---|---|---|---|
Promédicament | Non | Non | Oui | Non | Non | Oui |
Absorption (%) | ? | 98 | 30 | 35 | ? | 60-85 |
Tmax (heures) | 1-2 | 1 | 2-4 | 0,9-1,6 | 3-5 | 1,3-2,4 |
Effet des aliments sur l’absorption (%) | ➘ 13 | ➘ 15-25 | ➘ 30 | ➘ 30 | 0 | 0 |
Liaison aux protéines plasmatiques (%) | 98 | 99 | > 95 | 55-60 | 88 | 95 |
Métabolites actifs | Oui | Non | Oui | Non | Non | Oui |
Élimination rénale (%) | 2 | 95 | 70 | 71 | 10 | < 87 |
Demi-vie d’élimination (heures) | 14 | 1,2 | 3 | 3 | 19 | 1,9 |
► Séquestrants d’acides biliaires
Les séquestrants d’acides biliaires sont des ammoniums quaternaires qui interfèrent avec le cycle entéro-hépatique des acides biliaires en se liant à ceux-ci au niveau de la lumière intestinale et en augmentant leur élimination fécale. En augmentant la clairance intestinale des acides biliaires, les séquestrants augmentent la captation hépatique des LDL circulantes et diminuent leur niveau sérique. L’effet qui en résulte est une diminution significative des LDL. Les HDL sont faiblement influencées par les séquestrants d’acides biliaires (tableau 22.6).
► Autres agents
Le benfluorex semble diminuer l’absorption intestinale des triglycérides et favoriser une mobilisation des réserves lipidiques périphériques. L’ézétimibe inhibe de façon sélective l’absorption du cholestérol et des stérols végétaux apparentés au niveau de l’intestin via le transporteur de stérols NPC1L1. Le mécanisme d’action de l’acide nicotinique n’est pas complètement élucidé. Cependant, l’acide nicotinique diminue la libération d’acides gras libres par les tissus adipeux, diminue les concentrations sériques d’apoliprotéine B, principal constituant protéique des VLDL et LDL et augmente le HDL suite à l’élévation des concentrations d’apolipoprotéine AI. Le tiadénol agirait en inhibant la synthèse du cholestérol à une étape précédant la formation en mévalonate.
Relation structure-activité
► Inhibiteurs de la HMG-CoA
En général, les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase contiennent un noyau hexahydronaphtalène. Deux chaînes principales différencient les agents entre eux. La pravastatine et la simvastatine sont des dérivés semi-synthétiques de la lovastatine, alors que la fluvastatine et l’atorvastatine sont entièrement synthétiques.
► Fibrates
Le clofibrate est le prototype pour cette classe de médicaments. Toutefois, celui-ci n’est plus disponible. Le fénofibrate et le bézafibrate en sont des dérivés. Le gemfibrozil n’est pas chimiquement apparenté aux autres fibrates.
► Séquestrants d’acides biliaires
La colestyramine est une résine échangeuse d’anions dont le squelette est un polymère de polystyrène.
► Autres agents
Le benfluorex est une amphétamine apparentée à la fenfluramine. Le tiadénol est dérivé de la classe des thioéthanols. L’acide nicotinique est une vitamine hydrosoluble du complexe B. L’ézétimibe appartient à une nouvelle classe d’agents hypolipidémiants (2-azétidinone) qui inhibent de façon sélective l’absorption intestinale du cholestérol et des phytostérols apparentés.
Pharmacocinétique
► Inhibiteurs de la HMG-CoA réductase
Les principaux paramètres pharmacocinétiques des inhibiteurs de la HMG-CoA réductase sont résumés au tableau 22.7.
Paramètres pharmacocinétiques | Bézafibrate | Ciprofibrate | Fénofibrate | Gemfibrozil |
---|---|---|---|---|
Promédicament | Non | Non | Oui | Non |
Absorption (%) | 100 | ? | faible | 100 |
Biodisponibilité (%) | 90 | ? | 33 | ? |
Tmax (h) | 2 | 2 | 4 | 1-2 |
Liaison aux protéines plasmatiques (%) | 94-96 | 89 | 99 | 97 |
Métabolites actifs | Non | Non | Oui | Non |
Demi-vie d’élimination (h) | 1,5-2 | 17 | 19,7 | 1,5-2 |
Les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase sont tous rapidement absorbés suite à l’administration orale. La prise concomitante d’aliments diminue l’absorption de la plupart de ces agents mais cette diminution ne semble pas cliniquement significative. En général, les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase ont tous une biodisponibilité réduite par un premier passage hépatique important. La lovastatine et la simvastatine sont administrées sous forme lactone et doivent être converties in vivo sous forme acide afin d’être actives. Finalement, le métabolisme de ces agents est principalement hépatique.
► Fibrates
Les principaux paramètres pharmacocinétiques des fibrates sont résumés dans le tableau 22.8. La prise de nourriture influence favorablement l’absorption de tous les fibrates. En général, ces agents sont très liés aux protéines plasmatiques et sont principalement excrétés dans l’urine sous forme de métabolites glucuronoconjugués. L’élimination des fibrates est influencée par l’insuffisance rénale, quoique l’excrétion du gemfibrozil, qui est moins compromise en cas d’insuffisance rénale, semble faire exception.
► Séquestrants d’acides biliaires
Les séquestrants d’acides biliaires ne sont pas absorbés au niveau du tractus gastro-intestinal. Ils sont éliminés dans les fèces sous la forme de complexes insolubles résinesels biliaires.
► Autres agents
Le benfluorex est bien absorbé par le tube digestif et atteint un pic plasmatique 1 à 2 heures suivant son administration. Il est principalement éliminé par voie rénale sous forme inchangée. L’ézétimibe et son métabolite atteignent des concentrations plasmatiques maximales en 2 à 3 heures et l’absorption est augmentée de 38% par un repas riche en lipides. L’ézétimibe est majoritairement métabolisé en ézétimibe-glucoronide, un métabolite actif qui est responsable de la majorité de l’activité pharmacologique du médicament. La demi-vie chez l’humain est d’environ 24 heures. De plus, la majorité de l’élimination se fait via les fèces (78%) alors que seulement 11% sont éliminés dans les urines. L’acide nicotinique à libération prolongée est rapidement absorbé et subit un premier passage hépatique important. Le pic plasmatique est atteint en 4 à 5 heures. L’élimination de l’acide nicotinique se fait par deux voies métaboliques principales. Tout d’abord, l’acide nicotinique est conjugué avec la glycine pour former l’acide nicotinurique qui est ensuite éliminé dans les urines. Ce métabolite semble être responsable des effets vasodilatateurs médiés par les prostaglandines. Dans l’autre voie métabolique, l’acide nicotinique est métabolisé en nicotinamide qui est ensuite métabolisé de nouveau en plusieurs autres métabolites. La voie du nicotinamide est rapidement saturée favorisant ainsi la voie de l’acide nicotinurique, ce qui expliquerait l’incidence moins importante d’effet vasomoteur avec la formulation prolongée. Le tiadénol est absorbé par voie gastro-intestinale pour être ensuite métabolisé de façon importante dans le foie par le cytochrome P450. La demivie d’élimination du tiadénol est d’environ 3 à 4 heures et son affinité pour les protéines plasmatiques est faible.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
TRAITEMENT DE L’ADULTE
Le lien de causalité qui existe entre l’hypercholestérolémie et l’athérosclérose est appuyé par de nombreuses études épidémiologiques, animales, génétiques et cliniques. À partir de ces données, plusieurs groupes de travail en Europe, au Canada et aux États-Unis ont élaboré des lignes directrices définissant et traitant les dyslipidémies. La décision de mettre en place une thérapeutique afin de corriger une dyslipidémie repose essentiellement sur l’évaluation des facteurs de risque cardio-vasculaires (tableau 22.9) et sur la présence ou non d’une maladie athérosclérotique.
A. Âge Homme ≥ 50 ans Femme ≥ 60 ans |
B. Histoire familiale de maladie coronarienne prématurée Infarctus du myocarde ou mort subite chez un père ou un frère < 55 ans Infarctus du myocarde ou mort subite chez une mère ou une sœur < 65 ans |
C. HDL < 1mmol/L |
D. Tabagisme actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans |
E. Hypertension (PA ≥ 140/90mmHg ou traitement par antihypertenseurs) |
NB: Pour les patients avec HDL > 1,6mmol/L, on soustrait un facteur de risque. Les diabétiques sont considérés d’emblée à haut risque de maladie coronarienne. |
Traitement de l’hypercholestérolémie
L’instauration d’une thérapeutique appropriée repose sur l’analyse des concentrations plasmatiques de lipoprotéines circulantes, l’identification d’anomalies lipoprotéiques et l’établissement de buts précis à atteindre selon les facteurs de risque de maladie coronarienne. Ainsi, le cholestérol total et les HDL devraient être mesurés chez tous les adultes de plus de 20 ans, au moins une fois tous les cinq ans. La classification initiale de l’hypercholestérolémie chez les patients sans preuve de maladie coronarienne se retrouve dans tableau 22.10.
LDL (mmol/L) | Triglycérides (mmol/L) | ||
---|---|---|---|
< 2,6 2,6 à 3,3 3,4 à 4,1 4,2 à 4,9 > 5,0 | Optimal Acceptable Limite supérieure à la normale Élevé Très élevé | < 1,7 1,7 à 2,2 2,3 à 5,6 > 5,6 | Normal Limite supérieure à la normale Élevé Très élevé |
Cholestérol total (mmol/L) | HDL (mmol/L) | ||
< 5,2 5,2 à 6,2 > 6,2 | Désirable Limite supérieure à la normale Élevé | < 1,0 > 1,6 | Bas Élevé |
► Établir le niveau de risque
Les patients ayant une maladie athérosclérotique évidente (maladie vasculaire périphérique, maladie coronarienne, anévrisme de l’aorte abdominale, maladie carotidienne symptomatique) et les diabétiques sont considérés à haut risque de maladie coronarienne. Pour les patients qui n’ont aucune évidence de maladie athérosclérotique ou de diabète, le niveau de risque à court terme peut être estimé en utilisant les tables de Framingham décrites à la figure 22.2. Ces tables sont basées sur les données d’une étude épidémiologique américaine et permettent une estimation du risque de maladie coronarienne à 10 ans en tenant compte des facteurs de risque majeurs. Selon les recommandations consensuelles américaines et européennes, les patients qui ont un risque de plus de 20% doivent être considérés à haut risque de maladie coronarienne. Par ailleurs, les tables de Framingham doivent être utilisées avec circonscription puisqu’elles ont certaines limites. Entre autres, elles ne permettent pas d’évaluer efficacement le risque de certaines populations comme par exemple les patients souffrant d’hypercholestérolémie familiale et la prédiction du risque se fait sur un terme relativement court (10 ans). De plus, l’évaluation du risque ne s’applique pas aux personnes avec un risque extrême ou inhabituel, comme par exemple une histoire familiale de maladie prématurée, ou à celles d’origine ethnique, et elle ne tient pas compte des facteurs de risque liés au mode de vie (obésité, inactivité physique) et des facteurs de risque émergents (voir tableau 22-11).