Traitement de l’insuffisance rénale

57. Traitement de l’insuffisance rénale

Alain Ragon


Praticien hospitalier, pharmacien, laboratoire pôle uro-néphrologie hôpital Sainte-Marguerite de la Conception Assistance publique Hôpitaux de Marseille, France

Philippe Brunet


Professeur de néphrologie service de néphrologie et d’hémodialyse, pôle uro-néphrologie hôpital Sainte-Marguerite de la Conception, Assistance publique Hôpitaux de Marseille, France


PLAN DU CHAPITRE



Insuffisance rénale aiguë1144




Généralités1144




Définition1144


Épidémiologie1144


Physiopathologie1144




Insuffisance rénale aiguë prérénale ou fonctionnelle1144


Insuffisance rénale aiguë postrénale1146


Insuffisance rénale aiguë organique1146


Cas particuliers des insuffisances rénales aiguës d’origine iatrogène1146


Signes cliniques et biologiques communs 1148


Méthodes de traitement de l’insuffisance rénale aiguë1150




Traitement symptomatique1150


Techniques d’épuration extrarénale1152


Conclusion1156


Insuffisance rénale chronique1156




Généralités1156




Définition1156


Évaluation de la fonction rénale1156


Créatinine, urée et interférences médicamenteuses1157


Évaluation de la fonction rénale1157


Épidémiologie1157


Causes de l’insuffisance rénale chronique1158


Physiopathologie1159




Capacités d’adaptation fonctionnelle des néphrons «sains»1159


Syndrome urémique1159


Signes cliniques et indicateurs biologiques de l’IRC1160


Méthodes de traitement de l’IRC1160




Traitement préventif1161


Traitement conservateur1161


Adaptation posologique des médicaments au cours de l’insuffisance rénale1164


Techniques de suppléance par épuration extrarénale1164


Conclusion1174


CE QU’IL FAUT RETENIR1175


ÉTUDE DE CAS CLINIQUES1176


Références bibliographiques1178



INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË



GÉNÉRALITÉS




Épidémiologie


L’incidence annuelle, souvent sous-estimée, de l’IRA est évaluée suivant les auteurs entre 100 et 200 cas par million d’habitants. Sa prévalence serait de 2 à 5% chez les malades hospitalisés et de 10 5 à 20% en réanimation.

Le pronostic de récupération fonctionnelle ou vital de l’IRA est sombre à court et moyen terme (mortalité de 60% 50%) en raison du contexte de survenue de l’IRA et des complications extrarénales (état de choc, infection, défaillance cardio-vasculaire, problèmes neurologiques, thromboses, etc.).

Le taux de mortalité varie beaucoup suivant le terrain (antécédents néphrologiques, âge, etc.), les pathologies associées (insuffisance cardiaque, respiratoire, hépatique, neurologique ou hématologique) et le contexte d’apparition de l’IRA. Lorsque l’origine de l’IRA est d’ordre médical, le taux de mortalité est de 20% mais il passe à 80% si l’IRA est consécutive à un traumatisme ou à une intervention chirurgicale.

Le pronostic à long terme est mal connu. Des séquelles rénales persistent dans la majorité des cas, surtout chez les malades âgés de plus de 70 ans qui sont 5 fois plus structurelles et fonctionnelles qui prédisposent à une hypoperfusion rénale.

Les causes d’IRA sont multiples (chirurgicales, traumatiques, obstétricales, médicales) et souvent intriquées chez des malades de plus en plus âgés, hospitalisés en service de soins intensifs, avec des défaillances polyviscérales.

L’IRA est potentiellement réversible soit spontanément, soit à la suite d’un traitement de la cause. La rapidité de récupération est fonction de l’origine physiopathologique de l’IRA. Il est commode de distinguer les IRA en fonction de leur origine physiopathologique, en trois types:




– 1. les IRA prérénales ou fonctionnelles;


– 2. les IRA postrénales ou par obstruction;


– 3. les IRA organiques, par lésion du parenchyme rénal.

Il existe parfois des passages d’un type à l’autre. Ainsi une IRA prérénale par hypoperfusion rénale dans le cadre d’un choc hypovolémique peut se transformer en IRA organique par nécrose tubulaire aiguë si l’hypoperfusion est trop prolongée.














Tableau 57.1 Principaux médicaments et substances néphrotoxiques.
Par toxicité directe


anti-infectieux: β-lactamines (céfalotine, cefsulodine, carbénicilline, ticarcilline, amoxicilline)


aminosides, tétracyclines, polypeptides (colistine), sulfamides, vancomycine


amphotéricine B


foscarnet, pentamidine


aciclovir


anticancéreux: cisplatine, carboplatine, streptozocine, ifosfamide, méthotrexate, lomustine (CCNU),


carmustine (BCNU), mithramycine, mitomycine C, 5-fluoro-uracile, 6-thioguanine


anti-inflammatoires: AINS, salicylés, D-pénicillamine, sels d’or


diurétique: triamtérène


anticoagulant: phénindione


immunosuppresseurs: ciclosporine, tacrolimus


cytokines: interleukine-2, interféron-α


SNC: phénytoïne, lithium


anesthésiques halogénés: halothane, méthoxyflurane


produits de contraste iodés


antidote: éthylène diamine tétracétate (EDTA)


toxines bactériennes


solvants organiques: éthylène glycol, toluène


poisons: paraquat, venins de serpents


radiations ionisantes
Par mécanisme immunoallergique


anti-infectieux: β-lactamines (ampicilline, amoxicilline, carboxypénicillines, uréidopénicillines, méthicilline,


oxacilline, pénicilline G, céfalexine, céfalotine, céfradine, céfotaxime, imipénem)


fluoroquinolones (ciprofloxacine), sulfamides (cotrimoxazole)


antituberculeux (éthambutol, rifampicine, para-amino-salicylate PAS)


érythromycine, minocycline


anticancéreux: cytosine arabinoside, carboplatine


antalgiques: floctafénine


AINS: aspirine, diflunisal, fénoprofène, ibuprofène, indométacine, acide méfénamique, naproxène, phényl butazone


diurétiques: thiazidiques (chlortalidone), furosémide, triamtérène


anticoagulant: phénindione


antiulcéreux: cimétidine, ranitidine


antihypertenseurs: a-méthyldopa, captopril IEC, ARA II


cytokines: interleukine-2, interféron-α


SNC: phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine


autres: allopurinol, azathioprine, clofibrate
Par précipitation Intratubulaire anti-infectieux: sulfamides (sulfadiazine), aciclovir, indinavir

Remarque: l’établissement récent d’une relation entre l’apparition de malformations chez des enfants nés de mères traitées par IEC au cours de leur grossesse conduit à choisir une autre classe d’antihypertenseurs chez des femmes en âge de procréer.


PHYSIOPATHOLOGIE


Les origines d’une IRA pouvant être multiples et souvent intriquées, en particulier chez des malades hospitalisés en réanimation, il est important de pouvoir distinguer les 3 types principaux d’IRA car les thérapeutiques sont différentes.

Il est parfois nécessaire de recourir à une biopsie rénale lorsqu’une IRA organique d’origine glomérulaire ou interstitielle est suspectée.

Les fréquences respectives des 3 principaux types d’IRA sont:




– l’IRA prérénale ou fonctionnelle (40 à 80% des cas);


– l’IRA postrénale par obstruction des voies excrétrices (moins de 10% des cas);


– l’IRA organique par lésions du parenchyme rénal (10 à 15%).


Insuffisance rénale aiguë prérénale ou fonctionnelle


L’IRA prérénale ou fonctionnelle est secondaire à une déshydratation extracellulaire, à un état d’hypotension et/ou d’hypovolémie efficace ou à des modifications de l’hémodynamique intrarénale qui ne permettent pas de maintenir un débit suffisant de filtration glomérulaire.

L’atteinte se situant au niveau des mécanismes de régulation de la filtration glomérulaire, le rein reste anatomiquement sain.

L’IRA fonctionnelle s’améliore rapidement (en quelques heures) lorsque les facteurs déclenchants (remplissage vasculaire, traitement de l’insuffisance cardiaque, arrêt du médicament responsable) sont traités.

Cependant, dans le cas contraire, la persistance d’une hypoperfusion rénale peut entraîner secondairement des lésions anatomiques et la transformation de l’IRA fonctionnelle en IRA organique.

Les causes de diminution de la filtration glomérulaire (FG) peuvent être de deux types:


► Baisse du flux sanguin rénal


Elle peut être consécutive à une:




– hypovolémie par:




• perte hémorragique,


• déplétion hydrosodée: déshydratation extracellulaire causée par:




– une perte rénale: diurétiques, néphropathies avec perte de sel, substances osmotiques (glucose, mannitol),


– une perte extrarénale (brûlures étendues, diarrhées, vomissements);


– baisse rapide du débit cardiaque (infarctus du myocarde, troubles du rythme, insuffisance cardiaque, embolie pulmonaire, toutes causes entraînant une anomalie de remplissage ventriculaire);


– vasodilatation périphérique (choc hémodynamique notamment septique, antihypertenseurs);


– vasoconstriction de l’artériole afférente [infection, cirrhose hépatique avec ascite (syndrome hépato-rénal), AINS, immunodépresseurs (ciclosporine, tacrolimus)].



Insuffisance rénale aiguë postrénale


Lorsque l’écoulement de l’urine est empêché par la présence d’un obstacle bilatéral sur les deux tractus urinaires ou sur la voie excrétrice du seul rein fonctionnel, l’IRA est dite postrénale par obstruction des voies excrétrices.

Une hématurie macroscopique accompagnée de douleurs lombaires, comparables à celles des coliques néphrétiques précède souvent l’installation d’une IRA avec anurie complète et brutale.

Les causes les plus fréquentes sont constituées par: une hypertrophie prostatique, une vessie neurologique, une urolithiase bilatérale, une tumeur vésicale, une fibrose rétropéritonéale, une tumeur colo-rectale ou tout autre cancer pelvien.

Un obstacle sur les voies urinaires est visualisé en échographie par une dilatation des cavités pyélocalicielles. Il entraîne une augmentation de la pression hydrostatique au pôle urinaire et un arrêt de la filtration glomérulaire. L’examen échographique doit être pratiqué systématiquement devant toute suspicion d’IRA.

La réversibilité de l’IRA est rapidement obtenue après la libération de la voie excrétrice.


Insuffisance rénale aiguë organique


L’IRA organique dont la cause est proprement rénale résulte de la lésion du parenchyme rénal. Suivant le type principal de lésion, on distingue des IRA d’origine glomérulaire, vasculaire, interstitielle ou tubulaire. Les plus fréquentes ont une origine essentiellement tubulaire (plus de 80% des IRA organiques résultent de nécroses tubulaires aiguës). Les atteintes interstitielles (10% sont des néphropathies interstitielles), les glomérulonéphrites aiguës et les atteintes vasculaires ont une incidence moins élevée.


► Insuffisance rénale aiguë d’origine tubulaire


Les nécroses tubulaires ont dans plus de 50% des cas une origine ischémique qui résulte d’une diminution de la perfusion rénale dont l’origine est une cause prérénale.

L’augmentation de l’excrétion urinaire de ß2-microglobuline est un bon indice d’atteinte tubulaire.

La régénération de l’épithélium tubulaire lésé par une IRA est possible sous l’influence de différentes molécules dont des facteurs de croissance peptidiques: EGF (Epidermal Growth Factor), HGF (Hepatocyte Growth Factor), IGF-1 (Insulin-like Growth Factor-1). Cette régénération complexe peut aboutir à la récupération partielle ou totale des fonctions tubulaires.

Les principales causes d’altération et de mort des cellules tubulaires sont:


Une IRA peut être provoquée par des obstructions intratubulaires qui ont pour origine:




– la formation de cristaux (acide urique, oxalate de calcium) ou la précipitation de médicaments (acétazolamide, aciclovir, adiazine, indinavir, sulfonamide, méthotrexate);


– des dépôts de protéines (myélome à chaînes légères);


– des pigments (rhabdomyolyse, hémolyse);


– des débris cellulaires tubulaires.


► Insuffisance rénale aiguë d’origine interstitielle


La cause est le plus souvent iatrogène, d’origine toxique (colistine, aminosides) ou immuno-allergique.

Les causes médicamenteuses sont de plus en plus fréquentes (tableau 57.1), (méthicilline, ampicilline, céphalosporines, sulfamides, rifampicine, ciprofloxacine, AINS, IEC, ARA II, diurétiques thiazidiques, triamtérène, furosémide, cimétidine, allopurinol, etc.) mais elles peuvent aussi être d’origine auto-immune (lupus), générale (sarcoïdose) ou encore infectieuse (hantavirus, leptospirose, etc.).


► Insuffisance rénale aiguë d’origine vasculaire


Elle survient par atteinte des gros vaisseaux: thrombose des veines et artères rénales, occlusion artérielle (embolie, dissection) atteinte des vaisseaux intrarénaux: néphroangiosclérose maligne, sclérodermie, hypertension artérielle (HTA), embols de cholestérol.


► Insuffisance rénale aiguë d’origine glomérulaire


Ce sont principalement des glomérulonéphrites extracapillaires et des angéites nécrosantes.


Cas particuliers des insuffisances rénales aiguës d’origine iatrogène


Les néphropathies d’origine médicamenteuse sont fréquentes car le rein est particulièrement exposé aux risques d’atteintes toxiques. Il reçoit 20 à 25% du débit cardiaque dans un réseau capillaire qui représente une surface endothéliale très importante alors qu’il ne représente qu’environ 0,4% du poids corporel. À partir des 125 mL/min d’ultrafiltrat plasmatique produits par le glomérule, des processus de concentration et de réabsorption tubulaires entraînent favorisent une accumulation intrarénale de substances comme les médicaments.

Une toxicité rénale médicamenteuse est le plus souvent diagnostiquée à la suite d’une altération aiguë de la filtration glomérulaire car cette dernière se traduit par une manifestation clinique franche et relativement fréquente. Par contre certaines intoxications par les médicaments sont souvent sous-estimées car les atteintes rénales sont plus difficiles à diagnostiquer (atteinte tubulaire isolée, syndrome néphrotique, syndrome hémolytique et urémique). Trois mécanismes d’action du médicament peuvent être en cause:




1. le médicament peut interférer sur la synthèse ou le catabolisme rénal de nombreux médiateurs hormonaux (rénine, angiotensine, prostaglandine, etc.) et entraîner une perfusion sanguine rénale insuffisante;


2. le médicament peut exercer une action toxique directe sur le parenchyme rénal (atteinte le plus souvent glomérulaire ou tubulaire). La toxicité est le plus souvent dose-dépendante et prévisible;


3. le médicament peut plus rarement provoquer une réaction d’hypersensibilité qui n’est pas dose-dépendante et est le plus souvent imprévisible.

Pour prévenir le risque d’une intoxication rénale d’origine médicamenteuse, il est nécessaire de repérer les populations à risques (enfants et personnes âgées par exemple) et les facteurs favorisants (diabète, déshydratation, etc.) pour adapter la posologie et éviter un surdosage. Ainsi, l’adaptation de la posologie nécessite de déterminer avec précision les capacités d’élimination du rein par une estimation du débit de la filtration glomérulaire (formule de Cockcroft et Gault ou plus récemment formule de l’étude «MDRD»).

Les médicaments le plus souvent responsables (tableau 57.1) d’IRA sont: les aminosides, les AINS, les IEC, les ARA II, les produits de contraste iodés, les chimiothérapies anticancéreuses, la ciclosporine, et les stimulateurs de l’ovulation.


► Aminosides


Ils sont responsables de la majorité des IRA par toxicité directe due aux médicaments. L’atteinte rénale régresse généralement après l’arrêt de l’aminoside mais elle est insidieuse car elle ne se manifeste par pratiquement aucun signe clinique (diurèse souvent conservée, absence de douleurs lombaires, pas d’hématurie macroscopique, ni d’œdème, ni d’hypertension). Le seul signe biologique consiste en une faible protéinurie. La néphrotoxicité diffère peu entre aminosides. Ils ont la capacité de s’accumuler préférentiellement dans le cortex rénal. Les facteurs prédisposant sont le malade lui-même (âge avancé, insuffisance rénale chronique, déshydratation et déplétion sodée induites ou non par des diurétiques), la posologie trop élevée (dose et rythme d’administration), la durée du traitement (supérieur à 10 à ou 12 jours) et les médicaments associés (céphalosporines de première génération comme la céfalotine à fortes doses, la céfazoline, le cisplatine, les diurétiques, les AINS, la ciclosporine).

L’adaptation de posologie grâce à des tables tenant compte du degré de clairance de la créatinine et le dosage sérique de l’aminoside (confère chapitre «Généralités sur les antibiotiques») devraient limiter les risques de toxicité.


► Anti-inflammatoires non stéroïdiens


Ils prédisposent à l’IRA chez les patients en hypovolémie et plus particulièrement lorsqu’ils sont associés aux diurétiques. Grâce à leur pouvoir d’inhibition de la synthèse des prostaglandines, ils peuvent à la fois diminuer le débit de FG par vasoconstriction de l’artériole glomérulaire afférente et provoquer une hypoperfusion rénale induisant une hypoxie médullaire et une altération des capacités de concentration tubulaire. L’IRA apparaît 2 à 5 jours après le début du traitement mais elle régresse rapidement dès l’arrêt de l’AINS.


► Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II)


Chez des malades hypertendus dont le système rénineangiotensine est fortement sollicité, un traitement par IEC ou par ARA II peut entraîner une IRA. Le plus souvent, ces malades présentent une sténose bilatérale des artères rénales ou une sténose unilatérale de l’artère d’un rein unique. Une filtration glomérulaire (FG) est cependant maintenue grâce à l’action vasoconstrictrice exercée par un taux intrarénal élevé d’angiotensine II. Les IEC ou les ARA II, en réduisant ce taux, provoquent une baisse brutale de la FG et induisent une oligurie ou même une anurie. La prise simultanée d’un diurétique aggrave le phénomène. L’arrêt de l’IEC ou de l’ARA II entraîne une amélioration rapide de la FG. Parfois, seul l’arrêt du diurétique associé peut suffire à rétablir la fonction rénale.

En dehors du risque d’altération de la fonction rénale, la prise d’IEC ou d’ARA II peut aussi fréquemment provoquer une hyperkaliémie.


► Produits de contraste iodés


Ils sont responsables d’environ 10% des IRA iatrogènes. Lors de l’utilisation de produits de contraste, les accidents les plus graves se produisent chez les malades présentant un diabète sucré avec une néphropathie préexistante (protéinurie). Le myélome multiple est une contre-indication maintenant bien établie.

Les principales mesures recommandées pour réduire les risques d’accidents dus à l’injection de produits de contraste sont:




– hydrater le malade 3 à 12 h avant l’examen et poursuivre 6 à 24 heures après l’examen avec des solutions cristalloïdes isotoniques (perfusion de 1 à 1,5 L d’une solution de chlorure de sodium à 0,9% ou de préférence de bicarbonate de sodium à un rythme de l’ordre de 1 mL/kg/h);


– réduire au minimum la quantité d’iode injectée et utiliser de préférence des produits de contraste iso-osmotiques ou figurant parmi les moins hyperosmotiques.


► Produits de contraste en IRM à base de chélates de gadolinium




► Chimiothérapies anticancéreuses


Les médicaments le plus souvent responsables sont le cisplatine et les nitroso-urées (la streptozocine). La néphrotoxicité est dose dépendante. Elle apparaît pour le cisplatine pour des doses supérieures à 100 mg/m2 et est augmentée par une déshydratation extracellulaire et une association à d’autres médicaments néphrotoxiques comme les aminosides. L’IRA induite par le cisplatine est le plus souvent réversible en quelques jours; elle peut être en partie prévenue par l’induction d’une diurèse saline ou osmotique. Une insuffisance rénale peut cependant être définitive chez certains patients mais sans nécessiter un recours à la dialyse.

Le méthotrexate peut également induire une IRA par l’intermédiaire de son métabolite (le 7-OH méthotrexate) qui précipite dans les tubules lorsque les urines sont acides. Cet effet peut être prévenu par une alcalinisation des urines.


► Ciclosporine


Dans la majorité des cas, un surdosage de ciclosporine (concentrations sanguines > 250 ng/mL) est à l’origine d’une atteinte rénale. Il peut résulter d’une interaction avec de nombreux autres médicaments. Lorsqu’une IRA survient quelques jours après une greffe rénale, la responsabilité de la ciclosporine peut être difficile à établir car les lésions tubulaires peuvent provenir d’un rejet, d’une ischémie (ischémie froide prolongée du greffon) ou de la néphrotoxicité de médicaments associés. Seule la biopsie permet parfois d’identifier la cause de l’IRA.


► Stimulateurs de l’ovulation


Plus rarement, le traitement d’une stérilité féminine par une hyperstimulation ovarienne au moyen de gonadotrophines (FSH, HCG, HMG) peut parfois entraîner une hyperperméabilité capillaire généralisée. Cela se traduit par une ascite, des œdèmes, un épanchement pleural et une hypovolémie majeure avec IRA.


Signes cliniques et biologiques communs



► Signes cliniques



Les complications cliniques les plus graves de l’IRA sont en effet les conséquences de:




– l’hyperhydratation (hypertension artérielle, œdème a gu du poumon, œdème cérébral);


– l’accumulation de substances toxiques (hyperkaliémie, acidose sévère).

Les principaux signes cliniques sont: digestifs, respiratoires, cardio-vasculaires, neurologiques, hématologiques et nutritionnels.


• Signes digestifs

Un état d’hyperhydratation favorise une anorexie, des nausées et des vomissements. Des atteintes gastriques (gastrites, ulcérations aiguës de l’estomac ou du duodénum) aggravées par un état septique vont entraîner des hémorragies digestives.


• Signes respiratoires





– une acidose métabolique peut souvent entraîner une hyperventilation;


– une insuffisance respiratoire peut plus rarement être secondaire à:




• un œdème pulmonaire dû à une surcharge hydrosodée,


• une pneumopathie infectieuse.


• Signes cardiovasculaires

La pression artérielle est le plus souvent normale ou basse. Une hypotension fait suspecter une hypovolémie, une hémorragie digestive, une insuffisance cardiaque ou une infection. Mais il peut exister une hypertension artérielle (HTA) d’origine glomérulaire, vasculaire ou résultant d’une surcharge hydrosodée associée. Une hyperkaliémie et une hypocalcémie souvent associées peuvent provoquer une modification de l’électrocardiogramme.


• Signes neurologiques

Ils ne sont qu’une conséquence des désordres des métabolismes de l’eau et du sodium et en particulier de l’hyperhydratation intracellulaire (hyponatrémie). Ils se manifestent par des troubles de la mémoire, une confusion, une asthénie, une somnolence ou des symptômes plus graves comme des myalgies, des crises convulsives, un coma.


• Signes hématologiques

Une anémie normocytaire, normochrome peu régénérative, constante est observée après quelques jours d’urémie. Elle résulte d’une hémodilution, de phénomènes d’hémolyse et d’une insuffisance de production d’érythropoïétine.

L’anémie s’accompagne d’une fréquente tendance hémorragique dès que l’azotémie est supérieure à 30 mmol/L. Des risques de thrombose vasculaire et/ou une coagulation intravasculaire d’origine multifactorielle sont également responsables du décès d’environ 10% des malades atteints d’IRA.


• État nutritionnel

Une malnutrition peut être consécutive à des nausées, des vomissements ou à l’impossibilité de s’alimenter. Un catabolisme important aboutissant à la destruction de 100 à 200 g/24 heures de protéines corporelles peut résulter de lésions traumatiques, toxiques, infectieuses qui concourent à l’augmentation de l’urémie. Cet état d’hypercatabolisme est renforcé par la résistance à l’insuline et l’acidose métabolique due à l’IRA. La perte de poids souvent masquée par l’état d’hyperhydratation peut être appréciée par l’importance d’une hypoalbuminémie.

L’amyotrophie est le signe extérieur le plus évident de la dénutrition qui altère les défenses immunitaires du malade, favorise les infections et retarde les processus de cicatrisation et de récupération rénale.


► Signes biologiques



• Rétention azotée




Créatinine

Elle provient du catabolisme musculaire et est quasi exclusivement éliminée par filtration glomérulaire. Sa concentration plasmatique (taux normal de 80 à 120 μmol/L), reflète ainsi fidèlement les capacités de filtration glomérulaire. En cas d’IRA, elle augmente en moyenne de 100 à 200 μmol/L par 24 heures. Cette augmentation est proportionnellement moins importante que celle de l’urée, sauf en cas de rhabdomyolyse. Elle varie en fonction de la masse musculaire du malade.


Acide urique

Métabolite des acides nucléiques, il est majoritairement excrété par voie rénale. Dans les IRA, sa concentration plasmatique peut dépasser 400 μmol/L. Des hyperuricémies peuvent être à l’origine d’IRA. C’est le cas de rhabdomyolyses ou de traitements par chimiothérapie de certaines hémopathies qui entraînent la lyse d’une masse tumorale importante. De nombreux cristaux d’acide urique peuvent entraîner une IRA obstructive par précipitation intratubulaire lorsque les urines sont acides et concentrées. La prévention repose sur une alcalinisation des urines et l’utilisation de médicaments hypouricémiants (allopurinol, urate-oxydase).


• Désordres hydro-électrolytiques et acido-basiques



Kaliémie

Une hyperkaliémie fait courir un risque vital et doit être traitée en urgence par hémodialyse lorsqu’elle dépasse 6,5 mmol/L. Elle est consécutive à un défaut d’excrétion renforcée par:




– l’acidose métabolique qui favorise le transfert des ions potassium du milieu intracellulaire vers le milieu extracellulaire (le taux intracellulaire de potassium est de 110 à 120 mmol/L);


– un hypercatabolisme postopératoire, post-traumatique (lyse musculaire traumatique ou rhabdomyolyse) ou consécutif à une chimiothérapie cytolytique des hémopathies malignes (syndrome de lyse tumorale).

L’hyperkaliémie doit être dépistée par des dosages plasmatiques répétés et par la surveillance du tracé électromyocardique pour déceler des anomalies caractéristiques:




– les ondes T deviennent pointues pour une kaliémie de 5,5 à 6 mmol/L;


– au-dessus de 6 mmol/L, des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire se manifestent par une augmenta-tion de l’intervalle PR, puis une disparition de l’onde P et un élargissement du complexe QRS.

Plus rarement, une hypokaliémie peut être observée en cas de pertes digestives importantes, de tendance à l’alcalose, d’alimentation parentérale riche en glucides ou par suite d’une déplétion potassique efficace par hémodialyse.


Natrémie

Elle reflète l’état d’hydratation du malade. Une hyponatrémie de dilution (< 130 mmol/L) est habituelle en raison d’un défaut d’excrétion, d’une libération endogène due au catabolisme protidique ou d’un apport excessif (perfusions IV). Une hyperhydratation peut se traduire par des vomissements, des troubles de la conscience et des œdèmes notamment pulmonaires ou cérébro-méningés.

Exceptionnellement, un état d’hypernatrémie peut résulter d’une perte d’eau isolée ou associée à un apport excessif de sodium (solutions hypertoniques). Il peut engendrer de graves conséquences cérébrales.


Calcémie

L’hypocalcémie est modérée (> 2 mmol/L), précoce (elle apparaît quelques jours après le début de l’IRA) mais constante. Elle est aggravée en cas de rhabdomyolyse et de pancréatite aiguë par formation de dépôts calciques dans les muscles lésés ou les tissus nécrosés. Une intoxication par l’éthylène glycol qui provoque la formation d’oxalate de calcium insoluble peut aussi provoquer une hypocalcémie. Une acidose associée, une hypoalbuminémie ou une résistance à l’action osseuse de la parathormone renforcent l’hypocalcémie. Cependant des crises de tétanie sévères pouvant aller jusqu’au coma, ne peuvent survenir que si la correction trop rapide de l’acidose entraîne une baisse brutale de la fraction ionisée du calcium plasmatique.

Une hypocalcémie potentialise également les risques cardiaques d’une hyperkaliémie.


Magnésémie

Une hypermagnésémie (1 à 2 mmol/L) asymptomatique est souvent notée en cas d’oligurie.


Phosphorémie

Une hyperphosphorémie constante, corrélée avec la diminution du débit de FG, accentue probablement l’hypocalcémie.


Désordres anioniques

On observe le plus souvent:




– une hypochlorémie consécutive à des pertes digestives;


– une baisse des bicarbonates plasmatiques neutralisés par l’acidose métabolique;


– une augmentation de la phosphatémie (1,5 à 2,5 mmol/L), des sulfates, des lactates en cas d’oligurie.


Désordres acido-basiques

Un état d’acidose métabolique est pratiquement constant en raison d’une production excessive d’ions H+, de sulfates, de phosphates, de lactates par catabolisme des protéines endogènes et d’un défaut de leur élimination. Un catabolisme élevé (traumatisme, intervention chirurgicale) associé à une oligurie va donc entraîner une acidose sévère.

Cependant, grâce aux bicarbonates plasmatiques qui s’abaissent rarement en dessous de 15 mmol/L et à la compensation respiratoire qui favorise l’élimination du CO2, le pH artériel reste habituellement stable et se maintient entre 7,30 et 7,35.

Par contre, le pH peut chuter brutalement en quelques minutes en dessous de 7,20-7,10 et menacer le pronostic vital, si un excès d’anions est généré (acidose lactique) encas de catabolisme sévère, aggravé de pertes importantes de bicarbonates par voie digestive (diarrhée) ou d’une insuffisance d’élimination du CO2 par paralysie respiratoire ou pneumonie.


• Marqueurs de dénutrition

L’albuminémie et la préalbuminémie sont les deux principaux marqueurs biologiques de l’état nutritionnel. L’albumine, de par ses réserves importantes, sa demi-vie relativement longue et ses capacités de synthèse hépatique, constitue un marqueur tardif de dénutrition. Par contre, la préalbumine représente un marqueur précoce de malnutrition en raison de ses faibles réserves et de sa demi-vie courte. L’interprétation des deux dosages doit tenir compte de l’état d’hydratation et d’éventuelles perfusions d’albumine.


MÉTHODES DE TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË


Le principal objectif du traitement de l’IRA est d’obtenir une récupération totale ou partielle de la fonction rénale provisoirement défaillante et d’éviter qu’elle ne se détériore davantage. Contrairement au caractère irréversible de l’IRC (insuffisance rénale chronique), certaines mesures thérapeutiques peuvent conduire, dans le cas de l’IRA, à une restauration rénale anatomique et fonctionnelle.

Les techniques mises en œuvre ont pour but:




– de traiter la ou les causes à l’origine de l’IRA lorsque cela est possible;


– de prévenir ou corriger par un traitement symptomatique les désordres hydro-électrolytiques et les complications d’une rétention azotée qui surviennent lorsque l’urée sanguine dépasse 35 à 40 mmol/L;


– de suppléer temporairement la fonction excrétrice des reins grâce à une technique d’épuration extrarénale intermittente ou continue lorsqu’un traitement symptomatique est insuffisant pour maintenir une homéostasie, corriger ou prévenir les manifestations du syndrome urémique et de ses complications.


Traitement symptomatique


Il a pour objectif:




– de rétablir une diurèse lorsque cela est possible,


– de maintenir un état hydro-électrolytique normal,


– de stabiliser la rétention azotée: urémie < 40 mmol/L et créatininémie < 700-750 μmol/L.

Pour ces raisons, un traitement symptomatique ne peut être instauré que chez les malades à diurèse conservée et dont le catabolisme protéique est peu prononcé. Ce traitement va différer selon l’origine.



► Correction des états d’hyperhydratation


À l’opposé de la situation précédente où l’IRA est induite par une hypovolémie, l’IRA peut entraîner une hyperhydratation extracellulaire ou globale par défaut d’excrétion de l’eau. L’utilisation d’un diurétique de l’anse à forte dose a alors pour but de transformer une IRA oligurique en IRA à diurèse conservée et de mieux contrôler l’état d’hydratation.

Le furosémide potentialise l’action vasodilatatrice rénale de la prostaglandine PGE 2 en inhibant sa dégradation. En inhibant les phénomènes de réabsorption au niveau de la branche large de l’anse de Henle, il diminue la consommation en oxygène du parenchyme rénal et les lésions ischémiques cellulaires.

Les posologies sont élevées:




– furosémide (Lasilix): 250 à 1 500 mg en perfusion IV au rythme maximal de 0,06 mg/kg/min (environ 4 mg/ min chez l’adulte);


– bumétanide (Burinex): 5 à 10 mg en IV directe.

Pour maintenir une diurèse abondante, il peut être nécessaire de poursuivre l’administration du diurétique de l’anse, par voie orale ou parentérale:




– furosémide: 100 à 1 000 mg/24 heures;


– bumétanide: 5 à 20 mg/24 heures.


► Correction de l’hyperkaliémie


Chez un malade en IRA, lorsque la kaliémie atteint ou dépasse 6,5 mmol/L, un traitement doit être pratiqué en urgence en raison du risque élevé de troubles de la conduction ou d’arrêt cardiaque. La kaliémie doit être maintenue en dessous de 5,5 mmol/L.

L’hémodialyse représente le traitement le plus efficace en cas d’urgence ou de résistance aux autres traitements. Autres traitements pouvant être associés entre eux:




– l’administration de calcium (20 à 30 mL de gluconate de calcium à 30%) peut permettre de normaliser le tracé électrocardiographique. L’effet sur les troubles de la conduction est rapide mais transitoire. La digitalisation constitue une contre-indication;


– l’administration de 10 UI d’insuline ordinaire dans 500 mL de solution de glucose à 10% a également un effet temporaire en faisant rentrer le potassium dans les cellules;


– la perfusion d’une solution de bicarbonate de sodium isotonique à 1,4% ou hypertonique à 4,2% ou molaire à 8,4% (40 à 100 mL en 10 à 30 min) pour réduire les risques de surcharge volémique par apports excessifs d’eau et de sodium. La correction de l’acidose métabolique favorise le transfert du potassium plasmatique vers les cellules;


– la perfusion d’isoprénaline (Isuprel) en cas de blocauriculo-ventriculaire complet;


– les résines échangeuses d’ions. L’hyperkaliémie peut être prévenue par l’administration régulière et systématique de résines échangeuses d’ions: polystyrène sulfonate de sodium (Kayexalate) administré par voie orale (15 g, 1 à 8 fois/jour ou en lavement: 30 à 50 g dans 100 mL d’une solution à 10% de glucose pendant 4 à 10 heures).

Remarque: les solutés IV contenant du potassium (le Ringer lactate par exemple) sont évidemment formellement contre-indiqués.


► Correction de l’acidose métabolique






– l’acidose métabolique discrète compensée peut être corrigée temporairement par la perfusion d’une solution de bicarbonate de sodium dans l’attente d’un traitement par hémodialyse;


– lorsque l’acidose métabolique se double d’une insuffisance compensatoire respiratoire, elle est dite mixte. Le pH artériel peut alors s’abaisser très rapidement en dessous de 7,20 et les bicarbonates plasmatiques peuvent être inférieurs à 15 mmol/L. Dans ce cas, la perfusion d’une solution hypertonique de bicarbonate s’impose en urgence ainsi qu’une ventilation artificielle, seul moyen de sauver la vie du malade.


► Correction de la dénutrition


L’IRA se caractérise par une augmentation du catabolisme global et un détournement métabolique endogène au profit de la néoglucogénèse qui conduit à un état d’hypercatabolisme calorico-protidique.

Les besoins de base d’un malade en IRA sont de l’ordre de 35 kcal/kg/24 heures mais ils peuvent augmenter jusqu’à 50 kcal/kg/24 heures. Les glucides doivent couvrir de 50 à 60% des besoins énergétiques, le reste étant apporté par les lipides. Les besoins azotés estimés en fonction de l’importance du catabolisme protéique nécessitent souvent des apports protéiques égaux ou supérieurs à 1,2 g/kg/24 heures pour maintenir une balance azotée neutre. Ils sont couverts par des apports d’acides aminés essentiels et non essentiels par voie parentérale. Cependant, chaque fois que cela est possible, une alimentation entérale doit être préférée car il est nécessaire de préserver le capital veineux et d’éviter un apport excessif d’eau et de substances acides. Le rapport calorico-azoté doit être proche de 150 kcal/g d’azote.



► Traitement de la thrombopathie


Comme dans l’IRC, la thrombopathie est souvent latente. En cas de risque hémorragique élevé ou avant et après une biopsie ou une intervention chirurgicale, l’allongement du temps de saignement doit être corrigé par:




– une perfusion de DDAVP (Desaminated D-Arginine Vasopressine ou desmopressine Minirin) à la dose de 0,3 μg/kg (ou 10 μg/m2 de surface corporelle) dilués dans 50 mL de NaCl à 0,9% et perfusés en 30 min;


– la transfusion de culots globulaires.


► Prévention des hémorragies digestives


Dans certaines situations graves, les hémorragies digestives peuvent être prévenues par des antiulcéreux gastriques comme les anti-H2 (cimétidine, ranitidine, famotidine) ou des inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole, lansoprazole) mais leur intérêt est controversé.


Techniques d’épuration extrarénale



► Indications de la dialyse dans l’IRA


Le traitement par dialyse d’une IRA peut avoir un caractère:




– d’extrême urgence s’il s’agit:




• d’une hyperkaliémie sévère (> 6,5 mmol/L) asymptomatique ou objectivée par des anomalies du tracé de l’ECG, une faiblesse musculaire,


• d’une acidose décompensée (l’objectif est de maintenir un pH et une réserve alcaline physiologiques),


• d’un hypercatabolisme,


• d’une surcharge hydrosodée qui reflète une hyperhydratation extracellulaire ou globale avec œdème viscéral (surtout œdème aigu pulmonaire),


• d’une hypertension maligne,


• d’une intoxication (à condition que le toxique respon sable soit dialysable);


d’urgence différée lorsqu’un syndrome urémique se manifeste par des anomalies biologiques et/ou cliniques (troubles de la conscience, troubles digestifs, signes hémorragiques, péricardite);


prophylactique en cas d’IRA prolongée pour assurer une élimination de l’eau et maintenir les principales constantes biologiques à des niveaux acceptables:




• taux d’urémie en dessous de 30-35 mmol/L,


• créatininémie inférieure à 400 μmol/L,


• kaliémie comprise entre 3,5 et 5,5 mmol/L,


• taux de bicarbonates plasmatiques supérieur à 18 mmol/L.

Dans le cas d’une épuration discontinue, la dialyse doit être efficace et programmée pour prévenir la récidive de signes cliniques.

Remarque: le traitement par épuration extrarénale peut en lui-même retarder la récupération d’une fonction rénale normale pour deux raisons:




– l’apparition d’épisodes hypotensifs;


– l’activation du complément et des neutrophiles au contact de certaines membranes de dialyse qui pourrait aggraver les lésions rénales.


► Généralités sur les techniques d’épuration extrarénale


Les indications qui conduisent à la mise en œuvre de techniques d’épuration extrarénale pour traiter une IRA sont plus larges que la seule suppléance de la fonction rénale défaillante. Il est notamment nécessaire:




– de contrôler la surcharge hydrosodée en cas d’insuffisance cardiaque réfractaire au traitement diurétique;


– de contrôler des désordres ioniques graves comme l’hyperkaliémie;


– d’éliminer certaines toxines ou cytokines produites par une infection.


• Techniques intermittentes ou continues: avantages et inconvénients

Le choix est guidé par la stabilité hémodynamique du malade. Les techniques discontinues (hémodialyse essentiellement, hémofiltration, hémodiafiltration) sont efficaces et plus aisées à mettre en œuvre mais non adaptées aux états de détresse hémodynamique.

Les techniques en continu (principalement l’hémofiltration veino-veineuse continue ou HVVC) permettent un meilleur contrôle de l’état d’hydratation, une meilleure tolérance hémodynamique et une non-limitation des apports nutritionnels.

Les contraintes sont représentées par:




– la nécessité d’une anticoagulation permanente surtout lorsque les débits sanguins sont faibles;


– un contrôle hydro-électrolytique constant;


– une asepsie rigoureuse;


– une surveillance attentive et permanente.



• Anticoagulation du circuit sanguin extracorporel

L’anticoagulant le plus utilisé est l’héparine. Au début d’une séance d’hémodialyse, la dose de charge est de 25 à 30 UI (unités d’héparine standard)/kg de poids suivi d’un débit de 250 à 1 000 UI/h suivant le poids du malade, délivrées à la seringue électrique. La posologie est adaptée au débit sanguin, au poids du malade, au type de membrane et au risque hémorragique. Si ce dernier est élevé, il peut être réduit par l’injection d’une seule dose de charge d’HBPM (héparine de bas poids moléculaire) à raison, par exemple, d’environ 1 mg/kg d’énoxaparine ou Lovenox en début de séance.

D’autres techniques peuvent être utilisées (citrate de sodium), prostacycline, héparinisation régionale du circuit avec neutralisation par de la protamine du retour veineux) mais la technique la plus simple, en cas de risque hémorragique, est de réaliser une dialyse sans anticoagulant en prenant les précautions suivantes:




– utilisation de membranes à faible pouvoir thrombogène;


– rinçage régulier du circuit par du NaCl à 0,9% (100 mL toutes les 30 minutes) ou une solution de glucose à 5%.

Remarque: la dialyse péritonéale a comme avantage de ne pas nécessiter l’utilisation d’anticoagulants; elle peut être utilisée dans ces indications. lorsqu’en cas d’hémorragie cérébrale ou cérébro-méningée, toute anticoagulation est contre-indiquée.


• Choix des membranes de dialyse

Les propriétés des membranes de dialyse peuvent influencer l’évolution de l’IRA en raison d’effets directs bénéfiques (adsorption d’endotoxines, épuration de certaines cytokines dans les états inflammatoires et/ou infectieux graves) ou nocifs (réaction inflammatoire consécutive à l’activation du système du complément qui entraîne la sécrétion de cytokines par les monocytes et la libération par les polynucléaires neutrophiles de radicaux oxygénés actifs et d’enzymes protéolytiques).

L’activation du complément est surtout provoquée par les nombreux groupements hydroxyles situés à la surface des membranes cellulosiques. Elle est fortement diminuée lorsque les groupements hydroxyles de ces membranes sont substitués par des radicaux acétates. L’activation du complément est encore beaucoup plus faible avec des membranes synthétiques qui ne possèdent pas de groupements hydroxyles. La précarité du malade en IRA et des résultats d’études cliniques contrôlées montrant notamment une diminution de la mortalité plaident en faveur du choix de membranes synthétiques (polyacrylonitrile, polyamide, polysulfone, polycarbonate., etc.) et sont défavorables à l’utilisation des membranes en cuprophane.


► Méthodes intermittentes



• Hémodialyse itérative

Son principe est schématisé sur la figure 57.1 et développé plus en détail dans le paragraphe sur le traitement de l’insuffisance rénale chronique. Sa tolérance hémodynamique peut être mauvaise si le taux d’ultrafiltration trop important entraîne une perte hydrique et des variations d’osmolalité rapides et brutales. En général, des séances de 3 à 4 heures sont réalisées tous les 2 jours. La première séance de traitement de l’IRA doit être brève (environ 2 heures) pour éviter les risques de troubles neuropsychiques graves résultant d’une épuration trop rapide de l’urée (création d’un déséquilibre osmotique par hypo-osmolarité plasmatique relative) et d’une correction trop brutale de l’acidose métabolique. Le principal risque nécessitant l’interruption d’une séance concerne une hypotension ou un collapsus.








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Figure 57.1
Schéma de principe de la technique d’hémodialyse.



• Hémofiltration et hémodiafiltration itératives

Ces techniques intermittentes sont de plus en plus utilisées pour le traitement de l’IRA car elles permettent une élimination par convection plus efficace des toxines urémiques de poids moléculaire élevé alors que l’hémodialyse favorise principalement l’élimination par diffusion des toxines de faible poids moléculaire. Actuellement, en réanimation, l’hémofiltration (HF) représente entre 60 et 68% des techniques d’épuration utilisées. En dehors d’une meilleure tolérance hémodynamique et d’un meilleur contrôle métabolique qui autorise une plus grande liberté des apports nutritionnels, le rapide développement de l’HF en réanimation peut s’expliquer par des raisons techniques comme une plus grande facilité d’utilisation des générateurs et l’absence d’un traitement d’eau.


► Méthodes continues à bas ou haut débit


Par rapport aux techniques intermittentes, l’hémofiltration et l’hémodiafiltration continues à bas ou haut débit constituent des méthodes «plus douces». Grâce à une épuration progressive, elles permettent une plus grande stabilité par un meilleur équilibre entre les différents secteurs de l’organisme notamment vasculaires et extravasculaires. Ces méthodes continues font courir moins de risques cardiovasculaires. Leur description est détaillée sur les figures 57.2 et 57.3. Elles sont mises en œuvre pour des séances prolongées sur 12, 24 ou même 48 heures.








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Figure 57.2
Hémofiltration artério-veineuse continue avec injection en prédilution.









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Figure 57.3
Hémodiafiltration veino-veineuse continue.



• Hémofiltration artério-veineuse continue

L’hémofiltration artério-veineuse continue ou CAVH (continuous arteriovenous hemofiltration) constitue la première technique convective d’épuration continue. Grâce au gradient de pression entre l’artère et la veine (figure 57.2), il est possible d’obtenir dans l’hémofiltre, de manière autonome, un débit sanguin (50 à 120 mL/min) capable de générer spontanément un ultrafiltrat plasmatique de l’ordre de 5 à 20 mL/min (soit 7 à 30 L/24 heures).

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May 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Traitement de l’insuffisance rénale

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