18. Traitement de la polyarthrite rhumatoïde
Chapitre révisé pour cette édition par:
Michel Brazier
Professeur de pharmacie clinique, doyen de la faculté de pharmacie d’Amiens, Praticien Hospitalier Groupe hospitalier Amiens-Sud, Amiens, France
Patrice Fardellone
Professeur de rhumatologie, service de rhumatologie, CHU Amiens, France
Nos remerciements à
Johnny Moretto
interne en pharmacie au département de pharmacie du CHU de Besançon, pour la relecture et la révision définitive de ce chapitre.
PLAN DU CHAPITRE
Critères de choix thérapeutique373
CE QU’IL FAUT RETENIR384
ÉTUDE D’UN CAS CLINIQUE384
Références bibliographiques385
GÉNÉRALITÉS
PHYSIOPATHOLOGIE
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie caractérisée par une inflammation chronique du tissu synovial d’origine immunologique et auto-entretenue. Un tissu de granulation synovial apparaît (le pannus), envahissant peu à peu l’articulation avec le comportement intra-articulaire d’une affection maligne proliférante localisée. Si l’origine de la maladie demeure inconnue, on comprend de mieux en mieux les mécanismes cellulaires et immunologiques qui aboutissent aux lésions caractéristiques. La maladie rhumatoïde est une maladie plurifactorielle impliquant des facteurs génétiques («épitope partagé» de certains gènes HLA de classe II), hormonaux (sexe ratio: 4 femmes/1 homme) et environnementaux. Le rôle majeur revient au lymphocyte T dont la prolifération entraîne la stimulation des lymphocytes B, l’infiltration de la synoviale par des leucocytes et la production de cytokines pro-inflammatoires (Kingsley, 1997). Les lymphocytes B élaborent des autoanticorps à l’origine d’immun-complexes qui majorent les réactions inflammatoires.
Actuellement, certains auteurs proposent un schéma qui confère aux macrophages et aux fibroblastes un rôle déterminant (Athanason, 1995). Ces cellules, en particulier les macrophages, par des mécanismes autocrines et paracrines, produisent des cytokines responsables de l’inflammation du tissu synovial. La prolifération et l’activation des fibroblastes sont ainsi entretenues. Elles produisent, outre les cytokines, des collagénases et des prostaglandines et activent les lymphocytes T et B.
La destruction du cartilage et du tissu osseux environnant est probablement liée à l’action des cytokines produites par les macrophages et les fibroblastes, cellules présentes en grande quantité à la jonction synoviale-cartilage, là où apparaissent les lésions initiales. La sécrétion macrophagique d’interleukine 1 (IL-1) et de Tumor Necrosis Factor (TNF) stimule la libération de collagénase, de radicaux oxygénés et de prostaglandines qui jouent un rôle majeur dans la destruction du cartilage. Enfin, les macrophages synoviaux se différencieraient en cellules proches des ostéoclastes (Osteoclast-like) susceptibles de résorber l’os avoisinant (Fujikawa, 1996).
► Diagnostic
Le diagnostic de PR est clinique et biologique. Maladie inflammatoire chronique, elle touche les articulations des membres. Les atteintes sont bilatérales et symétriques, avec une prédilection pour les extrémités (mains, pieds). Elles s’étendent aux autres articulations et sont associées à des déformations.
Il existe un syndrome inflammatoire, très souvent important, objectivé par une augmentation de la vitesse de sédimentation (VS) et de la CRP. Des manifestations immunologiques sont retrouvées. Le sérum contient des autoanticorps, le plus caractéristique étant le facteur rhumatoïde (FR), immunoglobuline le plus souvent de type IgM. Le FR était classiquement recherché par le test au latex et/ou par la réaction de Waaler Rose. Actuellement, la détection du FR se fait par néphélométrie laser ou par test ELISA. La recherche des anticorps anti-peptides citrullinées (anti-CCP) permet un diagnostic précoce de PR.
Les signes radiographiques apparaissent plus tardivement. Ils sont caractérisés par une déminéralisation des mains. Ultérieurement l’interligne articulaire est pincée. La synovite rhumatoïde détruit non seulement le cartilage mais aussi l’os épiphysaire.
Enfin, la PR est parfois une affection systémique, avec des manifestations extra-articulaires, éventuellement sévères. L’American Rheumatology Association (ARA) a défini plusieurs critères cliniques, biologiques et radiologiques. Selon l’ARA, la PR est diagnostiquée si 4 des critères suivants sont observés pendant au moins 6 semaines:
– une raideur matinale (> 1 heure);
– un gonflement d’au moins trois articulations;
– un gonflement des poignets, métacarpo-phalangiennes ou interphalangiennes proximales;
– un gonflement symétrique;
– des signes radiologiques au niveau des mains (déminéralisation, érosion);
– des nodules rhumatoïdes;
– la présence du facteur rhumatoïde.
MÉDICAMENTS UTILISABLES
Les traitements de la PR visent à conserver la fonction articulaire, à éviter si possible les déformations et surtout, à maintenir l’autonomie fonctionnelle de même que l’insertion professionnelle du patient. Son résultat est partiellement conditionné par la précocité de son introduction. Il sera modulé selon le mode de présentation de la maladie et son stade évolutif.
La prise en charge du traitement de la PR comporte 4 aspects:
– l’information du malade;
– les traitements médicamenteux généraux et locaux;
– la réadaptation fonctionnelle;
– le traitement chirurgical, dans certains cas.
Ces moyens sont associés de façon variable et mis en œuvre par une équipe soignante.
Le traitement médicamenteux de la PR associe d’une part, des thérapeutiques à visée symptomatique (antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, glucocorticoïdes) et d’autre part, des traitements dits de fond qui nous intéresseront plus particulièrement et que nous présenterons.
Ces traitements de fond ou médicaments à action lente sont susceptibles d’influencer favorablement l’évolution clinique et radiologique de la PR et d’agir sur les signes extra-articulaires ou biologiques.
Jusqu’à un passé récent, les produits employés n’ont jamais été conçus pour traiter des maladies auto-immunes. Utilisés de façon empirique, leur application a souvent été le fruit du hasard, ces principaux traitements de fond réalisent une immunomodulation thérapeutique.
L’immunomodulation thérapeutique est essentiellement non spécifique puisqu’elle ne s’adresse pas à une souspopulation cellulaire particulière (Sany, 1989). Les principaux produits utilisés sont parfois encore les sels d’or, les antimalariques de synthèse, la D-pénicillamine, la tiopronine, mais principalement la sulfasalazine, le méthotrexate, le léflunomide (Arava) et, plus exceptionnellement, des immunosuppresseurs comme le cyclophosphamide, le chlorambucil ou l’azathioprine.
Leur activité peut apparaître plusieurs mois après le début du traitement (3-4 mois), plus précocement avec le méthotrexate. Cet effet retardé explique la nécessaire association aux antalgiques et anti-inflammatoires, au moins au début du traitement et en pratique, de manière souvent très prolongée. Il est admis que ces traitements de fond améliorent à court et moyen termes l’évolutivité de la PR. Néanmoins, leur efficacité à long terme sur les lésions articulaires demeure incertaine (Bardin, 1992).
La stratégie thérapeutique s’est orientée dans certains cas vers une immunomodulation partiellement spécifique avec la ciclosporine A qui agit de préférence sur les lymphocytes T CD4, puis vers une immunomodulation spécifique à titre expérimental utilisant des médicaments ciblés contre certaines sous-populations de lymphocytes T (anticorps monoclonaux) ou contre les macrophages.
Ces dernières années, les progrès de la connaissance des mécanismes de l’inflammation et de l’immunopathologie ont permis une approche rationnelle du traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Le Tumor Necrosis Factor (TNF-α) est une cytokine impliquée dans les différentes étapes de l’inflammation et de la destruction articulaire au cours de la PR. Ainsi, l’utilisation des agents anti-TNF-α représente l’avènement des stratégies d’immunothérapie ciblée par l’administration d’agents biologiques ou biothérapies. Pour bloquer l’action du TNFα, plusieurs possibilités sont offertes, soit par l’administration de récepteurs solubles (étanercept = Enbrel) soit par l’administration d’anticorps monoclaux chimériques (infliximab = Remicade) ou humanisés (adalimumab = Humira). Les études ont montré que ces anti-TNF-α étaient plus efficaces lorsqu’ils sont associés au méthotrexate. Plus récemment, d’autres stratégies anticytokines sont devenues disponibles, certaines sont encore en cours d’étude. Ainsi l’anti-IL-1-RA: anticorps anti-récepteur de l’IL-1 (anakinra = Kineret) est régulièrement utilisé. Enfin l’indication de la PR sévère a été donnée très récemment à l’anti-lymphocyte B CD20+, (rituximab = Mabthera) jusqu’à présent utilisé dans les lymphomes non hodgkiniens. D’autres sont en cours d’expérimentation tels que l’anticorps anti-récepteur à l’IL-6 (tocilizumab = Acemtra) ou l’abatacept = Orencia, modulateur spécifique de la co-stimulation des lymphocytes T.
Médicaments à visée symptomatique
Les traitements symptomatiques comprennent:
– le repos des articulations fragilisées;
– l’utilisation simultanée des anti-inflammatoires non stéroïdiens et des antalgiques;
– la corticothérapie, si nécessaire.
► Antalgiques
L’aspirine n’est que très peu utilisée car elle nécessite des doses importantes exposant aux risques d’effets digestifs indésirables. Le paracétamol peut être employé, en association avec les AINS pour être efficace.
► Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Les AINS à libération prolongée sont préférés afin d’assurer une meilleure couverture pendant la nuit et au «dérouillage» matinal. Les inhibiteurs spécifiques de la cyclo-oxygénase 2, nouvelle classe d’AINS, en préservant la cyclo-oxygénase 1, en particulier gastrique, offriraient un meilleur profil de tolérance digestive, mais nécessite une surveillance de la fonction cardiaque. Seul le célécoxib a obtenu une AMM et le remboursement dans l’indication de la polyarthrite rhumatoïde. Une équivalence antalgique et anti-inflammatoire a été montrée par rapport aux AINS conventionnels associés à une réduction significative de l’incidence des complications digestives.
► Place des glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes ne sont pas considérés comme traitement de fond de la PR mais ils jouent un rôle majeur en permettant le contrôle des situations difficiles. La corticothérapie peut être utilisée per os ou par voie parentérale. Elle repose, pour la voie orale, sur la prednisone ou la prednisolone (Cortancyl; Solupred), de même que sur les glucocorticoïdes à durée de vie courte administrés en une seule prise, le matin vers 8 heures, afin de respecter le cycle nycthéméral du cortisol et ne pas activer l’axe hypophyso-surrénalien.
La posologie est d’environ 10 à 15mg, cette dose étant réduite progressivement en fonction de l’efficacité du traitement de fond. Un régime désodé est alors nécessaire. Une supplémentation vitaminocalcique, voire l’introduction des biphosphonates (étidronate), sont recommandées surtout si la corticothérapie est prolongée plus de trois mois à des doses supérieures à 7,5mg/jour.
La voie parentérale est à proscrire, excepté pour l’administration de «bolus» cortisoniques c’est-à-dire la perfusion IV de fortes doses de corticoïdes (250 à 500mg de Solumédrol) en quelques heures. Ils sont parfois utilisés comme traitement ponctuel et adjuvant de poussées très inflammatoires. Le traitement est effectué en milieu hospitalier sous une surveillance stricte.
Chez la personne âgée qui présente des formes souvent peu évolutives, la corticothérapie à faible dose représente souvent le meilleur compromis entre tolérance et efficacité.
Une corticothérapie locale à base de formes retards de triamcinolone peut être envisagée en injection intra-articulaire en cas d’atteintes monoarticulaires ou de douleurs localisées au niveau des grosses articulations. Toutefois, l’efficacité n’est que transitoire.
«Médicaments de fond»
Les médicaments utilisés et commercialisés en France (Vidal, 2007) sont classés dans le tableau 18.1.
Principes actifs | Noms commerciaux | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
Sels d’or | |||
aurothiopropanol sulfonate de sodium | Allochrysine | Solution injectable (IM) | 25/50/100mg |
auranofine | Ridauran | Comprimé enrobé | 3mg |
Sulfasalazine | |||
sulfasalazine | Salazopyrine | Comprimé gastro-résistant | 500mg |
Antimalariques | |||
hydroxychloroquine | Plaquenil | Comprimé enrobé | 200mg |
chloroquine | Nivaquine | Comprimé sécable | 100mg |
Dérivés thiolés | |||
D-pénicillamine | Trolovol | Comprimé sécable | 300mg |
tiopronine | Acadione | Comprimé enrobé | 250mg |
Immunosuppresseurs | |||
Méthotrexate | Lédertrexate | Solution injectable (IM) | 5/25/50mg 500mg/1 g (usage hospitalier) |
Méthotrexate Bellon | Comprimé Solution injectable | 2,5mg 5mg/2mL | |
Novatrex | Comprimé | 2,5mg | |
ciclosporine | Sandimmun | Capsule Solution buvable | 25/50/100mg 100mg/mL |
Néoral | Capsule Solution buvable | 25/50/100mg 100mg/mL | |
azathioprine | Imurel | Comprimé sécable | 50mg |
léflunomide | Arava | Comprimé pelliculé | 10/20/100mg |
Immunomodulateurs spécifiques | |||
anti-TNF-α | |||
– infliximab | Remicade | Poudre pour solution à perfuser | 100mg |
– adalimumab | Humira | Solution injectable (SC) | 40mg |
– étanercept | Eubrel | Poudre pour solution injectable Solution injectable (SC) | 25/50mg 25/50mg |
anti-IL-1: anakinra | Kineret | Solution injectable (SC) | 100mg |
anti-CD20: rituximab | Mabthera | Solution à diluer pour perfusion | 100 et 500mg |
Modulateur co-stimulation lymphocytes T | |||
abatacept | Orencia | Solution injectable (IV) | 250mg |
Mécanisme d’action des «médicaments de fond», relation structure-activité
► Immunosuppresseurs
Méthotrexate (MTX)
Le MTX est un analogue de l’acide folique et de l’aminoptérine. Il est régulièrement prescrit dans la PR depuis plusieurs années. Il peut se lier à la dihydrofolate réductase et bloquer de façon compétitive la transformation par cette enzyme de l’acide folique (dihydrofolique) en acide tétrahydrofolique. Ce dernier est impliqué dans plusieurs réactions de synthèse, en particulier celle des acides nucléiques qui se trouve ainsi inhibée. L’action du MTX est plus nette sur les cellules à renouvellement rapide.
Ciclosporine
Polypeptide de 11 acides aminés extrait d’un champignon (Tolypocladium inflatum ganus), il présente une puissante activité immunosuppressive. Il agit en se fixant à la membrane cellulaire des lymphocytes T auxiliaires sur la molécule HLA-DR ou, plus probablement, sur le récepteur de la prolactine. Dans le lymphocyte T, la ciclosporine forme un complexe avec son récepteur intracytoplasmique, la ciclophiline; le complexe ainsi formé se fixe sur une protéine, la calcineurine (régulatrice de nombreuses activités enzymatiques) et va inhiber la transcription des ARN messagers codant pour l’IL-2, mais aussi l’interféron-γ, l’IL-4, le TNF-α, et d’autres cytokines.
Au premier contact avec l’antigène étranger, la ciclosporine bloque les réactions d’hypersensibilité retardée, l’apparition des lymphocytes T cytotoxiques et la production d’anticorps spécifiques.
La ciclosporine est efficace dans les pathologies où l’immunité cellulaire est prédominante. L’efficacité maximale étant obtenue lorsque le médicament est introduit avant l’induction de la réaction immunitaire, ce qui ne peut être le cas pour les maladies auto-immunes.
Azathioprine
Antimétabolite, il intervient au niveau enzymatique du métabolisme des purines par inhibition de la biosynthèse des nucléotides normaux entrant dans la constitution des acides nucléiques.
Léflunomide
Il appartient à une nouvelle classe chimique et présente une action immunomodulatrice/immunosuppressive par blocage préférentiel des lymphocytes T activés, secondaire à l’inhibition de synthèse des pyrimidines. Il agit grâce à son métabolite actif qui inhibe l’enzyme humaine dihydro-orotate déshydrogénase (DHODH), ce qui lui confère une action antiproliférative.
► Immunosuppresseurs spécifiques
• Anti-TNF-α
Infliximab
L’infliximab est un anticorps monoclonal chimérique IgG1 fabriqué à partir d’une lignée cellulaire recombinante, il constitue un agent immunosuppresseur qui se lie avec une grande affinité aux formes solubles et transmembranaires du TNF-α. Une perte de bioactivité du TNF-α par formation de complexes stables avec le TNF-α humain est ainsi obtenue.
Étanercept
Protéine de fusion du récepteur p75 du TNF-α. — C’est un inhibiteur compétitif du TNF agissant par sa capture avant qu’il n’atteigne les cellules cibles. Il diminue ainsi l’activité inflammatoire sur les organes cibles.
• Anti-IL-1
Anakinra
C’est un antagoniste du récepteur de l’IL-1 humaine, produit par la technique de l’ADN recombinant dans un système d’expression à base d’Echerichia coli. L’anakinra neutralise l’activité biologique de l’interleukine 1α et 1β par inhibition compétitive de la liaison de l’IL-1 à son récepteur.
• Anti-lymphocytes CD20+
Rituximab
Agent antinéoplasique, le rituximab se lie spécifiquement à l’antigène transmembranaire CD20. Cet antigène est une phosphoprotéine non glycosylée située sur les lymphocytes pré-B et B matures. Utilisé jusqu’à présent dans les lymphomes non hodgkiniens qui expriment cet antigène dans plus de 95% des lymphocytes, le rituximab a obtenu récemment l’indication, en association au méthotrexate, dans le traitement de la PR sévère, chez les patients adultes qui ont présenté une réponse inadéquate ou une intolérance au traitement de fond, dont au moins un anti-TNFα. Le mabthéra est responsable de la lyse cellulaire des lymphocytes sur lesquels il se lie, il induit également une mort cellulaire par apoptose.
• Modulateur de la co-stimulation des lymphocytes T CD28 +
Abatacept
C’est une protéine de fusion constituée du domaine extracellulaire du CTLA (Cytotoxic T Lymphocyt Antigen) 4 humain lié au fragment d’une IgG-1 humaine. En se liant spécifiquement aux molécules CD80 et CD86 des cellules présentatrices de l’antigène (CPA), l’abatacept inhibe sélectivement une des voies majeures de co-stimulation nécessaire à l’activation des lymphocytes T. Cette voie est assurée par la liaison des CD80/CD86 aux récepteurs CD28 des cellules T. On observe alors une diminution de la production lymphocytaire de TNF-α, d’interféron-γ et d’IL-2.
• Anti-IL-6
Tocilizumab
C’est un anticorps recombinant humanisé de type IgG-1 dirigé contre le récepteur à l’IL-6, inhibant ainsi l’activité pro-inflammatoire de cette cytokine.
► Sels d’or
Aucune hypothèse unique ne permet d’expliquer leur action antirhumatismale. Les sels d’or n’ont pas d’activité anti-inflammatoire. En revanche, les monocytes et les polynucléaires neutrophiles semblent être les cibles essentielles.
Les propriétés phagocytaires et la production de superoxydes par les polynucléaires sont inhibées. En outre, le pouvoir phagocytaire des macrophages et l’activité proliférative de l’IL-1 sont diminués. Les sels d’or ont peu d’effets directs sur les lymphocytes.
► Dérivés sulfhydrilés ou thiolés
Ils ont en commun un groupement SH mais aussi un ou plusieurs groupements méthyl, dont la présence est indispensable à leur activité (figure 18.1). Deux produits sont essentiellement utilisés, la D-pénicillamine et la tiopronine. Outre ses propriétés de chélater les métaux lourds (Cu) et d’interagir avec la cystine pour former un complexe soluble à l’origine de son indication dans la cystinurie, la D-pénicillamine est un thiol-réducteur qui rompt les liaisons disulfures des macroglobulines et produit une dépolymérisation des facteurs rhumatoïdes IgM. Elle interfère avec la synthèse du collagène.
Figure 18.1 |
► Antimalariques de synthèse
Parmi les antimalariques de synthèse utilisés comme traitement de fond des rhumatismes inflammatoires, la chloroquine et l’hydroxychloroquine, qui ont des structures et des propriétés très proches, ont été les plus étudiées. Leurs mécanismes d’action restent mal connus mais plusieurs hypothèses sont évoquées parmi lesquelles:
– l’inhibition de l’action des enzymes lysosomiales;
– l’inhibition de la production des superoxydes par les polynucléaires et les monocytes;
– l’action immunosuppressive avec, en particulier, la réduction de la sécrétion d’IL-1 par les macrophages.
► Sulfasalazine
La conjugaison de l’acide 5-aminosalicylique et de la sulfapyridine reliés par un pont azoïque constitue l’association d’un dérivé salicylé, agent anti-inflammatoire et d’une sulfonamide, agent anti-infectieux.
Les mécanismes d’action de la sulfasalazine ou salazosulfapyridine sont encore mal connus. Antagoniste compétitif du transport intestinal des folates, il pourrait ainsi avoir une action immunomodulatrice. Une action antioxydante a encore été évoquée, de même que l’inhibition de la synthèse des immunoglobulines par les lymphocytes.
La sulfapyridine semble être la molécule active dans le traitement des rhumatismes inflammatoires. Elle est aussi responsable de la majorité des effets indésirables.
Pharmacocinétique
► Immunosuppresseurs
Méthotrexate
Aux doses utilisées en rhumatologie, comprises entre 7,5 et 25mg par semaine, le MTX est absorbé totalement et rapidement au niveau du jéjunum proximal.
Cette absorption est ralentie par la prise alimentaire concomitante. Elle est diminuée par les antiseptiques digestifs et les folates. Le pic sérique est atteint en 1 ou 2 heures après prise orale et en 3 à 4 heures après injection IM.
La liaison aux protéines plasmatiques (albumine) est d’environ 50%. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens déplacent le MTX de sa liaison à l’albumine sans conséquence clinique décelable.
La diffusion cellulaire permet un stockage du MTX sous forme de polyglutamate, qui est un métabolite actif. La demi-vie d’élimination du MTX est de 7 à 10 heures. L’élimination est essentiellement rénale après filtration glomérulaire et sécrétion active par le tube contourné proximal. L’élimination biliaire ne représente que 10 à 30% de l’excrétion du MTX.
Ciclosporine
La résorption digestive est faible, comprise entre 20 et 50%. La concentration sanguine maximale est obtenue entre 1 et 6 heures. 90% environ sont liés aux protéines, principalement aux lipoprotéines. La métabolisation est importante par hydroxylation (mono- ou di-) et N-déméthylation oxydante. L’élimination est principalement biliaire et 6% de la dose sont retrouvés dans les urines (0,1% sous forme inchangée). L’élimination est biphasique avec une demi-vie de distribution rapide (1 à 2 heures) et une demi-vie d’élimination lente (environ 20 heures). Les solutions buvables et les capsules sont bioéquivalentes. Cependant, comparativement au Sandimmun, la concentration sanguine maximale est supérieure (environ 60%) après administration orale de Néoral.
Azathioprine
Après administration orale, la résorption est presque totale et la concentration plasmatique maximale est atteinte en deux heures. Rapidement dégradée dans le sang en 6-mercaptopurine et en un dérivé imidazole, la demi-vie est d’environ 5 heures. L’élimination est essentiellement urinaire sous la forme d’acide thiourique inactif.
Léflunomide
Son absorption est de 82 et 95%. Il subit un effet de premier passage intestinal et hépatique avec transformation en métabolite actif (A77 1726) responsable de l’activité du léflunomide.
Le pic plasmatique est estimé entre 1 et 24 heures et la demivie plasmatique du métabolite se situe à environ 15 jours. Une période de 2 mois est ainsi nécessaire pour atteindre l’équilibre. Une dose de charge est donc recommandée.
Le métabolite est lié à plus de 99% à l’albumine et présente, de ce fait, un fort risque d’interactions médicamenteuses et un faible volume de distribution (11 L). La clairance totale est d’environ 31mL/h et l’élimination se fait à parts égales entre les selles et les urines. Chez l’insuffisant rénal, la demi-vie plasmatique est plus courte.
► Immunosuppresseurs spécifiques
Infliximab
Une administration croissante de dose d’infliximab (jusqu’à 20mg/kg) en perfusion intraveineuse entraîne une augmentation linéaire de la concentration sérique maximale et de l’aire sous la courbe. La distribution se fait essentiellement au sein du compartiment vasculaire (Vd compris entre 3 et 4 L). La demi-vie d’élimination terminale moyenne est comprise entre 8 et 9,5 jours. Les voies d’élimination n’ont pas été identifiées. La clairance ou le volume de distribution ne sont pas modifiés chez les patients ayant une PR.
Étanercept
Après administration par voie sous-cutanée d’une dose de 25mg, le pic plasmatique est atteint en 48 h. La biodisponibilité absolue est de 76%.
L’étanercept est éliminé lentement avec une demi-vie de 70 h. La clairance du médicament est réduite en cas de PR (0,066 L/h) par rapport au sujet sain (0,11 L/h). L’insuffisance rénale ou hépatique ne justifie pas de modification de la posologie. La pharmacocinétique n’est pas modifiée chez le sujet âgé. L’administration concomitante de méthotrexate ne modifie pas les concentrations plasmatiques d’étanercept.
Adalimumab
L’absorption et la distribution, après injection sous-cutanée d’une dose unique de 40mg, sont lentes. Le pic de concentration est atteint 5 jours environ après administration. La biodisponibilité absolue est de 64%, la clairance est comprise entre 11 et 15mL/heure, le Vd entre 5 et 6L, la demi-vie terminale moyenne étant de 2 semaines environ. La concentration en adalimunab dans le liquide synovial chez des patients est comprise entre 31 et 96% des concentrations sériques. Les concentrations sériques, après administration de 40mg toutes les 2 semaines, sont de l’ordre de 5 μg/mL. Elles sont plus élevées (8-9 μg/mL) en présence de méthotrexate. Le sexe et l’âge ont peu d’effet sur la clairance.
Anakinra
La biodisponibilité absolue, après injection de 70mg en sous-cutané est de 95%. Chez des patients porteurs d’une polyarthrite rhumatoïde, les concentrations plasmatiques maximales sont observées 3 à 7 h après l’administration sous-cutanée. La demi-vie d’élimination terminale est de 4 à 6 heures. Jusqu’à 24 semaines de traitement, aucune accumulation de l’anakinra n’est observée chez les patients.
Rituximab
Après deux perfusions IV de 1 000mg de Mabthera effectuées à 14 jours d’intervalle, la demi-vie terminale moyenne est de 20,8 jours, la clairance systémique de 0,23 L/jour et le volume de distribution de 4,6 L. La variabilité interindividuelle des paramètres pharmacocinétiques est principalement expliquée par la surface corporelle et le sexe. Les différences pharmacocinétiques liées au sexe ne nécessitent pas l’adaptation de la posologie. Il n’existe pas de données concernant les patients atteints d’insuffisance rénale ou hépatique, non plus pour les patients recevant plusieurs cures de traitement. Les paramètres pharmacocinétiques des patients qui présentent une réponse inadéquate aux anti-TNF-α sont comparables.
► Sels d’or
Après injection IM, le pic plasmatique est atteint en 2 heures. La fixation protéique est très importante; 95% de l’or circulant sont fixés à l’albumine et les 5% restants aux macroglobulines. La demi-vie d’élimination est de 5 jours, avec une élimination qui se ralentit progressivement. L’excrétion est rénale (75%). La concentration dans le liquide synovial est égale à 50% de la concentration plasmatique. Les sels d’or se déposent dans le derme et s’accumulent dans les articulations inflammatoires. L’or est présent dans les lysosomes des macrophages de la membrane synoviale.
Après administration orale, la résorption digestive est rapide mais incomplète (entre 15 et 30% de la dose ingérée). Le pic sérique, atteint en 1 ou 2 heures, est beaucoup plus faible que celui observé après injection IM. La fixation à l’albumine est de 80% et de 19% aux immunoglobulines. La demi-vie plasmatique est comprise entre 11 et 31 jours. L’élimination est fécale à 85%.
► Composés thiolés
La D-pénicillamine (DP) présente une biodisponibilité comprise entre 50 et 70% lorsqu’elle est ingérée à jeun. Le pic plasmatique est alors observé 1 heure 30 à 4 heures après la prise orale. L’alimentation, les antiacides et les sels de fer diminuent son absorption digestive. Trente à 40% de la DP sont fixés aux protéines plasmatiques. La demi-vie est comprise entre 1 à 8 heures. Presque entièrement transformée, la DP est éliminée par le rein. La tiopronine a un profil pharmacocinétique sensiblement identique.