36. Traitement de la migraine
Jean Grellet
Praticien hospitalier, pharmacien, maître de conférences, laboratoire de pharmacocinétique et pharmacie clinique, université Victor-Segalen/Bordeaux-II et CHU de Bordeaux, France
Marie-Claude Saux
Praticien hospitalier, pharmacien, professeur, laboratoire de pharmacocinétique et pharmacie clinique, université Victor- Segalen/Bordeaux-II et CHU de Bordeaux, France
PLAN DU CHAPITRE
CE QU’IL FAUT RETENIR770
ÉTUDE DE CAS CLINIQUES771
Références bibliographiques772
GÉNÉRALITÉS
DÉFINITION. FORMES CLINIQUES
L’International Headache Society (IHS, 2004) a établi une classification des migraines qui définit six types différents dont les plus fréquents sont les migraines sans aura (type 1.1), sans aura probable (type 1.6) et les migraines avec aura (type 1.2) (tableau 36.1)
1.1 Migraine sans aura 1.2. Migraine avec aura 1.2.1 Migraine avec aura typique et céphalée 1.2.2 Migraine avec aura typique sans céphalée migraineuse 1.2.3 Migraine avec aura typique sans céphalée 1.2.4 Migraine familiale hémiplégique 1.2.5 Migraine sporadique hémiplégique 1.2.6 Migraine type basilaire 1.3. Syndromes périodiques de l’enfance, précurseurs possibles de la migraine ou associés à la migraine (vertige, hémiplégie alternante) 1.4. Migraine rétinienne 1.5. Complications de la migraine 1.6. Migraines sans aura probables remplissant l’ensemble des critères diagnostiques à l’exception d’un seul |
► Migraine sans aura
Elle concerne 70 à 90% des sujets migraineux. La crise de migraine est précédée plusieurs heures avant la céphalée, chez environ 50% des migraineux, de signes annonciateurs ou «prodromes» que le malade apprend vite à reconnaître. Ces prodromes varient d’un sujet à l’autre mais sont relativement constants chez un même individu. Il s’agit principalement d’asthénie, de somnolence, de sensation de faim ou de troubles de l’humeur (irritabilité, euphorie).
Le tableau clinique de la crise elle-même est variable mais certains symptômes sont constants et utilisés pour le diagnostic. La céphalée est toujours présente. D’apparition rapidement progressive, sa durée est comprise entre 4 et 72 heures. Elle présente au moins deux des caractéristiques suivantes:
– temporale ou sus-orbitale typiquement pulsatile (en cadence avec le pouls);
– unilatérale (prédomine d’un seul côté de la tête);
– modérée ou sévère;
– aggravée lors de l’effort physique;
De plus, la céphalée est associée à au moins un des symptômes d’accompagnement suivants:
La crise de migraine se termine habituellement par une phase de sommeil plus ou moins longue, le malade se réveillant avec une sensation de fatigue importante.
Certains patients se plaignent, à leur réveil, de symptômes résiduels tels que douleurs musculaires ou perte d’appétit.
► Migraine avec aura
Elle regroupe les termes anciens de migraine accompagnée, ophtalmique, hémiparésique, hémiparesthésique. Elle est moins fréquente puisqu’elle ne concerne que 10 à 30% des cas.
La céphalée est, dans ce cas, précédée voire accompagné d’une «aura» qui consiste en un dysfonctionnement neurologique transitoire, totalement réversible. Ce trouble neurologique est d’abord focal puis s’étend progressivement en quelques minutes, réalisant le phénomène de «marche migraineuse». Les symptômes régressent en moins d’une heure avant ou parallèlement à la céphalée. Les symptômes constituant l’aura migraineuse, variables d’un sujet à l’autre, sont par ordre de fréquence décroissante:
– des troubles visuels (migraine ophtalmique) touchant les deux yeux à type de:
• scotome: zone de champ visuel où la vision est floue ou absente,
• scotome scintillant: tache scintillante bordée par une ligne brisée au travers de laquelle le sujet ne distingue plus rien;
– des troubles sensitifs de type paresthésie avec fourmillements et engourdissement débutant de façon localisée au niveau d’un ou plusieurs doigts puis s’étendant au bras et à la moitié du visage («migraine hémiparésique»);
– des troubles de langage rares: aphasie = difficulté d’expression orale ou écrite et/ou de la compréhension («migraine aphasique»);
– des troubles moteurs très rares: faiblesse musculaire («migraine hémiparésique») ou suppression de la motricité de la moitié du corps («migraine hémiplégique»).
Les autres symptômes de la migraine avec aura sont les mêmes que ceux de la migraine commune mais la céphalée est généralement plus courte (6 à 8 heures) voire même absente.
À noter qu’un même patient peut alterner des migraines avec aura et des migraines sans aura.
PHYSIOPATHOLOGIE
La physiopathologie de la migraine est complexe et sa compréhension n’en est encore que très partielle. Différentes théories ont été proposées pour expliquer les phénomènes conduisant à la crise migraineuse.
– théories «vasculaires» pour lesquelles les crises de migraine résulteraient d’anomalies de vascularisation cérébrale:
• shunt artérioveineux entraînant une ischémie cérébrale par diminution du débit sanguin pour Heyck (1969),
• spasme vasculaire initial suivi d’une vasodilatation secondaire pour Graham (1938). La céphalée migraineuse dans ce cas résulterait d’une stimulation de récepteurs vasculaires à l’étirement conduisant à une activation secondaire de neurones périvasculaires (Willems, 2003);
– théories «neuroniques» pour lesquelles la migraine proviendrait de l’activation de structures neuronales et du relargage secondaire de neurotransmetteurs. Plusieurs auteurs ont suggéré que la migraine résulterait d’un processus de dépression corticale (Olesen, 1982). Celle-ci consisterait en une dépolarisation puis une inactivation de structures nerveuses du cortex, d’extension progressive, qui s’accompagnerait initialement d’une hyperémie puis d’une baisse de débit sanguin cérébral. Si cette théorie permet d’expliquer facilement certains symptômes comme les prodromes, elle se révèle incapable d’apporter une explication sur l’origine de la céphalée. Par ailleurs, le processus de dépression corticale n’a jamais pu être mis en évidence chez l’homme, contrairement à l’animal;
– théorie «neurogénique» qui réconcilie les théories vasculaires et les théories neurologiques. Selon cette théorie, la céphalée migraineuse est la conséquence de la stimulation de structures nerveuses trigéminales conduisant à une inflammation et à dilatation des vaisseaux des méninges. Cette théorie neurogénique est fondée sur deux observations faites par Lance en 1983 et Moskowitz en 1992. Lance a démontré que la stimulation de certaines structures nerveuses conduisait à des modifications de flux sanguin identiques à celles observées dans la migraine. Par ailleurs, Moskowitz a observé que l’activation du nerf trijumeau entraînait une augmentation de la perméabilité vasculaire au niveau de la dure-mère et de la pie-mère conduisant à un processus inflammatoire et à une stimulation des récepteurs périvasculaires de la douleur.
La tendance actuelle est donc de proposer une théorie «neurovasculaire» intégrant à la fois les hypothèses vasculaires et neuroniques et prenant en compte les données récentes sur le rôle de la sérotonine et de peptides pro-inflammatoires et algogènes.
Ainsi, le mécanisme physiopathologique proposé pour expliquer la crise migraineuse consiste en une perturbation neurovasculaire et s’appuie sur la notion de «seuil migrainogène» introduite par Lance en 1990.
Selon cette théorie:
– le déclenchement des crises migraineuses résulterait d’une sensibilité particulière des migraineux à «seuil migrainogène bas» vis-à-vis de stimuli endogènes (rythmes biologiques) ou exogènes (stress, lumière);
– les prodromes résulteraient de modifications de l’activité de l’hypothalamus sous l’action des mêmes stimuli;
– les étapes physiopathologiques de la crise seraient alors les suivantes:
• activation de structures nerveuses du tronc cérébral entraînant une sécrétion noradrénergique conduisant à une agrégation plaquettaire puis à un relargage de sérotonine par les plaquettes,
• vasoconstriction de certaines artères cérébrales sous l’action de la sérotonine libérée entraînant une ischémie locale transitoire à l’origine de l’aura décrite par certains patients,
• chute brutale du taux de sérotonine plasmatique en raison de son catabolisme très intense,
• stimulation trigéminale entraînant la libération de neuropeptides inflammatoires (substance P, Calcitonin Gene Relative Peptide [CGRP]) conduisant à une réaction inflammatoire an niveau de la dure-mère avec vasodilatation, extravasation plasmatique à l’origine d’une stimulation des récepteurs périvasculaires de la douleur.
Cette théorie est en accord avec l’hypothèse d’action des agonistes sérotoninergiques 5HT1 qui agiraient sur la céphalée migraineuse en empêchant la libération de la substance P et du CGRP.
PRÉVALENCE. CONSÉQUENCES
La migraine est une maladie commune. Sa prévalence en France et dans les pays européens est estimée entre 12 et 15% de la population (Henry, 1993; Stewart, 1994).
C’est une maladie qui demeure sous-diagnostiquée et l’on estime qu’en France 30 à 45% des patients ignorent leur statut de migraineux. La migraine est une pathologie qui affecte toutes les tranches d’âge mais de façon variable. Si un enfant sur 10 à 20 environ souffre de migraines occasionnant des céphalées récurrentes (Annequin, 2005), la classe d’âge la plus exposée est celle des adultes de 30 à 40 ans. Par ailleurs, les femmes sont plus fréquemment atteintes que les hommes avec un sexe ratio de 3 (Stewart, 1994). L’impact de cette maladie sur le plan de la santé publique est important compte tenu de son caractère invalidant et de son coût social en termes d’absentéisme professionnel et de consommation médicale. En Grande-Bretagne en 1982, 75% des sujets souffrant de migraines estimaient que leur maladie avait un impact non négligeable sur leur vie sociale, familiale et professionnelle (Mullis, 1982). Aux États-Unis, le coût économique direct et indirect de cette pathologie est estimé à 17 billions de dollars (Goldberg, 2005). Ces constatations plaident en faveur d’une prise en charge plus performante et large de cette pathologie d’autant que des traitements efficaces sont désormais disponibles.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic de la migraine repose sur l’interrogatoire et la normalité de l’examen clinique. Son objectif est d’identifier les accès de céphalées caractéristiques (crises) séparés par des intervalles libres. Il est fortement recommandé de poser le diagnostic sur la base des critères définis par l’IHS (Anaes, 2003).
– rechercher la présence de céphalées de tension fréquemment associées à la migraine et de céphalées induites par abus médicamenteux;
– évaluer l’ancienneté de la maladie, identifier des facteurs favorisants des crises migraineuses et rechercher des antécédents familiaux.
La sévérité de la maladie et son impact socioprofessionnel sont des éléments importants d’orientation et d’évaluation de la stratégie thérapeutique. La tenue par le patient d’un agenda où sont reportés la date des crises, leur intensité, leur durée ainsi que les traitements mis en œuvre et leurs effets permet d’évaluer objectivement le handicap des migraineux et l’efficacité de leur prise en charge.
La réalisation d’examens complémentaires ne se justifie pas dans le cadre du diagnostic de la migraine. Scanner et IRM ne seront pratiqués qu’en cas de céphalée brutale et de présentation clinique inhabituelle.
MÉDICAMENTS UTILISÉS
Les médicaments utilisés pour le traitement de la migraine se divisent en deux grandes catégories:
– médicaments de la crise;
– médicaments du traitement de fond.
Médicaments de la crise
Le traitement de la crise de migraine fait appel:
– à des médicaments non spécifiques comme les antalgiques périphériques ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (qui ne seront pas développés dans ce chapitre);
– à des produits plus spécifiques comme les dérivés de l’ergot de seigle et les agonistes 5HT1B/D.
► Antalgiques périphériques (tableau 36.2)
Les antalgiques périphériques utilisés dans le traitement de la migraine sont l’acide acétylsalicylique qui possède une action anti-inflammatoire, antalgique, antipyrétique et antiagrégante plaquettaire, le paracétamol (seulement antalgique et antipyrétique) et, dans une moindre mesure, la floctafénine et la noramidopyrine.
Ce tableau n’est pas exhaustif et ne mentionne qu’une partie des spécialités, des formes et des dosages disponibles. Par ailleurs, de nombreux génériques sont commercialisés. | ||||
Classes pharmacologiques | Principes actifs | Noms commerciaux | Différentes formes galéniques | Différents dosages |
---|---|---|---|---|
antalgiques périphériques | aspirine | Aspégic | Sachets poudre | 100, 250, 500, 1 000mg |
Catalgine | Sachets poudre | 100, 250, 500, 1 000mg | ||
Aspirine UPSA | Comprimés effervescents | 500, 1 000mg | ||
paracétamol | Doliprane Efferalgan | Sachets poudre | 80, 100, 150, 200, 250, 300, 500, 1 000mg | |
Efferalgan | Comprimés sécables ou effervescents Solution buv. pédiatr. 90mL | 500, 1 000mg 2mL = 60mg | ||
Dafalgan Geluprane | Gélules Gélules | 500mg 500mg | ||
Paralyoc | Lyocs | 250, 500mg | ||
floctafénine | Idarac | Comprimés | 200mg | |
antalgiques périphériques associés | aspirine + métoclopramide | Céphalgan Migpriv | Sachets buv | 900mg aspirine + 10mg métoclopramide |
paracétamol + codéine | Codoliprane Dafalgan codéiné Efferalgan codéiné | Comprimés sécables Comprimés Comprimés effervescents | Paracétamol: 400 ou 500mg Codéine: 20 ou 30mg | |
paracétamol + dextropropoxyphène ± caféine | Propofan Di-Antalvic | Comprimés sécables Gélules | Paracétamol: 400 ou 500mg Dextropropoxyphène: 27 ou 30mg ± caféine 30mg | |
paracétamol+noramido pyrine + caféine | Salgydal à la noramidopyrine | Comprimés Suppositoires | Noramidopyrine: 250-500mg Codéine: 15-30mg Paracétamol: 250-500mg | |
AINS | ibuprofène | Brufen Gélufene Nurofen Nureflex | Comprimés, suppositoires Gélules Comprimés Susp. buvable flacon 150mL | 400-500mg 200mg 200mg 20mg/mL |
naproxène | Apranax Naprosyne | Sachets, suppositoires Comprimés, suppositoires | 250, 500mg 250, 500, 750, 1 000mg | |
diclofénac | Voltarène | Comprimés Suppositoires | 25, 50mg 25, 100mg | |
kétoprofène | Profénid Bi-profénid Toprec | Comprimés Suppositoires Gélules Sirop enf/nourr | 100, 150mg 100mg 50mg 1mg/1mL |
Leur mécanisme d’action dans la migraine n’est pas connu. Deux spécialités, Migpriv et Céphalgan sont des associations d’aspirine et de métoclopramide dont l’intérêt est de réduire les troubles digestifs et d’augmenter la biodisponibilité de l’aspirine.
Les antalgiques centraux (codéine, dextropropoxyphène) peuvent être associés à un ou plusieurs antalgiques périphériques: codéine – paracétamol, dextropropoxyphène – paracétamol.
► Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Les AINS sont disponibles sous différentes présentations dont la forme suppositoire qui peut s’avérer utile lorsque les nausées et les vomissements gênent la prise orale.
► Dérivés de l’ergot de seigle
Il existe deux dérivés de l’ergot de seigle disponibles: le tartrate d’ergotamine dont l’intérêt est limité par ses effets indésirables et la dihydroergotamine (tableau 36.3).
Classes pharmacologiques | Principes actifs | Noms commerciaux | Différentes formes galéniques | Différents dosages |
---|---|---|---|---|
dérivés de l’ergot de seigle | ergotamine tartrate + caféine | Gynergene caféiné | Comprimé | 1mg |
dihydroergotamine | Dihydroergotamine injectable Novartis | Solution injectable sous-cutanée, IM et IV lente | 1mg/1mL | |
Diergo-Spray | Solution nasale | 1mL = 4mg = 4 pulvérisations | ||
agonistes sérotoninergiques 5HT1 (triptans) | sumatriptan | Imigrane | Sol. injectable sous-cutanée | 6mg/0,5mL |
Comprimé | 100mg | |||
Solution nasale | 10mg/0,1mL, 20mg/0,1mL | |||
zolmitriptan | Zomig | Comprimé | 2,5mg | |
Zomigoro | Comprimé orodispersible | 2,5mg | ||
naratriptan | Naramig | Comprimé | 2,5mg | |
élétriptan | Relpax | Comprimé | 20 et 40mg | |
almotriptan | Almogran | Comprimé | 12,5mg |
• Tartrate d’ergotamine
L’ergotamine provoque une vasoconstriction périphérique généralisée et en particulier une vasoconstriction des artères cérébrales qui serait à l’origine de son action antimigraineuse. Ses effets pharmacologiques sont complexes, associant des effets agonistes dopaminergiques, antagonistes sérotoninergiques au niveau des récepteurs 5HT2 (vasoconstricteurs) et à fortes doses agonistes α-adrénergiques. L’ergotamine est rapidement résorbée au niveau intestinal. Sa biodisponibilité est relativement faible (60%) mais est augmentée par association à la caféine. Elle est éliminée de façon relativement lente (demi-vie d’environ 20 heures) essentiellement par métabolisation hépatique, les métabolites étant retrouvés dans la bile et les fèces. Ce mode d’élimination est à l’origine d’interactions médicamenteuses et de contre-indications.
• Dihydroergotamine (DHE)
La dihydroergotamine subit une élimination par métabolisation hépatique et expose également à des risques d’interactions médicamenteuses.
► Agonistes 5HT1 ou triptans (tableau 36.3)
Cinq agonistes sérotoninergiques 5HT1 sont disponibles en France en 2006 pour traiter la crise de migraine: le sumatriptan, le zolmitriptan, le naratriptan, l’élétriptan et l’almotriptan respectivement commercialisés sous les noms d’Imigrane, Zomig – Zomigoro, Naramig, Relpax et Almogran.
Ces cinq principes actifs font partie de la famille thérapeutique des triptans qui possèdent une structure chimique à noyau indole très proche de celle de la sérotonine. Ce sont des agonistes sélectifs des récepteurs 5HT1 B/D sérotoninergiques vasculaires qui provoquent la vasoconstriction des vaisseaux cérébraux de la dure-mère. Ils se différencient par leur activité intrinsèque et leurs caractéristiques pharmacocinétiques. Les doses efficaces de triptans s’échelonnent de 2,5 mg pour le zolmitriptan à 100 mg pour le sumatriptan.
Les triptans sont rapidement résorbés après administration orale ou nasale mais leur biodisponibilité est très variable. Faible pour le sumatriptan (15%), elle est plus élevée pour le zolmitriptan (40%) et l’élétriptan (50%) et atteint 60 à 70% pour le naratriptan et l’almotriptan. Elle peut être réduite lors de la crise migraineuse (élétriptan).
Leurs modalités d’élimination sont également différentes. D’une manière générale, les triptans sont éliminés rapidement avec des demi-vies comprises entre 2 heures pour le sumatriptan et le zolmitriptan et 6 heures pour l’almotriptan. L’élimination du sumatriptan, du zolmitriptan et de l’élétriptan se fait essentiellement par métabolisme hépatique alors que le naratriptan et l’almotripan s’éliminent à 70% sous forme inchangée par voies rénale (50%) et biliaire.
► Médicaments adjuvants
Ces médicaments n’ont pas d’action sur la crise de migraine mais sont prescrits en association avec les antimigraineux pour lutter contre certains symptômes associés aux céphalées. Il s’agit:
– d’antiémétiques comme le métoclopramide (Primpéran), la dompéridone (Péridys, Motilium), la métopimazine (Vogalène). Ils sont prescrits pour diminuer les nausées et les vomissements et favoriser la résorption des principes actifs;
d’anxiolytiques divers.
► Médicaments du traitement de fond
Les médicaments prescrits pour le traitement de fond de la migraine sont:
– les β-bloquants;
– les antisérotoninergiques dérivés ou non de l’ergot de seigle.
D’autres produits sont également utilisés comme des antagonistes calciques: vérapamil (Isoptine), flunarizine (Sibélium); des α bloquants: indoramine (Vidora); des antiépileptiques: topiramate (Epitomax), valproate de sodium (Depakine), gabapentine (Neurontin) et des antidépresseurs: amitryptiline (Laroxyl).
► β-bloquants
Les β-bloquants ayant démontré une activité dans le traitement de fond de la migraine sont des β-bloquants dépourvus d’activité sympathomimétique intrinsèque (tableau 36.4).
*Médicaments ayant l’indication AMM dans le traitement de fond de la migraine. | ||||
Classes pharmacologiques | Principes actifs | Noms commerciaux | Différentes formes galéniques | Différents dosages |
---|---|---|---|---|
antagonistes sérotoninergiques dérivés de l’ergot de seigle | dihydroergotamine | Dihydroergotamine Novartis* | Flacon gouttes buv | 1mg = 10 gouttes |
Comprimé sécable | 3mg | |||
Tamik* | Capsules | 3mg | ||
Ikaran* | Flacon gouttes | 1mg = 10 gouttes | ||
Comprimé LP | 5mg | |||
Séglor* | Gélules LP | 5mg | ||
Lyocs | 5mg | |||
méthysergide | Désernil* | Comprimé sécable | 1,65mg | |
β-bloquants | propranolol | Avlocardyl* | Comprimé sécable | 40mg |
Avlocardyl LP* | Gélule LP | 80 et 160mg | ||
Propranolol Ratiopharm LP* | ||||
Hémipralon LP 80* | ||||
β-bloquants (suite) | métoprolol | Lopressor | Comprimé sécable | 100mg |
Séloken | ||||
Lopressor LP* | Comprimé LP | 200mg | ||
Séloken LP* | ||||
aténolol | Ténormine Aténolol Betatop | Comprimé | 50 et 100mg | |
timolol | Timacor | Comprimé sécable | 10mg | |
antagonistes sérotoninergiques divers | oxétorone | Nocertone* | Comprimé sécable | 60mg |
pizotifène | Sanmigran* | Comprimé | 0,5mg | |
antagonistes calciques | flunarizine | Sibelium* | Comprimé sécable | 10mg |
α-bloquants | indoramine | Vidora* | Comprimé | 25mg |
antiépileptiques | topiramate | Epitomax* | Comprimé Gélule | 25 et 50mg |
valproate de sodium | Depakine Nombreux génériques | Comprimé Comprimé LP Solution buvable | 200mg 500mg | |
gabapentine | Neurontin Nombreux génériques | Comprimés Gélules | 100, 300, 400, 600 et 800mg | |
antidepresseurs | amitriptyline | Laroxyl Elavyl | Comprimé Solution buvable | 25 et 50mg 40mg/mL |
Le propranolol est la molécule de référence et dispose comme le métoprolol d’une AMM dans cette indication mais d’autres β-bloquants ont démontré leur efficacité: aténolol, timolol
Leur mécanisme d’action reste mal compris. Ont été évoqués: une vasoconstriction par blocage des récepteurs β et un effet anxiolytique. Le propranolol aurait également une action antisérotoninergique.
Le propranolol et le métoprolol ont des caractéristiques pharmacocinétiques proches. Ces deux principes actifs sont résorbés de façon rapide et importante mais leur biodisponibilité est réduite du fait d’un effet de premier passage hépatique.
Leur élimination se fait essentiellement par métabolisation hépatique (demi-vie de 4h) avec formation de métabolites hydroxylés conservant une activité β-bloquante résiduelle pour le propranolol.
L’aténolol et le timolol sont résorbés de façon rapide au niveau du tractus intestinal et possèdent respectivement des biodisponibilités de 50 et 75%. Ces deux β-bloquants sont éliminés principalement par voie rénale avec des demi-vies de 9 heures pour l’aténolol et 4h pour le timolol.
Tous les β-bloquants cités traversent la barrière fœto-placentaire et sont retrouvés dans le lait.
► Antisérotoninergiques (tableau 36.4)
La dihydroergotamine (DHE) est assez fréquemment utilisée dans le traitement de la migraine (tableau 36.4). Ses propriétés ont déjà été évoquées dans le paragraphe concernant les médicaments de la crise.
Elle est administrée dans ce cas principalement par voie orale pour laquelle la biodisponibilité est réduite (environ 30%).
L’oxétorone (Nocertone) est un neuroleptique mineur ayant des effets antihistaminiques H1, α-adrénolytique et antisérotoninergique.
Le pizotifène (Sanmigran) est un dérivé tricyclique initialement proposé comme antidépresseur, possédant des propriétés antihistaminique, anticholinergique et antisérotoninergique au niveau des vaisseaux cérébraux et des plaquettes sanguines. Le pizotifène possède une biodisponibilité élevée. Son élimination est lente (demi-vie de 23 heures) et se fait par métabolisation hépatique en dérivés déméthylés et glucuronoconjugués.
► Autres médicaments
Ils appartiennent à différentes classes (tableau 36.4):
– antiépileptiques: topiramate (Epitomax), valproate de sodium (Depakine), gabapentine (Neurontin). Le topiramate possède une AMM dans l’indication: traitement de fond de la migraine. Son mécanisme d’action reste à élucider. Une des hypothèses d’action proposée est une limitation de la stimulation des cellules nerveuses;
– antagonistes calciques: vérapamil (Isoptine) et flunarizine (Sibelium). Leur effet dans la migraine pourrait être dû à un blocage de l’entrée de calcium dans les cellules musculaires lisses vasculaires cérébrales ou à une modulation de l’activité des neurotransmetteurs;
– α-bloquants: l’indoramine (Vidora) agirait par blocage des récepteurs α-vasculaires vasoconstricteurs;
– antidépresseurs tricycliques: amitriptyline (Laroxyl), clomipramine (Anafranil). Leur action dans la migraine semble indépendante de leur effet antidépresseur.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
Le traitement de la migraine repose sur trois approches complémentaires:
– l’instauration d’un traitement non médicamenteux prophylactique;
– la mise en œuvre d’un traitement médicamenteux des crises;
– l’instauration éventuelle d’un traitement médicamenteux de fond à visée prophylactique.
TRAITEMENTS NON MÉDICAMENTEUX
L’objectif du traitement non médicamenteux de la migraine est de réduire l’intensité et la fréquence des crises. Cette approche doit systématiquement être conseillée au patient. Elle consiste à éviter les situations pouvant conduire à un déclenchement de crises migraineuses.
Certains facteurs inducteurs de crises sont bien connus et souvent identifiés par le patient lui-même: facteurs alimentaires (chocolat, alcool), hormonaux (règles, contraception), sensoriels (lumière, odeurs), situations de stress ou au contraire de détente (migraine du week-end).
D’autres facteurs moins connus (sommeil prolongé, hypoglycémie) doivent être recherchés par le médecin qui doit inciter le malade à les prévenir.
Les techniques de relaxation, de gestion du stress et de biofeedback peuvent être proposées aux migraineux car elles sont susceptibles de leur apporter des bénéfices en termes de réduction de la fréquence des crises. Ainsi, la technique de biofeedback, qui consiste en un contrôle volontaire de fonctions biologiques normalement sous contrôle involontaire, s’est révélée capable, dans un essai clinique contrôlé, d’améliorer la situation clinique chez 43% des patients versus 17% dans le bras témoin (Göebel, 2005). Enfin certaines pratiques comportementales simples semblent avoir un intérêt en limitant et en enrayant les symptômes lors des crises migraineuses (voir conseils aux patients).
TRAITEMENTS DE LA CRISE
Les traitements de la crise sont à but curatif. Ils visent à faire disparaître la céphalée ainsi que les symptômes d’accompagnement ou au moins à en réduire la durée et/ou l’intensité pour permettre au patient une reprise d’activité.
Ce sont des traitements ponctuels, prescrits seuls ou associés à un traitement de fond. Quatre classes médicamenteuses sont utilisées dans le traitement de la crise de migraine: les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les dérivés de l’ergot de seigle et les agonistes 5HT1.
La plupart des médicaments n’agissent que sur la composante céphalalgique de la crise nécessitant la co-prescription de médicaments adjuvants pour traiter les symptômes d’accompagnement (nausées, etc.).
Le choix d’un traitement de la crise doit reposer sur des critères d’efficacité, de non-contre-indication et de bonne tolérance (se reporter aux Tableau 36.7, Tableau 36.8 and Tableau 36.9 pour les effets indésirables et contre-indications).
Les essais cliniques fournissent des pourcentages de patients répondeurs mais il n’est pas possible de prévoir de façon fiable l’efficacité d’un médicament chez un patient donné. De ce fait, le traitement devra être individualisé tant en ce qui concerne le choix des médicaments que les posologies.
Efficacité des traitements de la crise
L’efficacité des traitements de la crise a été évaluée dans différents essais cliniques sur la base de leur capacité à faire régresser la céphalée. Dans quelques essais, l’évaluation a également porté sur les symptômes associés: nausées, photo/phonophobie. Les deux critères utilisés pour évaluer l’efficacité du traitement sur la douleur étaient:
– l’existence d’une réponse partielle au traitement: amélioration de la céphalée;
– l’existence d’une réponse totale, c’est-à-dire la disparition de la céphalée.
Dans les études, l’effet placebo est particulièrement significatif puisque 20 à 30% des patients voient leur état s’améliorer sous placebo.
L’administration de 1 000mg de paracétamol entraîne une amélioration de la céphalée 2h après la prise chez 50 à 55% des patients et 22% voient leur douleur totalement disparaître (Lipton, 2000a). Des doses plus faibles (500-600mg) sont sans effet significatif.
Associée ou non au métoclopramide, l’aspirine par voie orale exerce une efficacité sensiblement équivalente (57% de patients améliorés 2h après la prise) (Tfelt-Hansen, 1980, Ross-Lee, 1982 and Oldman et al., 2002). En outre, l’association au métoclopramide s’accompagne d’une réduction des nausées. L’avantage de l’aspirine et du paracétamol résulte de leur facilité d’obtention et de leur coût réduit.
Administrés par voie orale, les AINS suivants: naproxène (750-1 250mg) (Pradalier, 1985, Nestvold, 1985 and Treves et al., 1992) kétoprofène (100mg) (Karabestos, 1997), ibuprofène (200-400mg) (Havanka-kanniainen, 1989; Codispoti, 2001) et diclofénac (50-100mg) (Karachalios, 1992; The diclofenac K/Sumatripan group, 1999) améliorent significativement la céphalée 2 heures après la prise. Leur efficacité est supérieure par voie IM puisque dans ce cas l’amélioration concerne 85 à 90% des patients. En pratique clinique, l’efficacité des AINS se situe entre celle du paracétamol et celle des triptans.