35. Traitement de la douleur
Michel Luyckx
Professeur de pharmacie clinique, UFR pharmacie, Lille, praticien hospitalier pharmacien, Centre hospitalier de Denain, France
PLAN DU CHAPITRE
Optimisation thérapeutique734
CE QU’IL FAUT RETENIR747
ÉTUDE DE CAS CLINIQUES748
Références bibliographiques751
GÉNÉRALITÉS
PHYSIOPATHOLOGIE
Cette définition qui intègre la dimension affective et émotionnelle à la dimension sensorielle paraît la plus satisfaisante, car elle rend compte de l’ensemble des mécanismes générateurs de la douleur qui peuvent être d’origine physique ou psychologique.
Mécanismes
► Mécanismes périphériques
Des récepteurs appelés nocicepteurs peuvent être activés ou sensibilisés par des stimuli mécaniques (pression), thermiques (chaleur, froid) ou chimiques (substances algogènes). Ces nocicepteurs sont situés en périphérie dans les tissus cutanés, musculaires, articulaires et dans la paroi des viscères.
Les nocicepteurs activés vont générer des messages qui seront véhiculés par deux types de fibres: les fibres Aδ peu myélinisées et C non myélinisées. Ces nocicepteurs qui sont en général des chémorécepteurs vont être activés ou sensibilisés par des médiateurs libérés à proximité de ces récepteurs. Les lésions tissulaires peuvent entraîner la libération d’ions H+, K+ et activer les nocicepteurs. L’inflammation par libération de prostaglandines (PGE2 et PGI2), de leucotriènes (LTB4) et de bradykinine peut permettre la sensibilisation des nocicepteurs aux ions H+ et K+. Les nocicepteurs peuvent également libérer la substance P qui pourra autoactiver directement les nocicepteurs euxmêmes. Les nocicepteurs peuvent aussi entraîner la dégranulation mastocytaire, libérant ainsi l’histamine et la sérotonine qui pourront à leur tour activer les nocicepteurs.
► Mécanismes médullaires
Les fibres afférentes Aδ et C vont atteindre le SNC dans la substance grise de la moelle épinière, au niveau des racines rachidiennes postérieures. Le relais est alors pris par des neurones spinaux (médullaires) qui transmettent les messages nociceptifs vers les centres supérieurs (faisceau spinothalamique qui se projette vers les régions latérales et médianes du thalamus, faisceau spinoréticulaire qui se projette vers la formation réticulée au niveau bulbaire et faisceau spino-pontomésencéphalique qui se projette vers le mésencéphale).
Les enképhalines (ligands endogènes) se fixent sur les récepteurs opioïdes situés au niveau présynaptique des fibres afférentes Aδ et C et bloquent la libération de substance P, provoquant ainsi une dépression directe de la transmission du message nociceptif à l’étage médullaire.
D’autres médiateurs, comme la somatostatine, le vasointestinal peptide, les acides aminés excitateurs (glutamate) peuvent aussi jouer le rôle de neuromédiateurs au niveau médullaire.
► Mécanismes supraspinaux
Les messages nociceptifs arrivant au niveau des centres supérieurs provoquent:
– par les relais bulbaires: des réactions motrices et d’éveil;
– par les relais mésencéphaliques: des réactions émotionnelles;
– par les relais thalamiques: des réactions motrices et émotionnelles, la sensation d’intensité et de localisation de la douleur.
► Systèmes de contrôle
La douleur survient lorsqu’il y a rupture de l’équilibre entre les messages nociceptifs excitateurs et inhibiteurs, le message excitateur prenant alors le dessus.
Plusieurs types de contrôles peuvent être distingués:
Le contrôle segmentaire
Les afférences cutanées de type Aα et A (grosses fibres) qui sont à l’origine des sensations tactiles légères peuvent inhiber au niveau médullaire la transmission des influx nociceptifs (d’où l’utilisation des techniques de neurostimulation de faible intensité et de fréquence élevée pour combattre la douleur).
Le contrôle d’origine supraspinale
À partir du tronc cérébral (mésencéphale, bulbe) se projettent des voies descendantes inhibitrices sérotoninergiques et noradrénergiques qui permettent la libération d’endorphines.
Classification des douleurs
Différentes classifications existent:
► Classification temporelle
Douleur aiguë
Elle est récente, transitoire. Elle peut être provoquée par une brûlure, une piqûre et persiste jusqu’à la cicatrisation. On la rencontre surtout en postopératoire, en traumatologie. Elle est due à un excès de nociception et fait office de signal d’alarme pour le patient, afin qu’il puisse réagir, par exemple, par un mouvement de retrait pour éviter cette douleur. Elle est génératrice d’anxiété et de stress.
Douleur chronique
La douleur aiguë peut se prolonger et devenir un syndrome. Elle perd alors sa fonction d’alerte. On parlera de douleur chronique lorsqu’elle se prolonge plus de 3 à 6 mois. Elle est associée à des troubles de l’appétit et des pertes de sommeil. Elle devient la préoccupation dominante du sujet et entraîne souvent une dépression.
► Classification selon le mécanisme physiopathologique
Douleur par excès de nociception
Il existe une stimulation excessive des récepteurs périphériques qui peut être due:
– à une inflammation;
– à une ischémie.
Douleur par désafférentation ou neurogène
Elle provient d’une interruption des voies de la nociception qui peut être due:
– à des lésions du système nerveux périphérique (douleur des amputés, neuropathie périphérique du diabétique et de l’alcoolique, douleurs post-zostériennes);
– aux douleurs liées à une compression tumorale, douleurs du sida;
– à des lésions du SNC (accident vasculaire thalamique, paraplégie, compression, etc.).
MÉDICAMENTS UTILISÉS
Ces médicaments sont appelés antalgiques ou analgésiques. Les antalgiques calment ou suppriment la douleur due à une pathologie, alors que les analgésiques suppriment la sensibilité à la douleur. Nous utiliserons ici le terme «antalgique». On peut également utiliser des coantalgiques pour combattre la douleur.
Classification des antalgiques
Les différents médicaments utilisés dans la thérapeutique de la douleur (et actuellement commercialisés en France) sont classés dans les Tableau 35.1, Tableau 35.2, Tableau 35.3, Tableau 35.4 and Tableau 35.5 (Cohen, 2000; Vidal, 2007).
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
Antalgiques purs | |||
floctafénine | Idarac | Comprimé | 200mg |
néfopam | Acupan | Sol. inj. IM/IV | 20mg/2mL |
Antalgiques antipyrétiques | |||
Paracétamol | Claradol | Comprimé | 500mg |
Dafalgan | Gélule, comprimé | 500mg, 1 000mg | |
Suppositoire | 600mg | ||
Dolitabs | Cp orodispersible | 500mg | |
Doliprane | Sachet Comprimé, comprimé eff., gélule Suppositoire Suspension buvable (sans sucre) | 100, 150, 200, 300, 500, 1 000mg 500, 1 000mg 100, 150, 200, 300, 1 000mg 2,4% | |
Dolko | Comprimé, Sachet Sol. buvable Suppositoire | 500, 1 000mg 60mg/2mL 80, 170mg | |
Efféralgan | Comprimé eff., comprimé Sachet eff. Solution buvable Suppositoire | 500, 1 000mg 80, 150, 250mg 3% 80, 150, 300mg | |
Expandox | Comprimé | 500mg | |
Fébrectol | Suppositoire | 150, 300, 600mg | |
Géluprane | Gélule | 500mg | |
Panadol | Comprimé | Comprimé | |
Paralyoc | Lyophilisat oral | 250, 500mg | |
Perfalgan | Lyophilisat oral | 500 et 1 000mg (10mg/mL) | |
propacétamol | Propacétamol MERCK | Sol. inj. IM/IV | 1000, 2 000mg |
Antalgiques antipyrétiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens | |||
acide acétylsalicylique | Alka-Seltzer | Comprimé eff. | 324mg |
Aspégic | Sachet Sol. inj. IM/IV | 100, 250, 500, 1 000mg 500, 1 000mg | |
Aspirine pH8 | Comprimé gastrorésistant | 500mg | |
Aspirine Protect | Comprimé | 300mg | |
Aspirine du Rhône | Comprimé, comprimé à croquer | 500mg | |
Aspirine UPSA | Comprimé eff. Gélule | 500, 1 000mg 325mg | |
Aspirisucre | Comprimé à croquer | 400mg | |
Aspro | Comprimé, comprimé eff. Comprimé | 500mg 320mg | |
Catalgine | Sachet | 100, 250, 500, 1 000mg | |
Claragine | Comprimé eff. | 500mg | |
bénorilate | Salipran | Sachet | 2 000mg |
fénoprofène | Nalgésic | Comprimé | 300mg |
ibuprofène | Advil | Comprimé Suspension buvable | 100, 200, 400mg 20mg/mL |
Anadvil | Comprimé | 200mg | |
Antarène | Comprimé Suspension buvable | 100,200, 400mg 20mg/mL | |
Brufen | Comprimé | 400mg | |
Hémagène Tailleur | Comprimé | 200mg | |
Intralgis | Comprimé, comp eff. | 200mg | |
Nuréflex | Comprimé, sachet Gélule LP Susp. buvable | 200, 400mg 300mg 20mg/mL | |
Nurofen | Comprimé, capsule | 200mg | |
Solufen Gé | Gélule | 200mg | |
Upfen | Comprimé, comprimé eff. | 200mg | |
kétoprofène | Profénid | Sol. inj. IM/IV Comprimé Gélule Comp LP, gélule LP | 100mg 100mg 50mg 200mg |
Topféna | Gélule LP | 100, 200mg | |
Toprec | Comprimé Sirop | 25mg 1mg/mL | |
acide méfénamique | Ponstyl | Gélule | 250 mg |
naproxène | Alève | Comprimé | 220mg |
Antalgiques anti-inflammatoires inhibiteurs préférentiels de COX2 | |||
nimésulide | Nexen | Comprimé Granulés | 100mg |
Antalgiques anti-inflammatoires inhibiteurs sélectifs de COX2 | |||
célecoxib | Celebrex | Comprimé Granulés | 100, 200mg |
parécoxib | Dynastat | Sol inj | 20, 40mg |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
Codéine et dérivés | |||
dihydrocodéine | Dicodin LP | Comprimé | 60mg |
codéine | Codenfan | Sirop | 1mg/mL |
codéine associée | Algisédal | Comprimé | codéine 25mg + paracétamol 400mg |
Claradol Codéine | Comprimé | codéine 20mg + paracétamol 500mg | |
Codoliprane | Comprimé | codéine 20mg + paracétamol 400mg | |
Dafalgan Codéine | Comprimé | codéine 30mg + paracétamol 500mg | |
Efféralgan Codéine | Comprimé eff. | codéine 30mg + paracétamol 500mg | |
Klipal | Comprimé | codéine 50mg + paracétamol 600mg | |
codéine 25mg + paracétamol 300mg | |||
Lindilane | Comprimé | codéine 25mg + paracétamol 400mg | |
Migralgine | Gélule Solution buvable | codéine 20mg + caféine 62,5mg + paracétamol 400mg codéine 19,5mg/c à s + caféine 62,25mg/c à s + paracétamol 400, 5mg/c à s | |
Prontalgine | Comprimé | codéine 20mg + caféine 50mg + paracétamol 400mg | |
Dextropropoxyphène | |||
Dextropropoxyphène associé | Di-Antalvic | Gélule | dextropropoxyphène: 30mg + paracétamol: 400mg |
Di-Dolko Gé | Gélule | dextropropoxyphène: 30mg + paracétamol: 400mg | |
Dioalgo Gé | Gélule | dextropropoxyphène: 30mg + paracétamol: 400mg | |
Propofan | Comprimé | dextropropoxyphène: 27mg + caféine: 30mg + paracétamol: 400mgs | |
Tramadol | |||
tramadol | Biodalgic | Comprimé eff. | 50mg |
Contramal | Gélule Solution buvable Injectable IV | 50mg 100mg/mL 100mg/2mL | |
Contramal LP | Comprimé LP | 100, 150, 200mg | |
Topalgic | Gélule Solution buvable Injectable IV | 50mg 100mg/mL 100mg | |
Topalgic LP | Comprimé | 100,150 et 200mg | |
Zamudol, Contramal, Topalgic | Injectable IV | 100mg/2mL | |
Zamudol LP | Gélule LP | 50, 100, 150, 200mg | |
Zumalgic Gé | Comprimé eff. | 50mg, 100mg | |
tramadol associé | Ixprim, Zaldiar | Comprimé | tramadol: 37,5mg + paracétamol 325mg |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
Agonistes purs | |||
fentanyl | Durogésic | Dispositif transdermique | 12, 25, 50, 75 et 100 μg/h |
fentanyl | Actiq | Comprimé buccal | 200, 400, 600, 800, 1 000, 1 200, 1 400, 1 600 μg |
hydromorphone | Sophidone LP | Gélule LP | 4, 8, 16, 24mg |
morphine orale | Actiskénan | Gélule | 5, 10, 20, 30mg |
Kapanol LP | Gélule | 20, 50, 100mg | |
Morphine Aguettant | Solution buvable | 150mg/30mL | |
Moscontin LP | Comprimé | 10, 30, 60, 100, 200mg | |
Sévrédol | Comprimé | 10, 20mg | |
Skénan LP | Gélule | 10, 30, 60, 100, 200mg | |
morphine injectable | Morphine Aguettant | Sol. inj. sous-cutanée, IM, IV | 10, 20, 40mg/mL |
Morphine Cooper | Sol. Inj. SC, IM, IV | 20mg/2mL | |
Morphine Lavoisier | Sol. inj. sans conservateur | 10, 20mg/mL 50, 100mg/5mL | |
Morphine Méram | Sol. inj. sous-cutanée, IM, IV | 10, 20mg/mL | |
Morphine Renaudin | Sol. Inj. SC, IM, IV | 1, 10mg/mL, 50, 100mg/5mL | |
péthidine | Péthidine Renaudin | Sol. Inj. IM/IV | 100mg/2mL |
oxycodone | Oxynorm | Gélule | 5, 10, 20mg |
Oxicontin LP | Comprimé | 10, 20, 40, 80mg | |
buprénorphine | Temgésic | Comprimé sublingual Sol. inj. | 0,2mg 0,3mg/mL |
nalbuphine | Nalbuphine générique | Sol. inj. sous-cutanée, IM/IV | 20mg/2mL |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
oxygène + protoxyde d’azote | Kalinox Medimix | Inhalation | 2, 5, 15, 20L |
Principes actifs | Noms de commercialisation | Formes galéniques | Dosages |
---|---|---|---|
Antidépresseurs | |||
amitriptyline | Laroxyl | Comprimé Solution buvable Sol. inj. IM/IV | 25, 50mg 40mg/mL 50mg/2mL |
imipramine | Tofranil | Comprimé | 25mg |
Anticonvulsivants | |||
carbamazépine | Tégrétol | Comprimé Comprimé LP Susp. buvable | 200mg 200 et 400mg 20mg/mL |
phénytoïne | dihydan | Comprimé | 100mg |
gabapentine | neurontin | Comprimé Gélule | 600, 800mg 100, 300, 400mg |
Neuroleptiques | |||
Tiapride | Tiapridal | Comprimé Sol inj | 100mg 100mg/2mL |
Mécanismes d’action
► Antalgiques non opioïdes
Ces antalgiques ont principalement une action périphérique au niveau des lésions tissulaires et ont donc été appelés «périphériques» pour cette raison. Ils agissent en inhibant les cyclooxygénases et donc la synthèse des prostaglandines. Il en résulte une diminution de la sensibilisation des fibres A et C aux médiateurs algogènes (histamine, sérotonine, bradykinine, H +, K +, etc.).
Toutefois, les antalgiques «périphériques» peuvent aussi avoir une action centrale. Ainsi, le paracétamol agit surtout en inhibant la cyclooxygénase cérébrale. Il diminue donc la production de prostaglandines au niveau du SNC, ce qui permet l’activation des voies descendantes inhibitrices sérotoninergiques.
Le terme d’antalgique «périphérique» doit donc être substitué maintenant par celui d’antalgique non opioïde.
Ces dérivés ont une action antalgique limitée par un effet plafond. Certains d’entre eux possèdent également des propriétés antipyrétiques et anti-inflammatoires.
On distingue dans les antalgiques non opioïdes:
– les antalgiques non opioïdes purs: floctafénine et néfopam;
– les antalgiques antipyrétiques: paracétamol, propacétamol, les antalgiques antipyrétiques anti-inflammatoires non stéroïdiens; salicylés (aspirine, bénorilate), dérivés arylcarboxyliques (fénoprofène, ibuprofène, kétoprofène, naproxène), fénamates (acide méfénamique);
– les antalgiques anti-inflammatoires inhibiteurs préférentiels de COX 2: nimésulide;
– les antalgiques anti-inflammatoires inhibiteurs sélectifs de COX 2: célécoxib, parécoxib.
► Antalgiques opioïdes
Ces antalgiques ont une action centrale (Chauvin, 1993):
– action spinale: ils agissent en se fixant sur les récepteurs opioïdes au niveau spinal et dépriment la transmission du message nociceptif en inhibant la libération de substance P;
– action supra spinale: en se fixant sur les récepteurs opioïdes au niveau du SNC, ils augmentent le contrôle inhibiteur exercé par les structures supra spinales sur la totalité des neurones nociceptifs.
Ces antalgiques possèdent également une action périphérique. C’est la raison pour laquelle le terme d’antalgique opioïde est préférable à celui d’antalgique central. Ces antalgiques opioïdes se fixent tous sur les récepteurs opiacés, mais avec des affinités variables selon les produits et les différents types de récepteurs.
Les récepteurs mu seraient responsables de l’analgésie spinale et supra spinale, de l’euphorie, de la dépression respiratoire et des phénomènes de dépendance physique. Les récepteurs kappa seraient responsables de l’analgésie spinale, de la sédation et du myosis. Les récepteurs delta seraient responsables de l’analgésie en modulant les effets du récepteur mu. Les récepteurs sigma seraient responsables des dysphories et des hallucinations.
Les ligands opioïdes peuvent être séparés en:
– agonistes: ils vont activer le récepteur mu et entraîner une réponse dose dépendante:
• agonistes purs de faible activité: dextropropoxyphène, codéine, dihydrocodéine, tramadol,
• agonistes purs de forte activité: morphine, péthidine, fentanyl, hydromorphone, oxycodone;
– agonistes antagonistes de forte activité: nalbuphine et buprénorphine. Ils se fixent sur les récepteurs opioïdes et entraînent une activité antalgique, mais ayant une affinité plus forte que celle de la morphine pour ces récepteurs, ils vont donc déplacer cet agoniste et donc diminuer son action. L’activité antalgique de ces produits est caractérisée par un effet plafond;
– antagonistes: naloxone, naltrexone. Ils permettent de lever l’action des agonistes.
► Mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA): effet analgésique majeur
► Médicaments n’appartenant pas à la classe des antalgiques mais utilisés dans les douleurs neurogènes
Ces médicaments peuvent, seuls ou associés, diminuer la douleur. Il s’agit des antidépresseurs tricycliques ou d’inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, d’anticonvulsivants.
Certains possèdent une AMM pour leurs propriétés antalgiques.
Pharmacocinétique
► Antalgiques non opioïdes
• Paracétamol
Résorption
Per os et par voie rectale, la résorption est rapide (pic obtenu entre 30 et 90min après la prise) et forte (biodisponibilité supérieure à 80%). Elle est diminuée par la prise d’aliments et par la position allongée. Le paracétamol peut être maintenant utilisé par voie injectable (Perfalgan). Le propacétamol soluble peut être utilisé par voie parentérale. C’est un précurseur du paracétamol qui est rapidement hydrolysé par les estérases plasmatiques en paracétamol. La pharmacocinétique est ensuite identique à celle du paracétamol.
Distribution
Très faible liaison protéique plasmatique et donc pas d’interférence avec les anticoagulants oraux à la différence des salicylés. Volume de distribution de 0,9L/kg.
Métabolisation
Forte biotransformation hépatique en dérivés glyco- et sulfoconjugués inactifs. En cas d’intoxication, la N-acétyl p-benzoquinone-imine, métabolite toxique est formée en grande quantité et sature les capacités de fixation du glutathion réduit. Ce métabolite se fixe alors sur les macromolécules de la cellule hépatique et entraîne une nécrose hépatique. L’antidote est la N-acétylcystéine (Fluimicil inj).
Élimination
90% d’élimination sous forme de métabolites inactifs en 24h et temps de demi-vie plasmatique rapide (2h) qui augmente en cas d’insuffisance hépatocellulaire.
• Aspirine
Résorption
La résorption par voie orale a lieu dans l’estomac et dans la partie terminale de l’intestin grêle. Sa vitesse varie selon la forme galénique:
– forme soluble (acétylsalicylate de lysine): pic plasmatique en 15min;
– forme orale effervescente: pic plasmatique en 20min;
– forme orale simple (comprimé): pic plasmatique en 2 à 4h.
Distribution
Fixation importante (80 à 95%) sur les protéines plasmatiques entraînant de nombreuses interacinteractions médicamenteuses. Volume de distribution très faible (0,16L/kg).
Métabolisation
Les estérases plasmatiques hépatiques et érythrocytaires hydrolysent rapidement l’aspirine en acide salicylique actif.
Élimination
Principalement urinaire sous forme de métabolites conjugués. Le temps de demi-vie plasmatique est compris entre 3 et 5 heures pour l’acide salicylique. Il est compris entre 15 et 30min pour l’aspirine. La clairance plasmatique totale augmente si le pH urinaire augmente.
• Dérivés arylcarboxyliques
Ce sont des acides faibles lipophiles qui possèdent le même profil pharmacocinétique (sauf pour l’élimination).
Résorption
Biodisponibilité forte.
Distribution
Forte liaison protéique plasmatique (60 à 95%) et faible volume de distribution (0,1L/kg).
Métabolisation
Hépatique.
Élimination
Rénale, la rapidité est variable selon les produits.
• Célécoxib
Résorption
Biodisponibilité forte par voie orale.
Distribution
Forte liaison aux protéines plasmatiques (85-97%).
Métabolisation
Hépatique.
Élimination
Rénale, demi-vie comprise entre 12 et 17 heures.
► Antalgiques opioïdes de faible activité
• Codéine
Résorption
Par voie orale, 70% de résorption au niveau intestinal. Cette résorption est rapide, le pic plasmatique est obtenu au bout d’une heure.
Distribution
Faible fixation aux protéines plasmatiques.
Métabolisation
Rapide au niveau hépatique en dérivés glycuronoconjugués et en morphine. La codéine qui a une très faible activité sur les récepteurs mu doit ses propriétés antalgiques à sa transformation en morphine. Cependant, cette voie métabolique est perturbée chez 10% des sujets, ce qui explique les variations interindividuelles observées avec ce composé.
Élimination
La demi-vie plasmatique varie entre 2,5 et 3h; sa durée d’action antalgique est de 4 à 6h.
• Dextropropoxyphène
Distribution
La liaison protéique plasmatique est de 70%.
Métabolisation
Le dextropropoxyphène est dégradé au niveau hépatique en norpropoxyphène peu antalgique, mais hépatotoxique. Ce métabolite toxique peut s’accumuler (temps de demi-vie d’élimination plasmatique très lent, entre 6 et 22h).
Élimination
Temps de demi-vie d’élimination plasmatique très variable, selon les sujets entre 3 et 15h.
• Tramadol
Résorption
Forte (90%) et rapide; pic plasmatique obtenu en 2 heures par voie orale.
Distribution
Faible liaison protéique plasmatique.
Métabolisation
Hépatique par déméthylation. Il existe de grandes variations interindividuelles dans la formation du O-desméthyltramadol, métabolite plus puissant que la molécule mère.
Élimination
Urinaire, à 70% sous forme métabolisée. Le temps de demi-vie du tramadol et du O-desméthyltramadol est égal à 8h.
► Antalgiques opioïdes de forte activité
• Fentanyl
Résorption
Par voie transdermique (Durogésic), il n’y a pas d’effet de premier passage hépatique comme par voie orale. La libération du principe actif est progressive sur 72h, ce qui permet l’utilisation d’un dispositif tous les trois jours. Par cette voie, le lag time est égal à 2 heures et la concentration plasmatique maximale est obtenue au bout de 24h, ce qui nécessite l’adjonction d’un second antalgique lors de la première pose du dispositif. L’intensité de résorption cutanée est très variable (plus ou moins 50%), selon l’épaisseur de la peau, sa température, les conditions de pose (peau sèche ou humide, rasée ou non, etc.). Par voie orale transmuqueuse (Actiq), la durée de la dissolution totale du comprimé est de 15min, le délai d’action antalgique est rapide (5min).
Métabolisation
Elle est hépatique et diminue beaucoup chez l’insuffisant hépatique et chez le sujet âgé.
Élimination
Le temps de demi-vie apparent d’élimination plasmatique après retrait du dispositif transdermique est égal à 12h, ce qui limite l’apparition du syndrome de sevrage. Par voie IV, le temps de demi-vie d’élimination plasmatique varie entre 3 et 4h. Par voie transmuqueuse (Actiq), l’élimination est rapide avec une durée d’action antalgique de 2 à 4 heures.
• Hydromorphone
Résorption
Par voie orale, la résorption se situe au niveau gastro-intestinal avec une élimination présystémique résultant en une biodisponibilité de l’ordre de 36%.
Distribution
Sa liaison aux protéines plasmatiques est très faible, de l’ordre de 8%.
Métabolisme
Elle subit un métabolisme hépatique en hydromorphone-3-glucuronide, dihydroisomorphine et dihydromorphine.
Élimination
L’élimination se fait dans les urines principalement en hydromorphone-3-glucuronide. Sa demivie d’élimination est de 2,5 heures; sa durée d’action antalgique est de 8 à 12 heures.
• Morphine
Résorption
Par voie orale, la biodisponibilité est très variable (de 10 à 50%), en raison d’un fort métabolisme par premier passage hépatique. Les formes à libération prolongée à base de sulfate de morphine entraînent un pic variable obtenu au bout de 2 à 8h, selon les spécialités commercialisées. La libération de la morphine est soit continue sur 12h (Moscontin LP, Skénan LP), soit sur 24h (Kapanol LP), ce qui permet soit une administration biquotidienne (Moscontin LP, Skénan LP), soit quotidienne (Kapanol LP).
Par voie IM et sous-cutanée, la résorption est complète.
Distribution
La liaison aux protéines plasmatiques varie de 30 à 40%.
Métabolisation
La morphine est fortement métabolisée au niveau hépatique en morphine 3-glucuronide inactif, en morphine 6-glucuronide et normorphine actifs.
Élimination
La morphine 6-glucuronide peut s’accumuler chez l’insuffisant rénal et entraîner une dépression respiratoire. Chez l’insuffisant hépatique, il convient également de diminuer les doses, en raison du déficit du catabolisme de la morphine.
Les formes orales à libération immédiate (Actiskénan, Sévrédol, Sévrédol solution buvable) ont une demi-vie d’élimination courte de 4 heures correspondant à leur durée d’action antalgique.
Le temps de demi-vie plasmatique de la morphine par voies IV, IM, sous-cutanée, varie de 2 à 6h, ce qui oblige à des administrations réitérées (4 à 6/j) ou à l’utilisation d’administration continue par pompe.
• Oxycodone
Résorption
Elle est rapide (30 à 60min) pour la forme à libération immédiate (Oxynorm) et plus lente (2 à 3 heures) pour la forme LP (Oxycontin LP).
Élimination
La durée d’action antalgique est de 3 à 5 heures pour Oxynorm, elle est de 12 heures pour Oxycontin LP.
► Agonistes antagonistes de forte activité
• Buprénorphine
Distribution
La fixation aux protéines plasmatiques est forte (96%).
Métabolisation
Forte métabolisation hépatique.
Élimination
Elle est presque entièrement biliaire, 70% de la dose est éliminée dans les selles. La durée d’action est de 6 à 8h pour la voie IM/IV et de 8 à 12h pour la voie sublinguale.
► Mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote
Résorption
Très rapide, l’effet analgésique apparaît au bout de 3min.
Élimination
Très rapide, l’effet disparaît dans les minutes qui suivent l’inhalation, le mélange est éliminé sous forme inchangée par voie pulmonaire.
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
Les critères de choix d’un antalgique efficace dépendront de la nature de la douleur et de l’intensité de la douleur.
DOULEURS NEUROGÈNES
Les douleurs de désafférentation ou neurogènes sont traitées principalement par:
– les antidépresseurs tricycliques pour les douleurs permanentes (amitriptyline, clomipramine, imipramine), à dose inférieure à la posologie antidépressive;
– les anticonvulsivants (clonazépam et carbamazépine pour les douleurs fulgurantes, gabapentine pour les douleurs fulgurantes et permanentes);
– les neuroleptiques (tiapride);
– la neurostimulation;
– éventuellement par les anesthésiques locaux.
Ainsi, par exemple:
Dans les neuropathies périphériques du diabétique
Les antidépresseurs tricycliques de première génération (amitriptyline, imipramine) ont une efficacité identique (Max, 1992). Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ne semblent pas actifs dans cette pathologie. On peut également utiliser la lidocaïne par voie IV.
Dans les névralgies post-zostériennes
Les antidépresseurs tricycliques sont également efficaces (Watson, 1995; Watson, 1998). La gabapentine possède une AMM dans le traitement des douleurs zostériennes. La lidocaïne peut aussi être utilisée. En revanche, les antalgiques non opioïdes ne sont pas efficaces à long terme.
Dans la névralgie du trijumeau
La carbamazépine constitue le traitement de référence (Taylor, 1981) et le baclofène est utilisé en 2e intention (Steardo, 1984).
D’autres anticonvulsivants, comme la phénytoïne, le clonazépam, le valproate de sodium seront prescrits en cas d’échec (Sweet, 1986).
Dans les douleurs neurogènes post-traumatiques
Le fond douloureux est traité par les antidépresseurs tricycliques, les phénomènes paroxystiques par la carbamazépine et le baclofène.